[Terminé][DA 155] L'or attire les regards, surtout ceux des voleurs [Talphan]

Kara venait de rentrer de ses courses. La jeune femme avait profité de son temps libre de l'après- midi pour regarnir son garde-manger et acheter divers matériels de calligraphie. Le marchand auprès duquel elle s'adressa se révéla dur en affaire, mais elle parvint à obtenir ce qu'elle désirait pour un prix relativement correct. Il était parfois facile de glisser un petit sourire pour faire accepter une demande par ces messieurs. Parvenue dans sa demeure, elle rangea rapidement la nourriture pour éviter qu'elle ne se flétrisse. Puis voyant que le jour déclinait, Kara fit le tour de la maison pour fermer les volets. Bien qu'Aeron soit mort depuis plusieurs mois, elle n'avait pu se résoudre à quitter les lieux. L'illusionniste avait acquis une petite maison confortable d'un étage dans un quartier tranquille et relativement cossu d'Erathia. Il l'avait aménagé avec goût car, même s'il était malade, ses talents d'illusionniste lui reportaient un certain pécule dont avait hérité l'amnésique. Après avoir fermé les ouvertures de la cuisine qui donnaient sur le petit jardin attenant, elle se dirigea vers le salon. La pièce était orientée côté rue et représentait un beau volume, agrémentée d'étagères remplies de livres, elle donnait une impression de confort accentuée par les fauteuils tapissés qui entouraient la table ou qui faisaient face à la cheminée. Aeron avait beaucoup investi dans le salon et dans le bureau qui se trouvait à l'étage. Kara monta ensuite à l'étage, vérifia que la pièce jouxtant la chambre et faisant office de salle d'étude, se trouvait en ordre car l'argent que l'ancien propriétaire avait accumulé se trouvait dissimulé dans une cache secrète située sous l e bureau, lui-même fermant l'un des angles de la pièce. Le travailleur se trouvait ainsi dos au mur et pouvait embrasser toute la pièce d'un seul regard. Des bibliothèques cachaient les autres murs et la fenêtre donnait sur l'arrière de la maison. Son ancien amant avait un goût prononcé pour les livres et le savoir qu'ils renfermaient.

Ensuite, Kara se rendit dans la salle d'eau pour si délaisser d'une bonne douche. Aeron s'était offert le luxe d'une telle fantaisie et cela plaisait à la jeune femme qui avait l'impression d'être une noble dame. Débarbouillée, elle redescendit dans la cuisine et se fit une petite collation avant le coucher. Les souvenirs d'Aeron imprégnaient encore les lieux pourtant cela n'avait pas décidé Kara à partir. Peut-être plus tard... Vêtue de son linge de corps pour la nuit, elle finit par se glisser sous les couvertures, elle avait laissé les volets de la chambre ouverts pour pouvoir observer la nuit ou bien la rue qui passait en contrebas. Sous son oreiller se trouvait une dague, elle ne se sentait en sécurité qu'avec cette présence à proximité comme si les effluves d'une vie passée lui dictaient son comportement. De plus, elle avait laissé la porte de la chambre entrebâillée, cela lui permettait de détecter tout bruit insolite qui ne manquerait pas de la réveiller étant donné qu'elle avait le sommeil léger. Sur ses pensées, Kara ferma les yeux et se laissa glisser dans les méandres du sommeil. Pourtant, quelques minutes ou quelques heures après, quelques chose la tira de son rêve. Gardant les yeux clos et la respiration constante, elle tâcha de déterminer ce qui l'avait réveillée, pour savoir si elle devait se lever ou non. La main qui se trouvait sous sa tête glissa silencieusement sous l'oreiller pour se saisir du poignard. Une fois qu'elle aurait déterminé si danger il y a, elle agirait.

