[F-H] Les origines de Rogthan [Libre][Fini]

Après avoir visité la plupart des auberges de Storghein à la recherche d'un ancien ami de Rogthan, Eybor arriva à l'auberge de la petite bourse. Il s'agissait d'un édifice typique de Storghein, une bâtisse en rondins de bois surplombée d'une cheminée en pierre d'où émanait de la fumée. La porte était surplombée d'un panneau représentant une bourse, il semblait ne plus être retenu au mur que par un clou, cela conjugué à l'odeur nauséabonde de la rue et à la crasse qui s'empilait sur les fenêtres ne laissait aucun doute sur le type de personnes qui fréquentaient l'établissement. Kentor était le contact qu'il devait rencontrer, celui-ci pourrait en apprendre à Eybor un peu plus sur les évènements qui l'avaient poussés à partir du village où il s'était établit il y a de ça dix huit ans.

Eybor doutait qu'on puisse trouver un ami de Rogthan dans ce type de lieu mais il ne devait négliger aucune piste, Rogthan n'avait pas été très précis sur l'endroit où on pouvait trouver son contact, il avait seulement indiqué qu'il fréquentait les auberges de Storghein, Eybor entra donc. Lorsqu'il ouvrit la porte ses soupçons furent confirmés, la plupart des clients qui se trouvaient là mirent la main à leurs armes s'apprêtant à réagir, c'était évident, ce genre de personnes ne s'attendaient pas à voir arriver un inconnu et ne tolèreraient pas la présence d'une personne trop curieuse sur leurs activités. La salle était sombre et l'atmosphère était chargé de la fumée qui émanait des pipes de quelques fumeurs, après quelques instants à le regarder, les clients reprirent leurs activités, mais Eybor n'était pas dupe et savait qu'il était surveillé du coin de l'œil. Il s'avança donc vers le comptoir et s'adressa au patron :

" Sauriez vous où je pourrais trouver un certain Kentor ?

- Besoin d'une lame pour mener un contrat à bien hein ? Ouais, je sais où vous pouvez le rencontrer, ici même, il vient tout les soirs, c'est en fait ici qu'il réside, il me loue la chambre tout les soirs depuis des années.

- Merci, quand il arrivera dites lui qu'un ami de Rogthan l'attend."

A l'annonce du nom, l'aubergiste blêmit et se mis à suer à grosses goutes:

" Rogthan vous dites ? Euh ... bien je lui ferai passer le message, vous prenez quelque chose en attendant ? "

Sans même répondre à la question Eybor se retourna et alla s'asseoir à une table au fond de la salle, dos à un mur pour ne laisser la possibilité à personne de passer derrière lui. Qu'est ce qui avait poussé Rogthan à prendre contact avec un assassin? Pourquoi l'aubergiste avait prit peur à l'annonce du nom de Rogthan? Il semblerait que le passé de Rogthan soit plus sombre que ce qu'avait pensé Eybor, rien durant toutes ces années où il se fréquentèrent ne laissait présagé que Rogthan ait un quelconque lien avec des tueurs, au contraire, il détestait les gens capable de tuer sans raison, même s'il s'agissait d'animaux.

Soudain, à la table à coté du comptoir, un homme à la forte carrure se leva, en prit un autre par le col, et l'envoya valser à travers la salle en criant :

" T'as perdu, t'as plus rien à miser, tu sors du jeu !"

Dans la salle personne ne réagit, personne n'osait même regarder la scène, tous baissèrent les yeux, sauf Eybor, à qui l'homme a forte carrure adressa un regard menaçant. L'autre homme, se leva et vint voir Eybor, il s'agissait d'un petit homme très mince au nez aquilin et à la face boursouflée, marquée par des années de bagarre et d'alcool. Lorsque celui-ci vint s'asseoir en face d'Eybor, il reçut en signe d'avertissement un regard noir pour l'inciter à partir, faisant fit de cet acte, il engagea la conversation :

" Vous n'êtes pas du genre, si j'en crois votre habillement, à rester dans ce type d'endroits, il va sans dire qu'un homme de votre rang ne se promène pas sans emporter avec lui une somme certaine d'argent, et, je suppose que votre rang ne vous empêche pas d'avoir du cœur. Vous voyez je suis un homme brisé par la vie et un geste de Sa Seigneurie m'aiderai à survivre par ces temps difficiles. "

