[DA] La voix de la force [Privé Siobhan]

La pluie battait son plein à l'extérieur, elle n'avait jamais cessé depuis l'arrivée de la jeune princesse mais elle ne saurait dire si la faute revenait aux esprits ou tout simplement au climat saisonnier de la cité. Ayane avait passé le plus long de son séjour à s'instruire des recueils présents au sein de la bibliothèque du temple que les templiers avaient généreusement mis à sa disposition, elle ne saurait jamais comment les remercier assez de tout ce dont ils ont pu faire à son égard mais elle ne pouvait qu'accepter ce qu'ils lui offraient.

La fantaisie de découvrir les différents dieux qui peuplaient Azthia lui était survenue lors de la lecture d'un ouvrage traitant des grandes prêtresses de Silmaria dont elle ne se souvenait plus du nom mais cela n'avait que peu d'intérêt. Cette partie du continent abondait de dieux en tout genre, et de toute race qui plus est mais Azthia était un territoire extrêmement hétérogène comparé à l’homogénéité d'Oyashima et ses esprits divins. La Jinmen avait traversé la ville pour le faire le tour des temples et découvrir les dieux qu'ils honoraient, elle ne s'empêchait pas de donner une petite prière de ci et de là car après tout comment les esprits Jinmens pourrait entendre ses prières si elle se trouve dans le territoire d'autres divinités à des lieux et des lieux de chez elle ?

Un temple selon toute vraisemblance astorg se tenait en face d'elle. Il était grandiloquent et plutôt massif mais n'était ce pas là le cas de tous les temples d'ici ? Les gens d'ici vouaient un véritable culte pour ces dieux d'en haut qu'ils n'ont jamais vu mais elle ne pouvait leur tenir rigueur de cela, son propre peuple vouait un culte pour des esprits de toute sorte. A l'intérieur se trouvait quelques prêtres chargés de prier et d'entretenir les lieux mais une déesse en particulier intéressait Ayane : Déesse astorg de la joie et de la musique. La princesse possédait une jolie voix mais celle de la divinité était selon les mythes l'incarnation du courage et de la beauté mélodique.

"Bonjour Hilina. Je suis Ayane. Ayane Toyama, princesse d'Oyashima pour être plus précise mais suis je bête, tu dois me connaître. Vous autres dieux devaient tout connaître, n'est ce pas ? Si je suis ici c'est pour te demander une faveur. Je crains que les esprits ne puissent bénéficier de leur plein pouvoirs en ces terres et je viens donc à toi, te prêter ma voix en échange de ton soutien. On dit que tu as le pouvoir de donner du courage, donne moi au moins la force d'avoir du courage !"

Des larmes ruisselaient le long de ses joues, elle n'avait pas pleuré depuis longtemps mais elle savait sa cause désespérée. Les esprits l'avaient abandonné depuis longtemps et leur pouvoir n'avait pas d'influence dans ces régions ci du monde, elle ne voulait pas être adepte d'Hilina, elle voulait juste un peu d'aide dans sa quête mais sûrement était ce trop demander à une femme qui avait des milliers d'être à guider et protéger.

"Je ne te demanderai rien d'autre qu'un peu d'aide. Si les divinités d'Oyashima ne peuvent m'aider, peut être que toi tu sauras. Je t'en prie Hilina, déesse de la joie, de la musique, de la poésie et du sport, celle qui confère courage et mutisme, je t'en prie aide..."

Ayane n'avait pas eu le temps de finir son discours que des pas se faisaient entendre en direction de l'autel d'Hilina. Elle n'avait pas vraiment sa place, une Jinmen n'avait pas à prier des dieux qui n'étaient rien pour elle mais son désespoir était tel qu'elle n'avait pas pu s'en empêcher. Une jeune femme aux cheveux blonds et à l'allure svelte sortait de la pénombre des lieux en sa direction.

[Désolée du retard !]

Elle n'était plus qu'une ombre au milieu de la foule. Un simple corps, vouté, fatigué, las, qui avançait droit devant, incertain. Le feu-follet joyeux et bavard s'était éteint d'un coup sous cette pluie battante. Les goutes frappaient son visage avec force, mais c'était comme si Siobhan ne ressentait rien, comme si plus rien n'avait d'importance. La jeune femmes se serait d'habitude émerveillée, aurait joué dans les flaques, sautillante, prête à répandre sa joie de vivre en une superbe épidémie. Elle aurait offert son corps à ce cadeau du ciel, pour qu'il la lave, comme il le faisait avec les pavés. Elle aurait... Oui, elle aurait.

Une main bleuie par le froid se porta à sa poitrine, pour se serrer en poing au niveau de son cœur. La douleur, encore et toujours, plus puissante encore qu'à son habitude. Sio pouvait en supporter des choses, mais aujourd'hui, la dernière goûte avait fait déborder le vase. La Templière s'arrêta un instant, tentant de reprendre son souffle et contenir les larmes qui lui brulaient les yeux. Lamentable, elle était lamentable. Jiven avait fait une belle bourde et pas lui seulement, parce qu'au fond, Siobhan n'était pas assez forte, et sa vie, ses erreurs, pesaient douloureusement sur ses frêles épaules.

La demoiselle inspira un grand coup, se forçant à reprendre la marche. Un pied devant l'autre, tout doucement. Sa destination était proche et pourtant, la distance la séparant de son but lui semblait énorme. Sio avait juste besoin de réconfort, d'un peu d'espoir, ne plus se sentir inutile et invisible. Elle avait juste besoin d'une oreille sage qui serait entendre et comprendre tous ses maux. Il n'y avait qu'un endroit pour cela, et une seule personne.
Un pied devant l'autre, tout doucement la Templière allait rejoindre Hilina.

