Thémis lui avait accordé la journée. Il était rare que le gamin réclame quoi que ce soit aussi quand il se permettait de demander ne serait-ce qu'une heure de repos pour vaquer à ses occupations, la jeune femme, qui d'ordinaire ne le tuait guère à la tâche, le lui accordait sans poser de questions. Tout au plus se permettait-elle de lui souhaiter une bonne journée, de lui rappeler de faire attention à lui telle une maman attentive et de le prévenir si jamais il avait un problème. L'héritière du puissant Consul insistait toujours également pour qu'il prenne un petit quelque chose à manger avec lui au cas où la faim le tenaillerait et pour finir, qu'il emmène Nyméria. Cette fois encore, l'adolescent s'était exécuté. Plus que tout, il remerciait la mère de famille de veiller sur lui et de l'accompagner avec autant de dévouement et d'amour dans tous ses mouvements mais plus que tout aujourd'hui, il voulait s'éloigner d'elle, de sa maison et de son mari. Leur bonheur était palpable dans chacun des mouvements de la jeune femme et si d'habitude cela n'effleurait même pas l'enfant, il s'était éveillé ce matin-là avec un ressentiment tout particulier et l'envie de fuir. Incapable de se souvenir de quoi il avait rêvé, il savait néanmoins que cela n'avait rien d'agréable et sans doutes, que cela était lié à Celyween.
Chaque fois qu'il rêvait d'elle, il avait besoin d'évasion, de quitter ce lieu où trop de choses lui rappelaient qu'il n'était pas un fils mais un invité bien que la jeune femme n'en fasse jamais état dans ses gestes comme dans ses paroles … Alors l'enfant avait décidé de sortir, de s'éloigner un temps soit peu de cette maison pour mieux y revenir lorsque ce sentiment d'abandon se serait tut. Il avait pris Namarië et Nyméria, la faucon prenant son envol librement pour la première fois de la semaine. Elle avait d'ailleurs décidé de lui fausser compagnie pour aller chasser et le jeune élémentaire ne pouvait pas lui en tenir rigueur. Seule la louve au pelage clair était restée à ses côtés, comme si elle craignait qu'il ne fasse une bêtise.

C'était arrivé.
Par le passé.
Oui, il y avait songé mais jamais son geste n'avait abouti. Désormais, trop de gens comptaient sur lui et avaient besoin de lui. Si sa mère lui manquait, il se sentait pour autant incapable de la trahir en se donnant la mort.

« Je vais bien » dit-il en passant la main dans le pelage de la louve qui s'était allongée à ses côtés.

Assis près d'elle, Aerin ne pouvait s'empêcher de repenser à tout le chemin qu'il avait parcouru depuis ce jour fatidique où sa vie avait basculé, à tout ce qu'il avait accompli, tout ce qu'elle avait fait pour lui. Thémis, Jelenna, Nyméria, Eloween, Jillian … toutes s'étaient comportées comme des mères, des grandes sœurs inquiètes pour lui qui cherchaient uniquement à le sauver. Sans elles, jamais le petit n'aurait pu survivre, il le savait très bien et il remerciait chaque jour ces femmes ainsi que son père.

« Je vais bien » répéta-t-il, « C'est juste qu'elle me manque »

La louve poussa un soupir et se contenta de poser sa tête sur les jambes de son maitre qui en profita pour s'allonger. Oui, Celyween lui manquait … Le gamin s'endormit sans s'en rendre compte lorsque la voix retentit, l'éveillant en sursaut.

« Maman ? » ne put-il s'empêcher de demander, hésitant encore entre la réalité et le rêve.

Cette voix était trop réelle, trop claire.
Il rêvait.

« Maman ? » insista-t-il.

Il aurait tout donné pour quelques secondes avec elle. Pour être quelques secondes un ritualiste comme Jelenna capable de parler aux morts.

« Maman je suis là ! » répondit-il, hurlant presque.

Le cœur battant, il se leva d'un bond, oubliant jusqu'à la présence de Nyméria qui aurait pourtant du le mettre sur la voix. Il rêvait. S'il-vous-plait, il voulait simplement rêver …

Elle était là. Sa proie, son âme volée, son petit à elle.
L'ombre se déplaça en silence, suivant à la trace son petit protégé. Elle jouait avec son destin, modelait ses pas, impulsait sa voie. Malgré toutes ces années, il la cherchait encore. Qu'était-elle pour lui ? Une mère ? L'ombre était tout. Mère, sœur, femme, amante, confidente. Elle n'était rien. Elle allait le lui faire comprendre. Maintenant. Tout de suite.
Il lui appartenait. Elle l'avait modelé, façonné, détesté.

