Lorsque Ashrand poussa la porte de l' auberge, l'air chaud et étouffant l'enveloppa immédiatement, ce qui déclencha un frisson chez lui qui venait de l'extérieur, où les températures étaient plus fraîches en cette soirée de printemps. Dans cette vaste salle se trouvait un nombre plus important de personnes qu'à l'accoutumée, quelques-unes de ces gens festoyaient, certaines se noyaient dans l'alcool, les yeux rivés sur leur chope, d'autres encore dansaient au rythme que leur imposaient les joueurs de cistre. Globalement, une bonne ambiance régnait sur ces lieux, et il y avait de quoi : Baltan, l'aubergiste, fêtait la naissance de son fils et n'avait apparemment pas l'intention de le faire seul au vu du nombre de personnes présentes ici !
L'homme ventru au tablier blanc l'accueillit bruyamment avec une haleine qui trahissait celui qui avait déjà bien abusé du vin, lui faisant part qu'il craignait de ne pas voir le Cydien ce soir, ce dernier s'excusa en affirmant n'avoir vu le faire-part qu'en rentrant chez lui, il y avait tout au plus une heure. Oui, il revenait tout juste de Tamawa où il s'était absenté une semaine durant afin d'y mener quelques recherches à la bibliothèque et aurait très bien pu ne rentrer que le lendemain, ratant la petite soirée de ce fait. Le petit mot annonçant la naissance de Francesco faisait également office d'invitation et le gladiateur tenait à faire un saut à l'auberge pour transmettre ses félicitations à l'heureuse mère, ce qu'il fit presque immédiatement après son entrée.

Quelques instants plus tard, après s'être débarrassé de son manteau mais ayant conservé ses armes sur lui, il était attablé avec d'autres personnes qui lui étaient pour la plupart inconnues. Une serveuse amena une chope d'ale tandis que lui se servait une grosse tranche de rôti qu'il arrosa généreusement avec une sauce aux légumes dont l'odeur lui mettait l'eau à la bouche. Puisqu'il était venu ici, autant qu'il prenne quelque chose, s'était-il dit. Puis, il n'avait pas vraiment envie de préparer son dîner lui même alors qu'il rentrait tout juste ; un repas copieux ici serait mieux, d'autant plus que la cuisinière savait préparer des plats bien meilleurs qu'il n'était capable de le faire lui-même. L'avantage qu'avait quelqu'un comme lui, qui entretenait quasi quotidiennement son corps, était qu'il n'avait nul besoin de surveiller sa ligne et Ashrand ne manquait pas l'occasion de bien manger, c'était après tout l'un des petits plaisirs de la vie !
Alors qu'il avalait une énième bouchée de ce qui se trouvait dans son assiette, l'Elfe assis – affalé plutôt – en face de lui leva péniblement la tête de sa pinte et prononça quelque chose en articulant si bien que le Cydien peina à en saisir pleinement le sens. Le jeune homme lui répondit au mieux avec ce qu'il avait saisi de la question, le pochard en parut satisfait, bût une gorgée et posa enfin sa tête sur la table dans un état de semi-conscience.

L'ancien Soumis ne s'en préoccupa pas davantage mais s'affaira plutôt à se servir un morceau de poulet qui semblait lui faire des clins d’œil depuis tout à l'heure, après avoir raclé ce qu'il lui restait de sauce avec un quignon de pain traînant dans l'un des multiples paniers placés ça et là sur la table. Il le reconnaissait lui-même : aujourd'hui il avait grand appétit, aussi ne se gêna-t-il pas le moins du monde à se resservir plusieurs fois, les quelques pièces payées à l'entrée compensaient largement ce qu'il avalait. S'il mangea beaucoup ce soir-là, il ne se fit pas particulièrement remarquer à table, au contraire de ceux qui répandaient la moitié de leur verre ou de leur assiette par terre après un geste malencontreux. En effet, il se tenait droit et digne, mâchonnant calmement chaque bouchées malgré sa faim, ce qui en faisait un invité plutôt discret dans la salle.
L'ivrogne leva une deuxième fois la tête, les yeux et les joues rougis par l'alcool, et hurla un « A Francesco » sonore avant de vider ce qu'il restait de sa chope – les trois quarts au moins – d'un seul trait. Personne ne détourna même le regard vers lui ; il semblait être un habitué du coin, son état lamentable aussi ! L’Elfe se leva ensuite, grommelant quelque chose qui devait ressembler à « J'vais serrer une danseuse » puis il s'étala de tout son long sur le plancher, s'étant probablement emmêlé les pieds, ivre qu'il était. Un autre homme le ramassa et le força à s'asseoir sur un banc placé sur le côté de la vaste pièce où l'ivrogne retomba dans son état comateux.

