Le printemps renaissait des ses cendres sous les pas lourds des armées, déterminées, qui avançaient en masse vers la cité des ruines. Les dirigeants s'étaient mis d'accord puis il avait fallu convaincre les différents conseils et les soldats de l'intérêt de se regrouper sous une même bannière jusqu'au jour où tous avaient compris que c'était là leur ultime espoir de survie. Le 12 Tombeneige sonnait tel le glas et tous espéraient surement que ce ne soit pas leur requiem de fin. La marche entamée vers la cité du Dieu Fou fut longue pour certains, près de deux jours mais tous arrivèrent finalement à bon port dans la soirée du 13. Les camps furent établis suffisamment loin pour en devenir invisibles des yeux d'Azael et de son impressionnante armée mais sans nul doutes savait-il déjà ce qui se tramait. Ses éclaireurs avaient du le prévenir mais peu importait, il était bien trop fier pour attaquer le premier ou alors, il était bien trop occupé à organiser sa défense. A moins que tout simplement, il ai ignoré la présence des armées grâce à quelques flèches aiguisées. Tel que cela avait été prévu, l'attaque fut lancée le 14 à l'aube, tandis que les premiers rayons du soleil pointaient à l'horizon. Une lumière rougeâtre illumina la scène tandis que tous retenaient leur souffle. Prise en étau mais pourtant stoïque, l'armée Erathienne attendait, son nombre étouffant les rires des plus malins qui pensaient remporter facilement la victoire.

On entendit de l'est à l'ouest de magnifiques discours de motivation, certains préférant remotiver une dernière fois leur troupes. La veille déjà, on avait entendu un Capitaine donner du courage aux troupes de Cydonia, une Femme à ses Sentinelles, une Autre à son armée reconstituée avec peine, un Compagnon et sa Reine aux troupes Astorgs et un Templier à ses compagnons d'armes. Tandis que le soleil baignait d'une lumière qui n'augurait rien de bon le champs de bataille, les deux armées se faisaient face. Les Erathiens étaient stoïques, attendant l'ordre d'attaquer et de tuer. Leurs lourdes armures ne semblaient pas les gêner outre mesure et pourtant, elles paraissaient peu enclines aux mouvements, peu être était-ce là leur seule faille ? Leurs armes d'ancienne époque auraient pu faire sourire si elles n'avaient pas été capables de fendre un crâne d'un coup d'un seul. L'impression de malaise, de haine et de néant qui émanait d'eux était palpable même pour un non Sensible. Leur peau blanche comme la neige de l'hiver passé, relevée par leurs barbes brune presque noir de jais donnaient une impression d'avoir à faire à des cadavres. Cette dernière bataille serait décisive et nul doutes que le sang coulerait. Ces terres arides seraient bientôt abreuvées du sang des braves et de leurs ennemis … L'herbe qui avait poussé partout dans la plaine serait bientôt noyée sous un torrent de sang. Les cours d'eau qui jonchaient la plaine de part et d'autre seraient bientôt à leur tour rassasiés par le liquide poisseux mais pour l'heure, le silence régnait. Les ennemis se faisaient face sans un mot, leurs armées bien organisées, leurs rangs bien propres. Seuls les battements de cœur incessants des soldats résonnaient à présent dans ce lugubre décor. Lorsqu'il apparut, plein de force et jaugeant d'un regard satisfait les armées adverses, tous savaient que la bataille ne tarderait pas à débuter.

Guerre, tel était son nom, tel était celui qui sonna la bataille des rois.

La charge fut sonnée après que chaque capitaine, chaque général ou chaque roi ai donné ses ordres. Dans cette lutte pour la survie même du peuple des vivants, seul l'espoir et la détermination sauveraient les âmes de tous ces soldats. Divers chants se firent entendre, divers ordres fusèrent et les belles armées bien rangées se dispersèrent parmi leurs assaillants. Désormais, seule une chose comptait, survivre, protéger ce qu'il restait du peuple des vivants de la folie d'un Dieu sans cœur.

Devant la tour.
Jelenna était à présent saine et sauve et suivait de près ses deux anges gardiens. L'horreur du champs de bataille s'offrit aux trois jeunes filles tandis qu'elles sortaient de la tour où la petite amazone avait été retenue captive. Eléa ne mit pas longtemps à entrer en action, suivit de près par Asora. Si la bataille devait être une victoire, tous devaient risqués leur vies, elles ne feraient donc pas exception. La jeune Jelenna suivit bien évidemment sa sœur. Ensemble, elles se rendirent sur le front des élémentaires. Eléa était l'une d'entre eux, elle pourrait en venir à bout avec l'aide de sa cadette quant à Asora, tailler de l'Erathien lui suffisait sans doutes amplement ! Ce fut dans cet univers de chaos qu'un petit garçon apparu, un gamin du nom d'Aerin qui jamais n'aurait du se trouver là.

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[ Bon jeu ! ]

L'heure de ma vengeance avait sonné.
Peu importait ce qu'avait dit Diane, peu importe les soupçons qu'elle avait, que Nessa ai fait un jour partie de ma famille ne m'empêcherait pas de la tuer de mes propres mains pour avoir osé poser les siennes sur Jelenna ! Je m'étais entrainée dans ce but, sans relâche depuis des mois. Depuis que ma petite princesse avait disparue, mon monde avait semblé s'écrouler sous mes pas et il m'avait fallu plusieurs rencontres ou encore, plusieurs sacrifices pour comprendre les erreurs qui m'avaient conduites à ma perte. Celles qui avaient conduit Jelenna à se faire capturer. Il m'avait fallu encore plus de temps pour comprendre d'où venait ma colère et ce qui la nourrissait puis la gamine que j'étais avait encore eut besoin d'un peu de temps pour se rendre compte qu'elle n'était pas prête. Pas encore. J'avais donc passé ces derniers temps à peaufiner mes dons naturels, cherchant à me perfectionner dans l'art de manier ma rapière et dans celui de manipuler la terre. L'Esprit et le soin étaient également mes priorités, j'avais enfin compris qu'il ne suffisait pas d'être fort pour parvenir à ses fins, il fallait le corps certes, mais il fallait aussi endurcir l'esprit. Quant au soin, il me serait utile pour sauver ceux que j'aimais. Le feu était intervenu entre temps et n'avait fait que renforcer mes convictions, celles que je devrais me battre avec toutes mes ressources.

« Eléa ? »

La voix-esprit de Jelenna me fit sursauter. Cette gamine hantait mes rêves comme mes pensées … Je ne m'étais même pas rendue compte que j'étais endormie ! Sous mes pieds se dessinait une herbe multicolore qui changeait de couleur à chaque souffle du vent. Nul doutes possible désormais, j'étais dans un rêve, même si j'ignorais comment j'étais venue ici. Jelenna me faisait face, vêtue d'une robe immaculée, sa tête cerclée d'un anneau d'or fin serti de perles de nacre. Un sourire inquiet illuminait ses traits alors que pour ma part, ce fut un sourire de soulagement de la voir une nuit encore en vie. J'étais soulagée de la savoir en bonne santé, une nouvelle fois.