Voleur. Profession pas forcément toujours très belle. Même si certain se targue de voler que ces riches nobles qui ne méritent pas tout cet or, la réalité est tout de même bien là. Certains ont depuis longtemps mit leur morale de côté pour vivre à plein temps ce métier de l'ombre. Talphan reste réaliste, ce qu'il fait n'a rien d'une bonne action. Il se console en se disant que ça pourrait être pire, lui n'est pas un truand sans foi ni loi qui dépouille les cadavres de ses victimes, ou pire, un contrôleur du fisc... En tout cas, Talphan aime son travail, bien que ces derniers temps il ait un peu mis de côté le vol à l'état pur pour se charger d'affaire plutôt administrative. C'est sans doute pour cela qu'il a décidé ce soir de faire un casse dans la cité. Le frisson de l'aventure lui parcours l'échine alors qu'il est sur le pas de la porte, prêt à partir. Bien entendu, Daniel essaya de le retenir, prétextant que ce n'était pas à lui d'aller se salir les mains, que s'il se faisait prendre ce serait très mauvais pour les affaires. L'égo de l'almer en pris un coup. Se faire prendre ? Pour qui le prenait-il ? Il sortit de chez lui d'un pas décidé, ayant déjà une idée de sa cible. Dans un quartier chic d'Erathia se trouvait la maison d'un vieux magicien. Ce dernier avait passé l'arme à gauche et il avait amassé pas mal d'argent avant son trépas. C'était une occasion en or, le vieil homme n'avait pas d'héritier direct et la maison n'avait pas été revendue. Une maison vide plein d'objet de valeur, que demande le peuple ? Une couverture sociale ? Bah, quel ingrat, ce peuple...

La nuit était tombée, les rues ne regorgeaient pas d'activité comme en pleine journée, la ville tombé peu à peu dans un sommeil paisible et bien mérité. Une belle nuit pour sortir, le temps était clair et les étoiles scintillaient au-dessus de la tête du voleur. Talphan croisa quelque personne, deux gardes en personne, rien de bien inquiétant. Bien sûr, il était vêtu de manière discrète, contrairement à d'habitude. Ses vêtements étaient sombres, la capuche de sa cape rabattu et il avait même un foulard sur lui pour se couvrir le visage. Toute la panoplie du parfait voleur était aussi sur lui, des crochets pour les serrures, un diamant pour ouvrir une vitre, un sac pour mettre son butin... Il n'avait pas d'arme, considérant que s'il y avait un problème, il ne saurait de toute façon pas quoi en faire. A la moindre altercation, l'almer prendrait les jambes à son cou, il était très doué pour cela. Il y avait cependant très peu de chance qu'il lui arrive la moindre chose, tout se passera comme c'était prévu... Allez savoir pourquoi, il en doutait grandement. Rien ne se passait jamais comme c'était prévu. Jamais. C'est sans doute ce qui l'excitait le plus dans ce métier, l'imprévu constant. L'omniprésence de l'inattendu.

Voilà, il était arrivé, tout semblait vide, les volets étaient fermés, enfin tous sauf un. Cependant, aucune lumière ne filtrait, nulle part, ce qui pouvait indiquer que ce dernier avait tout simplement été oublié lorsqu'on les avait fermés. Pas de quoi s'inquiétait donc. Après avoir fait le tour de la maison discrètement pour voir s'il n'y avait personne dans les environs, il se dirigea vers la porte, armé de son crochet et entrepris tout de suite la serrure. Ce ne fut pas bien compliqué, la serrure n'avait rien de complexe, après une vingtaine de seconde il y eut un petit clic. Talphan tourna la poignée et entra sans un bruit en refermant doucement la porte. D'un pas souple il partit à la découverte de la maison afin de noter l'emplacement des pièces qui l'intéressaient. La salle à manger, là où était rangé l'argenterie. Il inspecta la bibliothèque, quelques ouvrages d'une certaine valeur devaient bien se cacher dedans. Une fois le rez-de-chaussée finit, notre ami cambrioleur monta doucement l'escalier, faisant son possible pour ne pas émettre de son. Il ouvrit la première porte, celle qui donnait sur la chambre. Dans cette chambre il y trouva un lit. Et dans ce lit, il y trouva une femme... S'il aurait pu, il aurait juré, car bien que très discret, entrer dans la chambre de quelqu'un peu avoir pour conséquence de la réveiller. Il se figea donc, le coeur battant, sur le pas de la porte, attendant l'instant où la femme crierait, lui prouvant qu'il l'avait belle et bien réveillé.

