[ Je précise que les paroles en anglais sont pour démarquer quand il parle Elfique ou Cydien. Désolée, mon anglais est rouillé mais je ne sais pas parler elfique moi xD
Vous n'êtes pas obligé de me parler en anglais pour parler elfique hein c'est juste pour éviter d'écrire "il a parlé elfique" XD ]

Le petit garçon était arrivé il y avait maintenant quelques semaines. Il vivait avec son père au Temple et malgré les efforts de ce dernier, Aerin n'était pas sorti de son mutisme depuis le triste jour qui avait marqué un tournant si étrange dans sa vie. Chaque nuit, il faisait des cauchemars dans lesquels il voyait sa mère puis voyait l'immonde femme l'assassiner sous ses yeux. Chaque nuit, il s'éveillait en cherchant à ses côtés la templière pour ne finalement trouver que la main chaude de son père sur son front, tentant vainement de le calmer. Les images se mélangeaient dans sa tête et quelque part, le petit garçon ne semblait pas encore prêt à accepter la disparition de celle qui lui avait donné la vie. Il errait toute la journée sur les champs d'entrainement du Temple, observant les Templiers de son âge qui tentaient d'apprendre la maitrise de l'invocation et de l'Esprit. Pour sa part, il se savait insensible et savait que cela décevait sans doutes son père. Il voyait souvent en Aerin le reflet de sa mère, dans son comportement plutôt renfermé et dans ses yeux. Aerin n'était pas sensible à l'Esprit mais il savait faire une chose : manier l'arc. Il avait demandé l'autorisation à son père pour pouvoir s'entrainer avec les autres et ce dernier avait accepté. En réalité, le petit garçon avait émis le besoin de tirer à l'arc, ce dernier lien qu'il avait avec sa mère lui était vital. Il avait dessiné pour faire comprendre à Jiven ce qu'il voulait, incapable de le formuler autrement qu'en elfique et il savait que son père ne le comprenait que très peu. Son mutisme inquiétait les autres mais c'était sa seule chance de sauvegarde.

" I want you to promess me no more climbing ! " lui rappela la voix dans sa tête.

Le petit garçon sourit à cet ordre. Il se rappelait encore avoir promis à sa mère de ne plus grimper partout. Il avait promis en elfique et pourtant, il décida de remonter sur le toit de la bâtisse du Temple. Il se disait que s'il lui arrivait quelque chose, peut-être que sa mère viendrait comme cette fois-là près de Cydonia. Mais comme toujours, elle ne vint pas. L'enfant observa alors le ciel, bleuté, sans nuages malgré le rude mois d'hiver. Il était plutôt agréable de voir que parfois, un groupe d'oiseaux volait ici et là. Prenant le calepin que lui avait offert son père peu de temps après son arrivée, Aerin commença à dessiner. Les oiseaux, le ciel, les jardins qui s'étendaient à perte de vue de garçonnet. Ce fut en dessinant qu'il remarqua l'agitation près de l'entrée du Temple. Intrigué, se disant que quelque chose était en train d'arriver, il se dit que c'était peut-être des nouvelles de sa mère. Il descendit avec précaution et courut vers l'entrée du Temple, son arc sur l'épaule.

" I promess mom. "

Sa promesse raisonna dans sa tête tandis qu'il s'éloignait de la bâtisse et arrivait devant les portes du Temple.
Sa déception fut énorme lorsqu'il entendit le récit de ce qu'il se passait. Il se fraya un chemin pour approcher le petit groupe.

" Apparemment, la mère serait morte, on a retrouvé que le louveteau. " disaient certains.

D'autre encore y voyaient un mauvais présage et pour les derniers, ils se demandaient surtout ce qu'ils allaient en faire. Quoi qu'il en soit, le petit fut attiré par la petite bestiole aux yeux clos qu'une templière tenait dans ses bras. Il regarda la bête et, alors que tous l'ignorait, il demanda en elfe.

'' I'll take care of her. ''

La foule fut surprise d'entendre la voix du gamin et ce fut étonnamment la jeune femme qui le tenait dans ses bras qui lui répondit, en Cydien en revanche.

'' Pourquoi te la confierait-on ? ''

'' You want to kill her, I want to take care of her. ''

Ce qui se passa à ce moment là, Aerin n'était pas capable de le dire. La jeune femme sembla le sonder du regard puis, avec un sourire confiant, elle lui donna l'animal en ajoutant simplement « prends bien soin d'elle ». La troupe se disloqua petit à petit tandis que le gamin regardait l'animal dormir dans ses bras. Il ignorait ce qui l'avait poussé à agir ainsi, en réalité, il ignorait pourquoi il avait voulu sauver cette boule de poils mais elle était là, encore chaude, entre ses bras. Il allait devoir s'en occuper, désormais, quelqu'un dépendait de lui. Une vie était entre ses mains … Il regarda la petite chose s'ébattre dans ses bras et ouvrir timidement les yeux. De petits yeux bleus clairs qui cherchèrent de l'affection du regard et la boule de poils se rendormit aussitôt.
Aerin tenait toujours le louveteau dans ses bras, cherchant un nom à cette petite chose, tandis que les deux jeunes femmes parvinrent jusqu'à sa conscience.

Il y avait, dans les couloirs du Temple d'Ankdor, quelque chose de gênant. Il était bien loin de l'idée que Jillian en avait. Elle avait imaginé un lieu spirituel et calme, où les Templiers, seuls ou à plusieurs, s'entraînaient à l'ombre d'un arbre en fleurs, où les enfants jouaient, une épée de bois à la main, modeste prédécesseur d'une lame bien plus dangereuse qui serait bientôt leur. Pas de fleurs, peu d'enfants, et des Templiers inquiets, nerveux. Pas non plus de longs couloirs à l'architecture compliquée, de multiples cours intérieures aux statues ouvragées... Des ruines, tristes et glaciales, qu'on avait encore pas eu le temps de reconstruire vraiment. Et puis cette ambiance, cette tension dans les regards, ces conversations échangées à mi-voix au détour d'un couloir. Ces tuniques sombres, tous ces signes de deuil en hommage à un être cher perdu... Et cette peur, douce et froide, de bientôt devoir le rejoindre...

