J'arpentai la rue Marchande, les cheveux relevés au-dessus de la nuque, essuyant la sueur qui détrempai mes tempes.
Il faisait chaud.
Vraiment trop chaud.
Bien sûr, dans le désert, c'était dix fois pire, mais pour un début d'été c'était quand même des températures extrêmes.
J'avais passé un journée éreintante à l'école en compagnie de Jelenna et des autres filles, toutes occupées à chercher un coin d'ombre; pour la première fois de ma vie, je me précipitait avec joie à l'intérieure de la salle de classe, c'était un comble, quand même! Le pire, c'est que je ne possédais rien de plus léger que la petite robe blanche que j'avais enfilé en sortant de la cour.
Et juste pour me soûler encore plus, la rue Marchande était en plus soleil.
ET ZUT!
Alors que j'aurais rêvé de plonger dans une rivière et d'y rester pendant 3 000 ans au moins, ou même de rentrer à la maison faire de la couture ou du dessin en attendant le retour de Kiera, je m'étais rappelé juste à temps que je devais aller travailler. Encore!!

Les pierres dallées de la rue me brûlait les pieds, à tel point que je dû sautiller pour ne pas y laisser ma peau, et pour l'une des rares fois de ma vie je me maudit d'avoir cette fâcheuse habitude de marcher pieds nus. Yeux plissés, je serrais mon tablier contre moi tout en pensant à mon prochain ouvrage (une robe, peut-être?), mon coquillage se balançant dangereusement sur ma tête, lorsque que je trébuchai sur une pierre mal jointée. Le choc de mes mains percutant la pierre me tira de mes pensées.

"Zut de zut de zut!!! pestai-je."

L'arrête de la dalle m'avait écorché les doigts, la peau au niveau de mes genoux saignait, et la lumière du soleil m'éblouit tant que je levai une main pour me protéger les yeux. J'avais mal à la cheville, qui commencer à enfler, et les larmes me montèrent aux yeux. Je passais la main dans mes cheveux et me rendit compte que j'avais perdu mon coquillage pendant ma chute. Scrutant le sol, je le retrouvai à un mètre du moi, intact. Je rampai à genoux et le pris dans mes mains en essayant de calmer les battements de mon coeur affolé. Jamais je n'aurais voulu le perdre. Il était le seul lien avec ma famille, et ne me quittait jamais, faisant partie intégrante de moi.
Détachant mon regard de ses motifs ambrés, je me relevai en tentant d'oublier la douleur qui fusait du bas de ma jambe. Je glissai mon bien dans ma poche, puis découvrit Mélo, ma petite chatte siamoise, qui me dévisageai, cachée sous une charrette. Sans doute m’avait-elle suivie depuis la maison de Kiera. Avec le temps, je ne m'étonnai plus qu'elle puisse me retrouver dans une rue bondée (quoi qu'il n'y avait que moi pour trébucher avec tant de maladresse). Je la pris das mes bras me repartit, moins vite mais toujours pressée.

J'arrivais au Bar Bu tel un courant d'air, déposai Mélo puis enfilai mon tablier. Mon coquillage fétiche regagna sa place près de mon oreille et je soupirai en sentant une douce fraîcheur m'envahir. Enfin à l'abri de l'été et de son soleil de plomb. Je pris un plateau et entrai dans la grande salle, ravalant mes larmes lorsque mains endolories appuyèrent sur le battant de bois qui délimitait l’accès aux cuisines. Je me dirigeai en boitillant vers le comptoir ou se tenait ma patronne. Je ne travaillait ici que depuis peu, et si j'étais tout de suite tombée sous le charme du Bar construit autour d'un chêne, je ne connaissais pas bien la personne qui m'avait employé. Une chose était sûre: elle n'apprécierait pas que je sois en retard encore une fois.

"Désolée Flowène, m'excusai-je en baissant la tête. J'étais rentrée me changer, et j'ai trébuché. Ça n'arrivera plus."

