Il n'était que rarement venu en ces lieux mais chaque fois, il se souvenait du parterre de rose et de cet endroit dans lequel il attendait les filles. La première fois, à moins qu'il soit tout simplement incapable de se souvenir des fois précédentes, qu'il était venu rendre visite à son père du vivant de Celyween, ils l'avaient attendus dans le jardin, un joli jour d'été. Il se souvenait encore parfaitement du visage de sa mère, serein et souriant tandis qu'elle attendait l'homme de sa vie. Oui, Jiven avait été l'unique homme vivant auprès de sa mère si bien que le petit garçon qu'il était avait tout de suite senti un lien étrange le liant à ce dernier. Quel âge avait-il lorsqu'il avait vu son père pour la première fois ? Aerin ne s'en souvenait pas, peut-être six ou sept ans guère plus en tout cas. Il se souvenait du sourire tendre de sa mère, elle pourtant si sérieuse d'ordinaire, de la fleur tendue par l'Almer à cette dernière et de son rire cristallin qui avait alimenté toutes les fleurs du jardin de longues minutes durant. Celyween lui parlait de temps à autre de son géniteur, avec cette voix toujours douce qui tranchait bien souvent avec les intonations qu'elle pouvait prendre dans la journée lorsqu'il s'agissait de prévoir qui ferait quoi entre Jade, elle et lui. Avec délicatesse, elle lui contait ses aventures aux côtés tant de son amour perdu que de son meilleur ami et avec fidélité, elle essayait de lui dépeindre leur portraits si bien qu'Aerin avait appris à les apprécier avant même de les connaître réellement.
Ces souvenirs étaient gravés dans sa mémoire et solidement ancrés si bien qu'il manqua presque de pleurer lorsqu'ils refirent surface, alors qu'il attendait ses deux jeunes amies. L'histoire avait donc tendance à se répéter. L'Almer, l'Elfe et la Cydienne, le cœur, la tête et la main comme lui avait un jour conté sa propre mère. Seraient-ils assez liés pour un jour devenir un trio aussi puissant qu'avait pu l'être, à l'entendre dire, celui de Jiven, Jacen et Celyween ? Quelque part, Aerin regrettait ne jamais avoir connu les trois adultes ensembles, il regrettait également certains choix de sa mère qui l'avait poussé à vivre loin de sa plus proche famille mais pour autant, il ne lui en voulait pas. Jamais. Il avait cessé de lui en vouloir lorsqu'il avait compris qu'elle ne l'avait pas abandonné en se sacrifiant pour une cité d'ignorants mais qu'elle l'avait au contraire fait pour le protéger. Elle avait donné sa vie pour préserver la sienne et il lui en serait à jamais reconnaissant même si, depuis son départ, les choses étaient plutôt difficiles.

C'est avec précision que le petit garçon se souvenait de la couleur de la rose offerte par Jiven ce jour-là à sa mère. Rose bordée de blanc, elle avait des pétales comme ciselés délicatement qui ne l'en rendait que plus sauvage et la Crépusculaire en était immédiatement tombée amoureuse. Aerin se souvenait encore de ses yeux rieurs, de ce sourire charmé et surtout, de sa douceur. Celyween avait toujours été une mère exemplaire, il l'avait toujours aimé, et ce, même quand elle disparaissait pour d'obscures raisons pendant plusieurs jours, le confiant à la jeune Jade. Elle s'était toujours montrée douce et attentionnée envers lui, dure également parfois dans la discipline qu'elle lui imposait mais jamais injuste si bien que le petit métisse regrettait amèrement désormais de se souvenir de tout cela. Il fallait qu'il se calme avant l'arrivée des deux demoiselles sans quoi, il ne leur offrirait qu'un piètre spectacle auquel elles étaient malheureusement que trop habituées. Car Jelenna et Eloween avaient été les amies les plus fidèles qu'il aurait pu rêver d'avoir. Malgré sa colère, sa rancœur, son intense tristesse, elles étaient restées, toutes les deux, à ses côtés. L'avaient soutenu et lui avaient montré la voie. Si son âme et son cœur guérissaient aujourd'hui doucement mais sûrement, c'était grâce à ces deux jeunes filles. Sans elles, sans doutes n'aurait-il pas hésité une seule seconde à se suicider.