Comment aurait-il pu en être autrement ? Jillian ne pouvait que comprendre. Et même partager leur chagrin... Elle avait remisé ses tenues extravagantes aux couleurs criardes et aux pans asymétriques pour une robe longue bleu nuit, dont les manches larges et la capuche brodée rappelaient celles des Elfes. La Troupe s'était installée à l'extérieur de la ville, simple question de décence. Dans le Temple, on s'affairait à préparer la bataille qui approchait, puisqu'il en avait été décidé ainsi par les Grands de ce monde. Jillian rejoindrait bientôt ses hommes, comme elle devait maintenant appeler les Saltimbanques, et attaquerait les préparatifs. Pour l'heure, elle n'en avait pas le courage...

Elle pénétra dans le jardin - si on pouvait nommer ça jardin, alors qu'aucune rose, aucun arbre digne de ce nom n'avait résisté au froid de l'hiver. Les gens se retournaient sur son passage, certains attirés par la bête monumentale qui l'escortait, d'autres parce qu'ils avaient eu vent de sa prestation lors de la réunion quelques jours plus tôt, et quelques rares étonnés de voir ces habits sombres et cette mine triste habiller le personnage qu'était Jillian. Un petit groupe avait débarqué, attirant quelques curieux à l'entrée du jardin. L'incident passé, ils s'éparpillèrent, lassés de cet événement mineur qui ne changerait rien au reste de leur existence. Du moins pas celle de tout le monde...

Un petit garçon était resté immobile tandis que les autres avaient pris congé. Il tenait une boule grise dans ses bras et la serrait fort contre son coeur. Jillian sourit et s'approcha du gamin. Avec comme une impression de déjà-vu...

« Tu sais, je devais avoir ton âge quand j'ai trouvé Sam, lança la Saltimbanque une fois arrivée à son niveau. A quelque chose près. »

Un sourire amusé sur les lèvres, elle détailla la bestiole blottie contre le petit, un louveteau visiblement, aussi terrifié et perdu qu'avait pu l'être Sam plus de quinze ans auparavant.

« C'est un gars du marché qui me l'a filé. Enfin, il avait deux trois bestiaux bizarres dans des cages qu'il s'amusait à énerver pour montrer combien ils étaient féroces. Quel con ce type. J'étais gamine, elle avait si peur. Alors j'ai ouvert discrètement la cage et je me suis barrée avec. 'Peut toujours essayer de venir la récupérer maintenant ! »

Peu importait à la Meneuse de savoir s'il y avait certains mots qui ne devaient pas être prononcés en présence d'un enfant. On avait jamais épargné ses oreilles innocentes de petite Cydienne, elle n'avait donc pas vraiment de notion de ce qu'était l'éducation à ce niveau-là. Elle s'assit par terre, en tailleur, aux côtés du garçon. Elle était habillée comme une grande dame, mais s'installait à même le sol et parlait comme un poissonnier d'un quartier mal famé Astorg.

« Alors ? Comment tu vas l'appeler ta boule de poils ? »

Le gamin ne répondit pas. Elle quitta le louveteau des yeux pour s'intéresser enfin à l'enfant qui le portait. Il la regardait, sans daigner décrocher la mâchoire. Intimidé, certainement. Jillian lança un regard à Sam qui s'allongea près d'elle avant de poser sa tête sur ses énormes pattes. Ses crocs gigantesques dépassaient encore largement de sa gueule impressionnante, mais ainsi assoupie, elle semblait moins dangereuse, ce qui calmerait peut-être le jeune garçon.

« Je sais plus en fait pourquoi je l'ai appelée Sam, elle. Sans doute que dans mon esprit d'enfant dérangée ça devait sonner bien ! T'as pas d'idée alors ? insista-t-elle, le regardant droit dans les yeux cette fois-ci. »

Silence.

« Ca va, je vais pas de bouffer, j'ai déjà pris deux Cydiens à midi ! »

Silence.

« Bon, si tu veux pas me dire, tant pis pour toi, je te donnerais pas mon avis d'experte en matière de noms d'animaux. On m'appelle d'ailleurs la Donneuse de Noms. Selon lequel tu lui donnes, tu peux créer un lien très particulier avec lui. Tu aimerais avoir une relation trop cool avec ce petit loup ? »

Silence.

« Quoi ? Tu me crois pas ? T'es sûr ? Et si je te montrais ce qu'on sait faire Sam et moi, ça te délierait la langue, crapule ? »

Silence.

« Ma patience a des limites morveux, tu vas laisser passer une super chance là ! Ce serait vraiment con de ta part ! »

Silence.

« Oh, je vois, si MONSIEUR n'est pas intéressé, MONSIEUR n'a qu'à aller se faire voir et aller se cacher dans les jupes de sa nourrice, comme il sait si bien faire ! explosa-t-elle. C'est bien, t'apprendras beaucoup de la vie en te fermant comme ça à chaque fois qu'on veut t'aider ! Et elle est où la curiosité de l'enfance hein ? Et la naïveté ? C'est clair que c'est plus facile d'aller pleurer chez papa plutôt que d'apprendre par soi-même ! Foutue nouvelle génération ! »

La patience de Jillian avait des limites, et ce gamin était bien loin d'être le premier à en faire les frais. Elle se leva, énervée, avant de tourner les talons, laissant là le petit et sa précieuse bestiole avant de conclure son monologue...

« Merdeux ! »

[Si tu trouves que je le manipule trop, je peux éditer =}. ]

[HRP: Je sais que j'étais pas obligée mais allons-y pour parler anglais à la place de l'elfique! xD Au passage, j'adore ton nouvel avatar Jillian *o*]

Iréa traversait la cour du Temple lorsque le petit groupe arriva avec le louveteau, aussi assista-t-elle à toute la scène. Elle avait vu Aerin quelques fois depuis que maître Jiven l’avait ramené au Temple avec la nouvelle de la mort de Celyween. Il ressemblait à n’importe quel petit garçon, si ce n’est que son regard était trop grave pour un enfant de cet âge et qu’il ne parlait pas. Elle fut donc aussi étonnée que tout le monde en l’entendant parler, même si c’était dans sa langue maternelle.
Les Templiers se dispersèrent, laissant Aerin seul avec la jeune louve dans ses bras. Iréa s’approcha un peu, inquiète de savoir si le petit saurait se débrouiller avec l’animal – elle ne doutait pas qu’il sache s’en occuper, simplement qu’il puisse formuler d’éventuelles demandes – et sur ces entrefaites, Jillian Torrez arriva. L’Almer ne l’avait croisée qu’une fois mais elle avait entendu parler de la Meneuse de la Troupe et elle fut surprise de la voir dans une robe bleu nuit, couleur qui ne correspondait guère au personnage. La jeune femme entendit toute la conversation et décida d’intervenir quand Jillian éleva la voix, agacée par le manque de réaction de l’enfant.