[Désolée, c'est pourri ^^']

Flowène adressa un sourire charmant tandis que la cliente payait sa consommation et se dirigeait vers la sortie d'un pas léger. Elle rangea les Talents avant de se retourner vers le comptoir, contemplant la salle autour d'elle. Bondée. Elle venait d'enchaîner les commandes de six tables, et reprenait à peine son souffle. Elle se sentait dépassée par le nombre croissant de clientes. Et en plus de cela, elle était seule pour gérer tout ce beau monde, le serveuse qui l'aidait parfois étant absente. Laïssia était à son magasin, et la nouvelle serveuse (Livena) était en retard. Ce qui n'arrangeait pas vraiment Flowène, qui commençait à se sentir agacée.
Du coin de l'oeil, elle vit une nouvelle cliente lever vers elle un regard insistant. Qu'avait-elle commandée déjà ? Ah oui, un thé glacé. Flowène attrapa un petit sachet de thé et le glissa dans de l'eau. Puis, elle prit la tasse entre ses mains. Celles-ci se teintèrent de bleus et elle sentit un froid polaire les prendre dans ses bras glacés. La belle sourit. Elle était toujours heureuse de voir son nouveau don à l'oeuvre. Elle l'utilisait tous les jours. Même les habitués qui savaient qu'elle n'arrivaient pas à faire des boissons froides avant savaient désormais qu'elle en était capable. Elle l'utilisait parfois même juste pour admirer la couleur changeante de ses doigts, le doux froid qui l'envahissait telle une vague. Le fait qu'elle était une Elfe et ne craignait pas vraiment le froid aidait aussi. Quelle... ivresse, de pouvoir contrôler un élément aussi capricieux que la glace, de pouvoir avoir froid même en été, de refroidir son Bar alors qu'au-dehors, il faisait des températures improbables...
Le bruit de la porte qui s'ouvrit la tira de sa rêverie : une nouvelle cliente entrait. Flowène secoua la tête. Si elle commençait à rêvasser, elle était fichue !
Elle apporta la boisson à la bonne table, accueillit la nouvelle cliente, prit sa commande... Elle était en train de préparer un café quand la serveuse tant attendue se planta devant elle en balbutiant :

« Désolée Flowène. J'étais rentrée me changer, et j'ai trébuché. Ça n'arrivera plus."

L'Elfe poussa un soupire et allait réprimander la jeune fille, quand elle remarqua qu'elle boitillait. Oubliant son agacement, elle regarda plus attentivement les genoux blessés de sa « protégée ».

« Tu aurais dû faire plus attention, tu t'es égratignée. Bouge pas. »

La belle se retourna et tendit sa main, paume ouverte. A nouveau, la couleur bleue revint, et un petit morceau de glace aux bords irréguliers s'y forma, au soulagement de l'Elfe. Elle enveloppa son glaçon dans un chiffon et le tendit à la petite pour qu'elle se l'applique sur ses blessures.

« Livena, tu vois la salle autour de nous ? Elle est remplie. J'ai vraiment besoin de ton aide aujourd'hui. »

Alors que Flowène réprimandait sa serveuse, Avalanche et Perce-Neige décidèrent de concert de s'incruster. Ou plutôt, non, la louve s'avancer et la chouette suivit car elle avait horreur d'être mise de côté. Le canidé donna un coup de museau sur la jambe de la petite (elle adorait les enfants), tandis que le rapace préférait se poser sur l'épaule de Flowène.
Seulement, la louve aperçut soudain la petite chatte que Livena trimballait toujours avec elle, et elle montra les crocs. L'Elfe poussa un soupir, contourna le comptoir et entoura son animal avec ses bras, tout en la caressant pour la calmer.

« Commence par servir ce café à cette table, là-bas, dans le coin. »

[Je sais que ma réponse n'est pas facile, donc si tu ne t'en sors pas, préviens-moi. ]

[T'en fais pas, c'est parfait ^^]

« Livena, tu vois la salle autour de nous ? Elle est remplie. J'ai vraiment besoin de ton aide aujourd'hui. »

Tandis que je pressai avec soulagement le glaçon emmitouflé que m'avait tendu Flowène comme ma cheville, ses deux animaux arrivèrent, et je sentis la douleur refluer. Avec précaution, je posai ma jambe au sol; si je ne m'appuyai pas trop dessus, ça pouvait aller. En revanche pour speeder entre les tables, ça allait pas être pratique pratique. Je souris en sentant la louve blanche me donner un petit coup de museau, et la caressai d'une main hésitante; je savais qu'Avalanche ne ferait jamais de mal à des enfants, ni à quiconque (elle était trop bien dressée pour cela), mais ses yeux d'un vert profond me mentais parfois mal à l'aise. Lorsqu'elle montra les crocs en apercevant Mélo, j'esquissai un petit mouvement de recul.

