(flashback 154 DA) L'avenir vous tend les bras (mission Asora) (fini)

Certains avaient la possibilité de grimper plus vite que d'autres les échelons mais lorsqu'on était Templier, on ne devait pas s'arrêter à ce genre de choses n'est-ce-pas ? Il avait été décidé que la jeune Asora et la jeune Erika feraient cette mission ensemble, d'une part pour qu'elles apprennent le travail en équipe, ce qui faisait cruellement défaut que ce soit à la jeune Astorg qui n'avait jamais quitté son maitre ou encore, à l'ancienne Templière du Crépuscule qui n'avait que depuis peu l'occasion de côtoyer d'autres Templiers. Erika était de deux ans la cadette d'Asora mais comme je l'ai déjà dit, ce genre de choses avaient peu d'importances. En réalité, seule Asora devait passer l'examen et la jeune Erika n'était là que pour l'y aider, cependant, Jacen comme Iréa avaient décidé de ne rien leur dire. Il était important pour l'une comme pour l'autre qu'elles soient capables d'oublier ce genre de détails comme l'âge ou la promotion pour accomplir leur mission. Ne jamais être jaloux des autres était important …

Erathia était une cité encore naissante. Si elle offrait une paix relative, il était évident qu'elle était encore trop fragile et jeune pour être assurée. Dans un climat encore hésitant bien que prospère, certains avaient tendance à tout faire pour aggraver la situation. Le Tribunat était parvenu à un accord à savoir l'interdiction des armes dans la cité toutefois, cette règle avait parfois tendance à être transgressée. Ne voulant pas de débordements, les Tribuns avaient fait appel aux Templiers pour régler la situation. Et c'est là que nos deux jeunes héroïnes arrivaient dans l'histoire, leur rôle étant de régler la fameuse situation. Le problème étant qu'il fallait peut-être d'avoir des détails sur l'affaire pour se lancer à la poursuite des voleurs non ? Justement, vous étiez attendues au poste d'entrée dans la cité.

Asora enroula la bride de son cheval à son poignet avant de se présenter au poste de gardes. La lanière de cuir marqua sa peau blanche, laissant de fines traces rouges là où la peau était serrée. La jument de la jeune fille, Sonja, prenait avec l'âge des teintes rouges. Plutôt dirons-nous la jeune femme à présent.
Asora venait d'avoir ses vingts ans -difficilement crédible que le temps soit passé aussi vite. Les années avait couru sur elle en modelant sa silhouette à une vitesse vertigineuse, un bloc de glace taillé par un artisan en une nuit à la lumière des étoiles. Sa chevelure avait gardé sa blondeur, sa peau sa candeur laiteuse et porcelaine. Ses yeux, le gauche toujours plus grand que le droit, avaient gagné en profondeur ce qu'ils avaient perdu en clarté: toujours bleus, s'assombrissant avec la déclinaison du jour, relevés par de fins sourcils. Son visage semblait à présent plus équilibré, sa bouche s'étant affinée et son menton s'étant relevé. Afin de relever les couleurs rosées, blanches et bleues de son visage, elle avait abandonné récemment ses tuniques blanches pour des teintes plus colorées, jaune ou violettes.
Tout en elle respirait la race Astorg, exceptée sa taille restée modeste. Sa croissance lui avait, quelques mois encore en arrière, causé bien des problèmes anatomiques: mangeant comme deux sans grandir, elle avait pris pas mal de kilogrammes qu'elle avait eu beaucoup de mal à perdre. Si aujourd'hui sa taille était redevenue fine, ce n'était pas le cas de sa poitrine.