« Désolée, je ne me suis pas rendue compte que je dormais. »

La petite fille sourit et ajouta simplement :

« Tu somnolais, à la limite du sommeil profond, il m'a suffit de pousser la porte. »

Jelenna sourit à nouveau, sa réflexion la faisant rire, tandis que je lui souriais à mon tour. Elle me manquait tant et à présent, je pouvais enfin lui dire de façon certaine que ..

« Jelenna, ma puce, nous serons bientôt là, je viendrais bientôt te chercher, sois mignonne ma petite chérie, tiens encore deux jours. Deux petits jours et je te jure que je viendrais te chercher ! Je tuerais Mort de mes mains et tu rentreras à la maison. »

La petite princesse amazone eut un sourire triste bien qu'elle me paraisse rassurée.

« Je t'ai longtemps attendu, je suis prête à attendre deux jours encore mais ... »

Sa voix se brisa avant qu'elle ne me fixe d'un air dur :

« Eléa, tuer Nessa ne changera rien tu sais … »

« Quoi ? Tu voudrais que je fasses quoi ? Que je lui pardonnes ? »

Je ne comprenais pas où la petite fille voulait en venir. Que voulait-elle dire par là ?

« Eléa … promets-moi que tu ne te feras pas tuée, promets-moi que tu protègeras maman ! Et papa aussi, Eléa, promets-le moi ! »

Le ton pressant de la petite m'avait empêché de répondre autrement que par l'affirmative et son image se dissimula petit à petit tandis que je me réveillais. Philéa me secouait avec gentillesse pour me faire signe du départ. Un mal de tête m'empêcha de faire quoi que ce soit d'autre que de me lever, repensant sans cesse à ce que la petite avait dit. Jelenna n'avait jamais été capable de faire de mal à qui que ce soit, elle n'avait jamais pu en vouloir à quelqu'un plus d'une heure mais j'étais étonnée de voir qu'elle n'arrivait même pas à détester Mort qui l'avait torturée si longtemps et l'avait privée de sa famille … Ma mère me tira de mes pensées.

« Tout va bien ? Tu ne prends pas ta rapière ?» se contenta-t-elle de me demander.

Sa réflexion me montra à quel point j'étais perturbée par ce qu'elle avait dit. Peut-être ma mère aurait-elle une réponse à ma question, à cette interrogation qu'avait fait naitre dans mon esprit la petite fille.

« Penses-tu qu'il faille pardonner à tous nos ennemis ? Je veux dire, tu as pardonné à Anatoli non ? »

Philéa me dévisagea avant de répondre, l'air serein.

« On ne peut pas pardonner à tout le monde. Je n'ai pardonné à Anatoli que parce qu'il le fallait, pour Jelenna, comme pour nous. Tu es la seule à savoir à qui tu veux pardonner ou non mais une chose est sure, je n'aimerai pas être à la place de cette personne. »

Philéa me laissa à mes doutes tandis que je cogitais sa réponse.
Saisissant ma rapière et une armure légère faites essentiellement de cuir, j'étais partie à ses côtés pour deux longues journées de marche. A chaque occasion, je m'entrainais avec la vieil élémentaire pour maitriser le feu. Une fois Jelenna à mes côtés, il me faudrait la ramener saine et sauve auprès des siennes, si je pouvais la protéger du danger extérieure, je ne pouvais prendre le risque de devenir moi-même le danger pour elle.
Les portes de la cité furent bientôt dressées devant nous et l'opération sauvetage se révéla être un succès seulement … la bataille faisait rage lorsque Asora et moi sortîmes de la tour avec Jelenna. Les amazones étaient à l'autre bout du champs de bataille et de nombreux Erathiens nous barraient le chemin … c'était impossible de le traverser sans risques !

« Putain mais c'est pas vrai, ils se multiplient ou quoi ? »

Observant rapidement le champs de bataille, je faisais signe à Jelenna de rester derrière moi :

« Jel, derrière, si quelqu'un t'approche, sers-toi de ça ! »

Sans attendre, je lui rendais la dague que mère lui avait offert pour ses six ans. Elle semblait ravie de la retrouver mais totalement effrayée. La saisissant par l'épaule, j'ajoutais très sérieusement :

« Tu restes derrière moi. Quoi qu'il arrive, j'te protègerai. »

La petite ne bougea pas et déjà le combat s'engageait. Dégainant ma rapière, je prenais le bras de la gamine pour la passer derrière moi et ajoutais en vitesse :

« Tu suis mes pas ! »

Je ne tenais pas à la blesser. Ma rapière rencontra l'épée d'un Erathien sans même que je puisse ajouter quoi que ce soit d'autre. Incapable de dire combien de temps nous avions passé dans cette foutue tour, j'étais tout de même contente d'en être sortie et surtout avec Jelenna. Finalement, je n'avais pas tenu ma promesse. La gamine bougea parfaitement derrière moi sans être pour autant une gêne. Le soldat ennemi se déplaçait tellement lentement qu'il m'étais facile d'accorder mes pas de façon à avoir toujours une longueur d'avance sur lui cependant, si un autre se ramenait, il était évident que je n'allais pas tarder à avoir du mal à me défendre !

« C'est pas possible !! »

Un coup manqua de peu ma cadette tandis que je blessais mon adversaire.

« Tu la touches j'te bute ! Jel fais gaffe bordel ! »

Esquivant le coup de mon adversaire, je repérais la blonde et voyais qu'elle était au prise avec quelqu'un elle aussi. Il ne me fallut pas longtemps pour comprendre comment fonctionnait mon adversaire et une secousse minime suffit à le déstabiliser de façon à ce qu'il perdre l'équilibre. La rapière fit le reste et s'enfonça dans sa carotide. En la retirant, une gerbe de sang gicla et peint l'herbe de rouge. Celui-là avait été facile mais qu'en serait-il du prochain ? Profitant de ces précieuses secondes d'accalmie, je regardais autour de moi. Tous se battaient sans distinction de races ou autre, mais une chose m'intrigua. Là-bas, la bataille contre les élémentaires faisait rage et sans doutes était-ce là ma place non ?

« Asora, qu'est-ce-qu'on fait ? » demandais-je à la Templière en lui désignant du regard ce que je venais de voir.

« On retourne là-bas ou on reste ici ? »

Les évènements ne me laissèrent pas le temps de répondre, la jeune Templière était aux prises avec un Erathien et un certain Capitaine venait d'arriver à notre portée. Comment avait-il pu se retrouver là lui ? Je glissais un regard étonné à Feanaro avant d'ajouter :

« Qu'est-ce-que tu fous là toi ? »

Agacée par sa présence, je décapitais l'Erathien qui s'était approché. Le Capitaine continua sa danse macabre tandis que Asora achevait son adversaire.

