Le printemps renaissait des ses cendres sous les pas lourds des armées, déterminées, qui avançaient en masse vers la cité des ruines. Les dirigeants s'étaient mis d'accord puis il avait fallu convaincre les différents conseils et les soldats de l'intérêt de se regrouper sous une même bannière jusqu'au jour où tous avaient compris que c'était là leur ultime espoir de survie. Le 12 Tombeneige sonnait tel le glas et tous espéraient surement que ce ne soit pas leur requiem de fin. La marche entamée vers la cité du Dieu Fou fut longue pour certains, près de deux jours mais tous arrivèrent finalement à bon port dans la soirée du 13. Les camps furent établis suffisamment loin pour en devenir invisibles des yeux d'Azael et de son impressionnante armée mais sans nul doutes savait-il déjà ce qui se tramait. Ses éclaireurs avaient du le prévenir mais peu importait, il était bien trop fier pour attaquer le premier ou alors, il était bien trop occupé à organiser sa défense. A moins que tout simplement, il ai ignoré la présence des armées grâce à quelques flèches aiguisées. Tel que cela avait été prévu, l'attaque fut lancée le 14 à l'aube, tandis que les premiers rayons du soleil pointaient à l'horizon. Une lumière rougeâtre illumina la scène tandis que tous retenaient leur souffle. Prise en étau mais pourtant stoïque, l'armée Erathienne attendait, son nombre étouffant les rires des plus malins qui pensaient remporter facilement la victoire.

On entendit de l'est à l'ouest de magnifiques discours de motivation, certains préférant remotiver une dernière fois leur troupes. La veille déjà, on avait entendu un Capitaine donner du courage aux troupes de Cydonia, une Femme à ses Sentinelles, une Autre à son armée reconstituée avec peine, un Compagnon et sa Reine aux troupes Astorgs et un Templier à ses compagnons d'armes. Tandis que le soleil baignait d'une lumière qui n'augurait rien de bon le champs de bataille, les deux armées se faisaient face. Les Erathiens étaient stoïques, attendant l'ordre d'attaquer et de tuer. Leurs lourdes armures ne semblaient pas les gêner outre mesure et pourtant, elles paraissaient peu enclines aux mouvements, peu être était-ce là leur seule faille ? Leurs armes d'ancienne époque auraient pu faire sourire si elles n'avaient pas été capables de fendre un crâne d'un coup d'un seul. L'impression de malaise, de haine et de néant qui émanait d'eux était palpable même pour un non Sensible. Leur peau blanche comme la neige de l'hiver passé, relevée par leurs barbes brune presque noir de jais donnaient une impression d'avoir à faire à des cadavres. Cette dernière bataille serait décisive et nul doutes que le sang coulerait. Ces terres arides seraient bientôt abreuvées du sang des braves et de leurs ennemis … L'herbe qui avait poussé partout dans la plaine serait bientôt noyée sous un torrent de sang. Les cours d'eau qui jonchaient la plaine de part et d'autre seraient bientôt à leur tour rassasiés par le liquide poisseux mais pour l'heure, le silence régnait. Les ennemis se faisaient face sans un mot, leurs armées bien organisées, leurs rangs bien propres. Seuls les battements de cœur incessants des soldats résonnaient à présent dans ce lugubre décor. Lorsqu'il apparut, plein de force et jaugeant d'un regard satisfait les armées adverses, tous savaient que la bataille ne tarderait pas à débuter.

Guerre, tel était son nom, tel était celui qui sonna la bataille des rois.

La charge fut sonnée après que chaque capitaine, chaque général ou chaque roi ai donné ses ordres. Dans cette lutte pour la survie même du peuple des vivants, seul l'espoir et la détermination sauveraient les âmes de tous ces soldats. Divers chants se firent entendre, divers ordres fusèrent et les belles armées bien rangées se dispersèrent parmi leurs assaillants. Désormais, seule une chose comptait, survivre, protéger ce qu'il restait du peuple des vivants de la folie d'un Dieu sans cœur.

La Troupe.
Jillian avait été ferme sur ses intentions, si tous devaient mourir sur ce champs de bataille pour protéger la vies des leurs, la Troupe ne ferait pas exception. Certes les saltimbanques n'étaient pas des guerriers avait-elle ajouté à Tamawa, mais ils étaient de parfaits magiciens et mieux encore, ils avaient la foi, non pas celle de croire en n'importe quel dieu, mais celle de croire en eux. Les saltimbanques avaient été séparés suivant leur compétences, de façon à ne pas déséquilibrer un front. Elly avait insisté pour rester aux côtés de la meneuse et c'était ensemble qu'elles combattaient, sur le front ouest, aux côtés des Astorgs. Le fleuve aidait les élémentaires adverses à noyer les soldats mais fort heureusement, la Troupe comme les armées alliées avaient leur propres magiciens et la lutte se fit donc entre eux à coup de magie, tantôt de l'eau, tantôt du feu etc. Un étrange compagnon apparut alors à leur côté, Wolf, suivi de près par une jeune femme du doux prénom d'Angèle. Puisque tous luttaient pour leur survie, pourquoi ne pas s'entre aider ?

[ Les règles : ICI ]
[ Bon jeu ! ]

Maintenant qu'ils y étaient tout était différent. Avec une moue d'écœurement Jillian se demandait comment certains pouvaient s'enorgueillir d'avoir participé à un tel spectacle. Le coeur serré, elle ne pouvait détacher son regard de la masse informe et répugnante qui avançait vers eux, toujours plus proche, toujours plus effrayante. Leur teint blafard n'avait rien d'humain, leurs armures semblaient avoir traversé les siècles. Mais qui étaient-ils ?

Jillian sentit toute l'armée frissonner quand les premiers rangs erathiens percutèrent ceux des Alliés. Du peuple libre d'Azthia. Et qui avait bien l'intention de le rester ! C'est en s'accrochant à cette pensée que la Saltimbanque trouva le courage de rester, droite et fière, aux côtés des magiciens de sa Troupe. Le rugissement de l'énorme félin qui retentit à ses côtés finit à lui redonner son aplomb.

