[Ces évènements se passent avant la rencontre à l'auberge avec Elyncia]

Raven venait d’arriver à Tamawa et l’heure n’était pas encore à la consommation d’alcool. Le soleil était à mi-trajet entre son zénith et l’horizon. Il fallait visiter ! Déambulant dans les rues, il regarda attentivement l’agencement de la ville et l’architecture. C’était un travail assez remarquable. Le jeune homme ne connaissant pas la ville, et c’est par hasard qu’il se retrouva devant un grand bâtiment. On n’avait pas trop de mal à se rendre compte que c’était en réalité un temple. Certes il était beau mais ce n’était pas ce qu’il recherchait, il ne lambinât pas et continua son chemin au détour d’une ruelle. Il tomba sur la rue principale. Raven entra dans les boutiques tout en continuant son chemin. Il y en avait un bon nombre mais il n’avait vu qu’une armurerie. D’ailleurs, il n’y avait pas tant de choix que ça : arc, épée, dague, couteau. C’était en tous cas les seules armes qu’il avait vu. Les clients ne demandaient rien d’autre ?

S’enfonçant dans un dédale de ruelles, il passa devant un magasin de tapis assez étrange : il ne semblait pas y avoir beaucoup de tapis mais au contraire il semblait y avoir beaucoup de personnel. Alors qu’il allait y entrer pour demander s’il y avait une autre armurerie, il put entre-apercevoir, des gens occupés de s’échanger de l’argent. L’un des deux hommes ressortit, sans tapis… C’était assez étrange et, Raven ne chercha pas à investiguer plus loin.
Continuant son chemin, il revint à l’entrée de la ville. Le jeune homme venait de faire un petit tour pour revenir à la case départ. Il soupira et s’arrêta sur un banc non loin, regardant les passants. Il était un peu fatigué d’avoir tant marché aujourd’hui et il n’avait pas fini de se mouvoir dans la ville. Il devait encore explorer une moitié de la cité et se trouver une auberge.


Quelques minutes passèrent et l’homme se releva. Il s’enfonça cette fois dans la partie gauche de la ville où il repéra un marchant d’arme. Ce dernier était un peu plus fourni mais les armes étaient moins décorées. Mais tant qu’une lame tranche, qu’un arc envoi des flèches, qu’une dague transperce un homme, la majorité des gens se fichait de l’ornement de leur arme. Ressortant de la boutique, il sortit son calepin et une plume pour y consigner certaines informations sur les armes de la ville. Raven écrivait en chemin, il en avait pris l’habitude. Il ne s’arrêtait que pour ouvrir l’encrier et y tremper sa plume. Ne regardant pas trop où il marchait, le forgeron frôla un homme aux long cheveux noirs.

« Déso… »

*Meutre, sang, douleur, cris*

Raven lâcha tout pour se tenir la tête. Son autre lui tentait de prendre possession de lui sans son consentement. Il n’avait jamais senti d’aussi forte douleur. Le jeune homme tomba à genou sur le sol et tentait de reprendre le contrôle de lui-même. Le visage crispé plein de sueur, un léger mal de tête persistant, le forgeron avait réussi à repousser l’assaut. Cette fois, il avait eu peur. Il devenait absolument nécessaire de trouver une solution à ce problème…

Yalissan marchait dans Tamawa, perdu dans ses pensées. Une guerre était en cours, avec une bataille dans un avenir proche, et Ilian avait parlé d'y participer. Le cydien se réjouissait des nombreux combattants contre qui il allait pouvoir se mesurer, car la compétitivité faisait partie de son être. Seulement, il ne serait en pleine possession de ses techniques de combat qu'une dague à chaque main. Il lui fallait donc trouver un forgeron plutôt louche, connaissant les besoins d'un assassin privilégiant la finesse et la subtilité à la force brute.
*Sûrement pas un astorgh* pensa t il avec dédain. Il passa justement devant une armurerie garnie de marteaux de guerre et de haches de bataille de toutes sortes, et eut un sourire en coin devant les musculeux guerriers qui s'y pavanaient, comparant leurs statures et revêtant des heaumes et armures toutes plus volumineuses que les autres.
*Une arme que l'on maîtrise au delà de la perfection est une meilleure défense que toutes les armures du monde* soliloqua t il.