« Ce n’est pas la peine de vous énerver, la rappela-t-elle alors qu’elle avait tourné les talons pour s’en aller. Aerin ne parle presque pas depuis qu’il est arrivé, et seulement en elfique. Il a échappé à Mort à Silmarie…mais pas sa mère. Il est un peu secoué, mais il n’a pas voulu vous offenser. Je pense simplement qu’il ne savait pas comment vous répondre autrement qu’en elfique. »

A ce propos, l’épisode de tout à l’heure lui avait donné une idée. Son elfique était un peu rouillé car c’était une langue qu’elle n’avait pas beaucoup l’occasion de parler et il lui fallut un moment pour trouver ses mots mais ensuite, tout lui revint très vite. Ce n’était pas vraiment étonnant, Iréa avait toujours été douée pour les langues. Elle s’accroupit devant le garçon sans pour autant tourner le dos à Jillian, le regarda dans les yeux et lui sourit, sans manquer de lui envoyer des ondes rassurantes pour l’apaiser, le mettre en confiance.

« Hello, Aerin, my name’s Iréa and her name’s Jillian. Do you know what you want to call her? »

En disant cela, elle désigna la petite boule de poils que le garçonnet serrait dans ses bras. Elle espérait qu’en lui parlant ainsi dans sa langue natale, il sortirait un peu de son mutisme. Evidemment, la jeune femme comprenait sa peine, elle éprouvait la même chose en songeant à son peuple, ses amis, sa famille décimés – peut-être ? – par Maladie à Ptot Tàh, mais il ne fallait pas pour autant s’arrêter de vivre. Elle le savait et elle voulait que lui aussi se remette à vivre.

Le petit garçon contemplait la boule de poils tremblotant dans ses bras, n'osant la toucher de peur de la briser. Il avait laissé son cœur parler sans savoir pourquoi il avait agi ainsi. Était-ce parce que cette petite louveteau était dans la même situation que lui, sans mère et au bord du gouffre ? Sans doutes était-ce cela qui avait poussé Aerin à recueillir la petite chose et au fond de lui, il sentait que prendre soin d'elle l'aiderait lui-même à se sentir mieux. C'était cet état d'esprit qui animait l'enfant lorsqu'une femme s'approcha de lui. Il ne releva pas la tête tout de suite, il n'en avait pas envie. Depuis son arrivée au Temple, il faisait face à deux types de comportements. Les premiers qui compatissaient et ne cessaient de le gâter, de tenter de le faire sortir de sa torpeur et de son mutisme et les seconds, qui se moquaient de lui, de son inertie et de ce même mutisme.

Aerin se moquait d'eux. Il ne voulait qu'une chose, sa mère mais il savait que ce désir resterait à l'état de désir tant qu'il n'aurait pas rejoint l'autre monde. C'était peut-être pour se sauver lui-même de ses pensées funestes qu'il avait pris le louveteau sous son aile, pour le rattacher à la vie autant de temps que ce dernier aurait besoin de lui … Le bonhomme avait pensé que la femme passerait son chemin, comme la plupart des Templiers ces derniers temps quand ils reconnaissaient le fils de Jiven mais au contraire, elle s'arrêta et lui parla. Le fils des Templiers étaient sans doutes perdu et quelque peu surprit qu'on vienne lui parler mais il savait une chose : la politesse voulait qu'on regarde la personne dans les yeux quand elle vous parlait. Il releva la tête sans perdre de vue la petite boule chaude qui se collait à son torse en quête d'un peu plus de chaleur. La jeune femme était plutôt belle malgré ses vêtements sombres. Avait-elle perdue quelqu'un pour s'habiller ainsi de couleurs tristes ?
Aerin n'en savait rien mais il avait remarqué du haut de ses huit ans que les femmes avaient tendance au Temple à porter des vêtements sombres pour marquer leur deuil, sans doutes n'était-ce qu'une coïncidence et de toute façon, il ne voulait pas le savoir. Ce n'était pas son rôle et ce n'était pas son intention. Il garda le silence, impressionné par l'imposante bête qui prenait place à côté de l'inconnue.

Le langage châtier de la dame le surprit mais il se surprit tout autant à l'écouter parler. Il aimait les histoires depuis tout petit et celle-ci l'amusait même si son visage restait de marbre. Malgré ses vêtements sombres, la jeune femme était un personnage haut en couleurs se fit-il comme réflexion. Son attention ainsi captée, il continua d'écouter ce qu'elle avait à lui dire tout en replongeant son regard en direction du louveteau.

Elle lui demanda comment il comptait l'appeler. La question le surprit tant que les mots en restèrent bloqués dans sa gorge. Il n'y avait même pas pensé. Donner un nom … C'était se lier à quelqu'un n'est-ce-pas ? Voulait-il se lier à ce point avec cet être vivant ? En avait-il le droit ? Il en doutait et quand bien même, son esprit était bien trop vide pour savoir quoi répondre. Il la regarda, intimidé certes mais surtout incapable de répondre quoi que ce soit. Il la regarda s'énerver au fil de son monologue, conscient qu'il en était la cause mais incapable de dire quoi que ce soit. L'elfique de sa mère, le langage des signes de son père, le Cydien des deux réunis ne venaient pas à son esprit. Perdu, perplexe, il se contentait de la regarder, les yeux vides, tout comme il la regarda s'éloigner sans savoir quoi faire. Aerin n'aimait pas embêter les gens, il n'aimait pas non plus qu'on le juge comme la plupart du commun des mortels mais il était incapable de faire quoi que ce soit. Dans un coin de sa tête, il espéra ne plus revivre cela et l'idée folle de disparaître perça à nouveau son esprit.

Une voix au loin sembla intervenir en sa faveur. Le petit mit un certain temps à la comprendre, non pas qu'il ne comprenait pas le Cydien, loin de là, mais il était perdu dans ses pensées lorsque la Templière vint à son secours. Elle s'appelait Iréa, du moins dans ses souvenirs. Il se souvenait que dès son arrivée, son père lui avait fait part du nom des jeunes templières, peut-être pour combler le vide dans son âme. Asora était l'élève de son parrain, Evenor celui de son père, il se rappelait vaguement d'une certaine Ellah et d'une Alizée mais en avait oublié leur têtes et Iréa. Il avait retenu son prénom parce qu'elle était Almer, comme lui.
Il releva la tête en direction de la templière et l'écouta le défendre. Elle était gentille, il le sentait, mais pour autant, il la craignait, comme la plupart des femmes de ce Temple, elle le mettait mal à l'aise. Cette gentillesse lui rappelait trop sa mère et le discours de la jeune femme lui rappelait trop à quel point il était seul, à quel point le sort l'avait abandonné. Il se ferma à la discussion jusqu'à ce qu'elle vienne à sa rencontre.