Combien de temps Jelenna était-elle restée prisonnière ? La petite fille préférait l'ignorer mais elle avait si longtemps attendu le jour de sa libération que ce qui venait de se passer semblait être irréel. Tant et si bien que la petite fille craignait d'avoir rêvé, une fois encore. Jelenna craignait de se réveiller une nouvelle fois, le cœur empli d'espoirs dans une chambre désespérément vide et froide. Seulement lorsqu'elles sortirent de la tour qui l'avait retenue prisonnière tant de jours, la petite amazone comprit à quel point la réalité était réel et cruelle.

Devant ses yeux peu habitués au soleil se dressait une armée qui combattait avec la force du désespoir les Erathiens. Les armes s'entrechoquaient, le sang inondait la terre et dans la tête de la petite fille, le calme morbide des dernières semaines laissa place à une violente vague de douleur, de souffrance, de tristesse et, pire que tout, de mort. Les points lumineux mourraient les uns après les autres dans sa tête tandis qu'elle sentait son coeur se serrer. Pourquoi ? Pourquoi ? POURQUOI ?
Les larmes montèrent instantanément.
Ils étaient là pour elle, pas pour elle en fait, pour un concept, un idéal, mais ils étaient là pour elle quelque part. Philéa avait rallié les peuples à sa cause, avec égoïsme, pour sauver son enfant, leur faisant miroiter une victoire. Jelenna aurait voulu hurler que tout cela cesse mais le souffle lui manquait. Son mal de tête se fit intense, elle avait l'impression d'imploser. Elle qui n'avait vu personne ou presque durant des jours et des jours se retrouvaient avec des milliers de pensées qui courraient dans sa tête dans un vacarme assourdissant.

La petite fille mit un genou à terre, se tenant la tête dans les mains tant elle avait mal. Elle pleurait toutes les larmes de son corps, elle avait la nausée et envie d'en finir. L'espoir qui lui avait permis de tenir jusque là venait de se briser en milles morceaux. Sa vie ne devait pas avoir autant de valeur, pourquoi se battait-on pour la sauver ? Pourquoi tant de vies se voyaient sacrifiées pour elle ? Pour ce qu'elle représentait si Azael la saignait comme il l'avait prévu ? Pourquoi sa mère avait-elle mené à une mort certaine tant de gens juste pour la revoir ?
La culpabilité étreint le coeur de l'enfant.
Elle se souvenait de ce qu'avait dit le jeune Templier lorsque par miracle, elle avait pu retrouver Tamawa sur le dos de Sam le mulet. Il avait proposé de la rendre au Dieu pour avoir la paix, il avait proposé de la sacrifier plutôt que de courir vers une mort certaine dans une guerre futile. Il l'avait accusé, elle, Jelenna, fille de la reine amazone, d'être la cause de leur malheur et il avait eu raison.

« Arrêtez … arrêtez … Arrêtez … » se lamentait la petite fille.

Impuissante.
Ignorante.
Vivante.
Parce qu'elle devait vivre d'autres devaient perdre la vie ?
C'était injuste !
La gamine posa ses yeux sur sa grande sœur. La silhouette de cette dernière se dressait, tel un rempart entre le monde et elle. Sure d'elle, Eléa était loin de la princesse qu'avait connu Jelenna avant son enlèvement. Elle semblait plus mature, plus apte à défendre ce qu'elle aimait, mieux, elle semblait tellement plus adulte et plus sure d'elle ! Le courage sembla renaitre l'espace d'un instant dans le cœur de la petite princesse bis. Elle ferma les yeux un instant, se concentrant du mieux qu'elle pouvait pour se calmer. Dans chaque pensée qui envahissait sa tête, elle sentait la peur, la haine, l'angoisse, la mort et tant d'autres choses mais elle savait comment faire, elle savait comment se protéger, son père le lui avait enseigné seulement, elle était incapable de trouver son jardin, trop troublée qu'elle était. Alors Jelenna se raccrocha à la seule personne qu'elle connaissait, à celle qui avait risqué sa vie sans hésiter pour venir la tirer des griffes d'Azael.
Eléa.
Jelenna se raccrocha à elle et se concentra, cherchant avec espoir la lueur si particulière de sa soeur ainée dans son esprit. Lorsqu'elle fut certaine de l'avoir trouvé, elle s'y cramponna et parvint à rejoindre le jardin qu'elle avait foulé avec Jacen en rêve. Le ciel était toujours là, les nuages cotonneux également et l'herbe grasse, qui changeait de couleur au rythme de la brise, s'étendait toujours sous ses pieds. Le mur qu'elle avait dressé en prévision était ébranlé mais la petite fille trouva le calme nécessaire pour replacer chaque pierre, une par une, avec précaution.
Les voix se turent.
Lorsqu'elle rouvrit les yeux sur le monde de chaos qui l'entourait, Jelenne était enfin seule dans sa tête. Seule avec sa culpabilité et sa propre peur.

« Eléa ? » demanda-t-elle timidement.

Jelenna pouvait sentir ses entrailles se refermer en elle. Terrorisée. Voilà ce qu'elle était. Son Esprit était certes fermé aux autres, même si elle savait que cela ne durerait pas, elle était à même de sentir la peur dans les yeux des hommes et des femmes proches d'eux. Elle accepta avec réticence l'arme qui était pourtant sienne et se plaça derrière sa soeur, comme elle le lui avait demandé. Seulement Jelenna était tétanisée, bien incapable d'esquiver aussi bien que Eléa savait le faire. Son ainée s'énerva et Jelenna le ressentit comme une flèche qui aurait traversé son âme. Elle tenta de faire de son mieux jusqu'à ce que l'évidence naisse dans son esprit.
Elle allait mourir ici.
Elle n'avait pas peur.
Si, elle avait peur, mais pas de mourir. Dans ce donjon, elle était déjà morte. Elle voulait que Eléa vive en revanche, que ses sœurs amazones, que tous ceux qui avaient tenté de la sauver vivent en échange de sa propre existence parce qu'elle ne voulait pas qu'on se sacrifie pour elle. Alors la petite fille abandonna son arme sur le sol, tombant à genoux. Jelenna avait toujours eut besoin d'être sauvée, jamais elle n'avait pris conscience que les autres aussi pouvaient avoir besoin de l'être. En silence, la petite fille commença à prier.

« Diane, déesse mère des amazones, protectrice des forêts et de leur peuple, gardienne de nos âmes, je t'en prie, viens-nous en aide. Je t'en prie, sauve-les en échange de mon existence. »

Une violente gifle sur sa joue empêcha la petite fille de continuer.

