Après toute une journée de voyage, Reyan parvint finalement à la légendaire cité d’Erathia. Comme pratiquement tout le peuple d’Azthia, le jeune prêtre avait au moins entendu parler des ravages causés par Azael, profondément lié à cette ville, même s’il en avait été tenu à l’écart de par sa condition de mâle dans la cité des Amazones. C’était, disait-on, la seule cité avec Muria où toutes les races cohabitaient. Ayant été élevé par des femmes qui traitaient de la même façon tous les hommes, qu’ils soient Cydiens ou Astorgs, Reyan n’avait aucune animosité envers le peuple de Storghein, mais il savait après avoir vécu plusieurs années à Cydonia que son cas était loin de représenter une majorité. Aussi prenait-il toujours garde lorsqu’il croisait l’un des colosses blonds qui, d’après ce qu’il en avait entendu, n’hésiteraient pas à s’en prendre à lui pour être simplement ce qu’il était, ce qui scandalisait beaucoup notre prêtre. Non sans mal, Reyan finit par trouver une écurie où laisser le cheval qu’il avait emprunté à Cydonia. Il ne parvenait pas encore à en revenir : son départ n’avait absolument pas été prémédité, et il avait peine à croire que quelques heures seulement auparavant, il se trouvait encore chez lui, à l’abri de tout besoin et sans que rien ne le pousse à changer un jour de vie. Mais c’était un fait : plus l’écrivain avançait dans la rédaction de sa chanson de geste, plus il enviait son héros, et plus il regrettait de rester passif tandis que sa rencontre récente avec le sénateur Arkham lui montrait à quel point il était important d’un point de vue politique qu’il retrouve sa cité d’origine. C’était un projet complètement fou : comment un petit prêtre qui ne pouvait même pas se défaire d’un loup enragé seul allait réussir là où tant d’autres avaient échoué ? Quand bien même, s’il se faisait capturer, il lui faudrait demander audience à la reine. Pourquoi ? Reyan devait le déterminer d’ici là.

Lorsqu’il avait entendu parler du Frozen Storm à Cydonia, il y avait vu l’opportunité de faire ce qu’il avait toujours voulu essayer sans trouver les moyens pour réaliser son projet : pénétrer dans la forêt des Hêtres par la mer. Ca, peut-être que les Amazones ne s’y attendraient pas, ce qui, en cas de miracle, laisserait à Reyan une chance de retrouver Muria sans se faire capturer. Et pour satisfaire ce besoin, il lui fallait un bateau, chose que le capitaine Elryn semblait pouvoir lui apporter. Problème : la rumeur parlait de piraterie, chose qui allait fondamentalement contre les principes du jeune prêtre. Peut-être était-ce ce doute et cette nécessité d’avoir de vraies réponses qui avaient poussé Reyan à partir de façon aussi précipitée. Il repensa aux lettres qu’il avait laissées à Cydonia avant son départ, eut un petit pincement au cœur en repensant au fleuriste du Printemps aveugle, puis s’engagea dans les rues de la Lumineuse pour trouver cette fameuse Taverne du Lion d’Or où devait se trouver le fameux capitaine.

Curieusement, alors que le fils d’Amazone n’avait encore jamais mis les pieds à Erathia, il n’eut aucun mal à trouver l’endroit. Mu par une certitude qu’il ne pouvait s’expliquer autrement que par le regard d’Abyss sur lui, il avait marché directement vers le port, où il ne lui fallut pas chercher longtemps pour trouver la fameuse taverne. La nuit commençait à tomber, et Reyan espérait trouver tout aussi rapidement le fameux Elryn. En pénétrant dans la taverne, le jeune prêtre réalisa qu’il n’avait absolument aucune information sur celui qu’il recherchait, pas même un petit détail sur son physique qui lui permettrait de le reconnaître facilement. Encore une fois, il ne put s’empêcher de penser qu’il était fou, complètement fou, et curieusement, au lieu de l’effrayer, cette impression faisait naître en lui une certaine excitation.

La Taverne du Lion d’Or n’était pas différente des autres tavernes que Reyan avait eu l’occasion de voir. Il se rappela que c’était dans un lieu de ce genre que toute son aventure avec Hannah et la secte d’adorateurs d’Azael avait commencé. Peut-être l’histoire allait-elle se répéter ? Son visage masqué par sa capuche, Reyan remarqua quelques regards tournés vers lui alors qu’il se dirigeait vers le comptoir, ce qui sans le mettre mal à l’aise ne lui plaisait pas beaucoup. A sa ceinture pendaient sa fronde et sa dague, et dans ses poches étaient soigneusement rangés quelques parchemins où de redoutables poèmes magiques attendaient patiemment d’être récités. Reyan voulait parler au capitaine Elryn pour avoir quelques éclaircissements quant à la véritable nature du Frozen Storm, mais aussi parce qu’il savait qu’en sa présence, il pourrait toujours utiliser la magie des mots pour l’obliger à accepter sa proposition, ou tout du moins pour l’empêcher de refuser. Depuis ce rêve étrange, jamais le Cydien n’avait utilisé cette nouvelle forme de magie, mais il était persuadé d’y arriver, sans trop savoir pourquoi. Lorsqu’il se trouva face au tavernier, Reyan abaissa sa capuche et en dégagea ses longs cheveux bruns.

« Je cherche Elryn, capitaine du Frozen Storm. » dit-il d’un ton ferme.

Il se dit cependant qu’il avait peut-être fait preuve d’imprudence, après tout Elryn n’avait peut-être pas bonne réputation entre ces murs…

[HJ: Suite à l'absence de réponse d'Elryn, j'ai décidé de clore le sujet et d'abandonner cette idée de scénario.]

« Eh bien ce n’est pas ici que vous le trouverez, mon bon monsieur, lui répondit le tavernier, un sourire cynique imprimé sur son visage bourru. Et puis je vous trouve un peu trop curieux pour un étranger à peine arrivé dans ma taverne. »

Reyan regarda discrètement autour de lui, quelques clients de la taverne ne paraissaient pas des plus amicaux. Gardant son calme, il jugea néanmoins qu’il n’était pas vraiment en position de force. Toute sa volonté s’ébranla en un instant, et il réalisa la folie de son entreprise : il se trouvait dans une ville qu’il ne connaissait pas, cherchant un inconnu pour s’engager sur un navire sans même savoir si celui-ci était réellement un pirate ou non. Sans se retourner, le jeune prêtre quitta les lieux, sous les éclats de rire du tavernier et de quelques habitués.

Déconfit, défait, déçu, Reyan s’empressa de retourner à Cydonia. Il pensait que l’aventure l’avait appelé, mais peut-être était-il finalement fait pour cette existence monotone et routinière. Une fois chez lui, il relut les quelques pages qui composaient le début de sa chanson de geste, pour vivre à travers son personnage les péripéties qu’il semblait ne jamais être amené à vivre.