Il sentit les mêmes ondes apaisantes que celles envoyées par son père. Elles n'avaient rien d'hypocrites et n'étaient en rien marquées par la pitié, ce qui attira surement l'enfant qui faisait en général abstraction autant qu'il le pouvait de ce genre de chose. Il plongea son regard dans celui de la jeune femme et l'écouta. Elle parlait elfique et entendre la voix plutôt douce de Iréa lui parler dans sa langue maternelle lui donna envie de lui sauter au cou. Peu de gens parlaient sa langue au Temple ou peut-être bien dans le monde, il l'ignorait et la plupart ne lui disaient que des banalités qu'il n'écoutait même pas, non pas par impolitesse mais parce qu'elles n'atteignaient pas son cœur. Iréa avait trouvé le chemin et il se força à trouver les mots. Aerin avait du mal, il n'avait pas parlé depuis des mois, sauf en elfique à son père certes mais quand bien même, il avait peur. Il fit l'effort de répondre à Iréa, doucement, son regard cherchant à se rassurer.

« Nyméria. »

Il avait répondu en elfique, instinctivement, comme si la pensée avait dépassé les mots.

« Mom said she wanted to name my sister Nyméria but she never had a daugther. That means rebirth in my language. »

Il avait parlé sans réfléchir, laissant pour la première perler ses émotions à la surface. Il avait peur justement de ces émotions et le fait de parler de sa mère fit monter quelques larmes qu'il retint avec peine. Il parlait doucement, d'une voix à peine audible, mais il continua. Il était en sécurité n'est-ce-pas ?

« She's angry ? »

Il avait ajouté à sa question toute la timidité dont il était capable. Il saisit son calepin et y nota quelques mots, autant à l'attention de la templière que de Jillian.

« Je ne voulais pas l'offenser, juste que j'ignorais quoi faire. Etes vous en colère contre moi ? » écrivit-il en Cydien cette fois.

[ Mon premier RP depuis longtemps … je suis rouillée XD ]

« Si je suis en colère ? Non, non, non, penses-tu, non. Je ne suis pas en colère ! »

Le ton de Jillian dit tout à fait le contraire, mais avec la Saltimbanque on ne sait jamais si elle est énervée ou si c'est juste qu'elle a décidé de parler fort. Elle regardait le calepin, interdite, et essayait de retenir la bouffée de colère qui montait en elle. Une crise d'hystérie serait totalement déplacée, mais elle n'en avait pas conscience, ne comprenait même pas pourquoi le comportement de ce gamin la mettait dans un état pareil. Elle connaissait son histoire pourtant. Après que la Templière ait évoqué sa rencontre avec Mort et le décès de sa mère, Jillian avait fait le rapprochement avec le fils de Jiven, Aerin, ce qu'avait confirmé la fameuse Iréa, en elfique. La Saltimbanque ne parlait pas un traître mot de cette langue, mais pas besoin d'être bilingue pour comprendre qu'elle avait fait les présentations... Ce petit revenait de loin et n'était pas totalement revenu d'ailleurs. Pourtant...

« Relève toi, n'entre pas dans son jeu, c'est pas comme ça qu'on va l'aider. »

Son ton exaspéré n'allait peut-être pas plaire à Iréa, d'autant plus qu'elle n'était pas directement responsable de la colère soudaine de la Meneuse. Le tutoiement non plus, d'ailleurs. Elles avaient quasiment le même âge, et si Jillian avait tutoyé les plus grands, cette Templière pouvait recevoir les mêmes honneurs. Ce n'était pas un manque de respect, juste de la spontanéité, un naturel qu'elle n'arrivait pas à chasser. Tout comme le flot de remontrances menaçant de noyer le petit Aerin qui n'avait rien demandé. Elle essaya donc de faire diversion, de distraire ses propres pensées.

« Non mais Nyméria c'est joli, ça lui va bien, lança-t-elle. Un peu long je trouve, 'fin pour l'engueuler à mon avis tu prendras pas le temps de dire toutes les syllabes. »

Elle eut un petit rire en pensant à ses traditionnels « Saaaaaaaam ! » qui faisaient trembler les roulottes et gronder la tigresse. Finalement c'était peut-être en prévision de ce genre de situation qu'elle avait donné un tel nom au félin... Jillian tenta un regard amusé en direction d'Aerin. Un silence de plus.
Un silence de trop.
Jillian explosa.

« Mais bordel tu joues à quoi là ?! Ah, j'y arrive pas, singea-t-elle. Facile à dire ! J'y arrive pas alors j'essaie pas. Commence pas à prendre un calepin et un stylo sinon tu ne diras plus jamais un mot de Cydien, gamin ! »

Au delà de la colère, on percevait l'inquiétude dans sa voix. L'état d'Aerin était alarmant, elle ne comprenait pas que personne n'ait réagi avant. Ce n'était pas à elle de le rappeler à l'ordre, certes, mais ce n'était pas plus à elle de le consoler. Sauf que tant d'immaturité la dépassait, et comme jamais elle n'avait été confronté à des petits, elle ne savait que très peu qu'être enfant rimait avec insouciance et, par définition, manque de maturité.

« Te laisse pas aller, morveux. Tu t'en sortiras jamais sinon ! »

Elle n'avait pas cessé de crier, mais c'était sa manière à elle de se soucier de ce petit. Pas fine psychologue la Jillian...

Chacun à sa manière, tentait de faire son deuil. Et si certains se réfugiaient dans leur mutisme, d'autres préféraient déverser leur hargne sur les autres... Finalement, elle n'était pas si bien placée pour donner des leçons à ce niveau-là...

Iréa fut contente d’entendre Aerin lui répondre alors que jusqu’à aujourd’hui elle ne connaissait pas le son de sa voix. En revanche, elle hésita quant au nom qu’il voulait donner à la jeune louve. Elle se demandait si c’était une bonne idée de lui donner un nom si lié à Celyween, si avoir tout le temps près de lui quelque chose de sa mère aiderait le garçon à s’en sortir ou au contraire le précipiterait vers le bas. Mais le nom était de bon augure. Nyméria. Renaissance.
Oui, elle aurait voulu qu’appeler cette louve ainsi soit le début de la renaissance d’Aerin.