Amusé par cette personne qui se donnait ainsi en spectacle, Ashrand reporta une fois de plus son attention sur son assiette, il jugea d'ailleurs avoir eu les yeux plus gros que le ventre pour ce dernier service. Il reprit donc le masticage méthodique de chaque bout de volaille, ralentit par son estomac qui se remplissait peu à peu et prêta à la place une oreille aux musiciens. Il crût reconnaître une veille chanson qu'il avait entendue plus jeune à Cydonia avant de se dire qu'en fait non, l'air était décidément différent. En même temps, avec le bruit ambiant, difficile de discerner sans peine ce qui sortait de ces instruments...
Ses yeux au jeune homme se posèrent ensuite sur les danseuses se mouvant en rythme et qui avaient accroché son regard sans doute à cause de leur décolleté parfois outrageant. Le Cydien, gêné de se rendre compte du pourquoi il avait regardé dans cette direction, détourna la tête, préférant s'intéresser aux autres personnes à sa table. Outre ceux qui argumentaient leur discussions par de grands gestes et vifs éclats de voix, il n'y avait pas beaucoup de monde avec qui entamer la conversation parmi les gens à moitié ivres et ceux trop occupé à manger pour se fatiguer à mener une discussion. Une personne en particulier attira toutefois son attention: à moins d'un mètre en diagonale de lui se trouvait une cliente visiblement Almer sinon Nùa d'origine, qui engloutissait littéralement tout, absolument tout ce qui passait à portée de ses mains, qui faisaient davantage office de grosses pinces ici. Intrigué, le gladiateur la dévisagea avec des yeux ronds sans même s'en rendre compte, était-ce humainement possible de mettre autant dans sa bouche en même temps ? Il continua de la fixer car il était curieux de savoir si ce festin auquel elle s'adonnait se finirait un jour. Peu après, elle ralentit enfin et l'enfournage des aliments dans le gouffre qu'était son estomac se fit plus calme. Le Cydien n'aurait d'ailleurs pas été étonné qu'elle fasse quelques crampes d'estomac par la suite, surtout quand on voyait à quelle vitesse elle se nourrissait. C'est vrai, quoi, on n'allait pas la lui voler, son assiette !

« Eh bien, quel appétit ! » dit-il, amusé, quand elle sembla avoir fini de dîner.

La présumée Nùa ne répondit pas, peut-être parce qu'elle n'avait pas entendu à moins qu'elle n'ait tout simplement pas envie de répondre ou encore qu'elle ne comprenne pas sa langue. C'était vrai que le jeune homme avait parfois tendance à oublier que même dans la Cité Brumeuse, tout le monde ne parlait pas l'elfique et puis en y regardant une deuxième fois, la demoiselle n'avait pas vraiment l'air d'ici. Elle leva tout de même la tête et répondit à sa question par une autre. Ah, du Cydien ! Il ne s'était donc pas trompé en soulevant l'hypothèse qu'elle soit étrangère à la cité.
Ashrand se décala sur le côté et se pencha un peu par-dessus la table en bois, alors seulement il mit sa main sur le côté de sa bouche comme si il allait lui faire un confidence.