« Aller les amis ! On va les massacrer une bonne fois pour toute ces cons de morts vivants ! »

Elle était livide. Mais elle pensait chacun de ses mots dans lesquels elle avait mis toute sa force. Sa détermination suffit à dénouer les estomacs, certains sourirent même, soulagés d'entendre leur Chef, fidèle à elle-même. Les magiciens se concentrèrent. Sans lâcher l'armée adverse des yeux, Jillian chercha de la main le pelage sauvage de Sam. Elle ne rencontra que la froideur et la dureté de l'acier. Elle ne put s'empêcher de sourire. Il avait fallu se battre avec la tigresse pour lui enfiler cette fichue armure, un peu grotesque, il fallait l'avouer, mais si cela pouvait lui permettre de rester en vie, cela valait bien toutes les armures du monde. Et bien plus encore ! Surtout qu'elle était faite de telle façon qu'elle ne protégeait que le corps à proprement parlé de la bête, épargnant ses pattes, ses articulation et sa tête. Elle perdait un peu en rapidité, mais elle n'en restait pas moins souple. Et féroce...

Rassurée sur le sort de Sam, sa main gauche cette fois-ci chercha celle de son frère. A peine l'eût-elle effleurée qu'elle se refermait sur elle. Puissante et protectrice. Un poids énorme quitta le creux de son estomac. Jillian avait beau avoir protesté sur tous les tons quand Garet l'avait rejoint à Tamawa quelques jours plus tôt, elle était soulagée de le sentir près d'elle. D'autant plus qu'ils formaient un duo d'une efficacité inespérée sur le champ de bataille. Lui qui jonglait avec le feu, elle qui domptait les vents...

Ca allait chauffer !

Avant d'enfiler son casque, suivant l'exemple de son frère, ses prunelles vertes croisèrent celles d'Elly. Leur dernière vraie conversation remontait à Storghein où elle n'avait su trouver les mots face à la vague d'émotion qui avait submergée son amie et elle aussi au passage. Elle se promit à cet instant de remédier à sa maladresse dès qu'elle en aurait l'occasion. Et elle lança à son Elly un regard où le respect se mêlait à une affection sans borne. Intense.

Et le casque recouvrit ses longs cheveux prune. Une longue plume reprenait la couleur violette, accrochée au sommet de l'objet d'acier et volait derrière Jillian, lui donnant un air fier. Et méconnaissable. Car en plus du casque, la Saltimbanque avait revêtu une armure de fer, qui protégeait son torse, ses jambes et ses bras, lui ôtant un peu de sa mobilité, mais ça elle s'en moquait. Elle n'avait pas prévu de bouger, elle savait d'ailleurs à peine manier le sabre qui pendait à son côté, contrairement à son frère, qui déjà brandissait fièrement son sabre, bien plus crédible dans son armure de fer. Jillian comptait sur Sam et Elly pour la protéger du corps à corps, tandis qu'elle attiserait les flammes qui réduiraient en cendre les lignes adverses.

D'ailleurs il était temps de mettre son plan à exécution...

« Garet... »

On ne lui connaissait pas ce ton chaleureux. Ce n'était qu'un murmure qui était d'autant plus touchant qu'il vibrait d'une détresse incontrôlée. Garet adressa un sourire assuré à sa soeur et des flammes jaillirent de nulle part à quelques mètres au dessus de leurs têtes. Flammes qui grandirent, grossirent, malmenées par les courants d'air que Jillian abattait sur elles. Flammes qui se rengorgeaient à chaque provocation habile des vents. Flammes qui tourbillonnaient dans les airs, devenues oiseaux de proie tournant autour du gibier. Et qui subitement plongèrent. Droit sur les Erathiens.

Beaucoup prirent feu instantanément, d'autres eurent le temps de courir jusqu'au fleuve proche. Déjà le mur de flammes grossissaient plusieurs mètres plus loin, formant une barrière formidable sur laquelle les ennemis s'abattaient dans un râle de douleur.

Mais les magiciens adverses ne tarderaient pas à riposter et si l'incroyable attaque enflammée faisait beaucoup de dégâts dans leurs rangs, elle ne tiendrait pas longtemps. C'est alors que les hommes se fraieraient un chemin jusqu'aux élémentaires. Et alors ce serait aux autres de s'y mettre...

[J'ai pas voulu aller plus loin dans l'action, ni en dire trop sur les Saltimbanques qui nous entourent, en tous cas, il y a un catalyseur parmi eux x). J'ai corrigé quelques bourdes après relecture !]

Le combat qui se préparait n'aurais pas du le concerner. Que lui importait-il en effet finalement que les forêts dans lesquelles il vivait appartiennent à l'un ou l'autre camp ? Les chasseurs qui s'y aventureraient auraient toujours le même gout sous ses dents...

C'était sans compter sur ce qui avait changé dans sa vie ces derniers mois, depuis presque la moitié d'un an. Il suffit de peu de chose pour s'attacher. Un parfum, un sourire, une peau douce au toucher... Il suffit de n'avoir ne serait-ce qu'une fleur à protéger. Sa Fleure. Celle qu'il avait abandonné la veille sur un coup de tête, alors qu'ils dormaient sous leur tente près du feu.
Silencieusement, il avait détachés les bras accrochés à son corps et s'était glissé dehors tel une ombre. Le bruit calme et apaisé de Sa respiration l'avait rassuré sur le fait qu'Elle soit toujours endormie.
Près du feu trainait oubliée une écharpe blanche. Son écharpe. Celle qu’elle portait tout les jours ou presque en ce moment pour se protéger du vent qui soufflait parfois fort dans les plaines arides. Facilement reconnaissable grâce au blason de la famille qui y était brodé. Il s’en était emparé, humant une fois encore son parfum avant de s’enfuir et disparaitre dans la nuit.

C’était une décision qu’il ne comprenait pas bien encore, sortis des suites d’une réflexion qu’il avait mené depuis la veille au soir, après avoir parlé avec d’autres migrants qui se dirigeaient sans sourciller vers cette mort quasi certaine. Et qu’il avait interrogé sur les raisons les poussant à se livrer à ce triste sort.