Après un instant de silence, dans l'attente d'une réponse de la part d'Eybor, il reprit :

" Je comprends que vous répugniez à satisfaire les désirs d'une personne de mon acabit, c'est vrai, j'ai un penchant pour le jeu et l'alcool et un esprit aussi aiguisé que le votre a su reconnaitre mes penchants, mais de grâce, si la cause d'aider un homme à trouver une goutte de bonheur dans un océan d'amertume ne vous semble noble, faites un geste, pour les dieux. "

Cette fois-ci, c'est l'auberge entière qui devint silencieuse, tout le monde se tourna vers les deux interlocuteurs, mais aucune réponse de fut prononcée c'est alors que le petit homme au nez aquilin se leva et dit:

" Puisqu'il est impossible de vous faire comprendre les choses par la voie de la raison, je vais être plus explicite et réduit à utiliser la force, vous ne me laissez pas le... "

Avant même d'avoir laisser à son interlocuteur le temps de finir sa phrase, Eybor avait envoyé un coup de son long bâton de frêne dans la mâchoire de l'homme qui le menaçait, surpris il ne put esquivé et se retrouva allongé sur le sol, Eybor se leva contourna la table et mit son bâton au dessus du visage du petit homme qui tentait d'agripper une dague coincée dans sa ceinture.

" Je vois que votre langue est aussi imbibée de poison que la lame qui pend à votre ceinture, seulement votre langue comme votre lame ne semblent pas aptes à reconnaitre une cible facile. Je ne me laisserai attendrir ni par vos mots, ni par vos actes, déguerpissez avant qu'il ne me vienne l'envie de finir ce que j'ai commencé ! "

Le petit homme se leva et sortit de l'auberge, les autres clients attendirent qu'il fut sorti pour continuer leurs activités évitant soigneusement de croiser le regard d'Eybor qui était satisfait de la situation, moins ces personnes pouvaient lui accorder d'intérêt, du moins en apparence, moins ils risqueraient de venir l'ennuyer. Cependant, une chose lui déplaisait, il n'était pas dans la nature d'Eybor de frapper le premier, et il n'était pas non plus dans sa nature de proférer des menaces de mort. Il s'était toujours refuser à se battre lorsque ce n'était pas nécessaire préférant même la fuite dans certains cas. Mais les récents événements survenus dans sa vie l'avaient troublés, la mort de Rogthan, son mentor depuis des années, l'incendie du village druidique dans lequel il avait résidé durant ces dix-huit dernières années et le meurtre des hommes, femmes et enfants qui le peuplaient l'avaient changé. Lui qui apportait toujours un point d'honneur à respecter ses principes quoi qu'il arrive fut ébranlé et changé par la mort semée gratuitement par la main de l'homme.

Avant de mourir, Rogthan avait dit à Eybor, que ce qui arrivait était uniquement de sa faute et qu'à cause de ses erreurs du passé, c'était un village tout entier qui avait subit la fureur et la folie de l'homme. Eybor ne pouvait se résoudre à cette explication et lui demanda de s'expliqué, à la place Rogthan envoya Eybor à la recherche de ce Kentor.

Une heure après l'incident qui avait conduit Eybor à frapper un inconnu, un homme passa la porte, un habitué sans doute parce que personne ne se retourna vers lui à son arrivée, il alla voir le patron directement. L'échange de mots précipité et le fait que l'aubergiste pointât Eybor du doigt lui firent comprendre qu'il s'agissait de la personne pour laquelle il était venu. Suite à cela l'aubergiste remplit deux choppes, Kentor les prises et se dirigea vers Eybor, au milieu de la salle il lâcha les choppes et commença à courir, soudain, une plante sortit du sol et s'enroula autour des membres de Kentor celui-ci se débâtit tant qu'il put jusqu'à ce que les lianes qui l'entouraient devinrent trop épaisse pour lui permettre le moindre mouvement. Eybor avait laissé tomber des graines sur le sol, entre deux lames de parquet là où un assez de terre s'était nichée pour recouvrir les graines et lui laisser la capacité de faire passer ces graines à l'état de plantes.

" Vous ne passerez pas cette porte sans mon accord, alors venez vous asseoir.