"Du calme Mélo... murmurai-je en caressant le poil hérissée de la chatonne."

Je ne pouvais pas lui demander de retourner d'attendre sagement dans un coin. d'abord, même si elle me suivait partout comme si elle me surveillait, personne ne l'avait jamais dressée. Ensuite, même si elle avait un caractère assez calme et ne grifferait jamais personne sauf s'il s'en prend à moi (c'était déjà arrivé à Silmarie, et l'instinct sauvage de la siamoise m'avait interloquée, mais pas plus que la pauvre victime), c'était une vraie tête de mule et elle ne m'écouterait jamais.

"Compris Flowène, lançai-je avec aplomb à l'adresse de ma patronne. Le café. Dans le coin. Immédiatement. Tu vas voir, je serais l'unijambiste la plus rapide de tous les temps!!"

En souriant, ma bonne humeur retrouvée en un clin d'oeil, je pris la soucoupe entre mes mains et filais telle le vent vers la table concernée en faisant attention de ne pas en renverser.

"Voilà voilà!! Ce sera tout?
-Oui, merci."

Après avoir récupéré la monnaie, je me dirigeais vers une autre table. Efficace, rapide, n'empêche que bientôt il faudrait me couper la cheville pour que je ne la sente plus.

"Bonjour! Que-ce que je vous sers mademoiselle?
- Un thé glacé s'il vous plaît! Je meure de chaud!"

Je ne pouvais que la comprendre. Malgré la fraîcheur continuelle du bar Bu, la chaleur qui pénétrait dans la salle à chaque fois que la porte s'ouvrait était insoutenable. Je sortais un petit carnet de ma poche et notais la commande. Après en avoir pris plusieurs autres, je revint vers le comptoir annoncer à Flowène ce qu'elle devait préparer. J'aurai rafraîchi le thé avec joie, mais je ne contrôler pas assez bien mes pouvoirs pour garantir que le verre s'est sortirai entier. Et puis de toute manière, je n'étais que la serveuse. Dommage!

« Compris Flowène. Le café. Dans le coin. Immédiatement. Tu vas voir, je serais l'unijambiste la plus rapide de tous les temps!!"

L'Elfe sourit, amusée. Cette petite n'était pas commune. Comment une enfant aussi jeune pouvait manifester autant d'enthousiasme à l'idée de servir des cafés ? Une question sans réponse. La petite n'avait pas été engagée depuis si longtemps, et pourtant, ses remarques humoristiques et sa joie de vivre faisaient toujours sourire la belle aux cheveux azurés. Mais elle avait presque mal aussi. Elle-même avait perdu son enfance très jeune. Trop jeune. A cause d'un incident malheureux, qui a été le fil conducteur de sa vie. Si ce soir-là, ces fameux Astorgs ne l'avait pas attaquée, sa vie aurait été tout autre. Elle serait encore sûrement à Silmarie, avec sa chère famille, qu'elle n'avait jamais osée retrouver. Même si, grâce à Eléa, elle avait compris qu'il fallait qu'elle arrête de se cacher à Muria, l'Elfe n'osait toujours pas aller dans sa cité natale. Que penserait ses parents si elle leur avouait la vérité ? La prendraient-ils pas pour une lâche ? Une imbécile ? Quant à Storghein, où, elle le savait, résidait sa chère soeur, pas la peine d'y penser. Déjà, elle ne savait pas si Annabeth y était toujours. Ensuite, bien que se soit l'Oblat, une femme, qui y règne, elle avait toujours pris cette cité pour le summum du masculin. Voir, des hommes un peu... Bref, elle n'avait pas prévu d'y aller. Elle savait se défendre, grâce à son sabre et son arc, mais aussi grâce à Avalanche et Perce-Neige, et sa faculté de se transformer en animal. L'ocelot, le loup ou la panthère pouvait faire fuir les prétendants, la salamandre leur filer entre les doigts, la colombe s'envoler loin de leurs mains avides. Mais il subsistait encore la vieille peur infantile. Elle avait après tout grandi avec, et n'allait pas la lâcher avant un moment.

