[FH] Nostalgie (PV Jelenna)

Un autre battement d’aile, une serre qui ce pose sur le rebord du balcon tandis qu’une botte apparait bientôt suivit du reste du corps. Mes yeux reviennent en arrière pour embrasser la cité. Muria…Je n’aurais jamais imaginé de mon vivant revenir ici de mon plein gré. Pourtant malgré tout, il y avait une note de nostalgie hantant ce cœur vide qui était le mien. Une cité qui avait vu naitre les premières alliances contre le Dieu Maudit pour finir au centre de bien des intrigues.

Difficile de ne pas apprécier l’ironie de la situation. J’étais certainement l’un des rares hommes à pouvoir revenir ici quand il me plaisait malgré le fait que les personnes de ma condition n’y étaient pas les bienvenues. Même lorsque je n’étais que le Consort de la Princesse Amazone, je n’étais au mieux que toléré. Cependant, je ne pouvais pas vraiment dire que j’avais fais des efforts pour m’intégrer de même que les amazones ne pouvaient se permettre de m’apprécier. D’un commun accord, nous étions restés dans un silence respectueux.

Mes pas se détournèrent de la vision de Muria pour s’enfoncer dans la chambre qui m’attendait. La raison de ma venue ici ainsi que des risques que je prenais avaient une origine particulièrement simple. De là où je me trouvais, je n’avais que des vagues échos d’Azthia et ce qui vous ronge le plus dans la mort, c’était de savoir comment avait évolué les choses en votre absence. Ce que désirait ma curiosité, c’était de constater quel fruit avait éclos de la vie que j’avais sacrifié pour la jeune demoiselle.

Savoir si je pouvais être fier de mon acte ou si je n’étais définitivement qu’un pauvre fou.

Un petit détour sur la voie de mon devoir, mais quelque chose qui me tenait a cœur même si je n’étais plus vraiment un Capitaine de Silmarie. J’aurais du essayer d’oublier tout cela et tenter de me racheter sous ma nouvelle identité. Pourtant je ne pouvais me défaire de cette curiosité à laquelle j’étais si lié au point que même la mort n’avait pu me la retirer. Je n’avais pas vraiment besoin de la voir. Je voulais juste observer son environnement, ce qui m’en apprendrait tout autant. La dernière chose que je désirais était bien d’être reconnu…Je n’étais pas vraiment libre de mes choix. Je ne pouvais endosser a nouveau le nom qui était le mien sans devoir assumer des responsabilités.

Pour le moment, j’étais Vaillance et j’avais un rang a tenir. Aux Prêtresses de décider si oui ou non je pouvais reprendre un jour le court de ma vie d’antan. En admettant que j’avais envie de la reprendre…Eléa avait certainement refait sa vie avec le temps. Un autre Capitaine avait déjà prit ma place pour défendre Silmarie, un autre Tuteur pour guider la Grande Prêtresse, de nouveaux enjeux dont je ne connaissais rien…Je n’étais qu’un vieux guerrier dont la guerre était désormais la seule chose que je connaissais et maîtrisait.

Ca et la magie

Je laissais mes yeux admirer les livres et les tenues princières. La petite femme avait bien grandie elle aussi, elle ne se souvenait probablement pas de moi. Il n’y avait aucune trace d’un objet m’ayant appartenu ou même une représentation. C’était certainement la meilleure chose a faire…Eléa n’aurait certainement pas apprécié posséder quelque chose m’ayant appartenu ou croiser ma tête tout les jours en passant dans un couloir.

Même si au fond, il y avait quelque chose s’apparentant à de la tristesse. C’était encore ténu mais bien présent, tenant compagnie a la nostalgie. Je m’assis sur le bord du lit en regardant la pièce une nouvelle fois. Je ne doutais pas que Jéléna avait sut profiter de cette occasion pour vivre sa vie pleinement sans aucun remord. C’était plus qu’il ne m’en fallait et je ne doutais pas que d’autre la protégeait et la guidait maintenant.

Mes oreilles se dressèrent en relevant un bruit dans le couloir. Certainement une servante qui arrivait…Je m’allongeais dans le lit, prenant l’apparence d’un chat pour le moment. C’était encore la meilleure chose a faire pour ne pas éveiller les suspicions.