« Tu m'as oublié Aerin »

La voix était lourde de reproches, tandis que la jeune femme approchait de sa victime. Son corps svelte ondulait sous ses pas, ses longs cheveux de jais volait au vent, libres, sauvages. Son regard ambré se posa sur l'enfant lorsqu'elle ajouta, acerbe :

« Parce que moi, je ne t'oublie jamais. Parce que moi », elle s'approcha de lui et Nyméria grogna avant de reculer, pliant sous le poids de l'aura de la déesse, « je ne t'oublie jamais »

Il recula, visiblement effrayé ou incapable de comprendre ce qu'il se passait. La belle fit un pas en sa direction, menaçante.

" Comment oses-tu me trahir pour ces deux garces ? Crois-tu que Diane et Silmaria peuvent te sauver de ton funeste destin ? "

Maman.
Ce mot à la bouche, le cœur battant, le gamin avançait, priant au fond de son cœur pour être une nouvelle fois dans un rêve. Un simple et unique rêve où il lui serait permis de dire au revoir, de profiter une dernière fois de sa mère, de l'étreindre une ultime fois. Un dernier adieu s'il lui était permis, il en avait toujours rêvé sans pouvoir mettre la main dessus. Et aujourd'hui, aujourd'hui les dieux lui offraient cette chance ! Il ne put s'empêcher d'appeler à nouveau « maman » tandis que la louve à ses pieds tentait de le faire revenir sur terre. Non. Le gamin avait trop espérer, trop rêver pour lui pardonner d'agir ainsi. Elle avait beau tenter d'entrer en contact avec lui, il lui bloquait obstinément l'accès, l'empêchait d'entrer. Celyween était tout ce qui comptait et si les années avaient effacé la rancœur, elles n'avaient pas pu en revanche effacer la peine et la douleur. Il n'avait jamais pu lui dire adieu, et même si le temps avait fait depuis son travail, cela lui manquait cruellement. Il était si dur d'avoir été arraché à elle que la simple idée de la revoir ne fut-ce qu'une seconde lui donnait envie d'y croire.
La louve grogna sans succès et lorsqu'elle tenta de hurler pour le faire sortir de sa torpeur, le jeune homme se figea avant qu'elle n'ai pu faire quoi que ce soit. Intriguée, l'animal jeta un coup d'œil droit devant. Elle n'avait pas senti la jeune femme, mais sa voit, lourdes de reproches, n'avait pas manqué de la faire tressaillir. Le gamin quant à lui s'était arrêté net, coupé dans son élan, ramené cruellement à la réalité.

Tu m'as oublié. Un instant, l'elfe se demanda qui avait pu prononcer ces mots. Il songea l'espace d'une seconde à sa mère mais ne reconnu pas la voix. Et puis … jamais il ne l'avait oublié. Si instinctivement, il avait eut envie de dire « non », ce mot se tut à jamais, cloitré au fond de sa gorge par la vision qui avançait vers lui. Une jeune femme, magnifique selon les critères des hommes adultes, effrayante selon les siens, avançait dans sa direction. De longs cheveux noir de jais volaient au vent tandis que son corps, souple, félin, avançait inextricablement dans sa direction. L'enfant était totalement tétanisé par le regard ambré si bien que sa main se posa instinctivement sur la tête de la louve qu'il avait jusque là volontairement oubliée et mise de côté. Nyméria baissa les oreilles devant la vision mais n'osa pas bouger, elle même sous le « charme » félin de la demoiselle.

Elle puait le danger.
Pire que tout, elle irradiait la mort dans l'esprit de la louve mais pourtant, cette dernière se sentait incapable de bouger, de peur pour son maître.

La suite plongea Aerin dans un trouble particulièrement violent. Elle était à quelques pas de lui désormais si bien que la louve gronda avant de reculer, contre sa volonté, devant la jeune femme. Aerin couina quelque chose du genre « reste » mais Nyméria se sentait incapable de faire plus que ça. Elle resta sur ses gardes sans pour autant parvenir à avancer pour s'interposer.
Ça puait la mort et le danger.

