S'il y avait bien une chose à laquelle Philéa n'aurait pas pensé, c'était bel et bien de créer le poste d'ambassadeur, surtout chez les Astorgs ! Kriisten était une amie de longue date de la cité des femmes libres, autant dire que quand elle avait quelque chose d'important à lui dire, elle utilisait la voie des airs ou se déplaçait elle-même. Rares étaient les fois où Kiera avait du se rendre seule dans la cité des neiges pour délivrer un message de la souveraine … Et rares étaient les fois qui requéraient son attention concernant Storghein. En règle générale, l'Oblat ne lui écrivait que pour prendre de ses nouvelles et Philéa en faisait de même. La Cydienne, si elle entretenait des relations amicales avec la jeune femme, n'en oubliait pas moins ses rancœurs sempiternelles avec le Joyau qui avaient failli couter la vie à son armée. Si elle savait que l'Astorg était une femme éclairée et juste, elle regrettait bien souvent le côté guerrier de la Dame qui la poussait à agir de façon impulsive bien trop souvent. Quoi qu'il en soit, la reine était consciente que sans l'aide précieuse de la cité des neiges depuis la frêle création de Muria, rien de tout ce qu'elle avait entrepris n'aurait été possible.
Lorsque l'Oblat avait été enlevée, l'Amazone n'avait pas feint son inquiétude, bien au contraire ! Au fil des années, Philéa avait appris à réellement apprécier la jeunette et surtout, avait appris à respecter autant ses divers talents que son aptitude à gérer une cité en plein essor comme l'était Storghein. En l'espace de seulement quatre ans, Kriisten avait su remettre sa cité sur pieds et avait même permis à cette dernière de recouvrer sa splendeur d'antan. Son union avec Joris avait ravi la Cydienne qui le considérait comme un ami proche même si leur relations étaient plus professionnelles que fraternelles … Désormais, elle considérait que Storghein était la cité qui s'en était le mieux sortie, après Muria quelque part, de la dernière guerre. Azael partit, la cité des neiges n'avait pas tardé à faire valoir ses droits sur Erathia alors que Cydonia pleurait encore ses morts et si la reine déplorait quelque part l'entrain de Kriisten à agir de la sorte, elle se rendait compte à posteriori du bien-fondé de son action comme de la nécessité qu'elle avait eut à le faire. Sans cette intervention, jamais les Cydiens n'auraient pris à cœur de considérer leurs rivaux comme dangereux, surtout avec les dernières rumeurs qui couraient sur la fière cité Astorg ! Ce n'était que par « trahison » des Amazones que Kriisten n'avait pas obtenu ce qu'elle voulait mais à bien y réfléchir … voulait-elle seulement autre chose que d'impressionner ses éternels rivaux ?

A force de retourner la question dans tous les sens, la Dame en était venue à la conclusion que non. Jamais Kriisten ne lui avait tenu rigueur d'avoir retiré son armée ce jour-là, laissant les deux armées rivales se faire face en sachant pertinemment que personne ne gagnerait. La cité des femmes libres n'avait aucun intérêt à agir en faveur de l'un ou de l'autre, peu important les alliances et l'amitié qu'elle vouait à l'Oblat. Si Muria s'alliait à Storghein, rien ne lui garantissait d'avoir une part du marché et après les efforts qu'elle avait fourni, Philéa ne tenait pas à faire des Cydiens de nouveau des ennemis. Bien au contraire, Anatoli à sa botte lui était bien plus utile que lorsqu'il la traquait, elle et son peuple !

Le Conseil avait insisté de nombreux mois sur la nécessité d'envoyer un ambassadeur à Storghein. Les cinq prétendaient que la sécurité de Philéa serait ainsi assurée ce qui ne manquait pas de faire sourire la belle. Ses plus fidèles Sentinelles avaient toujours veillé sur elle et ce, même dans ses voyages les plus extravagants comme cette nuit où, pour assurer ses mensonges, elle s'était introduite dans la chambre de son époux à Tamawa. Philéa ne comprenait décemment pas l'intérêt de nommer quelqu'un surtout avec une cité alliée de toujours mais lorsque Kiera avait émit à son tour un avis favorable à cette décision, la reine avait capitulé. Sa Chef des Sentinelles était plus à même de répondre à ses questions que le Conseil aussi lui avait-elle demandé les raisons qui la poussaient à croire qu'une telle personne serait utile. Calmement, la jeune Astorg avait expliqué qu'il était plus aisée pour une femme seule de se rendre dans la cité qu'une reine. De plus, elle avait ajouté que si un jour la cité tombait entre les mains du Consort ou que Kriisten, devant une offre plus alléchante, devait se retourner contre eux, mieux valait la mort d'une Amazone que celle de la reine. Si Philéa n'aimait pas l'idée, force était de constater qu'il valait mieux prendre des précautions. Désormais, même si la succession au trône était assurée, mieux valait en effet qu'elle reste à la tête de Muria le plus longtemps possible, ne serait-ce que pour laisser le temps à ses filles d'être en âge de gouverner. Ainsi avait-elle fini par céder. La seule question restait le choix de la personne …