Quatre longues années déjà que la demoiselle vivait « seule » à Muria. Elle devait gérer son frère qui grandissait au sein d'une cité de femmes qui détestaient pour la plupart la moindre représentation masculine, ses jeunes sœurs qui grandissaient à leur rythme sans aucune figure parentale depuis la mort de Jacen et Philéa et enfin, sa nièce qui devait apprendre à devenir reine en l'absence de sa mère et ce, malgré son jeune âge. Et puis … il y avait la cité toute entière à diriger en l'absence d'Eléa. Depuis que sa sœur aînée était retenue prisonnière, c'était bien elle, petite princesse bis, qui devait se charger de veiller sur Muria et ses Amazones. Il était loin le temps où leur mère régnait sans partage sur la cité de ses ancêtres, plus loin encore celui où ils avaient tous ensemble formé une vraie famille. Tout cela ne raisonnaient plus dans la mémoire des plus jeunes et manquaient cruellement aux plus âgés. Sansa et Lyanna étaient un peu trop petites pour se souvenir avec précision de leur vie de famille mais Lukhàs regrettait l'absence prolongée de la Reine Amazone et la mort de leurs deux parents. Handicapé par sa naissance mâle, blessé physiquement si bien qu'il n'avait pu remarcher que deux ou trois ans après, et devenu Sensible beaucoup plus tôt que ses sœurs, voilà qui n'aidait en rien le jeune prince à se faire une place. Aedan était également perturbée. A quatorze ans, on lui demandait d'être aussi parfaite et forte qu'une femme de la trempe de sa mère ou de sa grand mère. C'était tout bonnement impensable et la gamine était très vite dépassée par le moindre événement, la moindre contrariété. Jelenna faisait tout pour la soulager mais elle ne pouvait pas apprendre le métier de souveraine à sa place.

Eléa était loin. Trop loin pour remplir son rôle. La réincarnation de Diane savait pertinemment que sa quête était une pure folie pourtant, elle avait été incapable de la faire changer d'avis ou pour ainsi dire, elle n'avait même pas essayé. En réalité, c'était peine perdue et la petite n'avait pas eu le cœur à combattre la dame sur un terrain qu'elle savait devenu trop glissant. Aussi, elle avait échafaudé ce qui permettait à l'aînée de survivre à Cydonia malgré sa tentative d'assassinat. C'était sans doutes pour cela qu'elle se rendait tous les jours auprès de Thémis Clari, sa précieuse prisonnière à qui elle avait enlevé sa liberté pour sauver sa sœur.

« Comment allez-vous aujourd'hui mademoiselle Clari ? »

Jelenna n'avait jamais perdu ses bonnes habitudes, elle traitait avec respect tout le monde et plus encore lorsque la personne était docilement prisonnière depuis de longues années et fille du Consul de l'une des plus puissantes cités d'Azthia. Elle tenta un sourire mais le cœur n'y était pas. Coupable, elle l'avait été en programmant son enlèvement et celui de ses enfants, mais aujourd'hui, elle était surtout coupable de priver cette mère et son fils de leur patrie. La jeune femme lui répondit par un sourire, la rappelant à l'ordre en lui disant qu'elle ne devait pas la vouvoyer. Thémis était tellement gentille, tellement douce malgré les circonstances … elle qui avait risqué sa vie pour rencontrer Jelenna lorsqu'Azael la maintenait prisonnière … La princesse s'en voulait d'autant plus. Elle resta, comme chaque matin, près d'une heure à discuter avec la dame et vérifier que rien ne lui manquait car au sein de la cité, Thémis était tout à fait libre et il était interdit de toucher à son fils qui devait le seul garçon de la cité à suivre les enseignements prodigués au jeune prince.

De retour au palais, l'Amazone réveilla le plus jeunes qui paraissaient au lit pour les inciter à se dépêcher d'aller suivre leurs enseignements. Elle passa ensuite dans la salle du trône pour récupérer le paquet de lettres et autres papiers qu'elle avait laissé en plan la veille et retourna dans sa chambre. L'absence d'Haiiro lui serra une nouvelle fois le cœur. La vieille louve cendrée était restée tellement longtemps à ses côtés … Kurosu était mort durant la bataille de Tamawa et Onii avait dépéri après le départ d'Eléa si bien que la vieille louve était restée, seule, aux côtés de la petite famille endeuillée. Désormais, son absence pesait lourd sur le cœur de la demoiselle.

« Aedan, je sais que tu es là, entre. »

Amusée, elle regarda l'adolescente pointer le bout de son nez dans la chambre et lui sourire timidement. Elle cherchait une excuse pour manquer son cours de diplomatie et Jelenna en était comme d'habitude contrariée. Elle n'était pas sa mère, uniquement sa tante et elle ne pouvait pas toujours endosser tous les rôles à la perfection. Fatiguée par le comportement de la demoiselle, elle resta ferme bien que sa voix soit toute aussi douce que d'habitude.