L'évocation de son prénom le fit sortir de ses pensées. Il aurait reconnu entre milles la voix d'Eloween qui gambadait parmi les parterres de plantes et de fleurs. Ses cheveux clairs volant au vent, elle arborait un magnifique sourire qu'il lui rendit presque aussitôt. De toutes les filles qu'il connaissait, elle était l'une des rares à obtenir grâce à ses yeux. Seules quelques personnes autour de lui avaient sa confiance et la petite Prêtresse faisait partie de celle pour qui il offrirait sa vie sans hésiter si cela pouvait lui offrir le répits et la sécurité.

Vêtue d'une robe immaculée, elle s'arrêta devant lui, reprenant son souffle, les joues rosies par l'effort. L'enfant ne remarqua pas immédiatement le paquet qu'elle tenait dans ses petites mains fines et se contenta de l'embrasser sur la joue comme à leur habitude après s'être levé et incliné poliment devant elle.

« Je suis content que tu sois venue »se contenta-t-il de dire.

S'il les adorait, il n'avait jamais été très à l'aise avec elles vis à vis de leur conversation. Elles avaient partagées tant de ses souffrances qu'il se demandait bien trop souvent encore pourquoi elles étaient amies avec lui si bien qu'il ignorait toujours comment débuter la conversation.

« Non mais elle ne devrait pas tarder » répondit-il d'un ton doux.

Eloween était la plus jeune d'entre eux, de deux ans sa cadette et plus jeune d'un an par rapport à Jelenna, elle se comportait pourtant de façon bien plus adulte parfois que lui même, sa position l'obligeant à brûler les étapes, à oublier un peu trop vite à son goût son innocence et sa candeur. Aerin et Jelenna avaient été obligés de grandir trop vite mais Eloween aurait pu avoir encore une chance si seulement elle n'avait pas été la Grande Prêtresse que tout un peuple attendait …

Avec le sourire, il s'amusa intérieurement de la réaction de sa jeune amie. Elle était dix fois plus importante que lui en ce monde, sa simple perte tuerait de chagrin tout un peuple et elle était assez timide pour faire des manières … c'était décidément adorable. Aerin ne s'en rendait pas compte, mais c'était bien en présence des deux demoiselles qu'il se montrait le plus sous son vrai jour. Gamin, enfantin et plaisantin, seules Eloween et Jelenna le connaissaient comme ça car ces côtés là avaient eu tendance à disparaître avec le temps depuis le décès de Celyween.

« Je meurs de faim ! » annonça-t-il simplement d'un ton enjoué.

Il s'assit en face de la demoiselle mais n'eu pas l'occasion de dire quoi que ce soit, la petite princesse de Muria arrivant quelques secondes à peine après cette petite interlude. Cela faisait tellement longtemps qu'il ne l'avait pas vu qu'il sentit son cœur manquer un battement. Comme à son habitude, Jelenna était superbe et tout en elle criait sa majesté. Son regard doux, son allure assurée, de tous les trois, elle était certainement la plus mature, à n'en point douter. Si il était convaincu que la petite Eloween serait une Grande Prêtresse à la hauteur de ses prédécesseurs, Aerin était également persuadé que Jelenna serait une princesse digne de la cité des femmes libres. Muria avait de la chance de la compter parmi ses rangs et Philéa, parmi ses enfants car Jelenna était le pilier de cette famille nombreuse, à n'en point douter.
Le jeune élémentaire sourit à l'arrivée de la princesse Amazone, mais, contrairement à Eloween, il n'osa pas déposer de baiser sur sa joue sans savoir pourquoi. Conscient toutefois qu'elle n'en restait pas moins une princesse, il se leva, s'inclina respectueusement et se rassit en lui proposant de se joindre à eux.

« Cela faisait bien longtemps que nous n'avions pas eu l'occasion de nous retrouver, vous m'avez beaucoup manqué » ajouta-t-il doucement, fuyant leur regard par pur réflexe.