Asora fit quelques pas, peinant à retrouver une stabilité après les heures de cheval qu'elle venait d'engranger depuis Tamawa depuis le matin. Comme une habitude qu'elle prenait, elle avait eu du mal à lever Erika. L'ancienne crépusculaire était encadrée par son maître, Jacen, depuis son arrivée au Temple suite aux événements de 151. Ce dernier, pour changer, était cette semaine de l'autre côté de la montagne à jouer les diplomates avec les Jinmens. Là aussi, une habitude qui pesait beaucoup à la jeune femme: elle commençait juste à se remettre de sa descente aux enfers, et voilà qu'il la laissait seule à nouveau. Avait-il vraiment raison d'avoir confiance en elle pour être à nouveau sur pied? Il avait bien d'autres occupations plus importantes à présent avec ses multiples enfants, sa femme et les relations à tisser avec l'orient. Asora savait ce que cela signifiait: bientôt, elle ne serait plus son élève. Et peut-être prendrait-elle élève à son tour. On l'avait toujours dit douée, on lui avait toujours prédit une montée d'échelons rapide. Comptaient-ils lui donner un élève très bientôt? Avaient-ils senti que sa santé mentale et physique était redevenues stables? Les dernières traces de sa possession par Azael s'évanouissaient finalement, se diluant dans le courant de la rivière du temps, même si le souvenir de ce viol ne la quitterait jamais, jamais.

Asora portait maintenant les couleurs de Hilina, d'Esra. Sa déesse vers qui, après l'avoir renié et insulté, elle s'était tournée en désespoir de cause. Le poison dans son corps avait été tenace, distillé par Glace et le souvenir du dieu des Morts. Glace, cette épée de puissance qu'elle portait, pourtant, toujours à sa ceinture... Mais qu'elle n'avait plus sorti du fourreau depuis deux ans maintenant. Elle l'avait dompté, elle dominait la lame et les pulsions de violence qu'elle lui insufflait. Mais elle n'était pas prête à s'en servir à nouveau, et encore moins à s'en séparer. Elle aimait dire que c'était le souvenir de ce qu'elle était devenue après la mort de Bête: la vérité, c'était qu'elle n'avait pas la volonté pour s'en séparer.

La blonde leva la main pour saluer le poste de garde, tirant son cheval avec elle. En quelques mots, elle se présenta et désigna l'insigne des Templiers à sa ceinture. D'après son ordre, sa venue était attendue. Elle espérait ne pas être arrivée trop tard.

L'homme rendit son salut à Asora d'un signe de main tandis que cette dernière se rapprochait encore. Il était assez tard mais peu importait, ce genre d'affaires n'attendaient pas et à peine le jeune femme fut-elle arrivée et hors de portée de voix d'un quelconque badaud que l'homme commença à la haranguer.

« Triste histoire » ne cessait de répéter le garde à chaque phrase.

Il proposa aux deux demoiselles de s'assoir tandis qu'un autre garde prenait leurs chevaux en main et allait les attacher non loin, sur un rondin de bois poli prévu à cet effet. Il jeta un coup d'œil rapide sur les filles, sans doutes pour les jauger avant de soupirer. Pourquoi leur envoyait-on toujours des gamines pour régler ce genre d'histoires ? Quoi qu'il en soit, de l'aide était toujours bienvenue et l'homme n'allait pas rechigner vu le peu d'indices qu'ils avaient. Il se prépara donc à expliquer ce qui s'était passé, déjà trois jours plus tôt. Ils étaient quatre dans l'habitacle, deux se chargeant de l'entrée dans la cité, les deux autres attendant la relève dans l'arrière de la maisonnée qui servait de consigne dans laquelle étaient retenues les armes des voyageurs en transit. La consigne était sure qu'il disait et pourtant, le vol avait bien eut lieu. Il expliqua aux Templières que les deux gardes attendant la relève dormaient dans l'arrière pièce et que les voleurs les avaient enfermés. Les deux gardes dehors avaient été menacés physiquement par des hommes en cagoules et rudement bien organisés. Le tout était allé très vite, les armes avaient été volées et tous avaient disparu dans les rues de la Lumineuse. Seul subsistait un morceau de tissu aux couleurs de Cydonia, arraché sur l'un des voleurs. Peu d'indices en effet … Si les deux femmes avaient des questions, il ne leur laissa pas le temps de les poser.