« Aedan, je t'ai dit non, va à ton cours, nous verrons de... »

Jelenna se tut. Elle venait de sentir quelque chose qui la surprit au point qu'elle se retourna dans la direction que lui indiquait son Esprit. C'était tout bonnement impossible. Attirée par l'aura qu'elle sentait, elle se dirigea vers le lit, oubliant totalement la petite princesse bougonne et sa requête. Un chat se tenait sur ledit lit et la regardait. Elle l'observa avec attention et sentit les larmes monter. C'était impossible, impensable ! Pourtant, son don ne lui avait jusque là jamais menti, elle ne pouvait pas se tromper.

« Jel' ? »
« Aedan, va à ton cours s'il te plaît, nous en reparlerons tout à l'heure. »

L'attitude étrange de sa tante poussa l'adolescente à quitter la pièce sans insister. Jelenna ne s'était pas retournée une seconde pour la regarder partir mais elle savait que sa nièce avait quitté la pièce était se dirigeait sans doutes vers son cours de diplomatie. Elle en aurait grand besoin vu son caractère. Mais pour l'heure, une seule chose attirait son regard, ce chat. Et, dans un murmure, elle prononça l'impensable:

« Maître Galathil ? »

Le temps possède lui aussi une magie qui lui est propre…Il est si lent et pourtant il réserve encore bien des surprises. Ces années passées dans le monde astral m’avait laissé une marque que je ne pouvais nier mais avait du altérer en partie ma mémoire. Comment pouvais penser que je pouvais tromper avec autant d’aisance la réincarnation d’une autre déesse sans parler des dons de la jeune femme en matière d’esprit ?

Un don lui provenant certainement de son templier de père.

Mais c’était là encore une chose dont je ne m’étais pas encore très bien rendu compte sur l’instant. Tout ce que je voyais pour le moment, c’était la petite fille d’autrefois. Toujours dans les jupons de sa sœur et qui aujourd’hui possédait la grâce et l’assurance d’une jeune femme. Le poids des responsabilités l’ayant certainement fait vieillir prématurément pour lui donner cette maturité. Elle avait bien grandie et malgré les épreuves qu’elle avait du traverser pour en arriver là, je devais avouer que j’appréciais de la voir en bonne santé.

Ma tête féline se coucha sur les draps, m’allongeant de tout mon long tel que l’aurait fait n’importe quel chat devant des draps propres. Je battis ma queue en observant la jeune femme dans ces pensées lorsqu’une autre damoiselle ne tarda pas à faire son apparition.

Il y avait quelque chose de définitivement étrange chez cette fillette.

Elle possédait des traits résolument elfique pour ne pas dire presque familier. Ce n’était pas pour autant que j’étais capable de dire à qui elle me faisait penser. Si elle suivait des cours ici, elle n’était définitivement pas une servante…La fille d’une dignitaire de la cité ? En tout cas, elle me rappelait ce que je pouvais être plus jeune…Les cours assommants de mon ancien maître m’inspirait toujours la fuite de la manière la plus imaginative possible.

Aedan

C’était tout de même étrange cette référence au feu pour une demi elfe. Est-ce que ma mort avait inspiré une génération de nom de cet acabit ? Une étrange conséquence de mes actes, j’avais toujours eu du mal à croire que j’avais une telle influence sur mes anciens compatriotes. Paradoxalement, je n’imaginais pas un seul d’entre eux ne pas me suivre au cœur de la bataille alors que leur vie et leurs familles étaient en jeu. Même s’il s’agissait d’un rêve de la Grande Prêtresse, j’imaginais combien il était difficile pour tant de soldat de suivre des ordres en abandonnant derrière eux tout ce qui leur était cher. Un simple avertissement qui avait pourtant réussit a réunir tout le monde dans un combat qu’on pensait pourtant perdu d’avance.

C’est là que Jelena releva son regard dans ma direction et que je m’aperçu de mon erreur. J’aurais du fuir quand j’en avais encore l’occasion et non tenter de me dissimuler ne sachant ce qui m’attendrait.

‘‘Meow ?’’

Je m’assis sur le lit, agitant mes pattes pour faire un semblant de toilette, imitant le chat tel que je le connaissais pendant que la princesse éconduisait les demi elfe. J’espérais encore maintenir les apparences assez longtemps pour que le doute s’installe mais quand elle prononça ce nom maudit…Il m’apparaissait impossible de les maintenir. Après tout, il s’agissait là d’une personne qui avait recueillit mes dernières paroles et qui m’avait côtoyé assez longtemps pour reconnaitre mon âme quelque soit la forme qu’elle adoptait.

Je descendis du lit, reprenant peu à peu l’apparence qui était la mienne…Et qui devait être bien loin de celle que devait connaitre la jeune princesse. Ma main se leva, trouvant les cheveux dans une caresse bienveillante.