« Mais putain tu vas la fermer avec tes conneries ? Tu crois vraiment que ta vie a si peu d'importance pour nous ? Tu crois que je suis venue te chercher pour t'entendre dire ce genre de conneries ? »

La colère d'Eléa explosa sans que la petite fille ne parvienne à tout entendre. Pourtant, elle sentait que chaque intonation de sa soeur, entre deux coups donnés à un Erathien, était empli d'émotions, d'inquiétude, d'amour. Un amour inconditionné.
Eléa l'aimait.
Ils n'étaient pas venus que pour elle, elle le savait, mais ceux qui l'avaient fait l'aimaient, ils voulaient la sauver non pas parce qu'elle était Ankha ou Princesse mais juste parce qu'ils l'aimaient, en tant que personne. Jelenna avait peur de perdre mais eux, n'avaient-ils pas eut peur de la perdre justement ? Où étaient les belles paroles qu'elle avait servi à longueur de rêves ? A Aerin, à Ilian, à ses proches ?
La petite princesse se releva avec peine, les joues pleines de larmes. Elle saisit sa dague entre ses mains, la peur la tenaillant toujours. Elle refusait de tuer, parce qu'elle en était incapable, mais elle ne serait pas un fardeau pour sa soeur non plus ! Pour qui que ce soit d'ailleurs.

Jelenna tenta du mieux qu'elle pouvait d'aider, Haiiro assurant la plupart de sa défense, Eléa étant aux prises avec les ennemis qui affluaient. Si seulement elle avait son arc, elle pourrait se montrer plus utile … justement, un des ennemis de la princesse venait de tomber et son arme, intacte, ferait l'affaire. Jelenna la saisit avec hésitation puis se souvint de la détermination qu'Eléa mettait dans chacun de ses mots, de ses gestes. La corde était difficile à tendre mais la petite princesse bis s'en sentait capable en revanche, elle se sentait bien moins capable de tuer. A Tamawa, elle avait déjà eut à faire cette expérience et la renouveler ne la tentait guère … mais elle n'avait pas le choix ! Si elle voulait éviter une douleur à ses proches, il lui fallait rester en vie, si elle voulait s'excuser auprès de ceux qui perdraient injustement la vie dans cette bataille, elle devait survivre !

« Diane, pardonne-moi ... » murmura-t-elle.

En effet, elle s'était promis de se tourner vers le pardon et non plus vers la violence et voilà qu'elle faisait l'inverse. Les temps l'exigeaient raisonna une voix dans sa tête. Une voix trop familière qui lui serra la gorge d'émotions. Elle voulait revoir sa mère, elle lui manquait tant. Elle voulait retrouver la paix dans ses bras … elle voulait retrouver les siens ! Jelenna encocha la première flèche et visa. Un Erathien tomba. Ses doigts la faisaient souffrir mais peu importait, si son destin était quelque part, si elle pouvait ne serait-ce que l'influencer, elle le ferait. Elle tuerait, parce qu'elle n'avait pas le choix. Alors qu'elle encochait à contre coeur la deuxième flèche, son petit palpitant fit un raté.

« Eléa, maitre Feanaro est là ! » hurla-t-elle pour couvrir le son de la bataille.

Sa flèche vola au secours du fiancé de sa soeur qui était aux prises avec l'ennemi. Il n'avait pas vu celui qui se glissait dans son dos et fort heureusement pour lui, Jelenna venait de le tuer. Pour la première fois, elle ne se sentit pas coupable d'avoir tué quelqu'un, se rendant compte qu'elle venait de sauver la vie au Capitaine.
Le coeur de la petite fille fit un nouveau bond lorsqu'une lueur familière s'éclaira dans son esprit non loin d'elle. Cette lueur qu'elle n'avait vu qu'en rêve.

« Aerin ? » osa-t-elle à voix haute, manquant sa cible par la même occasion.

Du regard, elle chercha l'enfant mais fut incapable de le trouver. Elle ne pouvait que le sentir.

Maitre Feanaro était quoi ?
D'où il était maitre déjà ? Et qu'est ce qu'il foutait là ? Aussi loin des lignes elfiques ?
Suivant le regard de ma cadette, qui avait décidé de prendre sa vie en main et de se défendre, ce que je déplorais car cela signifiait que je ne parvenais pas suffisamment bien à la protéger, je cherchais l'ancien Capitaine de la garde elfique des yeux sans succès. C'est que ce n'était pas facile non plus de se battre en cherchant ses alliés ! Il me fallut encore cinq bonnes minutes, à devoir me préoccuper de ma cadette, de sa sécurité ainsi que de la mienne, à donner mes ordres à Haiiro et Oni en même temps, pour me défaire de l'Erathien qui en voulait à ma vie. Ma rapière parvint après une énième parade à se glisser dans l'interstice de son cou. Le sang gicla tandis que je retirais le métal de sa gorge mais peu m'importait. J'avais gagné la poignée de secondes nécessaires pour chercher le soldat des yeux.

Il était là.
Aux prises avec un Erathien.
Pour pas longtemps en fait car il l'acheva sans attendre. Jelenna venait d'encocher une nouvelle flèche. Heureusement que la gamine était là parce que sinon, il n'y aurait plus eut de Feanaro ! D'ailleurs, j'ignorais à quel point cette réflexion allait se révéler vraie dans quelques instants à peine. Pour l'heure, la colère, l'incompréhension et l'inquiétude prirent le pas sur tout le reste. Le jeune elfe nous cherchait visiblement car il ne tarda pas à nous rejoindre. Erreur tactique parce que j'étais vraiment trop en colère, luttant contre chacun de mes sentiments à cet instant pour l'entendre me parler avec gentillesse.

« Vous allez bien princesses ? » demanda-t-il avec politesse.

Je le détestais.
Nous avions couché ensemble. Nous étions fiancés. Que lui fallait-il de plus ?
Cette nuit-là, alors que la bataille n'était pas si loin, alors que nos deux corps s'étaient unis pour n'en former qu'un, j'avais pensé qu'il m'avait tout pardonné. En réalité, rien n'en était. Il regrettait toujours mon choix, ma décision de le démettre de ses fonctions. Je n'avais pas eut le choix, et nous avions beau en parler, la discussion revenait toujours au même point. Il servirait sous ma bannière, pour me protéger au nom de l'alliance entre nos deux peuples mais rien de plus. Lire dans ses pensées m'avaient montré des choses si désagréables que j'avais préféré fuir. Ce qui était surement le souvenir le plus précieux des femmes en général était ma plus grande honte. J'avais couché avec un abruti incapable de comprendre que j'avais agi comme une princesse et non comme son aimée.
Il ne m'aimait pas.
En fait, Feanaro avait toujours aimé toutes les femmes, je le savais, je m'en foutais. Au début du moins car depuis Tamawa, j'avais eut l'idée de tomber amoureuse de lui. Ce sentiment de jalousie que j'avais feint dans les premiers temps était devenu bien réel, ce n'était plus un jeu. C'était la réalité. Mais lui était resté le même, pire que tout, on lui avait retiré ses convictions, sa foi et pour finir .... son titre. J'avais mérité sa froideur certes, tout comme sa colère, mais j'avais pensé qu'on ne pouvait pas coucher sans sentiment ou du moins, qu'on ne pouvait pas le faire en étant malgré tout en colère envers la personne. J'avais eu tord, et le lire par inadvertance dans ses pensées n'avait fait que nous attirer une nouvelle engueulade.
Deux jours s'étaient écoulés. Je ne l'avais pas vu, lui non plus mais il m'avait suivi sur le champs de bataille. Devais-je comprendre quelque chose ? Etait-il là pour moi ? Pour la princesse qu'il avait juré de protéger ou pour la femme qu'il aimait ? Rien sur son visage ne me permettait de répondre à cette question, d'où ma colère.