- Je n'ai pas vraiment le choix."

Aucun des clients n'avaient ouvertement regardé la scène, tous firent semblant d'être trop occupés par leurs activités. Kentor prit place en face d'Eybor et commença à voix basse:

" Vous n'êtes pas satisfaits de ce que je vous ait dit la dernière fois ? Je ne sais rien de plus sur ce que vous m'avez demandé.

- Je ne vois pas de quoi vous parlez, répondit Eybor, je ne vous ait jamais parlé, c'est à vrai dire la première fois que, je vous vois.

- Alors ils n'ont même pas pris la peine d'envoyer les mêmes personnes que la dernière fois, ils vous ont envoyé seul qui plus est, je suis vraiment pas pris au sérieux.

- Qui ?

- Comment ça, qui ?

- Qui vous a envoyé des gens vous questionner la dernière fois ? Je suis désolé mais je ne vois pas de quoi vous parlez, je suis venu de mon propre chef, en tant qu'ami de Rogthan.

- Un ami de Rogthan, vous êtes donc encore pire qu'eux, Rogthan était un assassin hors pairs et ça ne m'étonnerai pas que pendant sa soit disant retraite il ait formé de plus habiles tueurs.

- Tout ce que vous me dites, je le sais déjà, Rogthan a fait dans les passé des choses dont il semblait peu fier, mais il n'est pas le seul à avoir subit les conséquences de ses actes et son passé a été la raison de la mort de tout un village. Je ne cherche pas à venger sa mort, mais cette chose s'est produite et je suis en quête de vérité, vous êtes la seule chose qui me relie à cette vérité, alors je ne me contenterai pas de votre silence. Vous me dites ce que je veux savoir ou vous aurez à en subir les conséquences. Je n'était pas un tueur ni un tortionnaire mais j'ai perdu plus qu'un mentor cette nuit là et je ne suis pas sur d'être exactement celui que j'était.

- Je ne sais rien sur les personnes qui sont venues me vois la dernière fois, quant à Rogthan je ne l'ai pas vu depuis des années. Une chose est sûre vous ne retrouverez pas ceux qui ont commis ce crime, laissez ça de coté et passez à autre chose.

- Je ne peux me satisfaire de cette réponse !

- Et bien il faudra, car je n'en ai pas à vous offrir, personne n'en a à vous offrir, ce n'est pas en m'importunant que vous trouveriez des réponses, maintenant laissez moi. "

Eybor n'était pas satisfait de cette réponse, mais s'il avait menacé Kentor il ne se sentait pas capable de faire ce qu'il avait décrit, il allait donc partir avec le peu de réponses qu'il avait. Eybor, n'avait pas d'argent et ne savait pas où loger, il ne comptait pas errer dans les rues de Storghein comme un vagabond et ne savait que faire. Depuis la destruction de son village, il n'avait plus que l'idée de retrouver les responsables en tête, il savait vers quoi se diriger, mais il se retrouvait maintenant errant, sans but. Il avait vécu comme un druide depuis des années et c'était tout ce qu'il savait faire, mais l'idée de rejoindre une autre communauté druidique ne l'inspirait pas, il ne se sentait plus capable de vivre avec les autres.

" Si c'est vos armes que vous cherchez, elles sont là où je vous ait stoppé, dit-il à Kentor

- Merci du renseignement, répondit celui-ci avec un sourire ironique, je vous avez sous estimé, à vrai dire, je vous aurait tué si je les avait eus sur moi, maintenant contentez vous de disparaitre avant que l'envie me revienne. "

Eybor lançât un regard de défi à son interlocuteur avant de s'éloigner vers la porte et de sortir. Il se mit donc à faire ce qu'il ne tenait pas à faire, errer dans Storghein, se disant qu'il partirai le lendemain matin.

Le Spectacle de La Troupe était terminé, mais les Saltimbanques devaient rester plusieurs jours à Storghein encore, le temps que les roulottes soient prêtes, les chevaux requinqués, et que les blocs de glace aient fini d'obstruer la route. Autrement dit, La Troupe serait encore coincée dans les alentours pour un certain temps, et pour Elly qui était très organisée, il n'y avait plus rien à faire d'autre que flâner.