Aerin n'était pas de ceux qui expriment facilement leurs émotions aussi lorsqu'il se prêtait à cet exercice, il se sentait quelque peu ridicule mais fort heureusement, les filles ne le jugeaient jamais ! Jelenna posa une question sur Silmarie et le jeune homme préféra garder le silence. Eloween comme Jelenna avaient des responsabilités au sein de leur cité qui le dépassaient totalement. Si lui même représentait le Temple au sein de Cydonia et avait un rôle à tenir, il était largement conscient que cela n'avait rien à voir avec le travail des deux demoiselles et ne s'en offusquait pas. Il préféra garder le silence en attendant que la jeune Elfe réponde.

[J'espère que ça vous ira. J'ai eu un peu de mal avec ce post. éè]

[Désolée du retard, j’ai eu du mal à me lancer dans le post (pourtant une fois partie j’étais otaké ^^’’) !]

Etrangement, la gêne d’Aerin à leur égard eu pour effet de sortir la petite princesse Amazone de sa timidité puisqu’instinctivement son sourire se fit doux et son regard bienveillant. Elle trouva bien entendu superflu le fait qu’il se lève et s’incline à son arrivée mais la jeune fille comprenait que cela puisse le mettre plus à l’aise ainsi choisit-elle de ne pas relever. Du haut de son rang royal, elle avait pu observer l’effet qu’avait son statut (et encore plus celui d’Eléa) sur les personnes. Quoique que les deux jeunes femmes étaient différentes voir diamétralement opposées, Eléa s’était toujours protégée derrière une solide protection qu’elle avait tissée, renforcée tout au long de sa vie et des épreuves qu’elle traversait et Diane savait quelles étaient nombreuses à se dresser sur son chemin ainsi son attitude froide et distante suffisait à terrifier un peu plus les personnes qui étaient extérieures à son cercle d’amis. Pour Jelenna la chose était différente dans le sens ou elle s’était toujours montrée ouverte et attentionnée et son statut de réincarnation de Diane n’avait alors pas réellement été un fardeau mais les personnes gardaient cette crainte au fond d’eux lorsqu’elles lui parlaient car elle était princesse amazone, sang de Muria et de la crainte et respectée Reine Philéa. Cette distance qui s’installait instantanément avec les gens lui pesait et c’est pour çà qu’elle aimait tant passer du temps avec sa famille, avec sa maîtresse Asora, avec la pleine d’énergie Siobhan qui ignoraient totalement son titre pour ne voir que la jeune fille qui était derrière. Oui, elle avait beaucoup de chance d’être aussi bien entourée. En repensant à tous les siens, Jelenna s’égaya un peu plus et se fit un devoir de transmettre cette joie de vivre à Aerin qui n’avait pas eu sa chance – elle n’imaginait tout simplement pas l'idée de perdre sa mère-.

« Vous aussi vous m’avez manqués, vraiment », souria t-elle à l’intention de ses deux amis.

Gonflée d’une nouvelle énergie positive, Jelenna eu même l’audace d’effleurer l'esprit de leur compagnon au regard fuyant de sa bonne humeur avant de revenir à la petite Eloween et regretta immédiatement sa question. Elle ne pensait pas que sa charge lui pesait n’ayant qu’à peine côtoyée Nalween elle ne savait pas comment l’âme de Silmaria influait sur la petite prêtresse mais elle avait sincèrement pensé que, quelque part, la nature mystique de la Grande Prêtresse permettait à ses dernières de faire en sorte que la charge ne leur pèse pas, comme si c’était au final « instinctif ». Grave erreur de toute évidence ! Si la princesse avait toujours supporté la charge qui lui était destinée s’était sans doute dû au fait qu’Eléa et sa mère l’avait rendue la moins lourde possible vis-à-vis de la petite (et les « évènements » qui avait bouleversé sa vie n’étaient pas de leur fait) alors qu’Eloween était tout de même le guide de tout un peuple qu’elle découvrait à peine.