«  Cesse de dire des bêtises, et file ! » sourit-elle, faussement agacée.

[i]Flowène retourna vers le comptoir, attendant les commandes que lui communiqueraient Livena. Elle fixa lentement sa serveuse, vérifiant que sa blessure ne lui faisait pas trop mal. La petite filait comme l'éclair entre les tables, impressionnants la barmaid. Et elle revint très rapidement, annonçant à la barmaid sa petite liste. La belle commença par le thé glacé (encore un !). Quand le verre fut prêt, elle hésita. Seulement rafraîchir le verre ne suffirait pas. Avec la chaleur ambiante, il se réchaufferait bien vite. Flowène tendit sa paume ouverte. Le glaçon qu'elle avait créé pour Livena ! Comment avait-elle fait ? Elle ne se rappelait plus. Sur le coup, cela lui avait paru normal. Banal. La belle se concentra. A son grand soulagement, un petit glaçon se forma dans sa main, qu'elle glissa avec un sourire dans le verre. La glace mettrait du temps à fondre, et en attendant, le verre préserverait sa fraîcheur.
Puis, la belle enchaîna toutes les autres commandes, avant de les disposer sur un plateau pour Livena.

« Voilà. Ne prends peut-être pas tout d'un coup, vu l'état de ta jambe... Travailler ne veut pas dire se surmener, Livena. »

L'Elfe posa une main sur l'épaule de sa protégée, avant de lui lancer :

« Alors, à l'école, ça s'est bien passé ? »

Tout le monde devait se sentir bien au Bar Bu. Y compris une simple serveuse. Surtout, une simple serveuse qui avait dix ans.

J'ouvris des yeux ronds en voyant le morceau de glace se former dans la main de ma patronne. Je savais qu'elle n'avait découvert ce pouvoir que récemment, puisqu'avant elle ne l'utilisait pas, mais la rapidité avec laquelle elle le maîtrisait me bluffait toujours. Alors que moi, après des mois d'entraînement avec Eléa, je galérai encore à faire un petit glaçon de rien du tout!! Encore que... je pouvais me retrouver avec un iceberg dans un verre. Ça avait déjà faillit arriver, d'ailleurs! Alors autant éviter que cela se reproduise en service et laisser faire les professionnels.

Flowène, après avoir refroidit le thé glacé, déposa toutes les commandes sur un plateau.

"Voilà. Ne prends peut-être pas tout d'un coup, vu l'état de ta jambe... Travailler ne veut pas dire se surmener, Livena.
-Je sais, ne t'en fais, lui répondis-je d'une voix calme. Je ne me surmène pas, je suis enthousiaste!"

Sans tenir compte du conseil de Flowène, je pris le plateau à deux mains et zigzaguais à travers toute la pièce, posant les boissons, relevant des commandes. Lorsque je dus me faufiler entre deux tables assez serrées, en revanche, ce fus plus compliqué. Mais non, je suis pas grosse!! j'ai toujours été mince et petite. Je me faufile partout. Même un serpent ne pourrait pas me battre au faufilage. Brrr, un serpent! j'aime pas les serpents, c'est pas beau, c'est visqueux, et ça a une drôle de langue. Bref, comme toujours Flowène (ou plutôt les adultes en général...) avait raison, car le plateau, bien que vidé, était encore lourd. Prenant garde de ne pas m'appuyer sur ma cheville endolorie, je posais mon fardeau quelques secondes, déposai les boissons sur une table occupée par deux jeunes femmes depuis des lustres, puis récupérait la monnaie. Heureusement, quand je repris le plateau, il était moins lourd, et je pus regagner le comptoir facilement, quoi qu'en vacillant un peu.

Je gémis en voyant ma petite siamoise se précipiter vers moi. Déséquilibrée par le plateau qui oscillant dangereusement sur ma main droite, la gauche tenant déjà le carnet de notes, et par la boule de poils qui tournait autour de mes jambes nues, je m'arrêtai en plein élan.