« Voyez-vous, si je vous regarde en parlant alors c'est bien possible que ce soit à vous que je m'adresse » dit-il avant de rire brièvement, « Non, je disais juste que vous avez un appétit d'ogresse. Il n'y à donc rien à manger là d'où vous venez ? »

Ses paroles avaient été prononcées dans la même langue qu'avait utilisé son interlocutrice puisque apparemment elle ne comprenait pas celle parlée à Silmarie. De même, il s'était adressé à elle sur un ton qui se voulait taquin, ne souhaitant pas l'offenser en croyant qu'il l'insultait d'ogresse. Pour la peine, il tendit un bras et se saisit de la première serviette du tas déposé non loin du plat dont tant l'odeur que l'aspect indiquait qu'il s'agissait d'agneau pour la proposer à cette femme, qui avait à présent les doigts très gras d'avoir mangé ainsi, avant de la gratifier d'un sourire chaleureux.

Ashrand n'avait bien entendu pas dit cela dans le but de blesser la Nùa et encore moins l'énerver mais il semblait que cette dernière ne l'avait pas entendu de cette oreille. Pour lui, ce n'était qu'une phrase anodine destinée à engager la conversation mais elle, elle l'avait apparemment très mal pris, pourtant même en retournant cela dans tous sens possibles, le brun ne voyait pas pourquoi cette inconnue réagissait ainsi. Pire, ce fut la serviette gentiment tendue qui mit le feu aux poudres ! Le Cydien avait rencontré beaucoup de gens bizarres mais aucun n'avait des réactions si démesurées.
Sa bouche s'entrouvrit de surprise lorsqu'elle jeta une chope pleine par terre, qui éclata en morceaux en même temps que le propriétaire de ladite boisson protesta à voix haute. Le gladiateur se demandait vraiment quelle partie de sa plaisanterie avait pu la mettre hors d'elle à ce point car elle l'était, vu ce qu'elle lui cracha sans douceur aucune.

« Mais ... » répliqua-t-il dans un murmure inaudible

Il planta ses iris azurés dans ceux de l'assassin et y chercha quelque chose qui lui indiquerait qu'elle n'avait pas l'intention de mettre à exécution ce qu'elle s'apprêtait visiblement à faire. Un semblant de peur lui parcourut l'échine quand il se rendit compte qu'elle était sérieuse : assurément, la position qu'elle venait d'adopter n'était pas là que pour impressionner le jeune homme, celui-ci ne doutait d'ailleurs pas qu'à la prochaine bévue, elle tente de l'attaquer. Non pas qu'il craignait quoi que ce soit de la part de cette Ogresse – après tout, lui aussi savait fort bien se défendre – mais il préférait éviter tout conflit. Lui n'était absolument pas de nature violente et, obligations personnelles mises de côté, Ashrand faisait son possible pour ne pas avoir recours à la force. Enfin, il admettait que même s'il ne connaissait rien de cette personne, la façon dont elle avait réagi à l'instant avait quelque peu affecté le garçon.
En attendant, il la fixait toujours, cherchant ce qu'il allait lui répondre pour la calmer. Le problème avec Ashrand, c'est qu'il n'était pas doué pour ce genre de chose. Il n'avait fait que trop souvent l'expérience de blesser ou de vexer les gens avec des phrases qui se voulaient avant tout amicales, aussi réfléchissait-il vraiment à comment formuler tout ça.

« Allons, allons, ce n'est pas nécessaire de nous énerver, je m'excuse si vous ai paru trop familier » commença-t-il avec un manque d'assurance flagrant, « Rasseyez-vous donc, il vaudrait mieux éviter de faire scandale dans l'auberge, non ? »

La fin de sa phrase accompagnée d'un geste mal assuré de la main afin de lui intimer de reprendre sa place allait très certainement causer sa perte : En effet, ce geste pourtant simple lui fit heurter sa chope d'ale encore pleine qui se renversa. Ashrand, qui était toujours assis, vécut la scène au ralenti tant il craignait d'en connaître l'issue à l'avance. La boisson alcoolisée parcouru les quelques dizaines de centimètres qui le séparait de la Nuà, inexorablement attirée par elle, mais pourquoi fallait-il que cette table ne soit pas parfaitement droite ? Arrivé de l'autre côté du meuble de bois, le liquide coula... sur les bottes de la demoiselle ! Ashrand remit précipitamment le récipient, vide à présent, droit avant de tenter un calcul des probabilités qu'il avait pour qu'elle ne lui saute pas dessus après ça. La situation n'eût-elle pas été si sérieuse que le garçon aurait ri de la façon dont le hasard se jouait de lui. Il voulait calmer cette femme mais ses efforts étaient ruinés d'avance maintenant...
Sans même s'en rendre compte, l'Ancien Soumis s'était levé, manquant de peu de tomber à cause de sa chaise, et bredouilla des excuses maladroite :