« Nyméria ? It’s a good name. I wish this day was the beginning of your rebirth, Aerin. Now, she needs you, ajouta-t-elle en désignant la boule de poils. So, you have to live. I recognize it’s difficult but you can do it. Don’t forget, you’re not alone. »

Elle espérait que cela sonnerait autrement que comme des mots creux aux oreilles du petit. Elle les pensait tous, chacun de ceux qu’elle avait prononcés, mais elle savait que parfois même des mots sincères semblaient futiles.
Quant à Jillian, ses explications et celles qu’Aerin avait griffonné en Cydien sur son calepin ne suffirent visiblement pas à la calmer puisque la saltimbanque ne baissa pas la voix.
Effectivement, la Templière n’apprécia pas beaucoup le ton de la Meneuse lorsqu’elle lui demanda de se relever, mais elle ne s’en formalisa pas, pas plus que du tutoiement qui ne la dérangeait pas.
La jeune femme ne s’offusqua parce qu’elle percevait le mélange de sentiments assez étonnant qui émanait de la Cydienne tandis qu’elle poursuivit sa tirade à l’intention du garçon.
Colère. Inquiétude. Incompréhension. Et une pointe de douleur qui n’était que trop familière à Iréa.
En fait, Jillian n’avait pas un mauvais fond, juste des moyens d’expression un peu…particuliers. Elle se doutait qu’il n’était pas dans ses habitudes de faire dans la dentelle.
Elle sentait également les émotions d’Aerin à côté d’elle. De la crainte, comme une créature sauvage craint les hommes et s’effarouche facilement. Mais de l’intérêt tout de même. Et la douleur toujours présente, comme une trame, une toile de fond.
L’Almer se releva, parce que la position devenait inconfortable plus que pour obéir à la Meneuse.

« Si quelqu’un savait vraiment comment aider ce garçon, je crois que ce serait déjà fait. »

Aucune agressivité, aucune hostilité dans sa voix. Au contraire, elle essayait de dégager une aura de calme, de sérénité. Jillian semblait être un personnage flamboyant, dans tous les sens du terme. Tout le contraire d’Iréa. Elle se rappelait combien elle détestait les cris et les disputes, enfant. Toute cette hargne, toute cette colère la laissaient frémissante d’appréhension. Elle croisa les doigts pour qu’Aerin ne soit pas comme elle.

« Un adulte a déjà du mal à faire son deuil. »

La jeune femme pensait à elle-même, à ses nuits de veille passées à pleurer, à ces images qui lui tournaient en boucle dans la tête, aux cauchemars qui la réveillaient encore parfois. Elle pensait à cet absolu si effrayant qui tombait comme un couperet et qui était si dur à accepter.
Jamais.
Jamais plus je ne les reverrais, jamais plus je n’entendrais le son de leur voix, de leur rire, jamais plus je ne verrais leurs yeux briller, jamais plus je ne sentirais leur chaleur.
Elle se doutait que Jillian, elle aussi, avait perdu quelqu’un, parce que l’émotion qu’elle avait perçue ressemblait trop à ce qu’elle avait elle-même ressenti. Mais ces derniers temps, ces sentiments étaient partout. Tout le monde ou presque pleurait la mort d'un être cher tant étaient nombreux et différents ceux qui étaient tombés au cours des derniers mois.

« Aerin est un enfant. On ne peut pas exiger de lui qu’il accepte la mort plus rapidement que nous ne sommes capables de le faire. »

Sept semaines. Cela faisait environ sept semaines qu’Aerin avait perdu sa mère. Sept semaines qu’il était dans cet état. Sept semaines aussi qu’elle-même était devenue orpheline.
C’était à la fois beaucoup et peu.
On aimerait souvent contrôler le temps à notre guise, le compresser, le dilater, selon nos envies. On nous dit pourtant que c’est impossible, qu’il s’écoule toujours au même rythme, impartial. La vérité, c’est que ses fluctuations sont propres à chacun de nous et échappent à notre contrôle.
Sept semaines, en y pensant un jour ordinaire, avec une journée bien remplie et un rayon de soleil, cela paraît long. On se dit qu’il peut s’en passer des choses, en sept semaines.
Pourtant, c’est si peu pour pleurer tout son peuple. Ou pour pleurer sa mère, quand on a huit ans et qu’elle a été jusque là le centre de notre univers.
Après des évènements pareils, on compte les jours en temps d’absence, plus en temps de vie.

[HRP: Après avoir longuement hésité, je m'arrête là...L'écart temporel entre ses trois phrases n'est pas particulièrement long, c'est juste que je voulais détailler ce à quoi elle pensait.^^]

Aerin commençait petit à petit à saisir le personnage de Jillian. Il était incapable de déterminer si elle était en colère ou non, mais il percevait petit à petit quelque chose qui le poussait à croire que la jeune femme ne réagissait pas ainsi à son égard par hasard. Pourtant, bien qu'il soit conscient de ce détail, il ne parvenait pas à saisir ce qui pouvait pousser la jeune femme à réagir de la sorte envers lui. Il avait beau être perspicace à force de passer ses journées à observer les gens, il n'était pas pour autant devin et la savoir en colère contre lui le rendait triste. Dans ce temple où il ne se sentait pas à sa place, le petit garçon espérait au moins passer inaperçu, suffisamment du moins pour que personne n'ai quoi que ce soit à dire contre lui à son père. Jiven était déjà bien assez tourmenté par la mort de Celyween et l'état du gamin comme ça …

Jillian lui affirma qu'elle n'était pas en colère et pourtant, l'enfant entendait tout le contraire dans le ton qu'elle avait employé. Il frémit en se demandant pourquoi jusqu'à se souvenir que c'était une réaction typique de sa mère que venait de reproduire la jeune saltimbanque. Lorsque Celyween était en colère, elle avait tendance à le cacher par les mots mais à le trahir par la voix. La suite surprit tout autant le gamin qui regarda avec une expression indéchiffrable sur le museau la jeune femme qui venait de s'adresser à la Templière d'un ton sec. La suite le surprit d'autant plus … après la colère, son interlocutrice passait à la plaisanterie sur le prénom de Nyméria. Si Aerin n'avait pas été dans un tel état, sans doutes aurait-il ri de bon cœur en entendant la réflexion de Jillian mais il resta interdit, incapable d'émettre le moindre son, sa main parcourant la fourrure soyeuse de la boule de poils.