"Mélo! sifflai-je, agacée. Vire de là, tu vois pas que je travaille?!"

Evidemment qu'elle ne voyait pas. L'aurait-elle su, cette diablesse m'aurait quand même embêtée. Elle n'écoutait jamais ce qu'on lui disait, de toute manière.

Je finis par atteindre le comptoir où m'attendait ma patronne.

"Deux autres... thés glacés... et... trois... grands verres... d'eau fraîche... haletais-je en donnant de petits coups de pieds à ma chatonne ne compagnie qui me miaulait dessus. Avec... beaucoup de... glaçons, s'il te plaît.

" Alors, à l'école, ça s'est bien passé ?
-Super! répondis-je en essayant de maîtriser mon souffle. Jelenna est revenue, on a joué ensemble, et puis... il faisait très très chaud!! Et toi, ça c'est bien passé, ta journée?"

« Et après tu dis que tu ne te surmènes pas ? D'ailleurs, tu devrais penser à dresser Mélo. »

Je baissais la tête, honteuse. D’accord, c’était vrai, on m’avait toujours dit que j’en faisais parfois trop, mais je n’écoutais jamais… mon enthousiasme m’avait déjà joué des tours, mais là il s’agissait de mon travail. Et de ma jambe, accessoirement. Quant à dresser Mélo, autant essayer de m’enfermer dans une salle de classe trois jours sans qu’il y ait des blessés ! C’était tout simplement impossible ; de caractère sauvage, elle n’avait jamais écouté personne, alors c’était pas maintenant qu’elle allait commencer…

« Pense à faire des pauses de temps en temps. Une serveuse éreintée ne me servira à rien. Et ton chat qui t'embête non plus. Peut-être qu'en la laissant avec Avalanche et Perce-Neige, elle se tiendra tranquille... Non, je ne veux pas que ta chatte meurt mangée par une louve... Mais mes bêtes sont dressées, peut-être que si Melo ne les voit pas bouger, elle ne bronchera pas non plus, qui sait ? Je te promets qui ni l'une ni l'autre ne l'attaquera. Pas si je ne leur ordonne pas. Et tu pourras faire ton travail tranquille. »

Je souris devant le clin d’œil complice de Flowène. Elle avait raison, bien sûr, mais elle connaissait mal Mélo. La vision de deux animaux parfaitement sages et tranquilles ne feraient que la conforter dans l’idée qu’il fallait absolument qu’elle se fasse remarquer. Je me souvenais que ma sœur me disait souvent qu’elle était à l’image de sa maîtresse, incapable de tenir en place, et que je lui renvoyais toujours une réplique cinglante avant d’aller bouder dans mon coin. Enfin, vu que Mayleen ne perdait jamais une seule occasion de me le rappeler… bref.
Je jetais un coup d’œil à la louve et à la chouette de Flowène. J’ignorais comment elles faisaient pour tenir le coup dans une période aussi chaude avec leur pelage d’hiver, mais si elles avaient chaud, rien ne le laissait paraître. Flowène les avait merveilleusement dressées.

« Tu sais Flowène, risquai-je, je la connais depuis que je suis gamine et je t’assure qu’elle n’a jamais obéi à personne, et encore moins à moi. Je pourrais toujours essayer, mais ça promets pas grand-chose, à part quelques griffures. »

Cette dernière partie était fausse, bien sûr. Mélo n’avait jamais griffé qui ne le méritait pas. Secrètement, je songeais que l’idée de dresser des animaux me plaisait bien, même si je ne pensais pas être un jour capable de supporter une tête de mule supplémentaire, ni de pouvoir aimer un autre animal comme Mélo. Je me débrouiller toujours pour attirer les ennuis et les choses désobéissantes. Quand j’étais petite, Mayleen m’appelait son aimant à catastrophe, ou même parfois l’aimant à Livena. Là encore, je prenais facilement la mouche. Chassant ces souvenirs doux-amers, je pris la petite chatte dans mes bras et la déposais près des deux bêtes de ma patronne sans tenir compte de son miaulement craintif et outré.