Kara entrouvrit un œil. La porte de sa chambre avait été poussée et un homme se tenait sur le seuil. La main toujours posée sur son poignard, elle réfléchit à toute vitesse pour savoir quel plan adopter. Lui faire croire qu’elle dormait d’un sommeil de plomb ne ferait que l’inciter à fouiller la maison. Se lever d’un bond le ferait à coup sûr fuir. Sauf qu’elle voulait connaitre le pourquoi de sa présence. Alors elle décida de créer une illusion, l’illusion qu’elle continuait à dormir ce qui masquerait sa présence.

Elle laissa le sort se tisser autour de l’intrus et une fois sûre de son fait se redressa sur son lit. Normalement, il devait toujours la voir allongée sur le lit en train de dormir. Armée de son poignard elle se dirigea à pas de loup jusqu’à lui. Qu’il se détourne ne la dérangeait pas, même cela lui faciliterait la tâche car elle avait l’intention de le menacer en passant dans son dos, et en plaçant le couteau sous la gorge, ainsi il aurait moins de latitude pour se défendre. S’il décidait de se déplacer à nouveau, elle attendra qu’il stoppe pour passer à l’action.

Une fois en position, Kara se pencha à l’oreille de son adversaire et parla d’une voix douce mais glaciale.

- Que fais-tu ici ?

Par la même occasion elle leva l’illusion, révélant sa présence. Certes, elle était toujours en chemise de nuit mais cela n’ôtait en rien sa capacité à se défendre. Bien qu’elle ait perdu la mémoire, elle conservait des réflexes et des connaissances martiales lui faisant penser qu’elle avait exercé dans les métiers militaires dans une vie antérieure. Donc le voleur devrait bien se tenir et répondre à ses questions. Peut-être décidera-t-elle de le laisser repartir vivant, ou bien le conduira-t-elle au guet ? Tout dépendra de son comportement à lui.

Rien ne bougea, après quelques dizaines de secondes qui lui parurent des heures, Talphan se détendit un peu. Il se permit même de respirer un peu. Cependant, il frissonna. Il avait une étrange impressionnant que quelque chose ne tournait pas rond, bien que l'almer n'aurait pas su mettre le doigt dessus. Il se raisonna, mettant cela sous le coup de l'adrénaline, la peur et tout ça... S'il savait à quel point il se trompait, il en rirait presque. Presque seulement. Avançant à pas de loup, son angoisse grandissait. Son sixième sens pressait le bouton de l'inquiétude dans son cerveau sans lui laisser le moindre repos. Peut être est-ce le bruissement de la chemise de nuit de Kara qui l'avertit de sa présence, ou alors le déplacement de l'air dans son mouvement, mais Talphan sut qu'elle était derrière lui avant que le couteau ne sois sous sa gorge. C'est sans doute pour cela qu'il n'esquissa pas le moindre mouvement, ni qu'aucun son ne sorti de sa bouche comme on pourrait s'y apprendre lorsqu'un lame surgit juste en dessous de votre gorge sans crier gare. La dague fut accompagnée d'une voix froide et calme d'une femme, lui demandant ce qu'il faisait ici.

« J'allais poser la même ! Cette maison était censée être vide, pourtant vous êtes là, me menaçant avec votre canif. »

C'était un monde tout de même, personne n'aurait dû se trouver ici et c'est à lui qu'on demandait de justifier sa présence. Le monde à l'envers... Enfin, il n'allait pas faire trop la fine bouche non plus, il était du mauvais côté du manche de la dague. S'il y a une chose qu'il faut savoir avec la personne qui tient une arme à deux centimètres de votre jugulaire, c'est que cette personne à toujours raison. Aussi, Talphan décida tout de même de répondre à la dame :

« J'étais venu faire mon métier, volé des bien d'une certaine valeur à quelqu'un qui n'en a plus l'utilité. Je vous dit la vérité, je ne m'attendais pas à vous trouver là. Cette maison devait être à l'abandon, je devais tout rafler sans encombre. »

Le voleur secoua doucement la tête, il savait que cela ne se passait jamais comme cela le devrait. L'imprévu se glissait toujours dans ses opérations. Bien heureusement pour lui l'imprévu ne menaçait pas de lui trancher la trachée. Cela dit, il se posait encore la question de savoir si la personne derrière lui était la femme endormie dans la chambre il y a quelque seconde, ou quelqu'un d'autre. Dans le premier cas, il se demandait comment elle avait fait pour se retrouver derrière lui en si peu de temps sans faire de bruit. Elle devait avoir une vraie formation de ninja pour réaliser un tel exploit. En tout cas, le fait de ne pas voir son interlocutrice le gêner.