Le silence ne plaisait visiblement pas à Jillian et la jeune femme fini par exploser. Aerin avait l'habitude de ce genre de réactions, la plupart des Templiers, attristés par son sort et la perte de sa mère qui fut jadis une excellente Templière parmi le trio qu'elle formait avec Jiven et Jacen, avaient tenté de lui remonter le moral mais son mutisme, s'il ne les faisait pas fuir, finissait toujours par lui attirer des ennuis. Il avait l'habitude de l'attitude colérique ou passive des autres à son égard et avait pleinement conscience du fait qu'il n'était pas un enfant facile mais il était incapable de se sortir de cette état de torpeur dans lequel il était plongé. Il n'avait envie que d'une chose, disparaître, si Nyméria ne venait pas de croiser sa route quelques instants plus tôt, sans doutes aurait-il déjà tenté de disparaître. Une des rares choses qui le faisait rester en vie était le souvenir de sa mère, sa soif de vengeance certes mais surtout sa soif de vie et pour finir, son père. Si Aerin venait à quitter ce monde à l'image de sa défunte mère, Jiven ne s'en relèverait pas. Pour l'enfant, c'était déjà un sacrifice que de rester en vie pour son père alors il ne fallait pas lui en demander trop.

La gentillesse d'Iréa l'avait touché, il se sentait étrange après ce qu'elle venait de lui dire. Il constatait notamment à quel point elle avait raison en sentant la chaleur de la petite boule de poils entre ses bras. Il savait également que sans Nyméria, il aurait eut tendance à vouloir en finir, encore et encore comme depuis maintenant des semaines. La disparition de sa mère avait emporté une partie de son cœur aujourd'hui en lambeaux et si son père tentait de réparer les dégâts, il ne pouvait pas remplacer la présence rassurante de l'elfe. Iréa semblait avoir raison sur la présence bénéfique du louveteau mais en revanche, Aerin ne partageait pas son point de vue concernant sa renaissance. Il se maintenait en vie, aussi cruelle que cette constatation puisse être, il se maintenait en vie. Si la colère de Jillian à son égard avait eut tendance à l'agacer et à le miner, la gentillesse d'Iréa le touchait et tout aussi étrangement, le mettait mal à l'aise.

La première phrase de la jeune femme le fit tressaillir. Tout le monde essayait de l'aider et si lui se laissait plus ou moins porter par le courant, il n'en restait pas moins qu'il se laissait aller. Il était incapable de voir la joie, l'espoir, il ne voyait que la perte de Celyween, encore et encore comme un livre de contes qu'on lirait tous les soirs avant de s'endormir … La deuxième phrase lui fit un drôle d'effet. Sans en être sur, il était convaincu que la jeune Templière avait perdu quelqu'un récemment pour se permettre une telle réflexion et peut-être aussi finissait-il pas relier ce comportement avec celui de Jillian. La troisième enfin lui fit l'effet d'un coup de poing.
Comme toujours, Aerin préférait se dire que sa mère reviendrait bientôt le chercher, comme tous les enfants, il préférait se convaincre qu'elle n'était pas morte mais juste loin et qu'elle viendrait un beau matin le chercher au Temple. Entendre dire qu'il avait perdu quelqu'un était comme une claque pour le petit garçon qui comprenait dans ces simples mots le poids de la mort. Celyween ne viendrait pas le chercher, personne ne viendrait le sauver.

Le petit bonhomme prit son calepin et y nota les quelques mots suivants :

« Je suis désolé, précisa-t-il à l'intention de la saltimbanque, je ne peux pas parler Cydien. J'ai essayé, je vous l'assure, mais les mots ne me viennent plus. Si cela vous dérange, vous pouvez passer votre chemin, j'en ai pris l'habitude. »

Aucune violence dans ses quelques phrases, juste une triste réalité. Il était seul et le savait pertinemment, cela ne le perturbait plus. Il préférait aussi sans doutes la colère à la pitié dans les yeux de son interlocutrice.

« Personne ne peut me sauver n'est-ce-pas ? C'est ce que les adultes me répètent sans cesse, ce que mon père tente de me faire comprendre. Je sais parfaitement que personne ne peut me sauver à part moi mais j'en suis incapable. »

Pour la première fois, les larmes montèrent à ses yeux sans qu'il ne parvienne à les refouler. En colère contre lui même, il dit simplement :

« I miss her. »

Il fusilla sans le vouloir du regard la saltimbanque avant d'ajouter, en Cydien :

« Et vous, êtes-vous sauvées de votre malheur pour autant ou vous contentez-vous de fuir ? »

Il était en colère à présent contre les deux jeunes femmes. C'était totalement puérile car elles tentaient de l'aider mais il était vraiment fatigué des adultes.

[ Désolée, je n'ai pas trop fait avancer le RP mais j'avoue ne pas trop savoir comment l'aborder xD ]

[Je viens de m'acheter un livre de Pierre Bottero (oui, je ne jure que par lui !) et c'est l'histoire d'un gamin qui ne parle presque plus et court de moins en moins bien depuis que son père est décédé dans un accident. Je ne l'ai pas encore commencé mais ça pourrait t'inspirer je te file le titre « Le Garçon qui voulait courir vite ». Je le mets en HS comme je sais qu'Iréa apprécie aussi Bottero x) ]

Un long soupir résigné.
Avec les gamins ça marchait visiblement pas comme avec les clampins qui sont sensés l'aider dans la Troupe. Un mot plus haut que l'autre, un regard agressif et pour peu que Sam grogne un petit coup et ils obtempéraient sans demander leur reste. Jillian était bien naïve de croire qu'en haussant le ton ça délierait la langue à ce petit en état de choc. Un sourire triste se dessina sur ses lèvres en lisant les derniers mots du gamin.

« Non je ne fuis pas, bonhomme. »

Son ton avait perdu son agressivité. Plus que la remarque d'Aerin, c'était Iréa qui avait calmé la bête, la domptant avec autant de finesse et de savoir faire qu'un Elfe murmurant à l'oreille d'un étalon déchaîné. La justesse de ses mots se fit un chemin bien douloureux en elle. Si bien qu'elle dut se rassoir pour accuser le coup. Elle fixait le vide, perdue dans ses propres pensées, son regard, reflétant son sourire nostalgique.

« Un adulte a déjà du mal à faire son deuil. »

Si, elle fuyait. Elle préférait accuser ce gamin de faire ce qu'elle même ne savait pas comment appréhender. Mais elle refusait de le voir. Jillian ? Injuste ? Jamais !