« On a tous dans nos cœur quelque chose à protéger. Que ce soit une mère ou une sœur, un bout de terre ou une parcelle de bonheur. On est prêt à se battre pour les protéger, à mourir aussi s’il le faut. »

Il avait alors réalisé que lui aussi refusait de perdre la seule chose à laquelle il soit attaché. Et il était parti. Sans rien dire. Pour ne pas l’inquiéter.

Il avait croisé sur sa route il y avais deux jours la Troupe, Jillian et les autres saltimbanques, qui avait accepté qu’il se joigne à eux. A leurs cotés, l’Homme Loup s’était montré taciturne et solitaire. Fidèle à son caractère en quelque sorte.
Au moins était-il resté sous sa forme humaine, se laissant prendre aux jeux des jumelles Miki et Maya, discutant parfois même avec certains des autres membres.

Le jour de la Bataille, il était redevenu Loup et avait quémandé auprès d’un des artistes qu’on lui accroche autour du coup le foulard blanc qu’il trimballait avec lui depuis son arrivée. Il avait par contre refusé toutes les pièces d’armure qu’on lui avait proposées. Il n’était pas habitué aux inventions des Deux-Pattes. Elles n’auraient fait que le gêner.

Quand le combat commença, il resta immobile un instant, n’osant trop s’avancer vers la masse grouillante qui empestait la mort. Il regarda une femme inquiétante, terriblement dangereuse, s’y enfoncer comme dans du beurre tandis que se répandait dans l’air les effluves acres du sang qui effacèrent un peu plus le semblant d’humanité qui lui restait. L’instinct reprenait le dessus, n’épargnant que l’image d’une rose blanche à protéger et de vagues pensées de stratégie combative.

Un rugissement lui fit dresser la tête. Les élémentaires, rassemblés autour de la meneuse, allaient bientôt avoir besoin d’aide. Grognant, les crocs sortis, l’échine dressé, il galopa jusqu’à la zone en gestion distribuant ça et là des coups de crocs pour achever un ennemi au sol.
L’écharpe à son cou se teintait doucement de petites taches écarlates, là ou les gouttes de sang perdues tombaient. Du sang ennemi. Pour le moment.
Placé devant les élémentaires à présent, il patientait, près à bondir à la gorge du premier qui s’approcherait. Il avait repéré un point faible au niveau du coup. Ses crocs feraient un carnage.

Ils ne passeraient pas.

Il était des hommes sur cette vaste terre d'Azthia qui n'avaient foi en rien, qui prenaient plaisir à s'intégrer pour mieux tromper. Il était des hommes qui, pour remplir leur mission, n'hésitaient pas à renier ceux pourquoi ils avaient été employé l'espace d'un instant. Le temps que tous les croient dignes de confiance et surtout, le temps que plus personne ne se méfie d'eux. Jillian était pourtant de nature méfiante ou du moins, elle ne semblait pas facile à aborder et encore moins, encline à donner facilement sa confiance à n'importe qui. La jeune femme était une meneuse hors pair, et l'espace de quelques mois, Zell avait presque cru qu'il aimerait cette vie. Qu'il aimerait la Troupe plus que le reste et surtout, qu'il reconnaitrait en Jillian le meneur qu'il avait toujours cherché. Finalement, il n'avait pas eu grand mal à s'intégrer, à faire semblant, c'était comme s'il était naturel avec eux !

Le pyromane avait pris plaisir à être saltimbanque mais il lui manquait quelque chose, quelqu'un à suivre aveuglément. Il était un mouton, pas un meneur, mais il ne voulait pas non plus suivre n'importe qui alors il s'était tourné vers Azael car le dieu lui avait paru particulièrement puissant, suffisamment du moins pour être le meneur dont il rêvait. A ses côtés, Zell pourrait aisément diriger le monde à son niveau pendant que le dieu se chargerait d'éloigner de lui les ennemis. C'était pour cette raison que le saltimbanque avait trahi, bien que pour sa part, il n'ai jamais eut cette impression. Elly combattait aux côtés de Jillian et lui terminait la marche. Dos à dos avec l'assassin de la Troupe, Zell combattait contre les forces ennemies lorsque le vent de la trahison se mit à souffler.

D'un geste, il orienta ses flammes non pas vers l'Erathien qui leur faisait face mais vers la belle Nùa qui, surprise, n'eut pas le temps de se protéger. Pourtant, Zell n'était pas quelqu'un de profondément méchant, juste de naïf et facilement manipulable, aussi, il saisit le poignet de l'assassin avant que l'arme du soldat sans âme ne l'entaille et projeta des flammes dans la direction de l'homme qui ne mirent pas longtemps à le bruler vif dans son armure de métal. Tandis que l'Erathien hurlait de douleur, Zell avait déposé le corps inconscient d'Elly au sol. Le dos de cette dernière était en piteux état, brulé vif pourtant, l'homme ne s'en préoccupa pas. Il avait une autre mission.
Jillian.

Sans attendre, il se dirigea vers la meneuse et lui fit face, sans ciller.

« Quelle folle idée d'avoir mené nos saltimbanques au combat ! » railla-t-il.

Il n'avait simplement pas fait attention qu'une jeune fille se trouvait non loin et risquait de contrarier ses plans !

[ Compétences : manipulation du feu, charisme, spécialisation au bâton (il fait bruler le bout de son bâton avec de l'huile) ]

« Elly ! »

Incontrôlable. Inconsolable.

Les flammes de Garet faiblirent et quelques Erathiens en profitèrent pour franchir le mur flamboyant. Ils furent accueillis par le sabre du forgeron qui abandonna son élément pour se concentrer pleinement sur le combat. D’autres magiciens autour prirent le relais pour reconstruire l’obstacle de flammes qui les protégeaient, jusque là alimenté par les frère et sœur Torrez. Mais Jillian n’était plus en état.