« Ah, désolé, je ne l'ai pas fait exprès ! Croyez-moi, je... je ne voulais pas vous renverser de la bière dessus ! »

Le gladiateur fixa une nouvelle fois l'assassin, craignant une réplique agressive de sa part. A vrai dire, il redoutait réellement la réaction qu'elle aurait mais il ne pouvait plus rien faire dans l'immédiat pour l'en dissuader...

[Désolé, j'ai pas pu résister à l'envie de titiller Elly un peu plus x'D
Malgré tout, j'avoue que je ne te laisse pas des masses d'ouvertures non plus :/]

L'assassin se contenta de lui jeter un regard vague, ses yeux vitreux se promenant tantôt sur lui tantôt sur les autres personnes présentes, lui demandant ensuite de la laisser en paix. Le Cydien pouvait fort bien convenir qu'elle ait pu ne pas vouloir engager la conversation avec qui que ce soit, qu'elle soit venu ici uniquement pour prendre un peu de bon temps dans une ambiance festive et musicale, ce qui lui était plus difficile à digérer par contre était la réaction qu'elle avait eue – exagérée, c'était le cas de le dire. Au moins s'était-elle rassise et paraissait-elle un tantinet moins disposée à s'en prendre physiquement à lui qu'il y a trente secondes, aurait-il à tout hasard trouvé les bons mots pour la calmer ?

« Comme vous voudrez » marmotta-t-il en haussant les épaules, avant de reprendre sa position initiale, assise.

Il voulait juste engager la conversation, histoire de passer un peu le temps, mais ça aurait été un mensonge que de dire qu'il n'avait pas été refroidi par la façon dont elle avait coupé court à ce timide début de discussion. Il y avait et il y aurait toujours des gens désagréables comme ça, peu importe l'endroit où il se trouverait...

Suite à ce petit accrochage, la Nùa – ou Almer – se leva pour se diriger vers la sortie de l'auberge. Ashrand suivit son déplacement des yeux et ce ne fut que lorsqu'il vit la démarche hésitante et, quelquefois, les balancements de la femme, allant d'un côté à l'autre, que le gladiateur comprit qu'elle avait visiblement bu plus que de raison. Voilà qui justifiait peut-être sa riposte inappropriée, pensa-t-il. L'alcool avait des effets bien étranges sur les hommes, il rendait certains doux comme des agneaux, d'autres si amorphes qu'on les confondrait avec une pierre mais il arrivait aussi que le pochard devienne vulgaire sinon agressif et violent, ce qui avait l'air d'être le cas pour cette douce inconnue.
Le garçon aux cheveux d'ébènes se pencha vers l'une des serveuses lorsqu'elle passât, lui demandant poliment s'il était possible qu'elle lui ramène une autre bière ; la sienne venait d'être renversée ou s'était perdue au milieu de toutes les chopes qui traînaient sur la table, oubliées par leur propriétaire. Et voilà que quelques minutes plus tard, l'existence de l'assassin lui était totalement sortie de la tête, non pas qu'il était ivre, loin de là, juste que les trente secondes qu'avait duré leur rencontre ne le marqua pas au point d'occuper ses pensées plus que cela. Il préféra plutôt se laisser aller à la réflexion sur diverses choses, certaines importantes et d'autres moins. Ce qu'il ferait demain, ce dont il avait à s'acquitter le plus vite possible, ... bref tout un tas de choses qui ne regardaient que lui.
Une bonne demi-heure s'écoula entre ce moment et celui où il se décida à se mettre en route pour son chez-lui, après qu'il eût fini sa boisson. Il reprit son épais manteau et sortit par la porte, délaissant la chaleur de l'auberge pour la fraîcheur de la nuit.