Tandis qu'il reculait pour retrouver la protection symbolique de Nyméria, la jeune femme avança à nouveau, menaçante cette fois. Il mit un certain temps à comprendre. « Diane », « Silmaria », que venaient-elles faire la dedans ? Ce ne fut qu'en accordant bout à bout les pièces du puzzle que le gamin comprit. Jelenna était Diane tout comme Eloween était Silmaria mais dans ce cas, cette femme était …

« Ilith ? » murmura-t-il, incrédule, incapable d'esquisser le moindre mouvement bien que tout son être lui hurle de fuir.

A partir de ce constat totalement inconsidéré, le gamin perdit totalement la raison. Le plus sage des hommes serait tut, le plus malin également, mais lui décida de parler. Pire que tout, il décida de défendre l'élue de son cœur. Il s'était préparé, il avait envisagé cent fois cette trahison pour suivre sa dulcinée. Parce qu'elle l'avait sauvé, elle. La colère se mêlait à la tristesse, la tristesse renforçait la colère. Le cercle vicieux était à l'œuvre et le gamin en était la proie. De toute façon, qu'avait-il à perdre ?

« Je suis mort avec elle ce jour-là, peu importe le destin que me réservent les dieux, je n'ai plus rien à perdre désormais ! »

Il brulait d'une colère sourde, muette, qui lui faisait perdre le bon sens.

« Comment pourrais-je te trahir toi qui n'a jamais été là pour moi ? »

S'adressait-il vraiment à la jeune femme ou la prenait-il vraiment pour la déesse qu'il avait tant prié ?

« J'ai toujours prié pour ton salut, toujours ! Jamais je ne t'ai demandé quoi que ce soit, jamais ! Et toi, que m'as-tu offert ? Un funeste destin ? Une vie heureuse ? Tu étais là peut-être quand j'ai souffert ? Quand j'avais peur ? Alors, qui a trahi l'autre hein ? »

Il était évident qu'il avait perdu la tête ... Tant de choses refoulées ... il était dangereux d'agir de la sorte.
Ça sentait le danger et la mort ...

Elle était là. Sa proie, son âme volée, son petit à elle.
Elle était là, lui tenant tête, lui faisant face. Et plus elle parlait, plus Ilith adorait.
Elle l'avait façonné, elle l'avait modelé au fil de ses envies et voyez le résultat.
Il était prêt. Il était mur. Juste un petit coup de pouce et il serait enfin l'arme qu'elle avait conçu.

Les dieux ne lui réservaient aucun destin, rien, pas même un souffle. Il n'était qu'un gamin insignifiant aux yeux des immortels mais pour elle … il était celui qui changerait tout. Il lui appartenait corps et âme, il lui appartenait et obéirait. Il ferait ce qu'elle ordonnerait, il serait l'arme contre les siens. Avec son minois, personne ne croirait en sa trahison, pas même le plus avisé des hommes.
Il porterait son message de sang.
Il obéirait car l'ombre l'avait décidé.

Il voulait se rebeller ? Cela n'était que plus amusant, la créature voulant se défaire du maitre. Le maitre n'avait pas l'intention de la laisser faire …
Petite chose … petite proie. Docile. Stupide. Crédule. Sais-tu à qui tu parles ?
Il en est conscient oui mais il se refuse à le comprendre …
Il est pourtant celui qui portera son message de mort.

La jeune femme s'avança d'un air souple et félin vers l'enfant et, approchant son visage jusqu'à atteindre son oreille droite, lui murmura d'un ton joyeux :

« C'est bien ainsi que l'on me nomme enfant »

Elle s'écarta pour constater l'effet de sa révélation.
L'ombre s'amusait tant de le voir ainsi. Elle l'avait façonné. Elle l'avait créé. Il lui appartenait.

« Tu ne mourras que quand je l'aurais décidé enfant » poursuivit-elle sur ce même ton amusé, « Et je suis toujours là voyons, souviens toi. »

A nouveau, elle approcha son visage du sien de sorte qu'elle n'était plus qu'à quelques centimètres. Elle sentait sa peur, s'en nourrissait, s'en amusait. Elle savait qu'il la craignait autant qu'il pouvait l'aimer, la respecter et la prier.
Elle l'aimait sa petite proie car elle était la plus fidèle.
La plus frêle.