Totalement sous le choc, elle contemplait horrifiée, le corps de sa protégée, brûlé, mutilé. Le sanglot qui menaçait d’éclater bloquait sa gorge et elle resta là, un instant, la bouche ouverte, à la recherche d’air. De vie. Elle n’eut pas l’occasion d’accourir et se précipiter au secours de son amie. Le meurtrier se tenait là, devant elle, la toisant avec mépris. Le traître…

« Quelle folle idée d'avoir mené nos saltimbanques au combat ! »

En effet… Quelle folle idée… Alors qu’elle regardait le corps sans vie de son Elly, les mots de cette ordure sonnait si juste. Affreusement juste. Quelle vanité ! Pour qui elle se prenait, elle, qui ne savait ni se battre et ni même mener des combattants, visiblement ? Qui elle était pour avoir espérer changer le cours des choses, s’opposer à un mal si puissant ? Durant un instant elle contempla le carnage autour d’elle. Les Saltimbanques tombaient les uns après les autres tandis que les Erathiens grignotaient toujours plus leurs faibles défenses.
Qu’as-tu fait Jillian ?

Un toussotement discret attira son attention derrière le pyromane. Un gémissement. Souffrance. Mais vie. La Meneuse fronça les sourcils. En colère comme jamais.

« Qu’on aille me chercher Esteban ! Qu’il la protège coûte que coûte ! »

Sa voix tremblait malgré la détermination qu’on pouvait lire sur son visage. Et la fureur froide qui luisait dans ses yeux. Un Saltimbanque non loin obtempéra aussitôt. Le regard dur et froid de la Meneuse dissuadait Zell de l’en empêcher aussi sûrement qu’une menace de mort. Jillian n’avait pas dit son dernier mot.

« Je n’ai jamais eu la prétention de dire qu’elle était saine, cette idée, répondit-elle, un sourire sans âme sur les lèvres. Par contre tu es complètement taré de croire que ces Saltimbanques sont à toi ou à moi. "Nos" Saltimbanques… Ils n’appartiennent à rien ni personne ! C’est pour ça qu’ils sont ici sombre idiot ! Pour défendre leur liberté ! Qu’est-ce que tu crois qu’on pouvait faire d’autre, hein ? Se laisser berner par un Dieu manipulateur, cruel ? Par un tyran ? »

Les yeux pleins de larmes elle défiait le traître avec un aplomb et un charisme magnifiques. Magnifique car c’était la passion qui faisait briller ses yeux et qui faisait que ses mots semblaient autant dans le vrai. C’était ses convictions et sa rage de vivre qui l’avaient menée ici. Et alors qu’Esteban accourait, enveloppant aussitôt Elly d’une illusion salvatrice, elle ne regretta pas un instant de se trouver ici. D’avoir eu cette folle idée.

Jillian ne savait que très peu se battre et au corps à corps ses chances de succès étaient quasi inexistantes. Sam la défendrait, peut-être même que sa fougue sauvage viendrait à bout de son adversaire, mais elle ne put s’empêcher de se sentir nue face au pyromane. Il fallait qu’elle évite l’affrontement. Le combat semblait s’être arrêté autour d’eux. Sans doute son frère veillait-il à ce qu’on n’approche pas trop près et les Saltimbanques avaient dû reprendre en main le mur enflammé qu’elle avait aidé à ériger.

Jillian revint alors à elle. Plus agressive que jamais. Elle défia Zell du regard avec une telle férocité que le félin à ses côtés semblait presque inoffensif.

« Ose me dire que j'ai eu tort ? »

Elle avait craché ses mots avec un tel mépris, qu'elle en était inquiétante. Tiens lui tête.
Ou cours, petit.

[Esteban : Survie, Illusion, Combat à mains nues.]

Zell observa la scène sans broncher, Elly n'était qu'un élément perturbateur qui l'empêchait d'atteindre son but, à savoir, Jillian. La Troupe était un ensemble d'hommes et de femmes libres certes, mais il restait tout de même un corps et si la tête en était coupée, ce dernier ne pourrait plus avancer et retirerait ses troupes qui malgré ce que l'on pouvait penser de prime abord, faisaient quelques sérieux dégâts dans l'armée adverse. Le Saltimbanque attendit que la jeune assassin soit mise hors de sa portée par Esteban. Zell croisa le regard dur et menaçant de la jeune Cydienne et s'en amusa, pour lui qui venait de trahir la Troupe, il était évident qu'un tel regard n'était pas grand chose à côté de ce qu'il venait de faire et de ce qu'il risquait. Que risquait-il justement ? Pas grand chose. Avant de passer à l'action, avant de prendre sa décision, il avait prit le temps de récupérer des informations, d'observer, de prendre note de chaque détail qui aujourd'hui allait lui servir. Mais pour l'heure, il allait attendre son heure, attendre que la Meneuse parle, parce que Zell n'était pas ignorant, il savait que l'atout de la jeune femme était sa langue bien pendue.

Il écouta sans broncher à nouveau le monologue passionné de la jeune femme. Il avait entendu tellement de gens comme elle. Tellement de gens qui lui avaient fait miroiter des chimères, Azael semblait au moins tenir ses promesses et c'était pour cela qu'il s'était rangé de son côté.

« Tu as tords. » prononça-t-il en articulant chaque syllabe, la toisant d'un regard dur.

« Nous sommes une Troupe, tu es notre Meneuse. Il serait peut-être temps de cesser de te décharger de tes responsabilités, nous ne t'avons suivi que parce que tu nous l'as demandé, que parce que toi, Jillian Torrez, tu nous y as engagé à Tamawa ! Nous n'avions d'autre choix que de défendre notre liberté mais pour ma part, je préfère la reprendre d'entre tes mains. »

Nul sourire n'animait les traits de Zell, à vrai dire, il était concentré. Oubliant Elly et Esteban, il se concentrait pour le combat à venir. Le premier d'une longue série songea-t-il. Il avait l'avantage, il le savait. Pourtant, il attendait.

« Tu gueules beaucoup mais tu ne fais jamais grand chose ! » aboya-t-il avec un sourire qui cachait mal son agacement.

Zell se mit en garde mais visiblement, il attendait autre chose, il n'attaquerait pas. Que cherchait-il ? Un meneur.
Il était charismatique mais se savait incapable de mener des hommes. Il était un mouton noir à remettre dans le droit chemin car une chose était sure, mieux valait l'avoir de ton côté qu'à l'ennemi ou alors, mieux valait pour toi qu'il meurt.