« Pourquoi ? Tu te crois indispensable à notre survie ? » avais-je lâché avec cynisme.

La colère me faisait toujours dire des choses que je regrettais ensuite mais pas cette fois étrangement. Je l'aimais certes, mais aujourd'hui, il s'était trop joué de moi pour que ce sentiment ne surpasse ma colère. J'avais l'impression que nous étions sur un point de non retour, que cette bataille scellerait notre avenir et je ne pouvais pas me douter à quel point !
J'attendais qu'il m'explique, que pour une fois, il me dise « oui, je t'en veux ». Que cela explose une bonne fois pour toute au lieu de pourrir dans son coin mais non. Il se contenta d'un haussement d'épaules, d'un regard rapide sur Jelenna pour vérifier si elle allait bien et il reprit sa danse macabre à mes côtés, sans un mot. Coup après coup, je mettais toute ma rage à tuer nos ennemis, c'était plutôt bien en fait de lui en vouloir non ? Du moins c'était utile pour l'alliance !

« Mais bordel tu vas parler oui ? »

J'avais craqué.

« Tu couches avec moi et tu me jettes après ? »

En plein milieu d'une bataille.
C'était débile. Puérile. Mais qu'est ce que ça faisait du bien ! Feanaro se croyait-il le seul à souffrir ? J'avais également perdu mes repères, les uns après les autres. Jelenna disparu, mon père en vie, le mensonge de ma mère, tout ce qui avait fait ma vie jusque là avait volé en éclat. Tout n'était qu'un souvenir et maintenant que les morceaux de ma vie se recollaient tant bien que mal, c'était lui qui me lâchait ? J'étais égoïste mais bordel, j'étais amoureuse ?

« Ne suis-je donc qu'une princesse à tes yeux ? »

L'ancien Capitaine posa sur moi un regard dur avant de répondre :

« Que voulez-vous être d'autre ma princesse, puisque vous ne souhaitez plus vous considérer comme ma femme ? »

La réponse me coupa le souffle.
Quelque part, il avait raison. J'avais précisé moi-même avoir du agir en tant que princesse et non comme sa fiancée. Voilà qu'il me retournait le compliment ? Je l'avais cherché mais je ne m'y attendais pas vraiment. Tant et si bien que l'Erathien qui me faisait face parvint à m'entailler l'épaule. Et oh, j'avais déjà une cicatrice à cet endroit, pas besoin d'en rajouter !

« Je suis désolée. Je te l'ai dit de nombreuses fois déjà mais je suis désolée ! Je n'avais pas le choix ! »

« Vous avez toujours le choix princesse. »

Le ton dur de Feanaro me laissait pantoise. Il se battait à mes côtés, pour moi comme il l'avait dit mais j'avais eut tord. Il se battait pour la princesse et visiblement, c'était ce titre qui se mettait entre lui et moi. Voilà ce qu'il avait tenté de m'expliquer depuis de nombreuses semaines. Ce n'était pas tant de l'avoir destitué de tout ce qu'il lui restait, à savoir sa charge de Capitaine, qui lui faisait m'en vouloir mais bel et bien le fait de l'avoir dominé, d'avoir cherché à assoir sur lui un pouvoir. Parce que j'étais une amazone, je traitais inconsciemment les hommes en tant qu'être inférieur. L'avais-je fait ainsi ? Avais-je retiré son titre à Feanaro pour assoir un pouvoir sur lui ?
Non.
J'étais déçue et blessée qu'il le pense.
Jamais je n'avais agi pour moi. Une femme censée n'aurait pas privé l'homme qu'elle aimait de la dernière chose à laquelle il se raccrochait avec frénésie pour ne pas sombre totalement dans la déprime et la folie. Je n'avais pas pensé à moi, ou peut-être que si, mais pas dans ce sens là. En le destituant, j'avais pensé à notre avenir certes mais justement, je m'étais dit qu'il allait s'arrêter là, et j'avais eut bien raison. Aucune femme censée n'aurait agi comme je l'avais fait, toutes auraient choisi la voie la plus sure pour leur couple. Ce n'était pas mon cas.
Jamais je n'aurais laissé de choix entre Silmarie et lui.

« Je n'ai jamais cherché à te blesser, sinon, pourquoi aurais-je passé la nuit avec toi ? Ce que tu me demandes est impossible. Ta colère, je la comprends, mais jamais je n'abandonnerai mon titre pour toi. »

Ni pour personne d'autre d'ailleurs.
Les choses étaient ainsi, si je devais perdre un amant pour sauver une cité, je l'acceptais, même si l'expérience était douloureuse.

« Te battras-tu quand même toujours à mes côtés ? » avais-je osé, chassant le reste de ma pensée pour porter un coup mortel à mon ennemi.

« Je me bats déjà à vos côtés princesse. »

Toujours ce foutu ton dur et distant !
La nuit que nous avions passé ensemble ne changerait rien. Tout était fini. J'avais tout gâché pour sauver une cité qui sombrerait peut-être en plus après cette bataille ! Je l'avais laissé tomber pour sauver les autres. J'avais eut tords ? Raison ? A quoi bon se demander de toute façon, le résultat restait le même. S'il m'avait aimé un jour, ce sentiment était révolu.
Il l'avait dit, j'avais fait mes choix.

Le coeur serré, les tripes retournées, les larmes sur le point de rouler le long de mes joues et que je retenais tant bien que mal, je m'élançais vers l'ennemi suivant. Désormais, seule comptait la victoire pas vrai ? Je venais en tout cas de perdre ma propre bataille.

L'Esprit de la jeune fille ne l'avait pas trompé, elle ne l'avait senti qu'une seule fois, en rêve certes, mais un étrange lien s'était créé entre eux de façon à ce que maintenant, elle soit capable de trouver Aerin sur le champs de bataille. Et le petit garçon était là, en face d'elle, l'appelant en Cydien. Etrangement, la bataille lui sembla quelque peu éloignée, comme si le bruit qu'elle produisait n'existait plus vraiment. Seul comptait le petit garçon qui s'approchait d'elle. Dans son rêve, Jelenna n'avait pu voir que les yeux affolés du gamin et sentir uniquement sa main dans la sienne. A le voir ainsi en chair et en os, elle ne pouvait que penser une chose et, alors qu'il s'avançait vers elle, la petite princesse le formula à voix haute d'une voix où le stress se disputait l'inquiétude :

« Mais que … qu'est-ce-que tu fais là ? »