« Sans moi, tu serais déjà mort, tu le sais n'est-ce-pas ? » dit-elle puis, en baissant le ton, elle ajouta, « Tu m'appartiens corps et âme enfant, ton destin ne dépend que de ma volonté, rien n'est hasard. »

Elle se recula d'un coup sec et fit un pas en arrière avant d'ajouter, plus menaçante :

« Es-tu sur de n'avoir rien à perdre ? »

Puis, plus menaçante encore :

« Tu m'as oubliée Aerin », la même litanie, « Moi, je ne t'oublie jamais »

Elle était dans chacun de ses pas.
Dans chacune de ses pensées.

« Sans moi, tu serais déjà mort car je suis chacun de tes pas, je suis chacune de tes pensées. Je suis toi enfant. Comment aurais-tu pu survivre sans moi ? Je suis celle qui te donna la vie, celle qui te maintient en vie et celle qui prendra ta vie mais tu as conscience de cela. Est-ce pour cela que tu me trahis au profit de ces garces ? »

Elle le toisait. Durement.
Elle avait déjà gagné. Il lui appartenait.
Corps et âme.

« Et tu si sur de n'avoir rien à perdre ? Es-tu si sur d'être seul ? »

Ca sentait le danger et la mort ! Ca puait l'odeur âcre des corps en décomposition, ça hurlait que c'était dangereux et qu'il valait mieux éviter de la chercher et pourtant, Aerin lui répondait, se permettait de jouer les nobles cœurs quand tout lui criait de se taire et d'accepter la proposition de survie qu'on lui offrait. Mais non, le gamin était paumé, le gamin avait envie de vivre à sa manière, il n'avait pas envie de se voir dicter les choses par une déesse … Une déesse quoi ! AERIN, UNE DEESSE ! Si Nyméria avait eu le don de parole, sans doutes aurait-elle hurlé ce genre de choses à son compagnon mais pour l'heure, l'animal était bien malgré elle accablée par la puissance charismatique qui émanait de ce bout de femme si bien qu'à part subir ses paroles et l'attitude de son maître, elle était incapable d'agir. Et pourtant, Aerin avait grand besoin qu'on le sauve car comme un crétin, il était en train de signer son arrêt de mort … mieux encore, il était en train de les condamner tous les deux !

Ca sentait plus que le danger, ça hurlait sa volonté de tuer.
Ca hurlait sa volonté de le tuer. Et pourtant, malgré la colère, ça riait.
Tandis que la jeune femme s'approchait de son jeune compagnon, la louve au pelage clair tenta de s'interposer mais c'était comme si une force invisible l'en empêchait comme si au fond, la déesse, si elle en était bien une et l'animal commençait à ne plus en douter, l'empêcher de se mouvoir. Comme si au fond, elle n'avait été qu'un insecte gênant qu'on se contente d'écarter au lieu de lui faire le plaisir de l'achever en l'écrasant. Se sentir inutile, totalement, voilà les sentiments qui animaient la pauvre louve.

L'Almer sentait le trouble qui animait sa compagne à quatre pattes mais pour autant, il ne parvenait pas à retrouver son calme. Bien que la jeune femme le terrorise, il était incapable de faire taire ses sentiments et se sentait particulièrement trahi par elle au point de n'en avoir rien à faire de sa propre existence. Elle voulait le tuer ? Grand bien lui en fasse dans ce cas, au moins aurait-il protégé ses deux amies dans le trépas et au moins retrouverait-il sa chère mère dans l'au-delà. De la vie, le petit Aerin n'en avait pas grand chose à faire même si de nombreuses personnes avaient été la cause de sa survie jusque là. Même s'il était conscient que sa mort rendrait triste beaucoup de monde, à commencer par ses proches, il savait également que cela ne lui ferait plus ni chaud ni froid une fois le couperet tombé. De plus, son sentiment de trahison le poussait à ne pas accéder à la volonté d'Ilith, toute déesse soit-elle. Avait-elle été là quand Celyween était partie ? Quand il avait secouru Jelenna sur le champs de bataille ? Quand on l'avait envoyé chez les Zélotes ? Non. Pas une seule fois il n'avait senti ses prières exaucées … Et puis d'abord, qui pouvait lui affirmer qu'elle était bien la déesse de ses prières, celle qu'il avait juré de protéger au péril de sa vie ?