Kiera était le premier nom qui lui vint en tête cependant, la jeune femme avait déjà son rôle à jouer dans la cité et en cas d'urgence, elle lui serait bien plus utile à ses côtés qu'à courir les sentiers enneigés de la cité des neiges éternelles. De plus, toute jeune mère qu'elle était depuis peu, Philéa ne tenait pas à lui imposer un fardeau de plus aussi porta-t-elle son dévolu sur son ainée. Eléa s'était montrée une piètre conseillère dans les premières années de son adolescence mais la bataille et les récentes épreuves qu'elle avait subi avaient développé son sens de la justice et son caractère. Elle ne se laissait pas marcher sur les pieds certes mais se montrait plus flexible et plus calme que par le passé … toutefois, son rôle de Tribun l'empêcherait bien trop souvent d'être disponible pour que la reine lui confie une telle tâche. D'autant que la demoiselle ne semblait pas porter Storghein dans son cœur … Aussi étrange que cela puisse paraître, le prénom de Jelenna avait trotté dans sa tête. La petite fille, outre le prestige dont elle jouissait d'être la réincarnation vivante d'une déesse sylvestre amazone, était une pure merveille de calme et de bon sens. Son intelligence et sa vivacité d'esprit feraient d'elle une conseillère hors norme lorsque le temps serait venu pour Eléa de monter sur le trône mais malgré ses qualités, elle restait encore trop jeune pour assurer un tel poste. Trop jeune et trop inexpérimentée, personne ne l'écouterait et l'idée même d'envoyer sa petite Jelenna au devant du danger sur les routes ne lui disait rien qui vaille …

Le Conseil n'avait pas été d'une grande aide, si elles avaient su lui soumettre l'idée d'envoyer un ambassadeur, les cinq n'avaient aucune idée de la personne à nommer aussi s'étaient-elles contentées de lui confier la liste des Amazones majeure d'origine Astorg et la reine avait feuilleté les pages sans grand intérêt. En parcourant les listes, elle élimina d'office celles ayant plus de vingt-cinq ans. L'idée d'envoyer une mère là-bas la répugnait pour savoir à quel point l'absence de sa génitrice lui avait pesé. Au final, elle n'avait plus qu'une poignée de jeunes femmes parmi lesquelles elle élimina Kiera et ses plus fidèles Sentinelles. Suivirent ensuite celles qui avaient des frères et sœurs à charge, les meilleurs éléments de l'armée, les plus prometteuses et pour finir, celles qui n'avaient pas les qualités requises à son sens. A la fin de ce tri sélectif ne restaient que deux personnes dont elle ignorait tout ou presque. L'une d'elle était la fille d'une des cinq et vu qu'elles lui avaient suggéré de prendre un ambassadeur pour assurer sa sécurité, il lui apparaissait logique que le choix n'était pas propice. Se mettre l'une des cinq à dos était stupide d'autant que la gamine était agréable et avait un certain don de scribe … Philéa n'était pas prête à envisager l'éventuel sacrifice d'une gamine qu'elle avait vu grandir aussi porta-t-elle son choix sur la dénommée Ashelia. Elle ne la connaissait pas, la fiche précisait qu'elle avait vécu à Storghein sans indiquer les raisons de son départ. La nommer ambassadeur la rendrait certainement heureuse au point de définitivement adopter Muria et dans le cas contraire, mieux valait qu'elle soit certaine de sa fidélité avant de lui confier quoi que ce soit, cette tâche lui permettrait donc sans risque de déterminer ce point. Quant à son éventuel sacrifice, comme l'avait si bien dit Kiera, mieux valait la mort d'une Amazone que d'une reine et il se trouvait que Philéa ne la connaissait pas, ce qui aidait d'autant plus. Après mure réflexion, elle demanda à Kiera de lui amener la jeune femme dans la salle du trône. La souveraine manda également la présence de sa petite princesse bis qui ne tarda pas à la rejoindre. Elle lui expliqua rapidement son rôle et l'enfant l'accepta en prenant place à ses côtés.