Le vent lui battit le visage sitôt qu'il eût mis un pied dehors et il referma chacun de ses boutons afin de s'en préserver. Dans l'ensemble, il avait passé une soirée distrayante bien que son but n'était pas de s'amuser mais c'était surtout le repas qui lui avait plu ! Le seul élément négatif dans tout ceci restait la Nùa trop alcoolisée : elle avait fait faire un bond au cœur du Cydien quand ce dernier crût qu'elle allait se jeter sur lui, enfin peu importait après tout, il ne se reverraient jamais.
Ashrand ne se trouvait guère à plus de cent mètres de sa maison à présent, il y serait d'ici quelques minutes tout au plus et alors, il irait se blottir dans des couvertures chaudes pour bénéficier d'un sommeil réparateur car, quoi qu'il en dise, la journée de voyage et la semaine qui avait précédé l'avaient toute deux fatigué. Il n'était pas exclus qu'il paresse un peu au lit demain matin.
Tout en marchant, il aperçut une silhouette sur le côté de la rue, à laquelle il n'aurait pas prêté attention si ce n'est qu'il reconnût l'individu agressif de l'auberge. Le gladiateur savait à présent qu'elle était ivre et réfléchit à deux fois avant d'esquisser ne serait-ce qu'un pas dans sa direction. Assise, elle semblait immobile dans l'obscurité environnante et Ashrand ne put s'empêcher d'être pris de remords en envisageant de partir en la laissant là. L'alcool donnait une sensation trompeuse de chaleur et vu la température qu'il faisait actuellement dehors, la demoiselle risquait sérieusement de prendre un mauvais coup de froid à rester là ainsi ! Dans sa grande habitude de se mêler de ce qui ne le regardait pas, l'Ancien Soumis se dirigea vers elle et, soucieux, lui recommanda :

« Vous ne devriez pas rester ici, vous allez attraper froid ... »

Et il n'eût pas droit à une réponse dans l'immédiat. Rah, Les ivrognes étaient de tels épaves par moment, se dit-il, encore qu'il ne savait pas si elle était dans un état pire que tout à l'heure – il espérait que non en tout cas. Ashrand soupira tout en s'asseyant à ses côtés, il laissa toutefois un bon mètre entre elle et lui sur le banc, juste au cas où son animosité referait surface.

« Rassurez-moi, vous vivez à Silmarie ? » demanda le brun.

Combien de fois n'avait-il pas vu des gens gris faire encore la fête à pas d'heure alors qu'ils habitaient à plus d'une heure à pied de la Cité Brumeuse... En attendant, il guettait un signe de réaction de la part de la présumée Nùa.

[J'aime pas trop mon post ... :/ Je n'avais pas trop d'idée pour éviter de clore prématurément, 'fin si ça ne te va pas, MP moi ^^']

Il sourcilla lorsqu’il entendit la réponse que l’assassin venait de lui fournir. Déjà qu’elle répondait à sa question par une autre mais en plus, celle-ci n’avait absolument aucun rapport ! Dans un premier temps intrigué, Ashrand soupira ensuite en la voyant se relever et tituber. Instinctivement, il plaça une main dans le dos de la pocharde afin qu’elle ne tombe pas mais celle-ci ne parut pas s’en rendre compte, quittant déjà son soutien dorsal pour aller baragouiner plus loin.
Malgré son état de sobriété, le Cydien parvenait difficilement à saisir ce qu’elle disait tant elle articulait peu. Il ne saisit d’ailleurs que quelques bribes de phrases et apparemment, elle semblait regretter quelqu’un. Qui ? Mystère … Le brun continua de la fixer un instant, vraiment curieux de savoir ce qui se passait dans sa tête à cet instant, lui qui n’avait jamais été ivre à ce point, jusqu’à ce qu’elle éclate en sanglot, pleurant cette personne inconnue à Ashrand, qui de ce fait ne savait pas du tout comment réagir. Déjà qu’il avait habituellement du mal à réconforter les gens, la partie était loin d’être gagnée avec quelqu’un d’ivre !