« Vous devriez prendre une nuit de repos, nous en reparlerons demain. En attendant, on laisse les armes ici mesdemoiselles. »

Il était vraiment impressionnant de voir combien d'armes avaient été confisquées. En fait, chaque âme qui vivait sur cette terre semblait posséder, obligé de posséder une arme. Asora, en templière, portait une arme par nécessité (ou par dissuasion?) contrairement à toutes ces âmes perdues qui vivaient dans la violence quotidienne. Quel déclic devait être nécessaire pour que ces gens lâchent les fers? Le tribunat veillait au grain avec l'interdiction du port d'arme, interdisant même aux rares forgerons d'en confectionner dans l'enceinte. Une décision louable, dans laquelle Asora apportait tout son soutien et fondait tous ses espoirs: elle rêvait secrètement de voir cette idée étendue à toutes les cités, tous les continents, tous les peuples. La fin du fer, la fin de cette vie sacralisant la plus froide des créations divines. La voix de cristale de Hilina pour remplacer le fer de Kalten.

Alors, quand elle apprenait que le fer s'étendait dans la cité cristalline, l'idéal de paix que les Templiers devaient instaurer, Asora se faisait de cela une affaire personnelle. Si des armes étaient introduites dans Erathia, elle les trouverai une par une, Hilina guidant sa main pour détruire le métal. Quelques soient ces personnes qui aient osé briser ainsi la promesse silencieuse de la cité pacifique, dans un espace qui avait vu tant de morts était pire que criminel. C'était une insulte aux dieux et aux morts.
Cependant, aussi forte qu'était sa conviction, elle hoqueta lorsque les gardes lui demandèrent son arme.
Glace n'était pas arme à se séparer de sa propriétaire.
Son coeur battait la chamade, comme si des médecins s'apprêtaient à effectuer une intervention chirurgicale. Sa gorge, nouée, gagnait peu à peu en chaleur et en sécheresse. Non, elle ne pouvait pas, elle n'était pas prête à confier cette arme à des gardes. Après tout, n'avaient-ils pas échoué déjà une fois dans la protection des armes? Que ferait-elle si Glace tombait dans les mains de n'importe qui, de quelqu'un ne sachant pas maîtriser sa puissance?

"Messieurs, il est dans notre intérêt, vous le comprendrez, que nous gardions nos armes. Les coupables sont armés, dangereux, et nous n'arriverons à rien si nous devions exposer seulement la menace de notre langue contre du fer."

Le garde posa sur la Templière un regard dur. Il était évident qu'il n'appréciait pas qu'une petite jeunette se permette de remettre en cause son autorité, devant ses hommes qui plus est, ainsi que son talent de soldat. Certes il n'avait rien pu faire pour éviter les bandits de prélever les armes mais tout de même, il se sentait quelque peu trahi par la Templière qui se devait de rester neutre. La loi était simple au sein de la Lumineuse, le port d'arme était interdit, pour les mécréants comme pour les redresseurs de tords et malheureusement petite Astorg, tu ne faisais pas exception. Cette mission était cruciale pour toi aussi, il allait te falloir apprendre à faire des sacrifices …

« Mesdemoiselles, vous n'entrerez pas dans la cité ainsi armées, veuillez je vous prie me confier vos armes. »

Le ton ne laissait pas entrevoir sa colère bien que ses yeux, froids comme le marbre, soient suffisamment clairs pour indiquer « cette fois-ci, vous n'avez pas intérêt à me contredire ». La jeune Erika hésita l'ombre d'une seconde avant de s'avancer et de tendre la garde de sa rapière runique. La pierre aux éclats dorés qui y était incrustée brilla l'espace d'une seconde avant de s'éteindre complètement une fois dans les mains du garde. Ce dernier tendit sa main libre vers Asora, pressant quelque peu la réflexion intérieur de la demoiselle. Il n'était qu'un garde aux portes et son rôle consistait à saisir les armes de toute personne voulant pénétrer dans la cité neutre si quelqu'un désobéissait, il devait sévir.