Philéa recevait la jeune femme dans une robe rouge sang à bretelles dont la taille était perlée de très fin filaments d'or. Un simple anneau d'or couronnait sa tête, discret et perdu dans sa longue chevelure qui cavalait le long de ses épaules. Sur ses poignets nus jouaient quelques bracelets d'or tandis que le fidèle serpent d'or s'était enroulé autour de son bras droit, nu. A ses côtés, la petite demoiselle portait une robe aux tons crèmes et ses cheveux étaient parsemés de perles de nacre rapportées par son père. D'un air absent, elle regardait par la fenêtre tandis que sa mère s'entretenait avec Kiera, enfin de retour. Lorsque la Sentinelle se fut retirée, elle demanda à son interlocutrice d'entrer. Elle accueillit la jeune femme avec un sourire tout en ajoutant :

« Approche, je souhaiterais savoir pourquoi tu as quitté Storghein. »

Philéa n'était pas le genre de femmes à s'encombrer de détails et surtout, à passer par quatre chemins pour obtenir ce qu'elle désirait.

[ Attention, ce post étant destiné à te faire devenir ambassadrice, nous attendons des post d'au moins 20-25 lignes ^^ ]

Philéa ne fut pas tellement surprise de voir entrer une jeune femme blonde bien entendu mais surtout, pleine de charme. Kriisten, l'Oblat de la cité des neiges, était elle-même l'une des plus belles femmes que la terre ai porté quant à Kiera, seule vraie référence à ses yeux du charme Astorg dans la cité des femmes libres qu'elle gouvernait, était une petite merveille à sa façon. Là où la souveraine fut néanmoins surprise fut de voir que cette Ashelia Felidalia Armstrong était vêtue de façon quelque peu … aguicheuse ? La souveraine n'appréciait que peu ce terme et ce n'était pas le plus approprié à la situation mais aucun ne lui vint en tête cependant pour décrire l'accoutrement de la demoiselle qui se présentait devant elle. Peu importait de toute façon le physique de celle qu'elle enverrait en tant qu'ambassadrice, seules comptaient ses compétences mais tout de même, la Dame fut surprise. L'âge sans doutes la rendait-elle plus intransigeante, à voir comment s'habillait Eléa tous les jours, il n'y avait pas de quoi faire un drame de quelques corsages ! Au moins cette jeune femme avait-elle la présence d'esprit de choisir des couleurs sobres, passe partout, histoire de ne pas attirer de trop l'attention. Si Philéa était particulièrement sensible à quelque chose, et si elle avait bien un défaut, c'était celui de ne pas aimer se sentir évincer. Elle se souvenait encore de la tentative de la Meneuse de la Troupe de l'évincer lors de la réunion qu'elle avait mené à Tamawa et de son échec cuisant. Philéa était celle qui menait la danse, elle ne tolérait pas que quelqu'un puisse lui voler la vedette.

Beaucoup de personnes étaient passée entre les mains de Philéa, elle en avait modelé le destin, les avaient vu naître entre les murs de la cité et mourir pour la liberté de Muria mais force était de constater que certains échappaient encore à son emprise. Cette jeune n'avait manifestement pas été élevée dans un milieu des plus bourgeois sans quoi, elle saurait qu'une révérence était de mise face à sa reine. Si Philéa ne l'exigeait pas de ses Amazones, elle le demandait cependant aux personnes étrangères et aux nouvelles venues. S'assurer de la fidélité des femmes qui venaient trouver refuge ici était mère de survie pour les Amazones ! Peu importait, le ton qu'elle employait était quelque peu étrange et sonnait comme dérangeant aux oreilles de la souveraine bien qu'elle ne le montra pas. En réalité, Philéa était tout simplement fatiguée et lasse de sa journée qui malheureusement, ne faisait que commencer. Etre reine imposait tant de contraintes … ajouté à cela le rôle de mère de près de cinq enfants en bas âge et deux petits enfants, la Cydienne s'en retrouvait épuisée. Le poids des années, s'il n'était pas tellement visible sur ses traits, s'en ressentait également chaque fois que la jeune femme se levait le matin et se couchait le soir. Quelque part et bien enfoui dans sa mémoire, Philéa rêvait de cette maison Cydienne dans laquelle elle voulait vieillir jadis, aux côtés de Jacen et de ses enfants … La voix de son interlocutrice la tira de sa rêverie.

