Thonolan avançait sous la pluie battante. Plus tard, en enlevant ses vêtements trempés, il se souviendrait d’une vague impression de froid gluant qu’il associerait à la pluie, mais pour l’instant le froid lui semblait être une chose intérieure.


Depuis quelques semaines, depuis la mort de Lymion –la mort de Lymion ! il avait du mal à penser ces mots- Thonolan ne savait plus trop quoi faire de lui-même. Comme tous les autres Zélotes. Il aurait voulu saisir son épée, et déchainer sa magie à l’assaut de l’ennemi. Ou mieux encore, revêtir la forme familière du grand loup gris, se perdre dans l’instinct de la chasse et planter ses dents dans la gorge du coupable. Jamais auparavant il n’avait ressenti aussi fort le désir de tuer. Sa première éducation de gentilhomme Cydien était trop ancrée en lui, il était trop civilisé, pour se laisser aller complètement à la folie meurtrière, même au plus fort d’une bataille. En tant que Zélote, il avait été un des plus ardents partisans du dialogue. Les Zélotes se devaient de défendre Cydonia avant tout, pas de poursuivre une quête de vengeance inutile et injustifiée. Il avait toujours refusé de considérer les templiers comme ses ennemis personnels, comme le faisaient nombre de ses compatriotes. Oh, évidemment, il se serait défendu d’une attaque, mais jamais il n’avait porté le premier coup.


Aujourd'hui, il n’était plus sur de rien. Soren avait appelé à la vengeance, et Thonolan s’était vu répondre, comme les autres, sans avoir conscience d’en avoir pris la décision.


Arrivé devant la prison, il adressa un signe aux gardes, qui durent le reconnaitre. Thonolan s’arrêta une seconde. Il devait reprendre son calme. Cet homme n’était pas le meurtrier de Lymion – Mais il peut te conduire a elle, pensa-t-il. Si tu t’y prends bien, si tu restes calme.


Il ouvrit la porte et entra sans plus de cérémonies. La petite pièce aux murs de pierre n’avait pas de fenêtres, la seule lumière provenant de deux lampes à huiles accrochées de part et d’autre de la porte. Le prisonnier était attache à sa chaise, laquelle, avec une autre chaise et une table de bois brut, formaient le seul ameublement. Un homme d’une quarantaine d’années, il n’était pas en trop mauvaise forme – Soren s’était assure de le faire examiner par un guérisseur dès son arrivée, pour éviter qu’il ne meure avant l’interrogatoire. Evidemment. Il n’avait pas l’air effrayé, ou anxieux, d’ailleurs, il sembla à peine remarquer l’arrivée du Zelote. Une fraction de seconde, Thonolan se demanda jusqu’ou il était prêt à aller, pour obtenir ce qu’il voulait savoir. N’y pense pas. Tu verras en temps voulu. Tu feras ce qu’il faudra.


Il prit l’autre chaise et s’assit en face du prisonnier. Il n’avait pas besoin de réfléchir. Juste, ramener les réponses à Naly, et ensuite s’assurer de faire partie de la mission qui serait envoyée aux trousses de la meurtrière. Alors, il n’y aurait plus que l’épée, la logique froide d’une bataille. Plus de doute, plus d’incertitude. Des qu’il aurait la réponse.

- Ou est Celyween ? Aboya-t-il brusquement.

Apres tout, c’était tout ce qu’il avait besoin de savoir.

Thonolan avait beau s’y attendre, la réponse du templier parvint à l’énerver. Mais qu’est-ce que tu espérais, qu’il allait te la livrer, comme ça, sur un plateau d’argent ? Il n’y croyait pas, mais il l’avait espéré. Cela leur aurait évité, à tous les deux, des moments … désagréables. De même, l’insulte envers maitre Lymion le touchait plus qu’il ne l’aurait cru. Il se força à se reculer sur sa chaise, à prendre une posture nonchalante.

« Je ne mettrai pas tout Azthia à feu et a sang, comme tu dis, seulement toi. » Il articulait avec précision, faisant résonner chaque mot, pour être sur que l’autre en saisisse bien le sens. Et aussi parce qu’il lui fallait ce contrôle sur sa propre rage. S’il tuait le prisonnier maintenant, il laissait échapper leur seule chance de parvenir à Celyween.

« Tu n’as pas idée de ce dont tu parles. Maitre Lymion a toujours œuvré pour la paix. Il s’est même rendu dans votre temple, pour offrir réparation d’un tord dont vous nous aviez accusés sans preuves. Peux-tu en dire autant ? Un seul d’entre vous, sournois manipulateurs d'esprits, pourrait-il en dire autant ? Pour autant que je sois concerné, si je mettais un couteau dans le cœur de Celyween, ce ne serait pas de la vengeance, ce serait de la justice. »

« Mais soyons honnêtes, toi et moi, » continua-t-il en se penchant en avant, pour regarder le prisonnier bien en face. « En fait, la justice n’a plus grand-chose à voir ici. De toute façon, nous aurons Celyween un jour, mais moi, je la veux, maintenant. Tu sais ou elle est, et tu vas me le dire, quelle que soit la façon dont je dois m’y prendre, c’est aussi simple que ca. Quant aux « coups d’épée et brulures » que tu semble attendre avec tant d'impatience, je te prie de croire que je peux faire beaucoup mieux que ca. Apres tout, je suis bien un magicien, n’est-ce pas ? »

Thonolan se tint immobile après ca, attendant la réponse de l’autre. Il bluffait, en grande partie. Le Zélote n’avait pas la moindre idée de ce qu’il pourrait faire au prisonnier qui serait à la fois douloureux et sans danger pour sa vie. D‘ailleurs, il ne savait même pas s’il serait capable de torturer un homme de sang froid. N’y pense pas, n’y pense pas… Et quant à utiliser son pouvoir… quoi ? lui faire pousser des fleurs sur la tête ?

Non, pas des fleurs. La chaise. La chaise est en bois. Comment trouverait-il de sentir des branches pousser dans son dos, autour de ses cotes, et serrer ? ou produire tout a coup un million d’épines ? voila une idée qui lui plaisait infiniment plus que des lames chauffées à blanc.

[Ton idée de torture est très bonne et très originale, je t'autorise à nous la décrire et à manipuler les cris de mon PNJ^^ si tu décides de la mettre en place]


L'espace d'un instant, l'accusé semblait réaliser dans quelle situation il était. Il vous regarda tour à tour, posant ses yeux lourds de nostalgie sur Soren qui était, lui, d'un calme insolant. Comme s'il était lui aussi persuadé qu'il finirait de toute manière par attraper Celyween. En même temps, que pourrait faire une poignée de Crépusculaires face à l'armada de Cydonia? Rien. Et Ankdor ne ferait rien non plus pour les aider.

"Mon temple? Votre vision étroite n'admet pas le fait que nous soyons des entités bien différentes. De toute manière pour vous, tous les étrangers sont le même je présume."

Il baissa la tête et se força finalement à dire.

"Je sais déjà que je ne survivrai pas, même si je parle. Ma famille m'attend, alors finissons-en. Permettez au moins à mes enfants de faire leur deuil en paix".