« Non, je ne fuis pas, répéta-t-elle, levant la tête vers le gamin, à peine plus grand qu'elle, ainsi assise en tailleur. Je viens d'engager ma Troupe dans cette foutue guerre. Ils n'ont rien de combattants pourtant. »

Mon frère lui, en était un au moins. Ca ne l'a pas empêché de se faire saigner.

« Je vais de l'avant. La vengeance... Tu penses que c'est un choix à la con ? »

Sa question n'en n'était pas vraiment une et elle n'attendit pas sa réponse. Elle lança un regard curieux vers Iréa, n'ayant pas encore totalement accusé le coup de ses paroles ingénieuses. Il était possible qu'elle soit Almer, même si Jillian n'en aurait pas mis sa main à couper. La Saltimbanque doutait qu'il y ait des gens dotés de la bonté de cette femme parmi les Almers, mais cela expliquerait ce « nous » et ce ton, qui n'avait rien de neutre et qui en disait long sur ses souffrances récentes. Des blessures pas tout à fait refermées. Peut-être ne guériraient-elles jamais, d‘ailleurs.

« Aerin, reprit-elle. Il faut que tu te remettes à parler le Cydien. D'abord parce que y'a pas grand monde qui risque de comprendre ce que tu baragouines en elfique, tu peux me croire. Ensuite, parce que ça montrera que tu es sur la bonne voie. »

Jillian n'était pas psychologue, je l'ai déjà dit. Elle n'aurait donc su dire en quoi il se trouverait alors « sur la bonne voie ». C'était une intuition plus qu'autre chose. Elle était certainement dans le vrai. Se couper de son côté Almer, le rendait totalement Elfe, Elfe comme sa mère, sa mère qui n'est plus là. A qui s'identifier alors ?

Mais lui répéter cela ne lui redonnera pas la faculté de parler, il fallait s’y résoudre. Elle ne put s’empêcher pourtant d’essayer de le convaincre, mettant dans ses mots un poids certain qui peut-être ne laisserait pas Aerin indifférent… Du moins elle l’espérait.

« Et sinon, ça te dit d’aller faire visiter le temple à Nyméria ? Je suis sûre qu’Iréa fera une très bonne guide. Pas vrai ? ajouta-t-elle à l’intention de la Templière en se relevant. »

Elle était consciente de l’importance de la présence d’Iréa à cet instant. Sans elle cette conversation n’aurait pu avoir lieu. Elle dégageait une aura apaisante que Jillian ne savait expliquer mais qui la soulageait. La réconfortait.

Finalement, si la Saltimbanque n’avait su aider Aerin à tourner la page, Iréa l’avait en revanche poussée à réfléchir. Peut-être même commencerait-elle à guérir…

Tu me manques Amadéo…

[Je vous laisse désengager Jillian, ça marche comme ça ?]

Iréa fut heureuse de voir Jillian s’apaiser. Heureuse d’avoir su trouver les mots justes. Heureuse d’avoir su dénouer cette situation délicate.
Elle mesurait toutefois la portée que ses paroles avaient eue. Aerin avait frissonné en l’entendant ; elle était consciente que ces mots seraient durs à entendre pour lui mais elle ignorait comment faire autrement.
C’était un autre aspect de son métier qu’elle découvrait, plus agréable que la guerre mais pas plus simple. L’art de manier les mots et d’apaiser les cœurs. L’art de maintenir la paix.
La jeune femme lut ce qu’Aerin écrivait sur son carnet et, après avoir écouté Jillian, s’adressa à lui à son tour.

« Evidemment qu’elle te manque. Je suis devenue orpheline le même jour que toi, Aerin, et j’ai souffert moi aussi. Pourtant, cela fait huit ans que je suis partie de chez moi ; je l’ai fait sans regrets et je n’y suis pas retournée très souvent. Enfin, je suppose que je suis orpheline. En fait, je n’ai pas de nouvelles. Peut-être…Peut-être que l’un de mes parents fait partie des rares survivants. Ou peut-être pas. La mort nous affecte tous, d’une manière ou d’une autre. Ce qu’il faut, c’est la dépasser, accepter qu’elle fera toujours partie de nous sans pour autant la laisser nous dévorer. Mais ce n’est facile pour personne, Aerin, quel que soit l’âge que l’on ait ou le nombre de morts que l’on ait déjà vu. Moi non plus, je ne me suis pas encore sauvée. J’attends sans doute une confirmation ou quelque chose comme ça. Je n’ose pas enterrer des gens qui ont encore une chance, même infime d’être en vie. Mais confirmation ou pas, il faudra bien, un jour, que je tourne la page. Comme toi. »

La Templière venait sans le savoir de confirmer une hypothèse de Jillian à son sujet. Elle laissa au petit le temps d’intégrer ses paroles, espérant l’avoir un peu aidé, et maudit au passage Azael et ses Cavaliers. Il devait y avoir des dizaines d’enfants comme Aerin à travers tout Azthia qui avaient vu leurs parents mourir sous leurs yeux, sans compter les centaines d’orphelins et ceux qui avaient perdu des proches. Puis elle se reprit.

« Jillian a raison, ajouta-t-elle avec un sourire. Nous avons assez parlé de la mort et du passé. Nyméria va sans doute avoir bientôt faim. »

Jiven avait demandé à la voir, mais il avait précisé que ce n’était pas urgent et elle savait qu’il serait heureux d’apprendre qu’Aerin s’était un peu ouvert aux autres. S’il avait besoin d’elle, elle serait ravie de l’accompagner. Et s’il préférait être seul, elle le comprendrait.

« Puisque les saltimbanques prendront part à la bataille, nous nous reverrons sans doute bientôt, ajouta-t-elle à l’intention de Jillian. J’espère qu’il ne s’agira pas de notre dernière rencontre. »

La jeune femme signifiait ainsi à Jillian le plaisir qu’elle avait eu à la rencontrer, malgré son caractère impulsif, et le vœu qu’elle faisait afin qu’elle et sa Troupe ne subissent pas trop de dégâts dans la bataille qu’ils allaient livrer.

[Euh, je suis partie du principe que Jillian ne venait pas avec nous mais comme je suis un peu pressée je ne lui ai pas redemandé ses intentions. Donc si ça va pas, j'édite, pas de problème.^^ Au passage, merci pour le tuyau!]