L'assassin pénétra dans une partie de la ville plus souterraine, plus sombre. Ici, il se vendait des poisons, des sorts interdits, des crochets et passe-partout, ainsi que des drogues, des armes venues d'étranges pays lointains, des faux papiers ou laissez-passer et bien d'autres choses encore. Il admira un katana, sabre léger et extrêmement tranchant venu de l'Orient. Il considéra de l'acheter, mais il n'en avait pas l'utilité pour l'instant. Il se promit de revenir un autre jour.

Longeant un parc où se tramaient des activités taboues, il fut bousculé par un jeune homme aux cheveux sombres, portant un volumineux sac de voyage et un calepin sur lesquels figuraient des notes et croquis d'armes.
Celui ci esquissa un début d'excuse, mais soudain il se raidit et tomba au sol en criant. Yalissan fit un bond en arrière, tout en dégainant sa dague à une vitesse prodigieuse d'un repli de sa longue cape noire. Pendant un moment, il avait senti le danger, un sentiment de haine et l'odeur du sang émanant du jeune almer recroquevillé dans la poussière. C'était la première fois qu'il sentait de tels sentiments émaner d'une personne et disparaître quelques secondes plus tard.
Voyant que l'almer n'avait pas l'intention de l'attaquer, il dissimula son arme et s’approcha de celui-ci. Le prenant par l’épaule, il le remit sur pied d’une force qu’on ne soupçonnait pas de la part d’un Cydien de cette stature.
"Vous allez bien ?" demanda t il au jeune homme en sueur, tout en restant à l'affût d'autres sensations comme celles précedemment ressenties.
L'almer hocha la tête, hésitant, et s'assit sur un banc pour reprendre son souffle. Yalissan se pencha et ramassa le carnet de croquis.
"Ceci est à vous", dit il en tendant le carnet au jeune homme. Il ne put s'empêcher de jeter un coup d'oeil discret aux notes avant de les rendre à son propriétaire. C'était pour la majorité des commentaires sur les armureries de la ville et sur les types d'armes qu'on y trouvait. Il distingua également des dessins d'outils de forgerons.
Lui rendant son cahier, Yalissan en profita pour le jauger, à l'aide de ce sixième sens qu'il avait vite développé durant ses années d'indépendance, quand il était le Mercenaire Noir. Il sentait du potentiel dans ce garçon, des qualités en train d'éclore... et un sourd danger qui semblait attendre son heure. L'assassin le sentait presque pulser, dans un sombre recoin de l'être de l'almer, jamais complètement disparu, seulement en répit.
Malgré ces constatations pour le moins inquiétantes, Yalissan retirait une bonne impression du jeune homme. Le danger faisait partie intégrante de sa vie, et il le cherchait sans cesse. Toujours debout, il se présenta :
"Je m'appelle Yalissan. Peut on savoir ce qu'un visiteur fait dans un des quartiers les plus malfamés et dangereux de la ville ?"
Une pause.
"Ne seriez vous pas forgeron par hasard ? Ou alors... assassin ?"

Le temps passe et jamais ne s'arrête.

Le changement de saison s'annonce et bientôt, le blanc manteau de l'hiver qui recouvrait ce monde laissera place à l'herbe grasse et aux timides rayons du soleil. Le silence cédera sa place au chant des oiseaux et le monde s'éveillera petit à petit, sortant lentement de son cocon de glace. Dans ce décor que le temps semblait avoir figé, le moment est venu de s'éclipser, de laisser la nature reprendre ses droits et le cours des choses se faire.

[ Désengagés : Raven, Yalissan ]