Storghein était une belle ville à vrai dire, surtout l'hiver. La montagne revêtaient ses plus beaux apparats et la réflexion des rayons du Soleil enluminait les alentours, donnant aux paysages un air irréel.
Les Astrogs étaient des gens paisibles, à croire que l'air pur vivifiait les esprits et apaisait l'humeur. Aussi y'avait-il des enfants rieurs qui chahutaient dans les ruelles dallées, tout emmitouflés de la tête aux pieds; des anciens autour de la fontaine gelée et des airs de flûte qui flottaient depuis les auberges. C'était très agréable, à croire que La Troupe avait réussir à faire oublier aux habitants leur situation politique.

Cela aurait pu être une promenade très agréable si Elly n'était pas aussi froide que la température extérieure. Les gosses la glaçaient, les vieux la débectaient et la musique... elle n'y était pas du tout sensible.
En fait, Elly Sora, en cet instant, n'aurait pas pu être plus désagréable, à croire qu'elle était décidée à être encore plus négative que d'habitude. C'était qu'elle s'ennuyait à Storghein, on s'y sentait piégé.
Elle était déjà venu plusieurs fois dans la Cité, pour des missions surtout; et avait eu par la même occasion le loisir de dîner dans les auberges, qui faisaient de la très bonne bière. Ces lieux de débauche étaient souvent des nids d'informations pour l'assassin qu'elle était: on y repérait les fortes têtes, percevait les on-dit, et s'informait du moral du peuple. Ce n'était pas une occupation très reluisante, mais elle pouvait être distrayante et puisque la Nùa ignorait encore quand elle pourrait revenir -et si elle reviendrait- dans la Cité Blanche, valait mieux saisir l'occasion.

Elly avait revêtu une tenue appropriée à la saison: des bottes doublées de fourrure et une sorte de pardessus en poils de lapin. N'oublions pas qu'Elly avait vécu à Ptot Tàh longtemps: le froid mordant ne lui convenait guère.
La jeune femme avait également relevé ses cheveux en une queue de cheval qui ondulait quand elle marchait. Elle avançait doucement et avec discrétion, nul ne semblait la remarquer. Quand un gamin manquait de la bousculer, elle lui adressait un regard glacial et l'enfant partait avant même d'avoir dit pardon. Sales gosses...

L'assassin donc, traînait du côté du Quartier Sud. Elle était d'humeur massacrante pour s'être égarée dans les dédales blancs et gris de la Cité. A chaque fois qu'elle avait déambulé ici, le Soleil était couché depuis longtemps, et la ville semblait tout autre le jour. Elle savait que le campement des Saltimbanques n'étaient plus très loin, mais ignorait l'itinéraire exact, et hors de question de demander à un de ces bonhommes à l'humeur légère. Quelle idée avait eue ces gens de faire des rues si petites et si nombreuses... On se serait presque cru dans un labyrinthe.

Elly Sora arrivait à une intersection et avait le choix de tourner soit à droite, soit à gauche. Sans une hésitation la jeune femme optant pour la rue de droite, il lui semblait reconnaître les environs. C'est alors qu'elle percuta quelqu'un. Il s'apprêtait à tourner, comme elle, et Elly et lui s'étaient heurté de plein fouet.
Immédiatement, la Nùa fit un pas en arrière, et regarda l'homme qui lui faisait face. Comment n'avait-elle pas pu le voir? Il était bien plus grand qu'elle pourtant. Ses cheveux longs tombaient devant son visage, si bien que l'assassin ne pouvait pas voir ses traits, seulement la longue tunique émeraude qu'il revêtait.
La Nùa n'avait pas de temps à perdre avec un maladroit; aussi le contourna-t-elle immédiatement, prête à continuer son chemin sans une excuse.

Mais a priori, cela n'était au goût du grand brun...

Il était tard et Eybor cherchait où passer la nuit, il lui était impossible de dormir dans une auberge, il n'avait pas d'argent et n'avait rien à échanger. Errant dans les petites ruelles des quartiers sud de Storghein il se demandait où allait le mener sa vie, pour le moment rien ne le retenait nulle part, il avait le monde pour lui. Cependant, il aurait aimé avoir un peu moins de cette liberté et vivre dans le village qui lui avait ouvert ses portes lorsqu'il avait quatorze ans, vivre avec ceux qu'il avait perdu, son mentor, Rogthan, mais surtout Guaërin, la femme qu'il aimait. Ils n'avaient jamais eu d'enfant ensemble même s'ils avaient tout fait pour, mais Eybor ne le regrettais pas, il n'aurait pas pu supporter leur mort.