Impassible, Jillian laissa Zell jacasser. Elle ne s'attendait pas à tant d'aplomb cependant elle fit en sorte de prendre sur elle. Pourvu que cela ne se remarque pas.

Il s'était fait un malin plaisir à répondre et avait articulé chacun de ses mots avec insolence. Et quelle insolence ! Un vrai ado provoquant l'autorité.
Un gamin.
Un gamin qui allait s'en prendre une.
Le problème... c'est qu'il n'attendait que ça !

La Meneuse inspira un bon coup. Elle n'avait jamais eu d'enfants, n'avait aucun sens de la pédagogie, mais elle était certaine d'une chose : l'éducation ne se faisait pas à coup de baffes. Et même si parfois certains parents rêvaient d'infliger une bonne correction à leur petit teigneux, ce n'était pas là que se trouvait la solution. Il s'agissait d'un rapport de force certes. Mais ce n'était pas celui qui crierait le plus fort ou qui frapperait avec le plus de violence qui l'emporterait.
Non, c'était celui qui en aurait le plus dans le pantalon.

A cet instant Jillian était devenue Maman. Maman d'un ado en pleine crise et qui conteste toute autorité. Ou du moins une autorité qui ne lui semble pas adaptée. Injuste. Ils n'ont que ce mot là à la bouche les morveux... Mais Maman n'allait pas taper son vilain garçon. Oh non, surtout que le sale gosse était armé d'une lance qu'il n'hésiterait pas à utiliser, pas après avoir carbonisé sans ciller un assassin hors pair. Il faudrait se montrer plus fin. Lui faire comprendre qui était le chef, pas lui imposer cette vérité à coup de poing.

« Tu sais, c'est pas parce que je n'agis pas, que je fais pas avancer les choses. »

La Saltimbanque parlait d'une voix calme mais ferme. Ce ton serein qui exaspère tant, quand vous, vous êtes en train de bouillir littéralement. D'autant plus énervant qu'il sonne affreusement vrai.
Parfaite dans le rôle de la mère la Jillian.

« Ouais je gueule. Je gueule beaucoup même. Sauf que je suis pas la dictatrice que tu décris. T'as rien compris au fonctionnement de la Troupe, mon petit. Quand on y rentre, on me dit bonjour, quand on en sort, on me dit au revoir, mais je n'ai jamais empêché personne ni d'y rentrer ni d'en sortir. J'ai apporté le soutien des Saltimbanques à Tamawa mais s'il n'y avait eu que dix Saltimbanques assez fous pour me suivre, j'en aurais emmené dix ! Et Tamawa m'aurait dit merci ! Je suis une Meneuse, je mène. Mais je n'ai ordonné à personne de me suivre. Je n'ai obligé personne à se battre. »

C'était parfaitement vrai, Zell le savait pertinemment. Les Saltimbanques étaient allés à Tamawa dans le dessein de proposer leurs services aux Grands d'Azthia. Tous n'avaient pas suivi. Avant leur départ et après s'être entretenue avec Elly, Jillian avait exposé à la Troupe son projet et ceux qui étaient contre s'en étaient allés sans que personne ne les jugent. Ils étaient des Saltimbanques, pas des guerriers, on ne l'avait que trop dit.

« Les gens qui m'accompagnent sont pas retenus par mes ordres, ils sont retenus que par leur soif de liberté. Moi je fais que les guider et leur montrer quel est le chemin pour y accéder. Mais c'est pas la liberté qui t'intéresse petit, ça je le sais, sinon tu serais pas là en train de me les briser. »

Là Jillian entrait dans la phase du « aller, raconte à Maman ce qui te tracasse ». Car cette scène n'était qu'un prétexte, le mal-être qu'il ressentait était bien plus complexe et il fallait qu'elle comprenne pour pouvoir l'aider. Elle se permit même un petit sourire encourageant qu'on offre à un enfant qui manque un peu de confiance.

Et qui sait, peut-être que dans pas longtemps Zell allait se jeter dans les bras de Jillian en pleurant et criant « excuse moi, Maman ! ».
Qui sait...

[Je n'ai pas joué le passage que je décris sur la réunion avec les Saltimbanques, je n'avais pas eu le temps à ce moment-là mais c'est comme ça que je l'avais imaginé, si vous trouvez ça incohérent que je le case que maintenant, je peux éditer.]

Zell était quelqu'un de bien, nul doutes là dessus sinon pourquoi ne t'aurait-il pas attaquée maintenant que tu étais seule, et sans défense face à lui ? Non, il attendait parce que quelque part, il avait pris plaisir à te suivre ces derniers mois. Quelque part, il avait toujours cru jusqu'à récemment que tu étais la Meneuse qu'il lui fallait. Le saltimbanque était comme tout le monde, il voulait sa part du gâteau sans pour autant être capable de se l'approprier seul. Son charisme était utile durant les spectacles mais son manque d'autorité lui faisait gravement défaut pour diriger un groupe d'hommes ou de femmes et les rallier à sa cause. De cela, il en était parfaitement conscient. Jillian était une Meneuse née certes mais une meneuse faillible. C'était cela qui avait convaincu l'homme de ne plus la suivre au bénéfice du dieu.
Jillian était une grande gueule et si cela lui avait permis de percer un trou parmi les grands de ce monde, force était de constater que ce trou était minuscule. Les saltimbanques avaient été considérés comme des bouches trous et cela, Zell ne le supportait pas. Pour lui, la Meneuse avait fait les mauvais choix et parié sur les mauvais chevaux. De plus, il avait découvert que la jeune femme n'était qu'une … femme justement. A l'instar du dieu immortel contre lequel eux, fourmis, se dressaient, elle n'était qu'une enveloppe de chair si simple à détruire … Tous les espoirs de Zell s'étaient envolés devant ces simples constatations.

Le ton quelque peu serein de la jeune femme eut le bon sens de le faire revenir à ses pensées. Il observa la Meneuse en silence, à présent concentré sur ce qu'elle disait comme sur ce qu'il allait faire. La tirade suivante le fit sourire. Croyait-elle sérieusement ce qu'elle disait ? Etait-elle seulement consciente de ce qu'elle représentait aux yeux de ces saltimbanques bien souvent incapable de vivre sans la Troupe ?