‘‘Ainsi donc, il y a encore des gens capables de ce souvenir de ce nom et de le pleurer’’

Tous ceux que j’avais rencontrés jusqu’ici trouvaient mon nom et mon prénom bien trop compliqué à leur goût. Mais j’étais surtout étonné qu’après autant de temps, je ne sois pas simplement devenu un vieux souvenir qui s’estompait. Un rêve étrange auquel on ne sait progressivement plus donner vie.

‘‘Ta soeur ne t'a donc jamais dis de ne jamais verser de larme pour des bons à rien ?Sainte lumière, ne va pas m'obliger a revenir des morts a chaque fois pour essuyer tes larmes…C'est pas vraiment la porte à coté’’

Je retirais ma main lentement.

‘‘…Mais content de constater que tu reste la même petite fille que j’ai autrefois connue. Certaines choses ne changent pas’’

Le cœur de la jeune femme battait la chamade sans qu'elle ne cherche à le calmer. Elle était persuadée de ce qu'elle avançait et pourtant, c'était impossible … Maître Feanaro Galathil était mort durant la dernière bataille, la bataille des Rois. Elle ne pouvait pas se tromper, encore enfant, elle avait assisté à cette scène horrible … Le Capitaine des armées elfiques était tombé devant les yeux embués de larmes de l'enfant. C'était pour sauver sa misérable vie qu'il avait offert sans hésité la sienne et depuis, il ne s'était pas passé un seul jour sans que Jelenna n'ai remercié le ciel de lui avoir offert cette existence. Eléa lui avait fait promettre de ne pas s'en vouloir. La petite fille qu'elle était à l'époque avait tenté de sourire mais n'avait pas réussi, aujourd'hui encore, chaque jour qu'elle voyait Aedan, leur fille, grandir sans père, elle se sentait coupable. La Reine Amazone avait élevé sa fille dans le respect de la mémoire de son défunt père. Bien que beaucoup de choses les aient séparés de son vivant, Eléa respectait la mémoire de son ancien fiancé et, avec calme et passion, elle dépeignait un portrait parfois très flatteur de l'Elfe. Pour sa part, la petite princesse bis s'était toujours demandé ce qu'il se serait passé si elle n'avait pas été enfermée dans cette tour. Aedan vivrait aux côtés de son père et non chevauchant sans cesse son souvenir, cherchant à s'identifier à la brume. Eléa aurait certainement mieux supporté la mort de leurs parents avec un homme à ses côtés et sans doutes ne serait-elle pas mis à croire dur comme fer qu'elle apportait le malheur aux hommes qui l'approchaient.

Jelenna fit un nouveau pas en direction du lit et de son étrange invité. Il était impossible que Feanaro ai pu survivre, elle avait vu de ses yeux le cercueil où reposait son corps être enterré. Elle avait vu Eléa cracher dessus de colère et de haine et pleurer en silence tandis que les Elfes honoraient une dernière fois ce qui fut leur Capitaine. Il avait été un grand homme, un grand Capitaine même si la fin lui avait fait perdre la raison. Tous devaient à son sacrifice, Jelenna la première. Pour autant, il était impossible qu'elle ressente cette âme. Et pourtant, pouvait-elle seulement se tromper ? Son don ne l'avait jamais trahie, pas une seule fois, pas un seul jour, elle avait toujours pu compter sur lui et pourtant, elle se sentait tellement bête de croire à ce mince espoir. Dix ans après, non, presque quinze en réalité, c'était tout bonnement impossible. Et pourtant, ce chat, ce chat possédait un morceau du Capitaine, c'était indéniable.

Et la magie opéra.

Ce qui fut chat l'espace d'un instant était devenu Elfe. Ses traits étaient différents de ce qu'elle connaissait, sa voix lorsqu'il parla l'était également, ses yeux, ses cheveux, rien ne ressemblait à ce qu'elle avait connu de Feanaro. Pourtant, elle n'appela pas les gardes, elle ne cria pas de voir cet inconnu dans sa chambre, encore moins de le voir s'avancer vers elle et d'ébouriffer ses cheveux par une caresse bienveillante. Une caresse qui avait un goût de souvenir. Feanaro Galathil se tenait devant elle, à n'en point douter. Désormais, le doutes n'était plus permis, il était bel et bien là.

« Je n'ai jamais cessé de vous pleurer. » murmura-t-elle en enfouissant son visage sur le torse de l'Elfe.