« Ecoutez, je ne suis pas armé, je vais me retourner doucement comme ça nous pourrons parler face à face, d'accord ? »

Il ne bouge pas tout de suite pour autant,attendant qu'elle le lui autorise. Après tout, sa dague, ses règles.

Il allait poser la même question?... Kara fronça les sourcils. Maison vide? Il était vrai que rien d'officiel n'indiquait que ces lieux étaient siens, à part la parole d'un mort qui lui laissait la possibilité d'user des biens qu'il possédait selon son bon vouloir. Elle crut que l'intrus ne répondrait pas à ses questions alors même qu'il était sous la menace d'une arme, mais ce qui s'ensuivit démenti ses impressions. Ainsi il avoua être un voleur venu faire son office dans une maison sensée être libre. Cela fit sourire Kara que son interlocuteur ait été en possession d'informations erronées. Néanmoins, cela prouvait que les habitants étaient surveillés à leur insu par toute sorte d'individus. Son prisonnier finit par soumettre une requête à Kara. Cette dernière l'écouta et, ne trouvant rien à redire, accepta qu'il se retourne. Cela lui permettra également d'imprimer les traits de ce voleur au cas où ils se recroiseraient.

- Très bien, tu peux te retourner, mais le moindre geste suspect engendrera des conséquences peu agréables.

Elle s'écarta pour lui laisser un peu d'espace tout en le surveillant de près. Elle avait baissé son bras, mais sa posture indiquait qu'elle n'avait pas relâché sa vigilance. A vrai dire, elle ne savait toujours pas quoi faire de lui. D'un côté, son instinct l'incitait à régler le problème, de l'autre si elle le libérait il aurait une dette envers elle, du moins s'il avait un honneur, et pourrait utiliser ce atout plus tard.

- Agis-tu seul ou sous les ordres d'un commanditaire? Et que comptais-tu voler?

Elle conserva le tutoiement, donnant ainsi l'impression de contrôle de la situation. Elle posait les questions, il répondait. Il avait l'air d'être seul, mais elle préférait se méfier et garda ses sens en alerte, prête à réagir.

- Sache qu'il n'y a rien à voler ici, tes renseignements ne sont pas à jour. Je vis ici, ajouta-t-elle en soulignant ses mots d'un petit geste vers elle-même.Peut-être que je te laisserai partir à moins que je n'appelle le guet....

Elle laissa sa phrase en suspens, comme pour laisser le voleur prendre pleinement conscience de la situation et des options qui s'offrait à lui. Et que cela dépendrait de son bon vouloir.

Talphan resta droit, impassible jusqu’à ce qu’elle accepte qu’il se retourne. Lorsqu’elle lui autorisa enfin, ses mouvements furent lents et calmes, de peur qu’un mouvement brusque lui vaille un coup de couteau entre les côtes. Une fois en face il put observa la jeune femme qui le menaçait, constant que sa silhouette et sa chevelure correspondait à celle de la jeune femme qu’il avait vu coucher quelques instants avant. Encore une fois, il se demandait comment elle avait fait pour le prendre de vitesse de cette façon sans se faire repérer. Une chose était sûr, la jeune femme était fort agréable à regarder, seul l’arme pointer vers l’almer qu’elle avait en main noircissait le tableau. Elle le prévint d’ailleurs qu’au moindre écart de sa part, la jeune femme n’hésiterait pas à sévir. Réjouissant n’est-ce pas ?