Soudain, alors qu'il s'apprêtait à tourner dans une ruelle il percuta une femme, il l'avait évaluée plus jeune que lui, d'environ cinq ans. C'était une femme à la beauté certaine, même si Eybor ne l'avait pas remarqué. Après cette rencontre impromptue, la jeune femme fit un pas en arrière avant de le contourner. Sans réfléchir, Eybor se retourna, attrapa la jeune femme par une épaule, la fit pivoter et lui dit d'un ton volontairement sec :

" On dit pardon !"

Dès que la phrase fut sortie de sa bouche il la regretta, à dire vrai, il ne savait pas pourquoi il avait eu cette réaction, ce voyage vers Storghein s'était révélé être une perte de temps et il était en colère contre lui même d'avoir été trop curieux. C'est vers cette inconnue qu'il dirigeait à présent sa colère, il se trouvait ridicule d'avoir agit ainsi. Mais, le retour de bâton se fit sentir immédiatement, la jeune femme lui prit le bras et le lui mit dans le dos lui rendant impossible d'utilisation. Elle mit sa tête près de l'oreille d'Eybor et murmura quelque chose dans une langue qu'il ne comprenait pas. Il trouvait ce qui lui arrivait très juste, il s'était mal conduit et devait en subir les conséquences, il en rit même intérieurement.

Une chose avait toutefois retenu son attention, il ne savait pourquoi mais il avait trouvé dans le déplacement de cette inconnue quelque chose d'animal. Il savait que depuis qu'il avait appris à se transformé il ne faisait plus les choses comme les autres, utilisant des mouvements qui ne paraissaient pas naturels aux autres humains qui le côtoyaient. Il devait en avoir le cœur net , c'est pourquoi il se transforma en loup et profitant du rapetissement de ses membres, il se dégagea et fit face à la jeune inconnue, montrant les crocs et grognant pour l'intimider, ce qui ne semblait pas lui faire le moindre effet.

Il n'aurait su dire pourquoi mais il était persuadé que s'il montrait son pouvoir, elle ferait de même. Il avait conscience que ses agissements étaient puérils, mais, il n'avait jamais fait la rencontre d'autres personnes capables de ce qu'il venait de faire et cherchait à se prouver à lui même qu'il n'était pas hors du commun et qu'un groupe même minime d'hommes étaient comme lui. Il cherchait à se rattacher au genre humain son coté bestial avait fait peur à presque la totalité de ceux qu'il avait rencontrés jusque là, même Guaërin avait été effrayée au début par le don de son époux et ce n'est qu'en faisant un travail sur elle même qu'elle finit par l'accepter.

Ne tiens donc tu pas à la vie?

L'homme qu'elle avait heurté l'avait saisie par l'épaule et il n'en avait pas fallu plus pour qu'Elly, instinctivement, l'immobilise.
Qu'avait-il en tête? Etait-il inconscient de s'attaquer à elle? L'assassin n'était pas d'humeur et cet inconnu en avait déjà trop fait.

Dans cette posture de faiblesse Elly pouvait scruter le visage de son assaillant. Mince et anguleux, il avait été endurci par le temps qui passait et gardait une dureté quasiment naturelle. Ses deux yeux verts se distinguaient de l'ensemble avec force et donnait à cet homme une beauté particulière, distante et dissimulée.
Dans la rue, nul ne semblait avoir remarqué l'altercation. Grâce à la discrétion d'Elly, les Astrogs passaient à côté d'eux presque sans les voir, et aucun d'eux ne se souviendrait de leurs visages. Tous vaquaient à leurs occupations et marchaient vite dans les rues grises et ne s'arrêtaient pas, pas une seconde.