S’excuser aurait rallongé l’intrusion du sujet dans leur conversation ainsi laissa-t-elle ce dernier s’envoler à tire d’aile, loin de l’esprit de la petite Eloween et la laissa enchaîner sur un sujet plus « trivial ». Du moins, pas forcément plus puisque ces dernières activités étaient liées à sa fonction royale ainsi la petite Jelenna pesa-t-elle ses mots et les sujets afin d’éloigner toutes allusions à une quelconque responsabilité le temps qu’elle prenne la parole.

« Et bien peu de choses de réellement nouveau de mon côté, je parfais ma maîtrise de l’Eprit grâce à Asora – qui est une fantastique formatrice- et j’essaie de me perfectionner à l’arc grâce à l’aide de Kiera ! », rougit-elle trouvant tout d’un coup que ses propos puissent paraître prétentieux.

Eloween leva le mystère sur le paquet qu’elle avait apporté, et elle entreprit de le défaire en dévoilant d’adorables gâteaux au chocolat. Pendant que la prêtresse s’affairait, Jelenna se surprit à contempler la beauté d’Eloween et la perfection de ses traits, sans pour autant qu’une once de jalousie s’insinue dans ses veines. La petite reprit la parole et Jelenna la rassura d’un sourire.

« J’adore le chocolat ne t’inquiète pas ! »

A Muria, même princesse, Jelenna n’avait pas forcément le luxe d'en manger, ce met tout de même assez exotique ne passant pas en priorité sur les commandes de Philéa qui privilégiait ce qui était indispensable à la cité des femmes (et le plus souvent c’était de quoi forger de solides armes et armures ou de rendre leur foyer plus sur) mais de part ses nombreux voyages Jelenna avait eu la chance de pouvoir voir et goûter les mets d’un nombre incroyable de peuple et les sentinelles de tous horizons aimaient à faire des plats de leur contrée d’origine ce qui faisait que Muria, comme le Temple était une fantastique source de diversité et de culture. Si Jelenna n’était pas gourmande, elle n’allait de toute façon pas prendre le risque de blesser son amie en refusant les petits gâteau ainsi se pencha-t-elle pour saisir de ses doigts d’enfants un de ces derniers.

« C’est très bon Eloween ! C’est une recette Silmarienne ? », ne put-elle s’empêcher de s’exclamer en portant la main à sa bouche.

La scène se devait certainement d'être amusante aux yeux des passants et des inconnus car les trois jeunes gens qui la partageaient, s'ils semblaient s'apprécier énormément les uns des autres, semblaient également bien gêner d'avouer leurs sentiments respectifs et peu à l'aise de se retrouver malgré leur bonne humeur et leur envie monstrueuse de passer du temps ensemble. Pour sur, la scène devait être plutôt drôle d'un point de vue extérieur mais le jeune homme n'avait pas conscience de tout cela. Dans sa tête, des milliers de pensées se bousculaient, certaines plus étranges que d'autres, mais surtout, il se demandait si le temps allait s'arrêter, leur offrant quelques heures de répit, ou si, comme d'habitude, il se permettrait de filer à toute vitesse pour ne leur laisser que de vagues souvenirs bien trop courts. Enfant, le petit Almer se souvenait de ses sourires, de cette bonne humeur qui semblait l'avoir quittée depuis la mort de sa précieuse mère mais au grand jamais il ne parvenait à se rappeler s'il avait eu un jour plus précieuses amies. D'aussi loin que remontent ses souvenirs, l'Amazone comme la Grande Prêtresse étaient ses plus précieuses amies, les seules avec qui il avait partagé jusqu'à son âme et ses plus noires pensées. Elles l'avaient sauvé de la lente agonie de son esprit et lui avaient offert un chemin de lumière, de cela, il leur serait éternellement reconnaissant.

A jamais et pour toujours.