Cette chaleur aussi était différente de celle qu'il avait connu un jour. Pourtant, elle lui était tout aussi étrangement familière et terriblement rassurante. Blottie contre lui, elle redevint l'espace d'un instant la petite fille de huit ans à peine qu'il avait abandonné des années plus tôt. Les remarques qui suivirent ne la surprirent pas et au contraire, lui tirèrent un sourire. Elle dégagea son visage lorsqu'il retira sa main et le dévisagea. Il n'était pas Feanaro Galathil mais en même temps, il l'était. C'était un véritable paradoxe certes mais Jelenna le sentait au fond d'elle, il n'avait pas changé.

« Qui de celle qui vous a retiré votre vie ou de celui qui a offert la sienne pour protéger autrui est le plus bon à rien ? » lança-t-elle non sans malice.

Elle devait l'avouer, il lui avait manqué. Feanaro avait toujours été le seul homme dans la vie d'Eléa à lui apporter un tant soit peu de calme et de paix. Bien que la Cydienne ne veuille pas l'avouer, elle avait toujours eut un faible pour le Capitaine et c'était pour cette raison qu'elle n'était pas prête à lui céder quoi que ce soit. Si elle reconnaissait maintenant ses erreurs, il n'était plus temps de les regretter. La mort avait tracé un pont infranchissable entre eux.

« Vous exagérez, j'ai grandi ! » poursuivit-elle, de nouveau taquine, comme l'enfant qu'elle fut jadis, « Je suis tellement contente que vous soyez ici mais … vous êtes si différent et ... » la jeune femme recouvra son sérieux soudainement et recula d'un pas avant de poursuivre, « Je ne comprends pas, comment pouvez vous être là ? Je vous ai vu tomber sous les coups de l'ennemi, j'ai vu votre corps enfoui sous terre. Pourquoi être resté si loin de nous toutes ces années ? »

Elle détailla à nouveau Feanaro sans ajouter un mot. Devait-elle lui parler de sa fille ? De la capture de sa femme ? Savait-il tout cela ? Etait-ce pour cela qu'il était revenu près d'elle aujourd'hui précisément ? Jelenna l'ignorait aussi, elle préférait attendre qu'il parle de lui-même pour connaître l'état de ses connaissances et surtout, ce qu'il venait faire ici. De son vivant, le Capitaine n'avait jamais fait les choses au hasard, si était là, ce n'était pas pour rien. Timidement néanmoins, Jelenna lui sourit, ce même sourire qu'elle portait jadis enfant.

Car certaines choses ne changeaient jamais.

C’était étrange de penser qu’il suffisait que cette petite fille viennent a nouveau chercher refuge contre moi pour que…Pour penser l’espace d’un instant que je n’étais jamais vraiment partis. Que cet élan d’affection si naturel était la preuve que tout ceci n’avait été qu’un cauchemar. Que je n’avais jamais du endurer la mort puis l’errance sur les terres astrales. Que je n’avais au final rien perdu de très important.

Peut être que sans le vouloir, je serrais cette frêle jeune fille un peu plus contre moi. J’aurais volontiers versé quelques larmes si j’avais pu me souvenir comment faire. Ce qui n’empêcha en rien mon cœur de battre un rythme plus soutenue sous la pression de ce corps tendre contre le mien. Mes sens s’enivrant sans le vouloir au contact de la chaleur et la douceur de cette peau sous mes doigts. Qu’il m’était cruel d’avoir oublié une pareille sensation qui déferlait à nouveau en moi.

Mais le sentiment qui dominait en cet instant, c’était certainement la terreur. Sous sa forme la plus absolue et la plus pure qui me revenait sous les traits d’une flèche. De cette douleur atroce qui m’avait hanté alors que l’air fuyait mes poumons, de ce désespoir abyssal devant cette fin que l’on sait proche…La suffocation…Les battements de plus en plus lent…Puis ce vide qui vous habite définitivement. Plus jamais je ne désirais revivre cela…Perdre quelque chose d’aussi doux qu’une simple étreinte d’une personne a qui vous manquiez.

Je me rendais compte a quel point j’avais été bravache.

A quel point ma connaissance de la peur avait été superficielle durant toute ma vie.

‘’Je n’ai jamais pensé un seul jour que tu m’avais retiré la vie…Ni que je suis mort par ta faute…Et encore moins que tu étais responsable de quoique ce soit’’

Je la laissais reculer et quitter mes bras pour l’embrasser du regard. Sur mon visage, une vague expression de fierté s’étira dans un demi-sourire. Mes yeux perdus dans le souvenir de tout ce que j’avais pu vivre depuis le retour d’Erathia. Mes doutes, mes erreurs, mes rares moments de joie, de gloire éphémère…

‘’ Je suis né dans une famille aux ascendances nobles même si mon père rejeta tout cela parce qu’il se trouvait trop laid pour mériter son héritage. J’ai passé mon enfance dans les collines brumeuses à jouer avec les esprits. J’ai baigné dans les histoires de mon père parlant de chevalerie et de mort glorieuse sur le champs de bataille. D’hommes sans peur défiant des dragons et offrant leur vie au grand amour. J’ai été éduqué pour être un druide et un diplomate pour finir par être guerrier. J’étais si heureux le jour où j’ai compris que je pourrais enfin me dévouer a quelqu’un corps et âme…’’

Je grimaçais en grattant mes cheveux l’air tout a fait gêné.