Le soldat observa l'espace d'un instant l'étrange couple que formaient les deux Templières, ne pouvant sans doutes pas s'empêcher de penser qu'elles lui semblaient un peu trop jeune pour ce genre d'histoires mais peu importait, là encore, il n'avait pas son mot à dire. Il soupira un instant avant d'ajouter :

« L'auberge de l'Etoile brisée se situe non loin de l'entrée de la cité, si vous le souhaitez, vous pouvez y dormir, une chambre y a été réservée pour vous en tout cas. Enfin, le temps que tout cela soit éclairci. »

Le garde se tut, visiblement, il ne dirait rien de plus avant le lendemain … peut-être était-il vexé qu'une petite blonde ai osé lui tenir tête ? Qui pouvait le dire ?

Alors que la main tendue s'approcha d'elle, la templière eut un mouvement de recul incontrôlé saisissant en un instant la grande pierre à sa ceinture, cinglée fermement. Inamovible à sa hanche depuis tant d'années, Glace n'attendait que la moindre inattention pour s'emparer du coeur, de l'esprit et de l'âme d'une pauvre victime ignorante. Peut-être cet homme? S'il savait les dangers de cette lame runique, jamais il ne pourrait prendre le risque de la saisir. Asora, par sa patience et son acharnement, était la seule capable de résister à sa puissance. Cela faisait plusieurs mois qu'elle n'avait matérialisé la lame, s'arrachant de son emprise. A la vérité, si entre ces murs elle avait eu à se battre, elle ne l'aurait pas utilisé non plus. Même l'avoir avec elle avait quelque chose de ...
Totalement indispensable.

Mais le choix ne lui était pas laissé. Etait-ce là une nouvelle épreuve que lui laissait Hilina, ou Glace? Comment déterminer si c'était le bien ou le mal qui le demandait? Asora expulsa sa frustration par la respiration et fit confiance dans l'avenir que la déesse lui avait concoctée, détachant péniblement la pierre runique de sa ceinture. Lorsqu'elle fit mine de s'en séparer, elle la sentit irradier deux fois plus de froid, l'odeur de la neige montant à ses narines. Son coeur se serra et tomba progressivement dans sa paume, quittant sa main lorsque l'épée passa du côté de la garde. Qu'ils en prennent soin et qu'ils ne l'égarent pas, les conséquences seraient catastrophiques. Cependant, pour ne pas éveiller leurs soupçons (et leur avidité), elle préféra taire ses connaissances sur la lame d'Azael.

Lorsqu'elle pénétra dans la cité, elle se rappela le plan dessiné par son maître avant son départ. Contrairement à elle, Jacen avait souvent mis les pieds à Erathia. Asora y avait trop de mauvais souvenirs (et de mauvaises consignes) pour s'en approcher à moins de dix lieues jusqu'à aujourd'hui.
Se tournant vers Erika, elle lui assura qu'elle trouverait l'auberge seule car elle devait se rendre pour commencer au temple d'Hilina en ville, en réalité dédié à Esra. Mais elles étaient unes et uniques sous ce même toit. C'était effectivement une elfe qui tenait l'autel, Asora ne la gratifiant que d'un bonjour timide en cydien, seule langue qu'elle maitrisait vraiment avec sa langue maternelle. La représentation de sa déesse était radicalement différente sous l'oeil elfique, la dessinant et la sculptant sous les traits d'une enfant pieds-nus dans une courte robe blanche, flûte à la main. Distraite et un peu désarçonnée de ne point trouver la jeune femme armée qu'elle connaissait, elle hésita quelques secondes avant de s'agenouiller. Après tout, il était bien plus logique qu'une déesse des arts soit une enfant elfe plutôt qu'une guerrière astorg. Sa prière fut longue et en langue du Nord, demandant rapidité de décision et discernement dans son enquête. Et de la remettre dans la bonne voie si elle venait à s'égarer.

La nuit fut agitée et lourde. Le patron servit de l'agneau surnageant dans une sauce grasse. Tout ce qu'Asora avait juré d'éviter, ce qu'elle fit de bonne fois: elle se contentant par la suite d'un morceau de fromage au lait de brebis et de raisins secs. Attendant impatiemment le levé du soleil, elle s'activa pour être à la relève de la garde de retour à l'entrée, prête à prendre ses informations. Tout en s'enquérant de savoir si son épée était toujours sur place.