Dame temps n'avait visiblement pas l'intention de leur accorder des heures plus que de mesure aussi valait-il mieux en profiter et surtout, espérer qu'elle soit suffisamment clémente pour leur permettre de partager de précieux souvenirs. Chaque instant passé en leur compagnie lui rappelait ô combien il était seul et solitaire dans sa vie quotidienne, ne laissant personne ou presque approcher son cœur mais c'était tout aussi paradoxalement qu'il se souvenait à quel point il se sentait vivant en leur compagnie et appréciait chacune de leur rencontre, aussi fugaces soient-elles. Ces filles étaient pour lui une source de joie unique mais également une source de vitalité. Le sourire de l'une était certes plus particulier à ses yeux que celui de l'autre mais elles avaient chacune une place unique dans son petit cœur. Le garçonnet n'aurait échangé pour rien au monde cette place et n'aurait guère toléré qu'elles échappent à son destin. Que les dieux eux-mêmes tentent quoi que ce soit !

Les dieux l'avaient déjà mis en garde.
Ilith elle même était venue à sa rencontre et l'avait menacé. Qu'il offre sa vie aux filles et leurs destins en seraient brisés. La déesse avait promis leur perte et, s'il se sentait prêt à défier les montagnes pour elles, il se savait misérable face à la belle Almer. Alors l'enfant avait pris le parti de jouer au plus fin avec la divinité. Pour protéger Jelenna et Eloween, il avait juré fidélité à celle qu'il priait depuis sa plus tendre enfance. Il lui avait fait allégeance, comme par le passé et, en échange, il espérait convaincre suffisamment longtemps la belle pour gagner du temps et la prendre à revers. Il ignorait encore comment mais il était conscient de ce que, tant qu'elle le croirait sous sa coupe, Ilith ne toucherait jamais aux filles. C'était pour lui le principal, peu en importait sa vie dans la balance. Qu'avait-il de mieux à leur offrir de toute façon ? Elles étaient ses amies, celles qu'il avait juré de protéger au péril de sa vie. Celyween avait offert sa vie pour protéger la cité des brumes et sa Grande Prêtresse, il apparaissait logique aux yeux de son fils qu'il se devait de suivre sa voie.

Les voix des deux demoiselles lui parvenait comme dans un rêve mais, par politesse, il n'osait pas intervenir dans leur discussion. Si Jelenna souhaitait connaître les dernières nouvelles de sa compagne, il ne pouvait qu'attendre que son tour vienne. Certes l'enfant écoutait-il ce qu'il se disait mais il préférait garder le silence. Eloween semblait insinuer que rien ne perturbait la cité d'ordinaire si calme de Silmarie tandis que Jelenna commentait ses entrainements avec Kiera. A cet instant, le métisse se sentit comme étranger, lui qui n'avait aucun rôle à jouer dans ce monde. S'il venait à disparaître demain, qui, en dehors de ses proches, penserait à lui et le regretterait ? Si la Prêtresse se mourait, ou la jeune princesse Amazone, il était évident que des nations entières pleureraient leur perte … Aerin n'en était pas jaloux pour autant, bien au contraire, mais il se sentit comme exclu bien malgré lui. Seuls ses parents étaient d'illustres personnalités de ce monde, lui n'était que la « pupille de Cydonia », le petit prisonnier qu'on avait abandonné au Joyau pour promouvoir une paix qui n'était que factice et se briserait au premier écueil. Sans se sentir réellement seul, le gamin se rendait compte de sa différence et si les deux demoiselles n'en avaient pas conscience, son esprit divagua jusqu'à se demander pourquoi elles étaient avec lui. Qu'avait-il à leur offrir en dehors de maux de tête et de soucis ?

Lorsque l'Elfe lui parla, il lui rendit son sourire avec tendresse et tendit la main vers un gâteau pour s'en saisir. Il les adorait, peu importait au fond pourquoi et comment ils en étaient arrivés là aujourd'hui, tout ce qui importait c'est qu'il n'aurait jamais vécu sans elles. Alors qu'il goutait au met, il entendit la petite princesse bis, pleine de charme et de délicatesse. Ses yeux hésitèrent une seconde mais finirent par se poser sur la belle qui avait déjà porté la main à sa bouche pour cacher son embarras. Amusé, Aerin mordit à son tour dans le gâteau et ne put s'empêcher d'engloutir le reste tant c'était bon.