Le voleur réfléchissait à toute vitesse, cherchant le meilleur moyen de s’échapper de cette situation sans dommage. La tâche n’était pas aisée, son cerveau tournait à plein régime. Bien heureusement pour lui, elle continua à parler. Le questionnant plus qu’autre chose d’ailleurs. C’était drôle qu’on lui demande qui avait commandité ce vol. En temps normal, c’est lui qui commandite ce genre de méfait. La chose l’aurait fait presque rire, si ses chances de survies n’était pas compromise c’est même sans doute ce qu’il aurait fait. Aussi, se contenta-t-il de rester silencieux, attendait qu’elle ait fini de parler. Couper la parole ne serait pas très poli voyons. D’autant plus que la suite lui sembla bien plus intéressant que le reste. Peut-être le laissera-t-elle partir. Les réactions peuvent être diverses lorsqu’on croise un voleur chez soi qui a pour objectif de vous déposséder de vos bien, on peut très bien bouter le malandrin avec violence ou alors appeler la garde. Si on laisse partir l’intrus alors qu’il est à notre merci, c’est qu’il y a anguille sous roche.

« Si me faire arrêter n’est qu’un option pour vous, alors c’est que je peux vous être utile à quelque chose. C’est une bonne chose pour vous, je sais me rendre très utile en cas de besoin. »

Il se permit de sourire, la situation était différente. Maintenant, il savait à qui il avait à faire. Talphan pouvait se détendre, aussi dangereuse soit-elle, la jeune femme restait une opportuniste. Elle ne le savait pas, mais elle était tombé sur un bon filon, un membre éminent de la guilde des voleurs peut faire un allié de choix, ou un terrible ennemi. La roue tournait, c’était une chance, maintenant, il ne lui restait plus qu’à appâter pour qu’elle lui dise ce qu’elle voulait. C’était tout à fait dans ses cordes.

« Pour ce qui est du butin, ce n’est pas ça qui manque. L’argenterie se fond facilement, la bibliothèque est très bien remplie, j’ai même vu quelque ouvrage que j’aurais bien mis dans ma collection personnel. Ce soir, j’ai agis pour moi et moi seul. De toute façon, c’est moi qui commandite les vols d’habitude, et pas l’inverse. »

L’hameçon était lancer, il ne restait plus qu’à ferrer le poisson. Enfin, façon de parler. Surtout que Talphan ne venait pas d’une région ou la pêche fait partie des activités les plus pratiqués… S’il avait été sujet de poisson, l’almer n’aurait pas montré une telle assurance, mais en ce qui concerne les rapports humain de ce type, il ne montrait aucune défaillance. Après tout, c’était une autre facette de son métier, derrière seul du vol et du cambriolage…

Ainsi il était bien plus qu'un simple voleur comme le sous-entendait les réponses qu'il lui fournissait. Il était assez gradé dans la hiérarchie des voleurs pour en être un des commanditaires, ce qui fit réfléchir Kara. En effet, au départ elle n'avait pas pensé soutirer quelque chose en contrepartie de la décision de le laisser partir, mais maintenant les données avaient quelque peu changé. Tandis qu'elle analysait la situation, Kara continua d'observer son voleur. Le guet aurait été l'issue la plus normale, elle aurait débarrasser les rues d'Erathia d'un danger pour les biens personnels, mais elle savait que c'était également un moyen de gagner sa vie pour certains. Devait-elle le conduire sur la voie d'un potentiel échafaud ou lui permettre de continuer son existence? Elle poussa un léger soupir.

- Très bien, je vois que tu sais saisir ta chance quand elle se présente. Le sourire du voleur témoignait de l'agilité de son esprit à comprendre les tenants et aboutissants d'une situation changeante. En contrepartie de ta liberté, je veux que cette maison reste hors de votre champ d'action, et comme d'une certaine manière je t'ai sauvé la vie, je considère que tu as une dette envers moi, dette que je serai amenée à réclamer à tout instant. Et pour cela il me faut ton nom, le vrai bien entendu...