« Tu es notre Meneuse ! Tout ça est trop facile ! Nous t'avons suivi, nous sommes entrés dans cette Troupe uniquement parce que nous y avons trouvé une famille ! Tu es notre Meneuse, sans toi, la Troupe n'existerait pas et sans toi … où irions-nous ? C'est trop facile de dire que nous aurions pu partir ah ouais, la belle histoire à raconter aux marmots en oubliant de dire que sans la Troupe, nous allons retourner dans le caniveau et crever ! Merci la Meneuse, sympa de penser à nous hein ? »

Son ton était sarcastique, pire que tout, il se moquait clairement d'elle et au fil de ses propos perlaient quelques notes de colère profondément enfouie jusque là. En réalité, le jeune homme se sentait trahi par les propos de la saltimbanque. Elle prétendait que tous l'avaient suivi de leur plein gré, ce qui n'était pas totalement faux, mais elle oubliait bien facilement tout de même à ses yeux qu'ils l'avaient aussi suivi faute de mieux. Faute de pouvoir laisser un membre de ce qui leur semblait être leur famille se faire tuer. Faute de devoir attendre avec ceux qui resteraient pour compter les pertes.

« Nous ne t'avons pas suivi pour notre soif de liberté, nous t'avons suivi parce que nous formons un groupe, une famille guidée par un piètre pantin de chair et de sang ! »

On y était. Le masque de façade s'ébranlait. Un dernier événement vint chambouler la scène. Zell n'était pas quelqu'un de mauvais et il n'avait besoin que d'un guide … La muraille de flammes n'était sans doutes pas aussi invincible que les saltimbanques l'avaient prévu car un Erathien parvint à la franchir sans être arrêté et fut bientôt à la portée de Jillian, dans son dos. Zell était un traitre … vraiment ? Alors que l'homme de cuirasse allait frapper la Meneuse, le saltimbanque se projeta en avant – compétence ajoutée : acrobatie – et repoussa la jeune femme pour lui éviter un mauvais coup. D'un même mouvement, il profita de l'huile sur son bâton et de son pouvoir de manipuler le feu pour projeter vers l'ennemi une giclée de flammes qui le fit reculer. Angèle et Wolf prenant le relais, ce fut à cet instant seulement que Zell comprit ce qu'il venait de faire. Sauver Jillian, celle même contre qui il avait juré de se battre !
Il se retourna vers et la menaça sérieusement avec son bâton. Le muscles tendus, il était évident qu'il n'hésiterait pas à la frapper désormais, non pas par méchanceté, mais parce qu'il se sentait bête d'avoir agi de la sorte.

« Tu ne nous considère que comme des êtres libres ? Pour toi, nous ne sommes rien, la Troupe tout ça c'était du vent ! Tu nous as mené ici en sachant très bien que seuls ceux qui se foutaient de ce que représentaient la Troupe ne te suivraient pas ! Tu es une lâche qui n'avait pas les couilles d'aller au combat toute seule ! Tu savais que ceux qui tenaient vraiment à cette foutue Troupe te suivraient jusqu'en enfer et non pour une connerie de liberté ! »

L'homme tenait la Meneuse à distance, articulant ses mots avec précaution, tentant vainement de ne pas laisser paraître sa colère. Il était évident qu'il avait tout l'air d'un gamin pris en faute qui tente de se justifier !

« Tu nous as offert la mort et moi, je choisis de vivre, je choisis la liberté ! Je choisis le dieu pour guide et pas la grande gueule de chair et de sang ! Tu ne peux pas être un guide ! Où veux-tu nous guider sur ce champs de bataille ?!? »

[ Pendant ce temps, pendant cet échange charmant de noms d'oiseaux et autres animaux, Angèle et Wolf étaient aux prises avec leur adversaire. En réalité, seule la jeune femme se battait, Wolf ayant compris qu'il ne pourrait être d'aucune utilité près de l'annihilatrice. Cependant, lorsque l'Erathien para à merveille une passe d'Angèle et qu'elle se trouva en difficulté, faut dire que la demoiselle était archère et que se battre avec l'épée du voisin tombé quelques minutes auparavant au combat ne devait pas aider en fait, bref, quand elle fut en difficulté, Wolf n'eut d'autre choix que d'aller à son secours. Les hommes ont un sens particulier de l'honneur et du sacrifice que l'on pourrait aisément apparenter au suicide dans cette bataille car lorsque le loup fut à portée de la jeune femme, il se changea automatiquement en homme et ne put que prendre le mauvais coup d'épée de l'ennemi. Angèle, sauvée par le comportement de son compagnon et visiblement toute aussi surprise que l'Erathien, avait eut le temps de reprendre son arme de prédilection maintenant que Wolf avait attiré l'Erathien quelques pas plus loin. Ce ne fut que lorsqu'il vit de ses propres yeux la flèche se ficher dans la tête de l'Erathien que Wolf relâcha sa prise. Ses dents s'ouvrirent et il sentit petit à petit ses forces le quitter. Lourdement, son corps toucha le sol mais déjà, l'homme loup ne sentait plus la douleur, son âme voguant vers d'autres cieux. Il s'était sacrifié pour sauver la belle Angèle et si elle le regretterait surement, lui n'était plus là pour le voir. ]

[ Désengagés : Wolf, Angèle ]

Ah ! Enfin on y était ! Après avoir tourné en boucle sur les mêmes absurdités, voilà qu’il en venait enfin aux faits ! Plongée dans un tel dialogue de sourds, Jillian avait bien cru qu’elle allait y passer des siècles. Et vas-y que je te répète les mêmes conneries sur ce qu’est la liberté, et vas-y que je continue à rabâcher à quel point elle les avait manipulés… Totalement borné le Zell ! Seul l’instant où il compara la Troupe à une famille toucha la Meneuse. Et la conforta dans l’idée qu’il fallait vite lui trouver une mère à ce petit ! Ca, et son sauvetage in extremis d’un Erathien ambitieux auquel Jillian n’aurait pu échapper sans l’intervention inespérée de celui qui maintenant la menaçait à nouveau de son bâton imbibé d’huile. Complètement paumé ce type… Ca n’avait aucun sens ! Bien que confortée dans l’idée que ce gars-là avait perdu l’esprit, la Saltimbanque reprit son plaidoyer, décidée à le ramener à la raison.