Le garde avait saisi l'arme non sans une certaine appréhension. Il n'était pas de ceux, fétichiste des armes, qui contemplaient des heures durant une lame ou un pommeau en s'extasiant devant leur beauté. Il aimait les armes pour leur utilité et se contentait de la plus rudimentaire tant qu'elle pouvait lui sauver la vie ou sauver celle des siens. D'un geste de la main, il fit signe à un petit jeunot de venir la prendre et ce dernier, non sans laisser échapper un soupir d'étonnement, saisi l'arme et disparu dans la petite demeure où elles étaient entreposées. Le garde beugla quelque chose au jeunot qui s'empressa de noter que l'arme appartenait à la Templier.

Le lendemain matin arriva sans doutes bien trop tôt quoi qu'il en soit, la petite Erika était déjà prête à l'usage si on pouvait parler ainsi et attendait au pied de l'auberge. La jeune femme ne savait pas vraiment quoi penser de sa compagne d'infortune et se gardait bien d'émettre le moindre soupçon à son égard. Elle passait d'ailleurs le plus clair de son temps à ne pas parler. Le petit jeunot de la veille, un blondinet d'une quinzaine d'années au plus ou peu sans faute et visiblement Astorg, reconnu aussitôt Asora. Il s'empressa de prendre un air faussement triste avant d'ajouter à son attention :

" M'dame, votre arme a disparu ! "

Le ton faussement affecté et la mine qu'il arborait allaient fichtrement bien ensemble. Le jeune homme laissa planer le doutes une seconde encore avant de se faire rabrouer par le même homme que la veille qui ne manqua pas de lui coller une tape derrière la tête.

" Bougre d'idiot ! " siffla-t-il.

Le jeunot partit en rigolant de sa blague, persuadé de son effet. Le soldat quant à lui fit face aux deux jeunes femmes avant d'ajouter :

" Bien dormi ? Vous avez appris quelque chose ? "

Sans doutes avait-il oublié que la seule chose que les jeunes femmes savaient été qu'il y avait eut un vol d'armes ... L'âge que voulez-vous !

La mauvaise blague n'était pas de son gout et, foudroyant du regard le mauvais bougre, le fit bien comprendre autant que faire ce pouvait sans avoir recourt à la violence. Lui hurler dans la tête en passant par l'Esprit travailla un moment Asora, mais une telle démarche ne manquait pas d'être interceptée par sa collègue qui finirait bien par se demander pourquoi tant d'intérêt autour d'une arme. S'il était de notoriété publique que l'arme d'Azael était en possession des Templiers, la damoiselle ne souhaitait pas répandre la connaissance du porteur. Pire que les curieux, c'était les chasseurs de reliques et les azaeliques de l'Oeil d'Or qu'elle redoutait. Changer le porteur d'arme était exclu, tout comme enterrer la pierre runique quelque part. Elle attendrait qu'elle cède, qu'elle se fissure toute seule, qu'elle perde toute son énergie. Mais plus les mois défilaient et plus l'Astorg se demandait si la pierre n'était pas vouée à irradier pour l'éternité. Si ce gueux savait sur quelle arme il venait de cracher son venin, il n'en mènerait pas large en fuyant la queue entre les jambes. N'avait-il pas souffert, perdu des membres de sa famille pour cette épée et le symbole qu'elle représentait? Tout ce qu'elle signifiait pour l'ancien dieux des morts?

Asora se re-saisit, alors qu'une mère et sa fille la dépassèrent avec des paniers de poissons vides, répandant des odeurs familières dans leur sillage. Qu'il était difficile de croire, quand on avait connu ces plaines comme champs de bataille, cette rivière pleine de bateaux en flammes et ces murs comme une infiltrée qu'à présent Erathia pouvait abriter la vie. C'était comme si, après une nuit de pluie et de brouillard, le soleil s'était levé et permettait de voir enfin à travers la brume.

"Nous ne savons rien de plus qu'hier: cette ville est grande, et toute information que vous détenez nous est précieuse."