Kara énonçait ses conditions d'une voix sûre et intransigeante, s'il ne s'arrangeait pas de cet accord elle pouvait toujours l'envoyer séjourner dans les geôles de la cité. Et puis, elle ne se trouvait pas trop demandeuse, simplement elle n'avait pas encore défini ce qu'elle pourrait bien demander à un voleur, mais en avoir un sous la main pouvait toujours être utile, même si elle ne frayait pas avec l'illégalité. Elle le laissa réfléchir, de toute manière Kara avait déjà décidé que le prochain détrousseur qu'elle découvrirait dans sa demeure goûtera au fer de sa lame. Le passe-droit qu'elle avait accordé à l'un d'entre eux ne le serait pas pour le suivant.

L’exigence, voilà ce dont faisait preuve celle qui tenait le couteau. Talphan n’allait pas faire la fine bouche, les précautions demandées étaient justifiées. Ils ne se connaissaient ni d’Eve ni d’Adam, elle n’allait pas laisser partir l’almer sans même prendre son nom. Certes, il pouvait lui mentir, c’est sans doute ce qu’il aurait fait si la situation ne l’intriguait pas. Le prendre de court comme elle l’avait fait était un véritable exploit en soit, un exploit qu’il n’arrivait pas à expliquer, entre autre chose. Cette jeune femme lui demandait son nom, lui cherchait à savoir qui elle était réellement. Il allait sans doute devoir creuser un peu. Qu’à cela ne tienne ! Après tout, la curiosité n’a jamais tué le chat, non ?

« Mon nom est Talphan. J’aimerais savoir le vôtre, je n’accepte pas de rencontrer une femme sans savoir qui elle est, aussi ravissante soit-elle. »

En effet, la guilde des voleurs, ce n’est pas la foire à la saucisse. On n’arrive pas avec ses gros sabot pour voir le taulier juste parce qu’on le demande. Il y a des principes à respecter, on peut vivre dans l’illégalité sans pour autant ne respecté aucune règle en ce bas monde. L’anarchie n’est pas le maitre mot des voleurs. Bien au contraire. Talphan haussa les épaules, soit, il était son débiteur. Et il l’en remercier de ne pas tout simplement lui avoir ouvert la jugulaire sans cérémonie. Mais sa présence ici ne semblait plus requise, aussi commença-t-il à reculer doucement vers l’escalier.

« Bien, maintenant que tout est claire je vais vous laisser retourner à vos… occupations. Et moi aux mienne. Ce fut une charmante soirée. Vraiment. »

Sincèrement, le voleur pensé pouvoir s’en tirer comme cela. Après tout, elle avait son nom, la certitude qu’il lui était redevable. Cela devait sans doute lui suffire pour prendre la poudre d’escampette. Cependant, il était toujours du mauvais côté du couteau. Peut-être que la jeune femme ne l’entendait pas de cette oreille.

Kara avait obtenu le nom de son intrus, elle trouvait que connaitre l'identité d'autrui était un bon point de départ pour des négociations, bien qu'elle est posé ses exigences au préalable. Bien entendu son interlocuteur demanda la réciproque en l'agrémentant d'un compliment, comme pour l'amadouer. La jeune femme sourit légèrement sans pour autant se laisser prendre à ce jeu. Cependant, toute interrogation concernant son identité ravivait le manque généré par sa perte de mémoire. Elle s'était attribuée un nom mais quelle était réellement son histoire? Elle était bien décidée à retrouver son passé, bien que la perspective de commencer une autre vie était tentante.

- Soit, je me nomme Kara...

Elle n'ajouta rien de plus, considérant que cela était amplement suffisant. D'une certaine manière, elle menait la rencontre à sa conclusion, ce que comprit le dénommé Talphan qui initia les adieux. Bien que le voleur ait contracté une dette envers elle, Kara ne savait comment elle allait gérer ce nouvel élément, néanmoins elle adressa un sourire au jeune homme.

- Oui, tout est clair, je n'ai aucun raison de te retenir. Évite de croiser le guet, ce serait dommage...

Elle avait glissé une petite pointe d'humour agrémentée d'un sourire en coin. Mais de toute manière, sachant que Talphan était un commanditaire et non un simple pion ses compétences en discrétion devaient lui permettre de se faufiler à l'insu de la garde de la cité. Avant de retourner dans sa chambre elle s'assura que le voleur quittait bien sa demeure. La prudence n'était jamais superflue.

[Terminé]

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