« Ohé, tu vas pas recommencer à faire ta petite indignée, hein ! »

Je tournais la tête en entendant la voix de Flowène qui terminait sa phrase. Je n’avais pas vraiment écouté, mais je savais qu’elle avait parlé de l’entraînement. Le sien était différent, elle maniait un sabre, et si je n’arrivais pas à apprécier cette arme, Flowène, apparemment, semblait éprouver un réel plaisir en s’entraînant avec. Personnellement, je préférais le poignard, quittes à avoir une arme. Plus petit, plus discret…

Je sentais que la conversation m’échappait complètement ; il me semblait même qu’il n’y avait plus rien à dire. Je pris le plateau chargé pour amener les commandes aux clientes, mais mon esprit était ailleurs. Un mur de silence et d’incompréhension me séparait du reste du monde ; les bruits qui j’entendais, étouffés et lointains, étaient vagues et distants comme dans un rêve. J’avais presque hâte de rentrer à la maison.

[Désolée si ma réponse n'est pas facile, si t'y arrive pas, j'éditerais, mais là j'avais vraiment pas d'inspiration.]

Flowène retint un rire en voyant la mine honteuse de sa protégée.

« Tu sais Flowène, je la connais depuis que je suis gamine et je t’assure qu’elle n’a jamais obéi à personne, et encore moins à moi. Je pourrais toujours essayer, mais ça promets pas grand-chose, à part quelques griffures. »

L'Elfe jeta un regard dubitatif vers la petite chatte. Certes, elle n'avait pas l'air bien méchante. Mais, d'abord, les apparences sont trompeuses. Ensuite, Mélo était un chat. Un félin. Hors, les félins sont des animaux sauvages avant tout. Flowène en savait quelque chose. Après tout, ne pouvait-elle pas se transformer en panthère noire et en ocelot (entre autre).
Les minous étaient des bestioles bien mignonnes. Mais l'Elfe aurait préféré que Mélo ait été dressée. Les clients n'aimaient pas les bestioles sauvages. Avalanche comme Perce-Neige n'avait pas eu besoin d'être dressée. La louve ayant été sauvée par sa maîtresse, elle lui était fidèle. Et comprenait quand il fallait se tenir. Tout comme la chouette. Ce qui n'était visiblement pas le cas de la chatte.
La théorie de la belle se confirma lorsque la boule de poils poussa un miaulement indigné tandis que sa jeune maîtresse l'amenait vers les animaux de sa patronne. Des regards mi intrigués mi agacés se tournaient dans leur direction, ce qui ne plaisait que moyennement à la gestionnaire du Bar Bu. Si Flowène avait fait des efforts pour Perce-Neige (bon, d'accord, ça ne s'était pas entièrement passé comme ça, m'enfin bon...), l'apprentie serveuse pouvait en faire autant ! La différence d'âge ne comptait qu'à peine.

«  Je vais peut-être me montrer cassante, mais si elle n'obéit pas, alors je préfère qu'elle ne vienne pas pendant que tu travailles ici. Je n'ai rien contre les animaux, comme tu as pu le voir, mais un chat non dressé donne une mauvaise image à l'établissement. Ce que, tu peux le comprendre, je ne peux tolérer. Donc, soit ta chatte se tient tranquille, en présence de mes « amis » comme de mes clients, soit elle ne vient plus. J'espère être assez claire. »

Oui, ce genre de paroles donnaient un effet inquiétant et peu engageant à la proprio. Et elle n'aimait pas se fâcher contre l'innocente Livena. Mais elle ne pouvait accepter qu'une boule de poils ternisse l'image de son cher Bar. Déjà, avant qu'elle le reprenne, les Amazones vantaient les mérite de cette petite construction. L'ambiance chaleureuse qui y régnait en permanence, les boissons raffinées, le lieu... Tout en cet endroit respirait le calme, la tranquilité. C'était en le reprennant qu'elle avait appris que Bar n'est pas forcément égal à ivrognes dégénérés qui attaquent les jeunes filles innocentes aux cheveux azurés, et aux grand yeux bleues attrayants. Suffisait de bien le tenir. Déjà, le fait que se soit à Muria, ça limitait pas mal les viols... Ce qui arrangeait bien les affaires de la belle. Elle sortait encore pas mal de sa chère cité d'adoption. Mais le prochain homme qui l'approche de trop près peu se prendre très simplement un coup de poignard... Même si c'est juste pour demander où se trouve la plus proche boutique du coin.
Et ce n'était pas Livena, du haut de ses dix ans et demi, et son chat qui gâcherait tout ce qu'elle avait cultivé.