« L'une des plus nobles familles de Storghein » … Argument peu intéressant aux yeux de la dame. La naissance ne faisait rien, seuls les actes comptaient. Elle-même n'était pas de noble naissance, si l'on exceptait que sa mère et sa grand mère fussent reine de Muria, elle était une simple fille de fleuriste et aujourd'hui, elle avait donner à la cité la force et la splendeur que jamais aucune autre cité n'avait connu. Muria était devenu un pivot indispensable pour chacune des cités d'Azthia, que faisait la naissance dans ce fait ? Les jeunes gens, à l'image d'Eléa, avaient toujours tendance à croire les choses pour acquis, fort heureusement aux yeux de Philéa, il restait encore la vieille génération pour leur rappeler que le monde pouvait changer d'un simple claquement de doigts dans l'une ou l'autre des cités.
La forcer à se marier … en cela, Ashelia ne différait pas vraiment de la plupart des Amazones présentes dans la cité. Muria leur avait offert la paix, la liberté et leur avait évité bien des désagréments. Les hommes étaient ce qu'ils avaient toujours su être, des traîtres, des menteurs et surtout, des êtres dénués de la simple conscience que les femmes n'étaient pas des objets à se disputer. Fort heureusement, ce genre d'hommes semblait être une minorité mais cette poignée de mauvais augures faisait plus de mal autour d'elle qu'une armée entière. La suite du discours ressemblait à tant d'autres qu'au final, Philéa se prêta à réfléchir à la situation plutôt qu'à compatir. Muria avait été créée pour les femmes comme Ashelia, spoliée, blessée ou pire par le genre masculin. Si elle avait posé une telle question à l'Astorg, c'était uniquement pour se rendre compte de sa situation et savoir si elle pouvait suffisamment lui faire confiance, en l'occurrence, rien ne lui assurait que ce soit le cas dans les propos qu'elle tenait. Si l'ambassadrice n'aurait finalement que peu de rôle, Philéa ne déléguant en général que peu de choses et plus précisément à des inconnues, elle devait ce pendant éviter les conflits éventuels entre Storghein et Muria. Il était donc impensable de nommer quelqu'un de dangereux à ce poste et pour se faire, il fallait s'assurer autant des capacités à remplir ces fonctions que de la fidélité de l'heureuse élue.

La première question ne surprit pas vraiment la Cydienne, elle s'attendait même à ce qu'elle en pose une avant de répondre à la sienne. Cependant, elle fut quelque peu agacée par la manie de la jeune femme de ne pas attendre qu'on lui donne la parole pour s'exécuter. Philéa avait déjà une fille comme cela, et inutile de dire qu'elle n'avait pas choisi Eléa pour ce poste pour la raison même qu'elle se permettait trop de choses.

« Je souhaiterai savoir quels sont tes sentiments envers Storghein » se contenta de répondre Philéa en éludant volontairement la question posée par son interlocutrice.

En silence, elle réfléchissait à la situation sans parvenir à prendre une décision. Avait-elle seulement le choix ? La reine avait passé plusieurs soirées à chercher l'heureuse élue et seul le prénom d'Ashelia était sorti de ce fait, Philéa cherchait seulement à se rassurer faute de mieux. La petite voix de Jelenna surpris tellement sa mère qu'elle ne prit même pas la peine de masquer son étonnement :

« Pourquoi ne pas parler à ma Mère de votre passé de Templier ? »

La curiosité comme l'inquiétude perçaient la voix de Jelenna pour qui la connaissait suffisamment bien. Sans doutes cette information avait-elle échappé à Philéa lorsqu'elle avait lu les informations la concernant et de toute évidence, cela n'influencerait que peu son choix, mais pour autant, elle se décida à compléter la question de sa fille, insensible aux larmes de la belle Astorg non pas par méchanceté, mais par nécessité car une reine ne pouvait se laisser aller au sentimentalisme sous peine d'en faire pâtir sa cité :

« Pourquoi avoir quitté les Templiers ? Leur protection ne suffisait-elle pas à échapper à votre père ? »

[ Attention, il n'y a personne dans la pièce en dehors de Philéa et Jelenna. ]