‘‘…Bon j’ai été rapidement déçu par son comportement et ces choix…Mais j’ai finalement pu mourir l’épée a la main dans une bataille qui restera gravé dans les mémoires pour les siècles des siècles. Et en plus en sauvant quelqu’un de très important pour moi. Je trouve que ma vie a été un véritable roman. J’ai eu une très bonne vie et j’ai pu avoir une bonne mort. J’ai été béni par les dieux et je leur en suis reconnaissant’’

Je croisais les bras en dodelinant de la tête.

‘‘…D’accord, j’aurais bien aimé avoir une statue a ma gloire et quelques chansons pour vanter mon esprit héroïque mais bon, je trouve que c’est déjà pas si mal que ça.’’

J’essayais de sourire en me penchant sur Jelena dont je pris le menton pour mieux la détailler.

‘‘Mais je veux bien te concéder que tu as grandi jeune fille. J’aurais été le jeune elfe insouciant de mes vingt ans j’aurais volontiers écrit des poèmes vantant ta beauté. Qui sait, je t’aurais peut être enlevée en te promettant un amour éternel ?’’

Je ris doucement avant de lui ébouriffer les cheveux une nouvelle fois. Une sensation qui me manquait atrocement depuis que je l’avais a nouveau fait quelques instants plus tôt…Depuis que je me souvenais un peu de ce que cela faisait d’être moi.

‘‘Maintenant pour répondre a tes questions…Je suis effectivement tombé sur le champs de bataille. Tout comme tu m’as vu être enterré…Bien que j’ai toujours détesté cette idée. J’aurais préféré être incinéré mais je suppose que la question n’est pas là. Alors comment t’expliquer cela simplement’’

Je m’assis sur un coin du lit me grattant l’arrière de la tête assez gêné une nouvelle fois.

‘‘La version courte, c’est que j’ai fais des choses pas très…Disons…Tu te souviens quand Guerre a mystérieusement disparut un temps quand je l’ai affronté ? Qu’il n’a pu attaquer personne jusqu’à la bataille finale ou presque ? C’était…Pas vraiment un hasard. Je l’ai gardé enfermé en moi…Un pouvoir que j’ai acquis en passant un pacte avec ma Déesse. ’’

C’était particulièrement géant d’en parler assez ouvertement, je jouais avec mes doigts tel un adolescent prit en faute.

‘‘Enfin avec les anciennes prêtresses pour le coup. Résultat des courses, je me suis retrouvé a devoir honorer mon serment sur les plaines astral. Ce qui est assez horrible comme sensation, mon esprit a commencé a s’étioler tout comme mes souvenirs. J’ai fini par devenir un esprit dédié a la Vaillance…J’aide les âmes en peine perdu dans le monde astral…Parfois je donne un peu de force aux elfes dans le besoin… ’’

Je relevais le regard

‘‘J’ai réussi un tour de force en trompant ainsi la mort mais j’en ai payé le prix fort. Je ne suis plus vraiment libre et si je suis ici, c’est parce qu’Elles me l’ont demandées. Je ne sais pas exactement ce qui va se produire mais je devrais respecter pour le moment une certaine neutralité. Après tout, je n’ai plus vraiment de nom et mon temps est passé…Mais après comme j’ai jamais été foutu de respecter les règles de mon vivant, je vois pas pourquoi je le ferrais maintenant.’’

Je roulais des yeux avant de revenir sur elle.

‘‘Tout comme mon destin ne pourra jamais être arrêté…On ne pourra jamais m’empêcher de te protéger petite fille. Même la mort n’y aura pas suffit rend toi compte alors qu’est ce que quelques années.’’