[ Ah super merci du tuyau, je vais aller voir ça demain ! Oh une fan de Bottero de plus ? XD ]

Des deux jeunes femmes, c'était sans doutes la réaction de Jillian que le petit craignait le plus. Il avait bien compris que la jeune femme n'était pas d'accord avec le fait qu'il ne parle plus sa langue natale mais pour Aerin, cette langue était devenue l'inconnu, comme s'il ne l'avait jamais apprise par le passé, seule sa langue maternelle sortait, claire et limpide. Mais peut-être que plus que la crainte de sa réaction, le fils des Templiers était en colère contre elle de le pousser si loin dans ses retranchements, à croire que les adultes ne savaient faire que cela. La réponse pourtant de la saltimbanque le calma aussi vite que sa colère puérile était apparue.
La jeune femme s'assit et Aerin se demanda s'il n'avait pas eut tords de poser cette question. Il n'avait pensé qu'à lui durant cette étrange rencontre, sans se soucier de bafouer les sentiments de ses interlocutrices et maintenant qu'il l'observait accuser le coup, il regrettait d'avoir agi de la sorte. Il écouta la jeune femme et ne comprit pas tout. Il avait toujours cru que les saltimbanques étaient des clowns et des acrobates et ne voyait pas trop ce qu'ils pouvaient faire sur un champs de bataille mais vu qu'il comptait également y participer, Aerin se décida à ne rien dire de méchant. Il se contenta de répondre avec calme, écrivant avec attention sur son calepin, n'osant pas pour autant la regarder de face, de peur qu'elle ne s'énerve de le voir agir ainsi. Si les mots en Cydien lui venaient sans problème, il ne pouvait encore que les écrire, sans doutes Jillian ignorait-elle qu'il s'agissait là déjà d'un gros progrès pour le gamin.

« J'y ai pensé, mais que pourrait un gamin comme moi face à celle qui a pris la vie de ma mère ? »

L'idée lui parut stupide même si en réalité elle l'avait motivée à partir sur le champs de bataille. Seulement au fur et à mesure, il s'était vite rendu compte qu'il était incapable de se sortir seul de sa torpeur et que de toute façon, il ne ferait pas long feu face aux Erathiens, bien plus entrainés que lui et surtout … que ferait-il face à Mort ? Il avait entendu la légende selon laquelle seule une femme pouvait la tuer et … à moins de la preuve du contraire, il était un homme. De toute façon, si sa mère avait échoué à la tuer, que pourrait-il faire lui ? Si Aerin avait pris la décision de se rendre sur ce champs de bataille, c'est parce qu'il ne voulait plus assister à la mort des personnes qu'il aimait. Il avait notamment pensé à Jiven et à l'idée de le perdre, si cela devait arriver, Aerin s'était promis de tout faire pour l'empêcher !
Jillian sembla absorber un instant par la jeune Iréa avant de reporter son attention sur lui. Aerin n'était pas un Sensible, mais il pouvait sentir deux choses émaner de la jeune femme. La première était sans doutes son inquiétude, la seconde, sa gentillesse, bien cachée sous son mauvais caractère songea-t-il. L'enfant écouta avec attention le conseil de la jeune femme et sourit à son attention, puis, plantant son regard dans celui de Jillian, il ajouta :

« I promess »

Il savait que la jeune femme ne comprenait pas l'elfique, mais il se doutait qu'elle comprendrait tout de même le ton et ce qu'il avait voulu dire. Sa colère était à présent totalement envolée. Il se promit de trouver la bonne voie dont elle parlait, même s'il ignorait encore où elle se trouvait, le petit garçon commençait plus ou moins à comprendre dans quel sens orienter sa vie.
La proposition de Jillian le fit sourire et Aerin se força à refouler l'elfique qui lui venait à la bouche pour finalement difficilement prononcer :

« Oui ! »

Il rougit de plaisir en entendant le faible Cydien qui était sortit de sa bouche mais se dit que s'il n'était pas capable de parler plus pour le moment, il avait au moins réussi à dire un mot, un seul, porteur de beaucoup d'espoirs. La petite boule de poils sur ses genoux glapit comme pour marquer son accord. Le gamin sourit de plus belle devant la réaction de sa nouvelle amie. Ce fut à ce moment là que Iréa prit la parole et Aerin craint un instant qu'elle ne lui reproche quoi que ce soit. Il l'écouta avec attention, n'osant l'interrompre. Il perdit son sourire lorsqu'il comprit qu'il avait eut tords de se penser le seul dans son cas. Il était évident que beaucoup avaient perdu des leurs dans ce qui semblait être désormais une bataille à grande échelle. Il prit le temps d'intégrer ce que lui disait la jeune Templière et se souvint alors que, comme son propre père, elle était Almer. Comme son propre père … Aerin prit une claque au sens moral du terme. Pas un seul instant il n'avait réfléchi au fait que Jiven avait peut-être perdu ses parents lui aussi dans la cité des sables éternels. Il grimaça, se rendant compte à quel point il avait pu être égoïste. Iréa le sauva de sa tourmente, donnant raison à Jillian et le petit se laissa convaincre, se disant qu'il irait s'excuser auprès de son père plus tard.

Le petit garçon prit son calepin avant de se raviser. Il caressa Nyméria un instant et déclara :

« I wish to meet you again »

Le petit garçon saisit la main d'Iréa et ensemble, tandis qu'ils disaient au revoir à Jillian, ils se dirigèrent vers le Temple. Lorsqu'il eut franchi les portes de ce dernier, il prit le chemin de la cuisine pour demander un peu de lait frais. Lorsque ce fut fait, il prit congés d'Iréa avec un sourire et la remercia. Grâce à elles, que ce soit Jillian ou Iréa, il se sentait bien mieux qu'auparavant.

Aerin prit le temps de nourrir Nyméria qui bu goulûment ce qu'il lui avait dégoté. Il eut du mal à lui donner sa ration mais la bête était tellement affamée qu'elle ne fit pas de manière. La louveteau n'avait pas été sevrée, nul doutes là-dessus, demain, il irait acheter de quoi lui donner à manger plus facilement. Lorsque Nyméria se fut endormie sur son lit, Aerin se rendit chez son père. Comme toujours, Jiven écrivait et cela fit sourire le petit garçon. Certaines choses seraient immuables. Lorsque le maitre du Temple eut fini d'écrire et qu'il se tourna, perplexe, vers son fils, Aerin s'approcha et plongea son regard sombre dans celui de son père, un sourire triste sur les lèvres.

« I'm sorry Dad. So sorry … I promess, I'll become a good boy. »

[ Désengagés ]
[ Merci pour ce RP, j'ai adoré les filles ! Bon je me suis pas relue pour l'anglais, la flemme XD ]