Pourquoi était-il venu sur ce champs de bataille ? Pourquoi avoir pris de tels risques alors qu'il suffisait d'attendre gentiment au Temple ? Sans parler que son père, Jiven, devait être extrêmement inquiet car lui aussi avait du sentir sa présence ! Alors qu'elle allait lui demander une nouvelle ce qu'il faisait là, une dispute sembla éclater non loin d'eux entre Eléa et le jeune elfe qui lui servait de fiancé. Jelenna n'était pas au courant d'une éventuelle discorde entre eux mais il était inutile d'être savant pour comprendre que tout n'allait pas bien. Le bruit de la bataille recouvrait leur propos mais le ton et les mimiques d'Eléa comme de son amant ne trompaient pas. L'un était froid comme la pierre et l'autre, son sœur ainée, était en colère. Mieux valait donc éviter d'en rajouter sur la liste sans quoi, Eléa allait vraiment finir par s'énerver. Sans parler que deux enfants à protéger, c'était pire qu'un fardeau, c'était du suicide !
Ce fut en pensant à cela que Jelenna se rendit compte d'une chose. Le jeune Aerin n'était pas couvert de poussière ou pire, de sang, c'était donc qu'il était venu de ses propres moyens et qu'il avait fait en sorte de contourner la bataille et le combat acharné qui s'y menait pour un avenir sans vague. Jelenna ne mit pas longtemps à faire son choix, sans attendre, elle demanda à ce qu'elle considérait depuis leur unique rencontre comme son ami :

« Aerin, tu es venu comment ? »

Si elle pouvait sortir du champs de bataille et s'éloigner d'Azael, cela enlèverait une épine du pied de la princesse amazone qui se battait pour le moment aux côtés de son fiancé. Le jeune elfe expliqua à l'amazone qu'il avait emprunté le cheval de son père et qu'il avait en effet contourné la bataille. Jelenna était soulagée qu'il soit capable de parler Cydien lui qui, dans son rêve, ne parvenait que difficilement à le faire, semblait désormais tout à fait à l'aise dans sa langue paternelle. La petite fille lui sourit, visiblement, les soldats n'étaient pas assez fous pour la tuer, elle, Ankha, aussi, les attaques étaient-elles concentrées sur sa soeur et sur l'ancien Capitaine, ce qui lui permettait de réfléchir sans être obligée de se défendre pourtant, elle savait qu'elle devait faire vite.

« Je suis contente que tu parles enfin Cydien, j'étais inquiète ... » ne put-elle pourtant pas s'empêcher d'ajouter à l'attention de l'Almer.

Elle avait beau dire, elle était heureuse qu'il ai bravé le danger pour elle et qu'il soit là, à ses côtés, maintenant. Il s'était mis en danger de mort certes, mais pour rien au monde Jelenna n'aurait souhaité le revoir à un autre moment. Dans ce qui pouvait être sa dernière heure, étrangement, ce n'était pas sa mère ou son père qu'elle voulait avoir à ses côtés mais bel et bien Aerin et Eléa. Si le destin s'était montré cruel jusque là envers elle, il fallait peut-être voir dans la réalisation de ce souhait morbide une consolation. Sauf que cela allait avoir un prix et que lorsque l'échange serait fait … Jelenna s'en voudrait. Pour l'heure, elle allait discuter avec le petit garçon lorsqu'elle se rendit compte que ses talents étaient nécessaires à sa soeur et son futur beau frère pour contenir le flot d'ennemis.

« Il faut que tu m'aides, s'il te plait ! Une fois la vague repoussée, nous irons chercher ton cheval et nous reprendrons le chemin inverse d'accord ? »

Sa voix était celle d'une enfant apeurée mais pourtant, elle cherchait à ne pas le montrer. Son visage, où ne se reflétait que la détermination, se ferma tandis qu'elle encochait la première flèche seulement ce qu'elle n'avait pas prévu, c'est que le danger viendrait de derrière elle.

Le combat cesserait-il ?
Nous étions venus nous battre en quête de liberté … n'était-ce pas plutôt la mort en personne que nous étions venus embrassés ?
Les uns tombaient pour que d'autres prennent le relais mais à l'arrière, coincés entre la tour et l'armée Erathienne, privés d'alliés … je me sentais tellement vulnérable. La présence de Feanaro à mes côtés m'aidait à ne pas perdre la tête certes mais je savais que notre situation, précaire, ne pouvait durer. Jelenna était restée derrière nous pour plus de sureté et je faisais suffisamment confiance à Haiiro et Oni pour ne laisser approcher personne au cas où quelques uns passeraient entre les mailles du filet. Heureusement pour nous, l'armée était lancée face à ses ennemis et les quelques Erathiens qui se mettaient en travers de notre chemin finissaient toujours par mordre la poussière.
Mais cela ne durerait pas !
Nous étions humains, à force de combat, nous allions tomber de fatigue et nous deviendrions des proies faciles. Je ne pouvais pas me le permettre, je devais ramener Jelenna saine et sauve auprès des siennes et de sa famille pourtant, je sentais cette perspective s'éloigner de plus en plus au fur et à mesure que défilaient les minutes.

Haiiro et Oni faisaient du bon travail. Ils avaient rapidement compris que les ennemis venaient vers nous au compte goutte pour le moment et que je tentais d'une part de trouver un moyen pour mener ma soeur saine et sauve de l'autre côté du champs de bataille et d'autre part, que je tentais de m'approcher des élémentaires pour leur faire leur fête. Ni l'un ni l'autre …. je ne parvenais ni à mettre Jelenna à l'abri, ni à m'approcher de ces foutus adversaires, me tapant toujours les lourdeaux en armure lourde et au style de combat antique.
Du regard, je cherchais la pétasse blonde raaaah mince pardon, la fille qui servait d'élève à mon père, Asora. Elle était surement quelque part à se battre pour ne pas avoir donné signe de vie depuis notre départ de la tour. Je l'avais trouvé étrange lors du combat contre Mort mais peu importait, elle était une redoutable guerrière, pire que moi, et elle était bien utile pour espérer se frayer un chemin dans les troupes adverses sans se faire trop tailler en pièces. Si je me doutais qu'ils ne toucheraient pas à Jelenna, rien n'était moins sur pour nous et il n'était pas question de la laisser partir seule ! Pas cette fois.

« Il nous faut rejoindre l'arrière ! » hurlais-je en direction de l'ancien Capitaine.

Il en fini avec son adversaire avant de porter son attention sur moi. Trop aimable ne pus-je m'empêcher de penser avant de le regretter aussitôt. De toute façon pour le moment, je n'avais pas le temps de me préoccuper de lui ou plutôt, de nous, seule la sécurité de la princesse bis comptait. J'avais perdu une bataille mais je remporterais la guerre, comme toujours. Nous étions en colère, nous ne nous comprenions pas mais nous n'avions pas le choix. Nos fiançailles étaient politiques avant tout et si je devais être la seule à partager des sentiments, je m'en foutais royalement. Tant que ça durerait, les choses seraient plus simples et le jour où ça m'énerverait, j'irai voir ailleurs. Telle était ma décision mais il était inutile de la lui dire, après la bataille, nous aurions tout le temps d'en discuter et si nous devions périr ici … alors inutile de perdre son temps à en parler, les choses seraient réglées d'elles-mêmes !