Jelenna observait son interlocuteur avec sérieux. S'il était bien là, elle doutait qu'il reste, elle craignait qu'il disparaisse à nouveau et pire que tout, elle doutait qu'Eléa fusse capable de lui pardonner sa désertion, son abandon pendant ces quinze dernières années. Jamais sa sœur aînée ne serait capable de lui pardonner cela … Elle même se sentait étrange face à cette situation, heureuse de le retrouver évidemment mais tellement triste qu'il les ai fuit pendant toutes ces années. Avait-il pris peur de sa paternité nouvelle ? De ce qu'elle signifiait ? C'était impossible, cela ne correspondait pas à son caractère et de mémoire, jamais Eléa ne lui avait confié ce secret. Dans tous les cas, la princesse l'avait vu tomber sous les coups des Erathiens et avait vu sa dépouille être enterrée dans la cité des brumes. Elle ne pouvait pas se tromper, elle avait assisté à la scène, horrifiée, puis pleuré sa mort en silence, laissant la douleur et la tristesse de son aînée s'exprimer à sa place.

Une onde de terreur traversa la jeune femme qui ne comprit que quelques secondes après qu'elle provenait du Capitaine. Que craignait-il ? La vérité ? Jelenna ne s'affola pas, au contraire, elle se força à garder son calme car, habituée aux accès de colère et, par le passé, de souffrance de la Reine Amazone, elle savait qu'il ne servait à rien de céder à la panique. Elle était l'ancre, le pilier de ce palais et de cette famille et avec les années, Jel' avait appris à ne jamais céder à ses émotions, pas en public néanmoins. Aerin était son pilier mais pour l'heure, l'homme était absent et ce n'était sans doutes pas plus mal. Il n'aurait que mal compris la relation qui l'unissait à Feanaro Galathil et d'autant moins qu'il le croyait mort. De plus, la princesse craignait de voir un mort revenir de l'autre monde ne réveille de vieilles plaies chez le métisse. C'était son cas, elle le comprenait désormais. Heureuse de le revoir en vie, elle regrettait cependant que ce ne fusse pas le cas de ses propres parents. Elle chassa cette pensée avec véhémence et attendit la réponse de l'Elfe, craignant malgré tout ses explications.

Les mots pourtant simples du Capitaine la libérèrent d'un poids immense. Toutes ces années, la gamine s'en était voulu de lui avoir ôté la vie, de l'avoir privé de sa liberté si chère à ses yeux et, plus que tout, de sa femme et de sa fille. Elle ne put s'empêcher malgré tout de se dire que sans elle, de nombreuses vies valeureuses auraient pu être préservées. A nouveau, elle se fit la promesse silencieuse de ne jamais plus laisser qui que ce soit se sacrifier, pour quelque noble cause que ce soit. Le monde appartenait aux vivants … n'est ce pas ? Un sourire timide se dessina sur ses lèvres pour tenter de se rassurer.

Dans un premier temps, la demoiselle fut perdu dans le flot de souvenirs que lui contait son interlocuteur. Elle ne comprenait pas très bien où il voulait en venir ni pourquoi il lui racontait tout cela mais elle écoutait avec attention ce qu'il lui dévoilait. Elle comprit lorsqu'il évoqua furtivement Nalween. D'après Eléa, c'était la faute de l'ancienne Grande Prêtresse si Feanaro avait perdu la tête dans les derniers mois de sa vie mais la souveraine ajoutait alors que si son fiancé ne s'était pas montré si obtus, comme tous ces crétins d'Elfes selon ses dires, il aurait compris le sacrifice de la Dame pour sa cité. De cette querelle, Jelenna n'en avait cure mais elle commençait à comprendre certaines choses, certains choix. Elle n'osa pas l'interrompre mais elle ne comprenait pas pourquoi il disait être mort alors qu'il était là, devant elle.

Jelenna ne put s'empêcher de sourire et de soupirer en lui lançant un regard taquin lorsqu'il évoqua la statue à sa gloire. Devait-elle lui avouer qu'Eléa chantait sa gloire et son mérite à leur petite fille depuis sa plus tendre enfance ? Il lui semblait que l'homme en face d'elle ne connaissait rien de ce secret ni de l'absence de sa fiancée. Elle préféra donc se taire pour connaître l'étendue des connaissances de son interlocuteur sur la situation.

Tandis qu'il la détaillait, elle plongea son regard dans le sien, y cherchant la chaleur et la sincérité qu'elle y avait puisé tant de fois par le passé. Calme, posé, le Capitaine avait été tout le contraire de sa grande sœur et pourtant, elle l'avait su dès les premiers instants, Eléa était tombée amoureuse de lui. Juste qu'elle n'avait pas su se l'avouer. Pourquoi sinon n'aurait-elle jamais refait sa vie depuis ? Du moins sérieusement s'entend. Pourquoi aurait-elle partagé la mémoire de feu son père avec Aedan ?