Elle regarda sa jeune apprentie servir les boissons, prendre les commandes...

«Oui, c'est vrai qu'il faudrait vraiment que je fasse quelque chose pour qu'elle se tienne tranquille. Là, tout de suite, je ne peux pas faire grand chose, mais dés que je pourrais je me chargerai de son dressage. D'ici là, je te promets que je la laisserai à la maison quand je viendrai travailler.»

La belle poussa un soupir de soulagement qu'elle ne chercha même pas à dissimuler. Elle avait peur que Livena prenne cette remarque plutôt mal. Après tout, Melo semblait plutôt proche de la petite. Flowène elle-même commençait à se dire que si on lui avait reproché quoique se soit par rapport à ses amies, elle se serait offusquée. Non pas que l'avis d'une gamine lui importât, mais elle l'appréciait beaucoup. Et la vexer n'était pas dans son intention. Juste de mettre les points sur les i et les barres sur les t. Livena était son amie. Le Bar Bu son travail. Et la belle avait toujours privilégié ce dernier à quoique se soit d'autres.
La serveuse repartit d'un pas rapide pour prendre les commandes, avant de revenir vers le comptoir pour poser son petit carnet et de partir vers la réserve. Flowène, un peu inquiète que la jeune serveuse s'approche de cet endroit où était rangé un peu à la va-vite, s'en saisit. Heureusement, juste un thé glacé. Quatre cafés. Trois laits frais. Deux chocolats chaud. L'Elfe sourit, amusée. Il n'y avait que les enfants pour boire du chocolat chaud en pleine canicule. Qui n'a jamais apprécié cette excellente boisson qui mêlait les arômes chocolatés au lait, si doux et si sucré ? Pas au moins d'en boire alors que la chaleur au-dehors était à peu près égale à la température d'un four, certes, pour la plupart, m'enfin... La belle s'était toujours jurée d'avoir de quoi en faire au Bar Bu. Certes, les enfants ne pullulaient pas, mais si l'un d'eux en avait envie, elle devait le lui donner.
Flowène eut une expression douce en se rappelant la dernière visite de Jelenna au Bar Bu. Elle en avait justement commandé, et la remarque positive qu'elle en avait donné avait réchauffé le coeur de la belle – qui n'aimait pas les compliments ? D'ailleurs, quand était-ce ? Au printemps ? Elle ne se rappelait plus exactement, mais Jelenna était vraiment une jeune fille hors du commun. Et pas uniquement car elle était une princesse. Les rencontres qu'elle avait avec elle étaient toujours amusantes et agréables...
Un bruit fracassant obligea la jeune femme aux cheveux azurés à sortir de ses pensées (et à plusieurs clients de lever une tête intriguée vers la réserve). Etonnée, Flowène jeta directement un regard vers Avalanche, Perce-Neige et Melo : mais aucune de ses bestioles, ni-même la chatte, n'avaient bougées. Prise d'un doute, elle reporta son regard sur la salle : aucune trace de la serveuse. Evidemment.
Exaspérée et furieuse, la belle se précipita d'un pas rapide vers la réserve. Pourquoi cette jeune tête en l'air ne pouvait s'empêcher de faire des bêtises où qu'elle aille ?! Quand ce n'était pas son chat, c'était elle ! Certes, la petite montrait une énergie débordante et beaucoup d'enthousiasme, ne rechignant jamais à la tâche. Mais si c'était pour qu'elle fasse des conneries, autant qu'elle reste chez elle !
Elle arriva devant le petit entrepôt juste à temps pour voir Livena rassembler des milliers de glaçons en un seul, puis en d'autres, pas très gros.

« Voilà Flowène! Tu vas pouvoir faire plein de thés glacés, maintenant. »

Encore plus que sa bêtise, sa remarque stupide irrita grandement la belle Elfe, qui leva les yeux au ciel, tout en tapotant le sol de son pied.

« Livena ! » cria-t-elle.