Personne.
Seules ses prières pouvaient le conforter dans l'idée qu'elle était peut-être celle qu'il aimait en silence et sur qui il veillait. Et puis, les dieux n'étaient-ils pas censés veiller sur leur brebis en retour ? Cela faisait bien longtemps que personne n'avait pris la peine de veiller sur lui, et surtout pas Ilith !

Elle était si prêt de lui lorsqu'elle lui affirma être « Ilith » que son cœur faillit s'arrêter sous l'effet de ces paroles. Si jusque là il s'était juré de ne pas la croire quand bien même se déciderait-elle à le lui avouer, Aerin avait faillit. Il la croyait et pire que tout, il commençait vraiment à la craindre. Tentant vainement de calmer son cœur affolé, il essaya de soutenir son regard mais en fut incapable.
Ca avait l'odeur de la peur et de la mort.
Cette phrase flottait à présent dans sa tête comme une évidence et en moins d'une seconde, il se rendit compte de tout ce qu'il avait pu dire ou faire. Si cela le terrorisait, il n'en pensait pas moins pour autant. Jamais il ne ferait du mal à Jelenna ou Eloween, jamais, pas même au nom d'Ilith !

Lorsqu'elle approcha son visage, Aerin sentit une bouffée de peur lui étreindre le cœur mais il la repoussa du mieux qu'il put. Elle était son quotidien, elle et son amie la tristesse aussi avait-il prit la peine de s’entraîner à la repousser mais face à la jeune féline, tout cela semblait n'être que pacotilles …

Sans elle … oui, il le savait qu'il serait déjà mort mais … ET ALORS ? Elle pouvait décider de sa vie certes, comme de sa mort mais et alors ? Quand bien même, pourquoi lui obéirait-il aujourd'hui et maintenant alors qu'elle se jouait visiblement de lui hein ? Pourquoi la suivrait-il quand tout indiquait qu'elle l'avait laissé tomber ?

La question le glaça.
Il plongea instinctivement son regard dans ses prunelles et ne put y lire que ce qu'il craignait le plus. Elle le toisait, froidement, durement. Plus elle parlait, plus il lisait ce qui le terrifiait le plus dans ses yeux. Jelenna. Eloween. Leur vie ne tenait pas à grand chose entre les mains d'Ilith. Déesse réincarnée dans des corps mortels, elles continueraient leur cycle malgré la mort de ses amies mais justement … cela impliquait la mort de ses amies. Ilith avait raison, il avait raison. Certes le jeune garçon n'avait rien à perdre mais ce n'était pas le cas de ses deux précieuses compagnes. S'il avait abandonné la vie, ce n'était pas leur cas ! Avait-il seulement cru pouvoir se dresser face à elle ?

« Non ! » hurla-t-il, se surprenant lui-même.

Sans comprendre son geste, il tomba à genoux.
Il l'aimait. Il l'aimait à vendre son âme au diable ou à ce qui s'en rapprochait le plus. Il l'aimait au point d'offrir sa vie en échange de la sienne. Alors il allait le faire. Il allait obéir. Parce qu'il l'aimait. Il deviendrait son arme, sa main si tel était son désir. Il deviendrait tout ce qu'elle voudrait pour peu qu'elle n'y touche pas. Il braquerait son regard sur ses exploits pour lui faire oublier la réincarnation de Diane.

« Je n'ai jamais été seul, car toujours, vous avez été là » murmura-t-il à l'attention d'Ilith.

Et sans même y réfléchir, il récita son serment de gardien, serment qu'il n'avait encore jamais prononcé en tant que simple apprenti mais qui avait toute sa valeur. Par ce serment, il la protégeait.

« Je vous serez fidèle, corps et âme, car je vous appartiens, Ô déesse parmi les immortels. Je serez le cœur et la main qui jugera les infidèles. En votre nom, je laverais par le sang les affronts, je purifierais les âmes et je trancherais les cœurs. En votre nom, Ô ma douce Ilith, je serais l'ombre de vos désirs »

Ca sentait la mort et le sang.
Et le pire était sans doutes qu'il avait conscience d'être l'arme qui serait bientôt responsable de ce massacre. Oui mais pour elle, il était prêt à tout, même à tuer. Même à mourir ...