Tandis qu'Elly Sora plongeait son regard noisette, dilaté et transperçant, dans celui de l'homme, ce-dernier entama une transformation animale.
Ses membres rapetissèrent rapidement et sur sa peau une fourrure épaisse se mit à pousser. Déjà c'était un loup qu'elle avait en face d'elle et, hormis ces deux grands yeux verts, ronds comme des billes, on n'eût pas su dire qu'il était en fait humain.
Elly Sora connaissait ce pouvoir, pour l'utiliser très souvent. Il s'était révélé à elle lorsque, toute jeune encore, elle avait vécu dans l'ombre de Ptot Tàh, après l'assassinat de ses maîtres. Elle ignore pourquoi elle prit la forme de panthère, mais cela devait être lié à son enfance, elle en était sûre, à cause de ce rêve qu'elle avait fait, un jour...
Depuis sa jeunesse donc, elle changeait de forme régulièrement, et avait acquis une dextérité particulière dans la métamorphose. Son travail d'assassin nécessitait rapidité et précision, deux qualités que la panthère possédait. Aussi s'était-elle entraînée à changer de forme le plus rapidement possible, et d'être prête à agir sur le coup.

L'homme-loup était maintenant en face d'elle, en position défensive, il montrait les crocs avec une application toute particulière. Elly Sora n'avait que faire de l'avertissement: son acrimonie générale la rendait susceptible et l'impétuosité également. Pensait-il lui faire peur avec son physique poilu et cette gueule pleine de dents acérées? Elle aussi savait se faire respecter, et elle n'allait pas tarder à le prouver.

En un claquement de doigts, Elly Sora était devenue féline. Son pelage fauve contrastait furieusement avec la Cité Blanche recouverte de neige. En position offensive, elle retroussait les babines furieusement, en dévoilant des canines faites pour déchiqueter les chairs.
Bien souvent, sa transformation annonçait la mort imminente d'une personne alentours: l'instinct qui sommeillait en elle se réveillait, et la Nùa ressentait le pressant besoin de chasser.
Mais aujourd'hui c'était différent.
C'était une véritable confrontation qui avait lieu entre les deux prédateurs. Incapables de communiquer de vive voix, ils se mesuraient l'un à l'autre, chacun tentant d'intimider son adversaire.

Pendant quelques secondes, la tension resta forte.
Ils ne se connaissaient pas et pourtant Elly et le brun se mesuraient, et ne voulaient pas céder. Les oreilles plaquées contre le crâne, le nez retroussé et la dentition exposée, les chasseurs ne bougeaient plus d'un poil.
La race canine, contre la race féline... une rivalité de toujours! C'était à qui céderait le premier.

Le duel aurait pu perdurer longtemps encore, si une petite dame qui passait par là, toute rabougrie et ensevelie sous des couches et des couches de vêtements, ne s'était pas enfin aperçue de l'étrangeté de la scène. Dans une langue qu'Elly avait du mal à comprendre, elle hurla quelque chose qui devait être un appel au secours, puisque presque immédiatement tous les passants se retournèrent vers les animaux, les uns effrayés, les autres ébaubis, et d'autres encore l'air mauvais.

Aussitôt l'alerte donnée, il ne suffisait pas qu'Elly et l'inconnu reprennent forme humaine: ils seraient repérés et, en ce qui concernait la Nùa, son anonymat était essentiel.
Aussi ce passa-t-il quelque chose d'incongru: le loup et la panthère, tout en même temps, détalèrent de concert dans la même direction. Côte à côte, ils décampèrent. Les foulées d'Elly étaient légères et fluides; celles du brun, tout aussi efficaces, étaient plus pesantes et laissaient dans le sol une belle empreinte.

Pendant une minute au moins, sans un mot ni un regard, l'homme et la femme coururent sans s'arrêter et enfin, au détour d'une ruelle plus étroite que les autres, les deux fuyards s'arrêtèrent. Ils s'appuyèrent contre le muret en pierre pour reprendre leur respiration haletante.
Ensuite, sous le ciel blanc de Storghein, ils se firent face. Ils se regardaient intensément, eux, si différents l'un de l'autre. Et pourtant en cet instant, ils semblaient se comprendre... Les contraires s'attirent parfois.

Eybor se demandât à qui il pouvait bien penser, il savait que se transformer en loup dans les rues de Storghein ne pouvait que lui attirer des ennuis, il l'avait pourtant fait. Il pensait que Storghein l'avait bien changé, pour le peu de temps durant lequel il y était resté, il y avait menacé deux hommes, et avait importuné une femme sans raison, il était maintenant en train de fuir les habitants de la ville parce qu'il avait montré les crocs à une jeune femme innocente. Cependant, il ne regrettait pas ce dernier acte, la femme qui auparavant se trouvait devant lui était devenue dans l'instant qui suivait un animal à poils jaunes moucheté de brun, une sorte de chat, bien plus gros et plus farouche.