C'est dégoulinante et tremblante que la jeune fille s'effondra à genoux. Elle avait choisi un coin sombre pour laisser échapper sa douleur à l'abri des regards. De chaudes larmes inondères ses joues tandis qu'elle tirait de sa poche la missive froissée qui lui était parvenue aujourd'hui. La mère de Benj lui écrivait, si douce, pour savoir comment elle allait, pour lui faire part de sa déception de ne pas l'avoir vue aux obsèques. Elle se montrait si gentille, si aimante dans ses mots, mais Siobhan ne le méritait pas. Ce qui était arrivé à son fils était entièrement de sa faute, sans compté la lâcheté dont elle avait fait preuve en ne venant pas à l'enterrement. Sio aurait mille fois préféré qu'on la blâme, qu'on la haïsse, plutôt que ça.

Et cette douleur qui lui déchirait le cœur et le corps. A chaque fois qu'elle soignait une personne c'est comme si on lui prenait un peu d'elle même, parce que si elle arrivait à guérir des blessures de plus en plus profondes, celles de l'âme restaient hors de son atteinte. Siobhan aurait voulu être capable d'effacer les souffrances, celles qui sont causées par les mots, par les actes, par la vie ; celles qui restent invisibles à l'oeil et que l'on ne percevait qu'en ouvrant son esprit et se laissant envahir par les sentiments des autres.

Muette, la Templière racontait cela à Hilina ; sa frustration, son impuissance à soigner les maux du cœur, sa douleur, sa lâcheté. La jeune fille aurait voulu une réponse, un signe d'encouragement de la part de la divinité, mais celle-ci devait encore la bouder.
Sio passa ses mains sur ses joues, chassant de son visage les rivières salés, se disant que c'était une mauvaise passe, une mauvaise journée, qu'il fallait qu'elle se reprenne, parce que Sio avait encore tant à faire pour que ce monde prenne enfin les couleurs qu'elle veut.

Les larmes jaillirent de nouveau. Petite idiote ! Entêtée, la demoiselle les essuya de nouveau, tentant un sourire maladroit. C'était juste une sale journée un peu trop pluvieuse. Demain le soleil brillera, c'était certain. Siobhan se leva, enveloppant de son regard clair les lieux rassurants et inspira longuement, se gorgeant de courage. Il lui fallait avancer.

La Templière sortit de la pénombre. Tandis qu'elle avançait vers la sortie, ses yeux accrochèrent un regard sombre, bien plus désespéré que le sien.

« Est-ce que ça va ? »

Une jeune femme blonde sortait dont ne sait où et observait la princesse agenouillée devant l'autel d'Hilina, qui cela pouvait bien être ? Une fervente sûrement mais pourquoi ne cessait elle pas de s'approcher de l'adolescente, pourquoi poursuivait elle son chemin tout en tenant du regard la fillette ? Elle n'allait sûrement pas tarder à le savoir mais elle n'était déjà pas d'une humeur très guillerette et cela n'était pas sans accentuer sa déprime.

"Est-ce que ça va ?"

Se furent les seuls mots prononcés par la belle blonde, pourquoi s'inquiétait elle de comment pouvait aller Ayane alors qu'elle ne l'avait jamais vu auparavant ? Dans tous les cas, la princesse ne se souvenait pas l'avoir croisé où que ce soit durant son périple et puis ce n'était pas le genre de femme que l'on oubliait à première vue. Séchant les perles d'eau dégoulinante, elle se remit sur pied afin de saluer cette étrange bienfaitrice comme la tradition Jinmen l'exigeait sans quoi l'adolescente aurait eu honte de son comportement devant une telle bonté.

"J'ai connu mieux pour tout vous dire. Je vous remercie de vous inquiéter pour moi mais je ne crois pas vous connaître, peut être me trompais-je ? Je viens d'Oyashima et je suis hébergée par le Temple pendant quelques temps, nous y serions nous croisées ? En tout je vous présente mes excuses si tel est le cas."

La Jinmen semblait gênée d'avoir été épiée dans de telles circonstances, quelle honte de se retrouver à prier des dieux qui n'étaient pas les siens en quête d'un soupçon d'espoir mais peut être qu'il restait à la princesse une chance de sauver les apparences. Hilina était une déesse astorg et son interlocutrice ressemblait en de nombreux points à une astorg, l'occasion était trop belle pour ne pas en profiter.

"Cette déesse est magnifique, Hilina déesse de la joie et de la musique. La connaîtriez vous par hasard ? Elle m'intrigue énormément et je n'ose pas déranger les prêtres avec mes questions, peut être pourriez-vous me parler davantage de cette divinité. Je ne connais pas très bien vos dieux, mis à part ce que j'ai pu en lire et encore certains dieux ne figurent pas dans les livres à ce que j'ai comprendre !"

La fillette d'Hoshizora prit également un peu de temps pour détailler la femme qui se trouvait en face d'elle, un jolie brin de fille qui sortait à peine de la puberté mais qui promettait une foule d'amants à ses pieds mais Ayane admirait régulièrement les femmes astorgs qui arboraient une magnifique chevelure dorée. Son interlocutrice avait aussi l'air de prendre soin d'elle, un corps entretenu et svelte ainsi qu'une peau douce et lisse mais également un charme certain qui faisait d'elle une créature de rêve.

"Vous êtes belle... Comment vous appelez vous d'aileurs ?"

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