« C’est donc ça, commença-t-elle avec un sourire ironique. Tu vas chercher la liberté chez le Dieu des Morts. Non, mais t’as raison, la mort c’est une forme de liberté. Un peu radicale comme solution, mais pourquoi pas, hein ! »

Cette ironie allait certainement pousser Zell dans ses derniers retranchements. Jillian ne savait pas trop s’il s’agissait d’une bonne ou mauvaise tactique, c’était plus fort qu’elle, elle ne pouvait s’empêcher de la ramener… Mais après tout, s’il l’avait sauvée de la lame d’un Erathien, ce n’était peut-être pas pour l’achever juste après. C’était comme s’il attendait son avis à elle. Ben mon petit, tu vas pas être déçu !

« D’ailleurs, puisque maintenant tu fais copain-copain avec Azael, tu m’expliques pourquoi cet Erathien là, que tu viens de zigouiller, pourquoi il s’est pas éloigné quand t’as voulu en découdre avec lui ? T’es son pote pourtant, pourquoi il s’est pas juste incliné et t’as pas laisser faire ta vie d’allié que tu es ? Pourquoi alors ? Parce que ton Dieu il sait pas faire la différence entre ceux qui sont avec lui ou non ! Qu’est-ce que ça peut lui foutre d’avoir quelqu’un de plus ou de moins dans ses rangs, quand il a à disposition une armée d’innombrables morts ? »

Azael prêtait-il attention à ses alliés vivants ? Jillian n’en avait pas la moindre idée. Il était tellement inconcevable pour elle de vouloir d’un tel Dieu comme guide qu’elle ne s’était pas intéressée à ses partisans encore en vie… Il fallait une bonne dose de méchanceté et de sadisme pour se rallier à lui. Or Zell n’était ni méchant ni sadique. Il était juste perdu.

« Si c’est la liberté qui t’intéresse, comment tu comptes la trouver en étant sans cesse sous les ordres d’un Dieu tordu et absent qui ne souhaite qu’une chose : la destruction des hommes. Tu seras tellement occupé à mettre un terme à la vie de pauvres gens que tu sauras plus pourquoi, un jour tu as pris une telle décision. Drôle de façon d’être libre. Se plier aux ordres d’un fou aux lubies morbides. Tu parles de liberté ! »

Le ton montait au fur et à mesure que Jillian exposait sa vision des choses, avec une passion et une rage bouleversantes. Encore une fois elle se laissait pousser par ses opinions qu’elle défendrait coûte que coûte. En espérant avoir un minimum bousculé le Saltimbanque, elle passa à la phase finale… Elle plongea son regard déterminé dans le sien et enchaîna, avec tout l’aplomb dont elle était capable.

« Maintenant tu vas m’écouter attentivement, Zell. Je n’ai rien d’un Dieu tout puissant mais j’ai le mérite d’être là devant toi et de me préoccuper de toi, tout comme je me préoccupe du sort de chacun des Saltimbanques. Nous sommes une famille, c’est toi qui l’as dit. Et je laisserai aucun membre de cette étrange famille perdre les pédales comme ça et foutre sa vie en l’air pour de mauvaises raisons, tu m’entends ? »

Elle n’avait pas lâché des yeux le pyromancien. Et elle conclut, un sourire un peu dingue sur les lèvres :

« Tu veux savoir où est-ce que je compte te mener sur ce champ de bataille ? C’est facile : vers la victoire. Parce que moi j’y crois. Regarde autour de toi ! Tout Azthia est prêt à oublier les préjugés et l’animosité qui séparent ses peuples pour s’unir contre lui. Et quand tu vois qu’on a réussi à en arriver là, c’est que l’Homme croit encore à la vie, il a des valeurs à défendre. Tu trouves pas ça impressionnant toi ? Autant de fougue, autant de passion chez tous ces gens… Tu trouves la même chose dans les lignes adverses toi ? Tu les trouves expressifs leurs regards de mort-vivant ? Tu vaux mieux que ça, Zell. Qu’être un pantin entre les mains d’Azael. »

Jillian n’était pas sûre que ses arguments viendraient à bout du voile de mensonges et d’illusions qui aveuglait le Saltimbanque. Elle tenta le tout pour le tout.

« Alors tu vas me bouger ton petit cul et me filer un coup de main ! Pour la victoire ! Pour la gloire si t’en as envie. Mais avant tout pour la liberté ! »

Et elle leva sa tête vers le ciel et mit ses mains en porte-voix avant de crier :

« Azael ! Va te faire mettre ! »

Nombre aléatoire (1,10) :

6

Le jeune homme toisa la saltimbanque d'un air dégouté. Elle ne comprenait rien à rien, il le sentait, elle était trop têtue pour reconnaître ses tords, et lui avait eut tord d'entamer la discussion alors qu'il avait le dessus sur elle. Il aurait pu la tuer si facilement … mais une partie de son esprit s'était bornée à vouloir la convaincre, à vouloir lui démontrer par A plus B qu'elle avait eut tord, qu'elle ne leur avait offert que les bras ouverts d'une mort sans gloire. La première réflexion de la Meneuse l'ébranla sans qu'il ne le montre pour autant. Il avait fait un choix radical mais plus que la mort qu'elle semblait lui promettre, Azael offrait aux siens la liberté, celle de vivre comme il le voulait et avec le pouvoir qu'il espérait tant. Plus que le pouvoir, la gloire, l'envie d'être reconnu de tous … Zell était quelqu'un d'étrange bien qu'il ne soit pas méchant. Il argua la Meneuse d'un regard assassin, comprenant sans doutes ce qu'elle tentait de faire. Les mots étaient une arme redoutable dans la bouche de Jillian et Zell, s'il y était habitué, n'était pas forcément préparé à la combattre sur un terrain qui lui était aussi favorable.