Philéa était clairement lasse de cet entretien, non pas qu'il ne la passionnait pas, en réalité, son métier la passionnait jour et nuit sinon, voilà bien longtemps qu'elle aurait laissé tombé toute cette agitation, mais la fatigue de ces derniers temps pesait de plus en plus sur ses épaules. Les années n'aidaient pas la reine Amazone à être au meilleur de sa forme chaque jour et ses enfants, les plus jeunes comme les plus âgés, ne lui offraient que peu de répit. L'état de son fils unique était inquiétant, l'état psychologique de ses deux jumelles semblait inquiéter leur père, la fragilité de la petite dernière n'augurait rien de bon, la fougue d'Eléa n'aidait en rien quant à la timidité et les talents visibles de Jelenna pour l'Esprit … voilà qui n'aidait en rien la dame à retrouver son calme mais peu importait, Philéa était une reine et en tant que telle, elle était capable de paraître belle et majestueuse même dans les pires jours, comme lorsqu'elle était enceinte par exemple … Ses émotions ? La belle savait parfaitement les gérer. Un mari Templier, deux filles bénies du don de l'Esprit, un parrain et un filleul ayant les mêmes dons … une chose était sure, la Cydienne avait appris à maîtriser autant son corps que son esprit et faisait tout pour que rien ne lui échappe aussi son interlocuteur ne percevait-il en général d'elle que ce qu'elle voulait bien montrer. De plus, la présence de la petite princesse à ses côtés n'était pas anodine. Si quelqu'un tentait de s'introduire dans son Esprit, la petite Jelenna le saurait instantanément et si elle estimait ce geste dangereux, elle n'hésiterait pas à défendre sa mère.

La reine attendit donc la réponse de la jeune femme quant à sa cité originaire. De toutes les cités, Philéa avait bien sur, outre Muria, une préférence pour la cité des neiges. Cydonia ne lui avait que peu manqué, de mauvais souvenirs d'une vie passée l'y attendait et elle préférait tout autant l'oublier. De toute façon, voilà bien longtemps qu'elle n'était plus la bienvenue au sein du Joyau … Anatoli, s'il était devenu un « ami », n'en restait pas moins un adversaire farouche qui ne souhaitait pas voir l'Amazone se baladait impunément dans sa cité.
Les yeux de la dame se posèrent sur son interlocutrice, attendant ostensiblement sa réponse. De part sa seule présence, Philéa intima le silence de sa petite fille qui s'apprêtait à lui dire quelque chose qu'elle avait déjà senti. Le visage d'Ashelia traduisait suffisamment les émotions qui passaient en elle que Philéa n'avait pas besoin de la petite pour savoir ce qu'elle venait de percevoir d'elle. Peu importait, les émotions qui filtraient n'étaient rien, seuls les mots comptaient et pour ce qui était de ses talents oratoires, Philéa n'avait pas à se plaindre.

La jeune femme prit enfin la parole et répondit aux questions de sa souveraine tandis que cette dernière l'écoutait avec calme, l'air détaché mais pour autant, décryptant avec attention ce qu'elle lui disait. Son attitude semblait déstabiliser la jeune femme, à moins qu'elle ne joue de cela ? Peu importait, Philéa attendait simplement une réponse et voulait au plus vite en finir avec cette affaire.

Au moins, elle était honnête, c'était une qualité que la Dame appréciait grandement. Elle ne répondit pas à la question que lui posait la jeune femme, aussi attentionnée soit-elle, elle n'avait pas à savoir le fond de sa pensée. Amazone pro-astorg, peu importait aux yeux de Philéa, tout ce qu'elle voulait, c'était une ambassadrice digne de ce nom au cas où elle ne pourrait pas elle-même se déplacer.
L'intervention de Jelenna permit à Philéa d'obtenir quelques bribes de renseignements en plus. Une templière du Crépuscule, pourquoi pas. Celyween, même si elle ne l'appréciait que peu, avait toujours été une femme forte et malgré ses côtés exécrables, elle n'en restait pas moins quelqu'un de bien.

Moeurs et pratiques qui ne lui correspondaient pas ? Vu leur mœurs, sans doutes Philéa aurait-elle du s'inquiéter qu'ils ne correspondent pas à ses principes personnels … La suite ne put cependant rester muette. Le Temple vendant une gamine ? Vendant qui que ce soit ?

« Mon époux et le parrain de ma fille aînée sont les directeurs du Temple qui vous a offert sa protection toutes ces années durant. S'ils ont pu cacher et protéger deux princesses Amazones, m'est avis qu'ils n'auraient pas vendus une Astorg de votre rang. Peu importe le rang, le Templiers accueillent et défendent l'opprimé, peu important son passé et sa race. Tâchez donc de vous montrer reconnaissante envers ceux qui vous ont protégés. »

La voix était d'un calme olympien. Le ton, détaché.
Philéa ne montrait pas sa colère mais son comportement le mimait à merveille pour elle. Lorsque le silence fut revenu, elle se contenta de conclure, fatiguée par toute cette affaire :

« M'est avis que tu feras une bonne ambassadrice de Muria à Storghein. Soit digne de cette tâche ou la faucheuse sera ta dernière amie ».

[ Désengagées ]