« Mais enfin, expliquez-vous, de qui parlez-vous ? »

Il voulait juste l’aider, qu’elle n’attrape pas une vilaine infection d’ici le moment où elle se serait relevé pour se lover dans un lit et maintenant, il se retrouvait embarqué dans son délire d’alcoolique. Cela ne lui plaisait que moyennement mais il ne pouvait tout simplement pas la laisser ainsi, assise sur le trottoir à attendre qu’elle dessaoule un peu. Il se refusait à fermer les yeux et à simplement poursuivre son chemin, cela lui aurait pourtant tellement facilité la vie. Se montrer soucieux pour les autres n’avait pas que des bons côtés parfois.
Il soupira une nouvelle fois avant de saisir l’assassin par le bras pour qu’elle arrête de balancer d’un côté à l’autre car à ce rythme, elle risquait fort de se retrouver face contre terre d’ici quelques secondes. Ainsi tenue, elle finirait peut-être par se rendre compte de la présence de son interlocuteur et peut-être se déciderait-elle enfin à lui donner une réponse cohérente. Les larmes coulaient toujours mais cela n’empêcha pas Ashrand de vouloir assouvir sa curiosité.

« Vous étiez avec quelqu’un ? » demanda-t-il une fois certain d’avoir accroché le regard de la Nuà, « Qui donc est parti ? Racontez-moi, mademoiselle »

Les saoulards avaient cette habitude d’être totalement déconnecté du monde, de ne plus discerner ce qui le devait et il était ainsi quelquefois compliqué de se faire comprendre d’eux ou même tout simplement de les comprendre : ils tenaient des propos étranges, changeaient de sujets à tout bout de champ ou même oubliaient ce qu’ils venaient de dire trente secondes auparavant. Cela dit, l’alcool était le meilleur sérum de vérité qui soit. Qui n’avait jamais révélé par mégarde un secret sous l’emprise de l’alcool ?

« Mais indiquez-moi d’abord où vous logez, je vais vous reconduire »

Tant bien que mal et en marchant lentement, le gladiateur essayait de lui faire prendre un peu l’air pour qu’elle puisse décuver en l’emmenant faire un petit tour dans les rues de Silmarie. A vrai dire, il empruntait la route qui menait vers l’auberge où l’un et l’autre avaient passé la soirée, un délicieux repas ayant ponctué celle-ci. Même s’il parvenait jusqu’à la bâtisse, ce qui n’était pas chose sûre avec l’assassin au bras, il restait à espérer qu’une chambre soit belle et bien réservée à son nom sans quoi … et bien, il ne saurait pas du tout où la faire dormir, surtout si elle décidait d’encore changer de sujet et de ne pas lui révéler l’endroit où elle habitait !
Tout en avançant, Ashrand se demanda ce qui pouvait bien pousser les gens à boire jusqu’à l’ivresse totale. Il était vrai que boire un verre ou deux à l’occasion était agréable, l’ale et l’hydromel ayant plutôt bon goût, mais de là à finir dans un état pareil … Vraiment, il ne comprenait pas. Le lendemain, les fêtards avaient droit à une gueule de bois épouvantable, un mal de tête accompagné de maux d’estomac. Pire, l’alcool altérait les souvenirs de la soirée et déformait parfois la vérité, à tel point qu’il n’était pas aisé de discerner le vrai du faux alors quoi, où était le plaisir la dedans, avait-ce seulement un seul intérêt de se noyer dans sa chope ?