L'homme regarda les deux jeunes femmes avec un sourire désolé. Il finissait vraiment par se demander pourquoi on lui avait refilé deux gamines pour une telle mission alors qu'un Templier expérimenté aurait pu trouver tout de suite les gredins à l'aide de l'Esprit. Peu importait, il devait faire avec ce qu'il avait sous la main sous peine de déclencher une émeute dans la cité nouvellement neutre. Il soupira l'espace d'une seconde pour marquer son désappointement avant de répondre :

« J'vous ai tout dit hier » grommela-t-il,« Ils étaient nombreux, quatre je pense, et surtout, ils portaient des vêtements Cydiens ! Rudement bien organisés, précis, ils ont piqué toutes les armes et se sont volatilisés dans la cité. »

Interceptant le regard étonné et lourd de reproches d'Erika, il s'empressa d'ajouter d'un ton rude :

« On est des gardes nous, on a pas l'droit d'aller dans la cité, abandon d'poste. »

L'homme donna quelques détails en plus, informations qu'il avait grappillé ici et là parmi les victimes de l'attaque. Rien de bien alléchant en soi mais tant pis, comme l'avait si justement dit Asora, la moindre information pouvait se révéler capitale. Dans ce cas, pourquoi Erika continuait-elle à le dévisager ?

« Euh ... » dit-elle en pointant du doigt quelque chose derrière le garde, « C'est pas Glace ça ? Et mon arme ? »

L'homme qui les tenait s'empressa de passer les portes de la cité neutre, comme s'il voulait les narguer. Ah ben si, c'était bien Glace et il allait falloir la récupérer sans l'aide des gardes et surtout, sans tuer personne !

Ce qui était le plus difficile avec ces genres de gardes, c'est que c'était toujours les pires idiots possible que l'on mettait à ces postes. Asora ne s'était jamais posée de questions sur le recrutement des gardes, le choix des affectations ou la naissance de ces "vocations". En réalité, elle venait de comprendre qu'on mettait certainement les pires gars possibles, ceux dont on ne savait pas quoi faire dans la ville, ceux incapables de diplomatie ou des grosses brutes au cerveau équivalent à de la bouillie d'avoine. Pensaient-ils réellement qu'elles pourraient aider la cité d'Erathia avec si peu d'indications et d'aide? Asora allait devoir faire tout le travail elle-même semblait-il, trouver les informations en ne comptant que sur l'indiscrétion des habitants. Permettre à une astorg, même templière, de retrouver des voleurs cydiens... Facile, les candidats n'allaient surtout pas manquer! Si elle demandait de l'aide à sa communauté, certainement ceux-ci essaieraient de se venger de cydiens en particulier en les dénonçant, peu importait leur culpabilité véritable dans cette affaire. La communauté Elfe était extrêmement bien soudée et se souciait peu des autres. De mémoire, Asora n'avait pas de connaissances ici qui pourraient lui servir d'indic'. Il serait étonnant que la princesse-tribun en string de cuir amazone soit dans la cité en ce moment-même, Jacen l'aurait prévenu. Non, franchement personne ne pouvait lui être utile; Sora avait déserté la surface du globe pour certainement s'enterrer chez les Jinmens, une absence qui semblait toucher chaque membre influent de l'ancienne Kabbale. Peut-être certains prêtres ou prêtresse des temples pourraient lui être d'une aide? Sa piété ne faisait aucun doute, elle l'avait encore prouvé hier soir. Elle n'en doutait pas, Hilina saurait lui donner un signe, celui qu'elle attendait pour franchir ce cap, gravir cette marche difficile.