« Ca ressemble à ceux que ma mère me faisaient enfant ! C'est délicieux ! »

Il était peu évident d'ordinaire à l'Elfe de parler de la Crépusculaire pourtant, en leur présence, il parvenait presque à en oublier les déboires du passé et à parler d'elle. Normalement. Il savait que le compliment serait d'autant plus marquant en citant ce détail et s'il n'avait pas menti, il avait néanmoins insisté sur ce point pour faire plaisir à la petite prêtresse.

Sans doutes la scène devait-elle être amusante et étonnante aux yeux du monde extérieur. Qui aurait cru qu'un Almer puisse s'entendre avec une Elfe et qu'une Amazone puisse tolérer la présence d'un homme à ses côtés ? Le Temple permettait ce genre de folies mais plus encore, le lien qui les unissait avait toujours fait fi de ces détails. Ils étaient liés par le destin, Aerin y croyait dur comme fer. Quoi qu'ils puissent y faire, jamais le lien ne se briserait. A jamais et pour toujours. Le temps ne pourrait rien changer, rien altérer … les dieux peut-être ?
La guerre se profilait, Ilith l'avait prévenu mais si ses pensées le ramenaient toujours à ce cruel dilemme, il préférait ne pas en faire part aux deux demoiselles. Ilith avait menacé certes mais si les dieux se faisaient la guerre alors les deux réincarnations seraient les premières au courant. Leur destin n'était et n'avait jamais été entre ses mains de ce fait, il préférait ne pas les inquiéter inutilement. Pour les protéger, il avait renoncé à tout ce qui avait fait son passé. Son avenir était parmi elles, il en était convaincu. Enfant, il avait prié les faveurs d'Ilith et la déesse Almer lui avait souvent répondu par l'affirmative mais, lorsque son monde s'était écroulé, lorsque la faux avait emporté Celyween, où était passée la déesse ? Elle l'avait abandonné entre vie et trépas sans s'en soucier et ce n'étaient autre que les petites qui l'avaient sorti d'affaire. Les dieux n'étaient rien sans eux et oubliaient ce qui faisait leur force. Aerin ne comptait pas prendre part à cette stupide guerre mais faute de mieux, faute de pouvoir trouver une solution, il comptait obéir à sa divinité.

Les discussions allèrent bon train entre eux, chacun souhaitant profiter de ce rare moment de complicité au maximum tant et si bien qu'au bout de longues heures, qui parurent quelques minutes à peine, ils étaient épuisés. Épuisés mais heureux.

« Nous devrions rentrer, le dîner sera bientôt servi. » déclara-t-il à contre cœur.

Ils avaient échangé sur tout et rien, partageant secrets, confidences et plaisanteries. Le temps leur manquait, comme toujours et aucun d'entre eux ne voulait en perdre une miette mais force était de constater qu'il était l'heure de prendre congés. Ils pourraient partager le repas ensemble mais chacun devrait vaquer à ses occupations le lendemain, repoussant la prochaine rencontre en chair et en os. L'Esprit était leur secret, leur lien mais l'enfant souhaitait en son cœur égoïste que les dieux leur permettent plus.
En silence, les trois enfants pénétrèrent dans la salle commune et se servirent à manger. Installés à leur table, ils reprirent tout trois leurs discussions comme s'ils n'avaient jamais quitté le havre de paix qu'offraient les jardins du Temple. Ensemble, ils rirent, se réconfortèrent, parlèrent jusque tard dans la soirée. En réalité, ils parlèrent jusqu'à ce que, excédés, deux Templiers en charge de la maintenance dans la salle leur demande de la quitter. En silence, le regard pétillant de gamineries, ils quittèrent les lieux. Ce soir-là, Aerin accompagna les deux personnes les plus chères à son cœur jusqu'à leur chambre et, lorsque les embrassades prirent fin et que la porte se fermait à contre-cœur, l'enfant resta une seconde encore avant de reprendre son chemin en direction de sa chambre, de doux souvenirs plein la tête.

« A jamais et pour toujours »

Murmure parmi les ombres …

[ Désengagés ]
[ Thanks pour ce rp ! ^^ ]