L'Elfe retint son souffle, pendant quelques secondes, avant de l'expulser sauvagement. Cette petite était peut-être une source à problèmes, mais elle ne devait pas s'énerver. Non.

« Livena, reprit-elle d'un ton plus calme, mais toujours en colère, je suis contente de voir que tu as réparé ton erreur, mais j'aurais préféré qu'il n'y ait rien à réparer ! Entre ton chat et toi, je ne veux pas que mon établissement se transforme en terrain miné ! J'admire ton enthousiasme et ton assiduité, mais fais attention, bon sang ! Je ne te demande pas grand chose je pense, je ne te donne pas d'horaires trop chargés ou de tâches trop compliquées ! La moindre des choses c'est de ne pas faire de bêtises toutes les cinq minutes ! »

Flowène savait parfaitement qu'elle était dure avec la petite. Après tout, ses bêtises n'étaient pas si courantes, et elle travaillait dur ! Mais la belle avait un stock limité de patience. Dont il ne fallait pas abuser.

«  Prends ce dont tu as besoin dans la réserve, et retourna dans la salle. Sans faire de nouvelles bêtises si possible. »

Enervée, la belle s'éloigna vers le comptoir pour reprendre ses préparations où elle les avait laissées.

« Livena, je suis contente de voir que tu as réparé ton erreur, mais j'aurais préféré qu'il n'y ait rien à réparer ! Entre ton chat et toi, je ne veux pas que mon établissement se transforme en terrain miné ! J'admire ton enthousiasme et ton assiduité, mais fais attention, bon sang ! Je ne te demande pas grand chose je pense, je ne te donne pas d'horaires trop chargés ou de tâches trop compliquées ! La moindre des choses c'est de ne pas faire de bêtises toutes les cinq minutes ! »

La tête basse, j'attendais la fin de la tirade en frémissant. Mes doigts bleuis étaient encore glacés sous l'effort que j'avais employé pour "réparer mon erreur", comme disait ma patronne, ma cheville me faisait mal, et je sentais encore le choc vibrant lorsque mon bas du dos avait heurté le sol givré de la réserve. Je tentais de me réfugier derrière les bouteilles de thé qui me tiraient les muscles (pas très entraînés, il faut l'avouer) du bras, ce qui n'était pas très difficile vu que les trois récipient empilés les uns sur les autres étaient presque plus haut que moi et que je n'y voyais déjà pas grand chose avec eux en plein dans mon champ de vision, mais le visage colérique de Flowène que je voyais à travers était si déformé qu'elle me faisait encore plus peur. Son regard glacial, mêlé à ceux de ses animaux, étaient autrement plus effrayants. Je retins un mouvement de recul en apercevant les yeux globuleux de a chouette posés sur moi. J'avais beau aimer la nuit, malgré la promesse que ma mère m'avait faite quand j'étais petite, je ne supportais pas ces bestioles. Si ça n'avait pas été celle de Flowène et que je n'était pas en service, je me serais enfuit en courant. Mais si je le faisais, j'écoperai de nouvelles remarques de la part de Flowène. Et je préférais quand elle ne criait pas.

« Non, Flowène, c'est... c'est pas compliqué comme travail... désolée, c'est ma faute, je... je le referais plus. »

Je retenais avec peine mes larmes; j'en avais marre d'attendrir les gens avec ma bouille toute mignonne, et déjà que les clientes me voyaient me faire engueuler, pas question de pleurer devant elles. M'expliquer? Ça ressemblait d'avantage à une excuse de toute manière. Lorsque ma patronne repris sa place derrière le bar, je posais les bouteilles de thé près des autres conteneurs à boissons puis repris mon plateau pour servir ce que Flowène avait déjà préparé, en évitant soigneusement son regard et ceux des clientes attablées près du comptoir. Je faillis esquisser un pâle sourire en voyant les deux chocolats chauds. Les enfants adoraient ça, mais en commander en plein été (bon d'accord, en début d'été) c'était un peu extrême quand même. La routine repris: apporter les commandes, récupérer les Talents, retenir d'autres commandes (puisque mon carnet était toujours à la disposition de ma patronne), profiter de quelques pourboires... Malgré ma bêtise, le quotidien reprenait le dessus.

[Désengagée : Livena et Flowène, Rp fini ]