Lorsque les pantins en faction commencèrent à s'articuler, Asora reconnu alors le signe qu'elle attendait. Mais quand elle vit sa propre épée dans la main de ces tanches, son sang ne fit qu'un tour avant de se geler intégralement. Portée par une sorte de panique muette à l'intérieur de laquelle rien d'autre n'existait, elle s'élança à la poursuite de ce narguant petit mortel qui connaitrait bientôt le châtiment divin. Asora hurla quelques mots en cydien, puis harangua la foule pour qu'elle s'interpose devant cet homme portant des armes dans cette enceinte paisible. Mais la réactivité du peuple n'était pas des plus exemplaire, contrairement à la détermination de la jeune femme qui aurait piétiné dragons et montagnes pour rattraper ce voleur. S'attendait-il à une telle vitesse déployée par Asora? Peut-être pas, le fait étant qu'elle se jeta bientôt sur lui pour lui faire mordre la poussière du sol. Peu s'en fut qu'elle ne le rate car il prit un virage seré, mais la templière raffermit sa prise sur le postérieur du malotru pour le faire glisser au sol. Sans sentir les écorchures qu'elle venait de se faire aux genoux, Asora grimpa sur le dos de son adversaire, maitrisa sa main droite et arracha rageusement son trésor des sales pattes de cet être indigne pour Glace. Comme un souffle ardent, elle sentit alors son coeur battre à nouveau et le sang circuler dans ses veines. Le poids du monde tomba de ses épaules, de sa poitrine et de son dos, ne lui laissant qu'un vague sentiment d'apaisement. Le sentiment qu'elle venait de retrouver sa drogue et sa dépendance, l'aura glaciale de l'arme damnée qu'elle ne résolvait pas à abandonner.

Haletante, la jeune femme leva les yeux, persuadée que les gardes venaient arrêter cet homme. Il livrerai ses complices, sa cachette, et le tour serait joué.
Sauf que devant elle s'étendait le quartier Cydien, bien curieux de savoir ce que faisait une Astorg sur un de leur congénère.

"Heu... Cet homme est un criminel... Vous pourriez aller chercher les gardes?" demanda-t-elle timidement en cydien.

L'homme était une tanche, pour sur vu qu'il venait de se faire attraper par une pétass... et mince, je me trompe de personnage ! Je voulais dire, le voleur fut surprit de ta réactivité, visiblement, il s'attendait à ce que son forfait reste impuni, à l'image des précédents. Bah oui, mais quand on a Asora dans les pattes, on ne s'en défait pas aussi facilement ! Erika avait fait de même de son côté, récupérant son arme sans mal et, lorsqu'elle avait compris où vous vous trouviez, elle n'avait pas eut de mal à aller chercher les gardes, comprenant qu'une Astorg en quartier Cydien, tabassant qui plus est ouvertement un Cydien, ne manquerait pas de se faire molester, toute templière qu'elle soit … La jeune femme courut donc à en perdre haleine mais ce furent des gardes médusés et incapable de réagir qui l'accueillir. Fort heureusement pour toi, la demoiselle n'était pas du genre à abandonner et elle se mit à hurler sur ces derniers de sorte que quelques secondes à peine après la fin de leur altercation, ils la suivaient sans piper mot.

Peu de temps s'était écoulé depuis que tu avais pénétré dans le quartier «　ennemi　» mais heureusement, Erathia était une cité de paix et si les peuples ne tenaient pas spécialement à se mélanger, ils ne cherchaient pas pour autant à se taper dessus, pas tous du moins.

La suite fut rapide. Les gardes saisirent le pauvre bougre qui, apeuré par ta réaction quand tu avais saisi Glace, se précipita de leur avouer où était le butin comme ses complices. Ce qu'il adviendrait de lui comme des autres ne vous regardait plus aussi le chef de la patrouille prit-il la peine de te demander de rengainer ton arme, Erika faisant de même. Il fut bref sur les remerciements et vous laissa à l'entrée de la cité, comme si de rien n'était. Les voleurs retrouvés, il n'avait plus besoin de deux gamines dans ses pattes pour jouer au gendarme et au voleur.

«　Je crois que notre mission est terminée … mieux vaudrait rentrer.　»

Erika, voix de la sagesse, en même temps, vous n'alliez pas compter les moutons … d'autant que cette mission marquait désormais la fin de votre apprentissage, et ça, ça annonçait juste de nouveaux ennuis, de nouveaux problèmes d'une autre envergure.

[ Mission terminée. ]

[ Félicitation Asora, tu deviens officiellement un Templier Wink

]

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