Leur course s'arrêta dans une ruelle sensiblement plus petite que les autres, là adossés à un petit muret, ils se fixèrent. Il était bon de savoir qu'un autre que lui partageait les mêmes aptitudes, et de savoir qu'il n'était pas le seul à devoir fuir les êtres humains lorsqu'il était transformé. Cette situation était plaisante, mais Eybor devait y mettre fin, il ne pouvait se laisser capturer ou tuer juste pour la compagnie d'une personne disposant des mêmes pouvoirs que lui.

Lorsqu'Eybor reprit forme humaine il crut déceler dans le regard de l'inconnue une once d'incompréhension, mais il n'avait pas de temps à perdre, il prit juste la peine de dire :

" Pardon."

C'était ce qui correspondait le mieux à ce qu'il ressentait, il abandonnait la seule personne qui semblait l'avoir compris depuis qu'il avait fait l'expérience de son pouvoir, à un destin incertain, il espérait que les habitants de Storghein ne lui mettrai pas la main dessus. Eybor mit le pieds sur le muret conter lequel il était adossé quelque temps plus tôt et s'en servit de tremplin pour sauter et prendre son envol. Il était maintenant un aigle déployant toute l'envergure de ses ailes dans le ciel.

Tandis que, du haut du ciel, Eybor cherchait une ruelle dépeuplée pour atterrir sans être aperçut, il pensait à ce qu'allait devenir sa vie. Il ne se sentirait pas à l'aise à Storghein, mais il ne pouvait pas non plus vivre trop longtemps coupé du monde, ses relations avec les gens, même si souvent conflictuelles, lui faisait du bien, elles lui permettaient de ne pas se sentir totalement autre.

Elly vit le loup devenir homme, puis l'homme devenir aigle et prendre son envol dans le ciel d'un blanc laiteux de Storghein.
Qui était-il et pourquoi avait-il pris la fuite sans un mot?

Elly Sora l'ignorait. La Nùa avait pourtant eu le sentiment que cet inconnu et elle partageaient le même besoin de solitude et de distance vis à vis des autres. Elle n'était pas troublée par ce départ inopiné, mais avait l'impression qu'elle aurait pu tirer beaucoup du côtoiement de cet homme.

Sans doute n'était-il pas assez sûr de lui, de celui qu'il était et de celui qu'il devait être. Quoi qu'il en soit Elly ne détacha son regard du volatile jusqu'à ce que ce-dernier disparaisse de son champ de vision. Ensuite elle s'étira de tout son long puis reprit forme humaine.
Elle sortit de la venelle où elle s'était réfugiée, sans qu'on lui accorde la moindre attention, et s'aperçut, en regardant tout autour d'elle qu'elle était arrivée à l'endroit où La Troupe avait élu séjour.

Les saltimbanques s'affairaient à remettre le camp en ordre après la représentation, sous les imprécations bruyantes de Jillian, emmitouflée de mille couvertures bigarrées.

Mais où étais-tu encore passé, toi? lâcha la Meneuse à l'attention d'Elly. Nulle part, répondit-elle sèchement. vivement qu'on quitte cet endroit, reprit-elle ensuite. C'est mortel dans les environs... J'ai besoin de prendre l'air.

L'assassin rejoint rapidement sa caravane. A l'intérieur il y faisait chaud, les bougies et les tissus faisaient comme une alcôve isolée du monde réel...
La Nùa se défit des couches de vêtements qu'elle portait et alla s'allonger nue sur un matelas de voiles. Qu'on était bien ici... Si seulement Elly avait pu y rester éternellement, cela lui aurait évité bien des ennuis. Mais pour l'instant, la Nùa ne savait rien sur les évènements qui se tramaient. La seule chose qu'elle sût, c'était qu'elle se battrait jusqu'au bout pour Jillian. A quel prix? Elle ne tarderait pas à en savoir plus.

[Désengagée, tu peux clore]
Court mais sympa, merci.

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