La Nuà semblait peser de tout son poids tantôt contre l'épaule d'Ashrand, tantôt de l'autre côté, tant et si bien qu'il manqua plus d'une fois d'être déséquilibré. Heureusement qu'il était encore assez sobre, sans quoi ils auraient fini par terre tous les deux ! Comment avait-elle fait pour sortir de l'auberge et arriver aussi loin au vu des difficultés qu'elle avait à se déplacer ? Sans doute l'alcool était-il passé dans le sang entre temps...
De la personne qu'elle regrettait, le gladiateur n'apprit rien ou presque. Elle baragouinait des phrases incompréhensibles et dénuée de sens, quand elle articulait suffisamment pour que ses mots ne ressemblent pas à des marmonnements. Le Cydien abandonna bien vite sa quête de réponses, comprenant bien que c'était peine perdue : l'assassin était dans un état d'ivresse trop avancé pour lui répondre. Chaque fois qu'il posait une question, il n'obtenait jamais ce qu'il voulait entendre. Tant pis, toute cette histoire demeurerait un mystère pour lui, encore faudrait-il que cette mystérieuse personne ne soit pas un délire de la pocharde ! Tout ce qu'il obtint d'elle fut qu'elle possédait une chambre dans l'auberge, information qui lui enleva un énorme poids des épaules : au moins, il savait où elle dormirait ! Il prirent donc le chemin de l'endroit où tous les deux avaient passé la soirée.

Le vent frais le fit bientôt frissonner malgré sa veste épaisse, il n'osait pas imaginer ce qu'il devait en être pour cette femme qui, elle, était bras-nus. Bah, elle n'avait pas l'air de s'en plaindre, sûrement déjà bien réchauffée par l'alcool.
Si demain elle se trouvait être malade ou fiévreuse à cause des événements de la soirée, et bien le gladiateur espérait que ça lui servirait de leçon et qu'à l'avenir, elle y réfléchirait à deux fois avant de boire plus que de raison. L'agacement d'avoir à s'occuper d'une telle ivrogne lui faisait penser cela mais au fond de lui, il ne le souhaitait pas. Jamais il n'irait souhaiter de mauvaises choses à qui que ce soit.

L'auberge A la Belle Étoile se dressa quelques minutes plus tard dans la rue de la Cité Brumeuse et le garçon en poussa la porte. La grande salle s'était en majeure partie vidée, seuls une poignée de clients n'avaient pas encore délaissé leur banc pour un lit douillet et autour, les employées s'activaient à passer un coup de chiffon dans la pièce, ramassant débris de verre et d'assiettes, couverts tombés et débarrassant les plats devenus froids. Le foyer dans l'âtre dégageait encore une agréable chaleur mais l'ambiance n'y était plus. La fête était finie, mais combien de temps s'était donc écoulé depuis qu'il était parti ?
Tout en la soutenant avec un bras, Ashrand s'engagea dans l'étroit escalier qui menait aux chambres à l'étage jusqu'à ouvrir celle qui appartenait vraisemblablement à la femme, d'après ses indications. L'instant d'après, elle s'était déjà affalée dans le lit, toute habillé. Voilà qui ne promettait pas un sommeil confortable, pensa l'Ancien Soumis. Aussi lui ôta-t-il ses bottes en cuir avant de tirer d'un coup sec la couverture sur laquelle elle s'était allongée pour la remettre au dessus d'elle. Elle avait déjà sombré dans l’Éther, ses sens trop engourdis par l'alcool pour rester davantage en éveil.

« Une bonne chose de faite » marmonna-t-il entre ses dents.

Le garçon était curieux de savoir combien de personnes auraient agi de la même façon que lui se soir, à savoir se montrer généreux avec une femme qui s'apprêtait à lui sauter à la gorge, la reconduire jusqu'à se chambre alors qu'il aurait tout bonnement pu la laisser là et ne pas profiter d'elle alors que son taux d'alcool l’empêcherait de réagir. D'une certaine façon, elle avait eu de la chance de tomber sur lui et pas sur un autre.
Sans attendre plus que cela, Ashrand franchit le seuil de la porte dans l'autre sens, refermant doucement le panneau de bois derrière lui. Sa bonne action faite, il entendait bien rentrer chez lui, épuisé qu'il était. Ainsi, il laissa derrière lui l'assassin qui ne se souviendrait sans doute pas de ce qu'il avait fait pour elle lorsqu'elle s'éveillerait


[Elly & Ashrand désengagés]
[Merci pour ce RP !]