Jillian marquait des points, inexorablement, elle ébranlait le jeune homme dans ses convictions bien qu'il se refuse encore à la lâcher. Elle ne gagnerait pas si facilement. Elle avait tord. Il n'était pas un allié d'Azael, il était simplement suffisamment intelligent pour s'être rendu compte qu'il valait mieux être du côté des vainqueurs plutôt que des vaincus. Le dieu possédait une armée plus vaste que celle des cités réunifiées et bien plus puissante à en voir le nombre d'âmes qui succombaient sous leur coups. Zell n'avait pas fait le choix par hasard, il aurait tout aussi bien pu demander la protection des Astorgs, fier peuple guerrier ou encore, choisir les Almers mais tous seraient ou avaient déjà été soufflés par l'armée du grand dieu. Il faisait non seulement le choix de la liberté mais aussi de la vie et cela, Jillian ne pouvait pas le lui reprocher ! Convaincu, il raffermit sa prise sur son arme avant de lui lancer :

« Je serais du côté des vainqueurs lorsque ton corps pourrira dans le ventre de cette terre ! »

Il hurlait presque, comme pour se prouver qu'il avait raison. Et il avait raison du moins en était-il convaincu ! Le discours de la jeune femme le lui prouva. Azael n'était pas fou ou sanguinaire, ou si, il était fou mais pas de la folie des hommes, simplement de celle du cœur. Zell avait eut l'occasion d'en apprendre bien plus sur le dieu que la Meneuse ne semblait elle-même en savoir. Ainsi, le jeune saltimbanque avait appris que le dieu ne cherchait qu'une chose, sa déesse Silmaria, réincarnée dans une Elfe … Il suffisait de la lui donner et il serait doux comme un agneau … Vraiment ? Zell ne put s'empêcher de douter en entendant les mots de Jillian frapper son cerveau comme on frappe à la porte. Il ne voulait plus l'entendre, il ne devait plus hésiter, il devait frapper mais le jeune traitre ne parvenait pas à détacher son regard de celui de la Meneuse tout comme il ne parvenait pas encore à détacher son attention de ses mots.

Jillian ne laissa pas le temps au jeune homme de se reprendre, d'agir ou même, de répondre. Elle le traitait comme un enfant qui est allé trop loin, comme un gamin qui ne reconnaît plus ses propres limites et force était de constater qu'elle avait raison, que Zell commençait à reconnaître des choses que son esprit éludait jusque là. Jillian était en effet là, devant lui. Elle faisait face à ses côtés depuis le début et comme elle l'avait souligné, Azael se foutait de sa vie puisque même les Erathiens n'hésitaient pas à le tuer. Perplexe, Zell commençait à douter sérieusement.
Et plus il doutait plus sa conviction s'émoussait. N'avait-il pas eut tord de croire qu'il intéresserait un dieu ? N'avait-il pas eut tord de se tourner contre son unique famille ?

Les mots de Jillian étaient des perles qui se disséminaient doucement mais surement dans l'esprit du jeune saltimbanque. Lentement, alors qu'elle haussait le ton et lui donnait l'ordre de l'aider, Zell abaissa son arme. Doucement, des larmes se mirent à rouler sur ses joues poussiéreuses tandis qu'il la regarder défier ouvertement un Dieu sans ciller. La Meneuse était venue à bout de lui mais plus que tout, il voyait désormais en elle la personne qu'il avait toujours chercher. N'allez pas croire qu'il soit homme à changer d'avis si facilement, loin de là, Zell venait simplement de se rendre compte qu'il avait eut tord, qu'il avait pris les chimères pour la réalité et qu'il avait tourné le dos à ce qu'il avait de plus précieux jusque là : son étrange famille dans laquelle tous le respectaient pour ce qu'il était et non pour le pantin qu'il escomptait être. Le jeune homme sourit, discrètement, mais surement. Jillian avait réussit.

« Azael, va te faire foutre ! »hurla-t-il à son tour, se jetant au devant d'un ennemi qui passait justement par là.

Jillian était une Meneuse, sa Meneuse …

[ L’armée erathienne s’envolait en fumée tandis que le silence envahissait le champ de bataille. Personne d’abord n’osa prononcer un mot, craignant que tout ceci ne soit qu’un rêve fragile, qu’un battement de cils suffirait à déchirer. Quelques murmures, prudents, s’élevèrent. Murmure qui prit de plus en plus d’ampleur, jusqu’à devenir un cri. Un seul et même cri de joie qui souleva la foule. Des gens de toute race s’embrassaient, certains pleurant, d’autres hurlant, et quelques rares, qui n’arrivaient pas à le croire, restaient là sans broncher, interdits. Un sourire éclatant fendit le visage de Jillian qui déjà se faisait enlacer par Garet.

« On l’a fait, on l’a fait, répétait-il en sanglotant. Pour Amad’… »

La gorge de la Saltimbanque se serra. Mais les larmes ne vinrent pas. Avec douceur, elle se détacha de l’étreinte de son frère, lui offrant un sourire triste, elle serra fort sa main dans la sienne et s’éloigna de lui. Il fallait qu’elle soit sûre. Esteban avait mis fin à l’illusion qui maintenait sa protégée hors des regards indiscrets et Elly, gisait là, inconsciente. Sa poitrine se soulevait doucement, ce qui permit à Jillian de ne pas succomber au chagrin, et alors qu’elle détaillait les blessures qui parsemait son corps brun, la Nùa ouvrit les yeux faiblement. Il n’en fallut pas plus à Jillian.

Ses mains encadrèrent le visage d’Elly, avec autant de précaution que si elles avaient saisi une poupée de porcelaine. Et alors qu’elle plongeait son regard émeraude dans le sien, elle posa délicatement ses lèvres contre les siennes. Le goût du sang ne la gêna pas une seconde, tant qu’elle lui redonna un baiser, plus appuyé. Passionné. Une éternité s’écoula avant que leurs lèvres ne se séparent. Jillian sourit alors et de son ton bourru habituel, elle conclut :

« T’as bien fait de pas mourir ma belle ! Sinon ça aurait chauffé pour tes jolies fesses ! » ]

[ Désengagés ]
[ Jillian, tu peux garder Zell auprès de toi si tu le souhaites, ses compétences : manipulation du feu, charisme, spécialisation au bâton, dévouement envers Jillian. Désolée de ce post, j'ai eut trop de mal à le faire ==" ]