« Je sais bien mais à moins que vous n'ayez un plan, nous ne pouvons pas enfoncer les lignes adverses à nous trois princesse ! »

Raaaah merci je le savais bien, c'était justement pour ça que je lui demandais de l'aide !
Non mais comment il avait pu être Capitaine lui ?
L'énervement passé, je réfléchissais, profitant d'une légère accalmie. Nous n'avions pas de cheval, en revanche, nous avions Haiiro et Jelenna était encore suffisamment petite et maigre pour monter dessus, une chance parce que bientôt, ce ne serait plus possible. La solution la plus simple était peut-être de la laisser partir avec Haiiro. En contournant le champs de bataille, ce qui serait possible si nous lui ouvrions la voie, elle pourrait rejoindre Philéa sans mal. Seulement il fallait que j'en parle au Capitaine et il ne semblait pas vraiment d'humeur à m'écouter … qu'il aille au diable avec sa fierté !

Je me tournais en direction de ma sœur et là, le choc. Un gamin à peine plus âgé qu'elle se tenait à ses côtés, les yeux brillants d'émotions.

« C'est qui ça encore ? » demandais-je à ma cadette.

Jelenna sourit, visiblement gênée, et me répondit qu'il s'agissait d'un ami, Aerin. Aerin … Aerin …
Aerin !
Oh putain !
Le fils de maitre Jiven ! Sur le champs de bataille ?
Oh la vache !
Mais qu'est-ce-qu'il foutait là le mioche ?
Une chose était sure, c'était que s'il venait à mourir, Jiven ne serait pas content, mais du genre pas content du tout et ça allait encore me retomber dessus je le sentais … A croire que les gamins d'aujourd'hui n'avaient aucune jugeote ma parole ! En prime, sa présence ne m'arrangeait pas, à moins qu'il n'ai planqué un cheval dans son carquois !

Ouais, ben je ne croyais pas si bien dire parce qu'un cheval, il en avait un ! Pas bête le petit finalement … Et apparemment, il avait également un chemin sur pour éloigner Jelenna … Euh c'était qu'en fait … laisser ce gamin qui avait été assez inconscient pour venir là avec ma sœur … j'étais moins branchée là tout d'un coup ! De toute façon je n'avais pas le choix !

« Maitre Jiven va me tuer si tu crèves alors t'as intérêt à vivre ! » lui lançais-je tandis qu'il partait chercher son cheval.

Je le regardais s'éloigner le coeur serré, ne pouvant m'empêcher de penser qu'il était courageux, même si je le trouvais totalement débile d'être venu soit disant parce qu'il était ami avec Jelenna et qu'il ai risqué sa peau et tout. J'espérais simplement maintenant qu'il n'allait rien lui arriver.

« Eléa ! »

La voix de Feanaro me rappela à l'ordre, poussant Jelenna en arrière, je parais tant bien que mal la lame de mon nouvel adversaire. Sans l'ancien Capitaine, je n'étais plus de ce monde ! A bah c'était bien beau tiens de donner des leçons au gamin si je n'étais même pas capable de rester en vie moi aussi ! Déséquilibrée par le coup, j'avais du plier un genou à terre et n'avait du mon salut qu'à l'intervention d'Oni et de Haiiro. L'un avait mordu la jambe et l'autre, la plus âgée, le cou. L'Erathien se vida de son sang sur le sol sans que je n'y fasse attention, un deuxième me tombant déjà sur le dos.
Ils poussaient comme des pâquerettes ou quoi ?

Le cri de Jelenna me fit manquer ma cible et je me prenais un sale coup sur l'épaule. Toujours la même qui morflait, ça devenait lassant ! Je me retournais rapidement pour voir que quelque chose clochait. Quelqu'un tenait ma sœur en otage mais j'étais incapable d'en apprendre plus, incapable que j'étais de me débarrasser de mon adversaire ! Je devais me dépêcher !

Les choses allèrent très vite à cet instant.
Aerin, le fils de maitre Jiven et de maitre Celyween, était parti chercher la jument de son père. Feanaro était aux prises avec un adversaire et moi aussi. Jelenna était seule et ne pouvait rien faire contre son agresseur …
Ce qu'il se passa ?

Je venais de trouver la faille de mon adversaire. Ses coups, bien que puissants, laissaient apparaître une faille béante juste sous mon nez que le stress de perdre ma soeur m'avait empêché de voir jusque là. J'y glissais cependant ma lame au moment opportun. Un mouvement de poignet me permis de la faire remonter et ce fut l'élan du corps de l'Erathien sans vie qui me permis de la retirer alors qu'il tombait au sol. Je me retournais pour aller secourir ma cadette lorsqu'une épée passa dans mon champs de vision et atterri dans la tête même de l'agresseur de la petite. Incrédule, je vis le corps de ce dernier tomber au sol, les yeux grands ouverts de stupéfaction tandis que Jelenna était tombée à genoux en hurlant.
Feanaro !
L'épée était à Feanaro !
Il me fallut une seconde pour le comprendre. Une seconde de trop. L'élémentaire l'avait déjà empalé et l'ancien Capitaine voyait sa vie s'envoler pour avoir sauvé celle de ma soeur. Ce fut à cet instant qu'une lame bleue traversa le corps de son ennemi. Trop tard. Tel est prit qui croyait prendre mais la plaisanterie ne m'amusait pas.

« FEANAROOOOO ! »

Je ne m'étais pas entendue hurler, je ne m'étais pas sentie courir.
Asora avait tué son agresseur mais je ne m'en souciais pas. Plus rien ne comptait.
J'activais mon pouvoir pour soigner au plus vite le soldat déjà blessé de part en part. Si seulement j'avais été moins égoïste. Si seulement je l'avais soigné avant, si seulement … si …

« Feanaro ne meurs pas, tu dois me protéger, je t'interdis de mourir ! »

Un sourire apparu sur le visage blafard de mon fiancé. Il était incapable de prononcer le moindre mot et je ne parvenais pas à arrêter le flot de sang qui grouillait sous mes doigts. Et là … le même geste que Lika. La même main qui poussait la mienne l'air de dire que tout était fini. Qu'il n'y avait plus rien à faire.
Il n'y avait plus rien à faire.
En lançant son épée pour sauver Jelenna, en sauvant ma sœur, il savait d'avance qu'il se condamnait. C'était son choix. J'aurais beau me débattre, il avait remporté la victoire. Les larmes roulaient sur mes joues tandis que la vie le quitter. Je tentais de m'en débarrasser d'une main pour finalement me rendre compte que cela ne servait à rien mis à part teinter mon visage du sang de mon amant. Un dernier sourire illumina l'ancien Capitaine tandis qu'il tentait de me dire quelque chose. La mort l'emporta avant.

J'entendis quelque chose se briser en moi.

Je voulais mourir.
Je voulais partir loin, loin de cet endroit où l'on me prenait tout.
Loin de tout pour oublier.
Mourir était la meilleure solution.

Entre temps, Aerin avait rejoint Jelenna. Haiiro et Oni s'étaient placés autour d'eux pour les protéger et Baie attendait sagement bien qu'inquiète, de pouvoir transporter son jeune cavalier pour quitter les lieux au plus vite. Jelenna posa sa main sur mon épaule.

« Eléa ? »

Elle pleurait, son visage enfantin baigné de larmes, ses yeux désolés et tellement tristes ... je me souvins de pourquoi j'étais là.
Pour elle.
Je me souvins qu'en venant ici, pour la sauver, j'avais accepté de perdre plus que de ne gagner. J'avais accepté la mort, de moi-même comme de mes proches tant que ce n'était pas la sienne. Je n'avais pas le droit de pleurer, pas encore … Il me fallut du temps pour me calmer mais la Templière nous l'offrit. Elle se foutait visiblement de la mort du Capitaine mais elle nous offrait la mort en guise de cadeau. Pour sauver nos vies.
Pour sauver Jelenna.

« Jelenna, tu vas monter Baie avec Aerin et vous allez suivre Asora. Il ne t'arrivera rien, Asora te protègera avec ses boucliers et de toute façon, tu es Ankha, sur ce champs de bataille, tu ne risqueras rien. Elle va te mener à maman. Oni viendra avec toi. »

Je parlais d'un ton détaché, je l'entendis protester, murmurer le nom de Feanaro.
Non.
C'étaient mes choix qui conduisaient à la mort, je devais au moins la sauver. Elle. J'étais venue pour ça, j'avais promis, j'avais accepté cette éventualité.
Mais bordel qu'est-ce-que ça faisait mal !
Repoussant autant que possible la douleur, j'avais ordonné :

« Jelenna, tu pars ! »

Le ton l'avait surpris, elle avait obéit.
Je savais qu'Asora la protègerait, je savais aussi qu'aucun Erathien ne lui ferait du mal parce qu'elle était trop précieuse pour leur maitre. Elle devait vivre.

« Eléa, promets-moi que tu resteras en vie ! » me demanda-t-elle en pleurs.

« Promets ! »insista-t-elle.

« Que Diane te protège ma puce, quoi qu'il arrive. »

Je t'aime.
Je t'aime à en crever.
Je l'aimais aussi.
Et j'allais nous venger.
Ma tête était vide. Abandonnant le sort de ma cadette à la Templière, en qui j'avais une totale confiance, je me dirigeais vers le groupe d'élémentaires. J'aurai du les combattre dès le début. Ils avaient osé s'en prendre à nous, à Feanaro. Sans eux … si je m'en étais occupée plus tôt.

Ne pas avoir de haine. Ne pas avoir de regrets. Rester calme.
Telles étaient les leçons de maitre Jiven. Faire le vide.
Le vide.
Bordel mais ça faisait mal ! Trop mal !
LE VIDE.
Je m'approchais d'un pas résolu d'eux. Le premier ne m'avait pas vu, ma rapière le décapita sans qu'il n'ai pu dire quoi que ce soit.
Ils allaient payer.
Tous.
Je crèverai peut-être mais avant, ils seraient morts.
Tous.

[ Désengagés : Jelenna, Aerin, Eléa
Je reposterai surement à la fin une dernière fois avec Eléa mais comme je ne suis pas sure de pouvoir le faire, je préfère me désengager ^^ ]

Une fois, de temps en temps, il fallait être un dieu. Se lever, marcher, faire obéir.
Un à un, ses généraux étaient retournés à la terre, à la mort, aux cendres. Azael, quelque part, n'était pas surpris: ils avaient été incapable de récupérer et garder les artefacts capables de les détruire et ils avaient payés le prix fort. Lorsque le dieu serait redevenu plus fort, il choisirait de nouveaux cavaliers plus... Minutieux.
A bien y penser, ses Cavaliers n'étaient que des exécutants. Pas vraiment une grande perte, même plutôt rentable compte tenu du nombre de personne qu'ils avaient éradiqué avant de mourir à nouveau.

Cavaliers, Erathiens, Erathia... Quelle importance, Azael se fichait royalement de tout cela: la seule chose qui l'intéressait, motivait son retour, c'était sa femme Silmaria. Il sacrifierai le monde entier pour la retrouver et la libérer de sa prison charnelle.
Il la tuerai, bientôt. Très bientôt. Il la sentait, non loin, tout près. Il savait, grâce à l'engrossée, que c'était actuellement encore une enfant. Les humains avaient pour habitude de protéger leurs enfants, elle devait être bien à l'arrière de la petite armée. Traverser le champs de bataille et s'approcher d'elle sous sa forme de dieu était un très mauvais plan, affaibli qu'il était par les revers successifs. Il devait, avec les pouvoirs qui lui restaient, trouver un transporteur.

Fermant les yeux, il sonda tranquillement ce qu'il avait sous la main. Quelque chose attirait irrémédiablement sa royale attention, comme son propre sang, une partie de lui, un bonbon sucré. Il s'abandonna et trouva exactement ce qui lui fallait.
Une fille possédait Glace, sa propre épée. Elle combattait avec ce Don entre ses mains, ce catalyseur à colère qu'il avait forgé pour son premier Cavalier de la Bête. Un puits qui l'attirait, l'aidait à se concentrer sur la jeune femme, une véritable incitation à devenir sien.
Il abandonna son corps présent et, guidé par la colère, la haine et la violence d'Asora, prit possession du sien.

Il s'effondra, tout était noir. Ouvrant les yeux, il s'habitua très rapidement à la luminosité. Il ouvrit, ferma les poings plusieurs fois pour réveiller les nerfs. La gamine sentait la sueur, avait une douleur écrasante dans l'épaule droite et sur les poumons. Chaque bouffée d'air était fraîche, et il sentait qu'elle aimait ça, sentir le froid. Habitué à porter les cheveux longs, Azael était pourtant gêné par la chevelure frisée de la blonde qui lui collait sur le visage et lui rentrait dans les yeux. Une fois son physique habitué, il fouilla la mémoire de son hôte.

Asora, une Templière. Elle possédait donc en elle une partie de Silmaria, s'en rendait-elle seulement compte? Malgré cela, elle empestait l'odeur d'une autre déesse, il ne savait laquelle et s'en fichait éperdument. Elle était sien à présent. Tout en elle lui appartenait. Chanceuse.
Il remonta dans la violence: il retrouva Nessa, qui l'avait torturée. Corran, qu'elle avait abattu. Quoi, cette demie-portion blondasse était venue à bout de Bête? L'union faisait définitivement la force, même pour les médiocres.
Plus loin... Elle n'était pas n'importe qui, elle avait la confiance de quelqu'un pour récupérer Ankha: cette importance allait le servir.
Un pas devant l'autre, Azael se dirigeait vers les bases arrières de l'alliance des cités. Pour les autres, ce n'était qu'Asora.


[Possession du corps d'Asora. Topic terminé]