« Et votre tête aurait certainement fini au bout d'un pic à l'entrée du palais. Vous connaissez ma sœur ... »

Elle lui adressa un sourire entendu et le laissa poursuivre. Jelenna avait toujours considéré Feanaro comme un grand frère, quelqu'un sur qui on pouvait compter en toutes circonstances et le passé lui avait prouvé à quel point elle avait eu raison de se fier à lui. Sans l'Elfe aux côtés de sa sœur, elle aurait certainement perdu la tête, plus encore, elle n'aurait jamais pu pardonner à Jacen et à Philéa leur mensonges et leur absence. Quelque chose avait éclot dans le cœur de sa sœur depuis sa rencontre avec son fiancé. Jelenna quant à elle n'aurait jamais pu vivre la vie qu'elle avait aujourd'hui sans l'aide du Capitaine.

En silence, elle écouta avec attention l'histoire du jeune homme et le laissa s’asseoir sur son lit, non sans une pensée pour son gardien qui y verrait sans aucun doute possible un affront. Elle opina quand il posa une question sur Guerre. Bien sur qu'elle s'en souvenait. La suite la surprit, jamais elle n'aurait cru cela possible et pourtant, tout collait. Jelenna s'étonna de ne jamais l'avoir croisé sur les plaines astrales, elle aurait pu avec son pouvoir de ritualiste mais après tout, elle n'y avait pas encore croisé ses parents non plus …

Jelenna prit le temps d'intégrer toutes ces informations avant de reprendre la parole. Elle voulait être sure que rien ne lui échappe. L'histoire des prêtresses, de cet étrange pouvoir, si elle ne parvenait pas encore forcément à tout intégrer et tout comprendre, elle savait néanmoins qu'elle devait le croire. Elle sentait au fond d'elle qu'il n'avait pas menti. Que les prêtresses du passé lui aient confié une mission ne lui semblaient pas impossible mais elle s'inquiétait du même coup pour son amie Eloween. Elle aurait cependant le temps d'y repenser plus tard, pour l'heure, la discussion qu'elle menait était beaucoup plus importante à ses yeux. Guerre, ce don étrange, elle pouvait l'intégrer, peut être pas du premier coup, mais avec le temps. Au moins cela expliquait-il sa disparition et son retour. Ainsi que son apparence si différente. Oui, tout était logique, il lui suffisait juste d'assembler les pièces du puzzle pour que tout devienne limpide. D'un geste lent et mesuré, elle se rapprocha de lui et se planta, bien droite et fière, comme sa sœur le faisait si souvent par le passé, et plongea son regard dans celui de l'Elfe avant de lui répondre.

« Vous êtes et serez toujours Feanaro Galathil n'est ce pas ? Je comprends mieux votre absence mais vous savez, vous ne devez pas vous inquiéter pour moi, vous avez offert votre vie pour sauver la mienne une fois, je me refuserais à vous demander un tel sacrifice une seconde fois, je ne pourrais jamais vous le pardonner. Vous nous avez tellement manqué ces dernières années. » elle lui sourit avec tendresse et reprit, plus hésitante cette fois« Maître Galathil, vous êtes revenu pour les prêtresses et si pour l'heure votre mission ne vous est pas encore apparue, jusqu'où vont vos connaissances de notre monde ? »

Elle ne pouvait se résoudre à lui avouer tout cela sans savoir ce qu'il savait de prime abord. Tant de secrets et si peu de temps … Jelenna craignait qu'il ne doive repartir et disparaître une nouvelle fois. Après l'avoir retrouvé, elle se sentait incapable de le voir repartir une seconde fois. Avec un sourire doux, elle acheva le cours de ses pensées par une vérité simple, mais qu'elle souhaitait depuis longtemps qu'il entende.

« Vous m'avez beaucoup manqué maître Feanaro. Je suis heureuse de vous revoir. »

Je n’étais plus un elfe

Je n’étais plus un capitaine depuis longtemps

…Encore moins digne de la vie qui m’avait été offerte ou de porter un nom. Pourtant en cet instant, j’éprouvais quelque chose s’apparentant à de la fierté en regardant cette jeune fille qui n’était pas la mienne. Je n’étais pas un père mais j’avais désormais une idée de ce que l’on pouvait ressentir alors en voyant une jeune vie grandir jusqu’à surpasser tout ce que vous pourriez imaginer.

Je l’avais toujours vu en petite fille se réfugiant derrière sa sœur, tremblant de peur et la voilà arborant la même mine emplit de fierté toute amazone. Parlant sans trembler devant un esprit revenu d’entre les morts…Cela aurait pu être un piège orchestré par une nouvelle divinité et pourtant elle préférait de loin faire confiance en son jugement et ces propres capacités.

Je n’y étais pas pour grand-chose mais c’était une bonne chose d’avoir un peu contribué a ce joyau.

‘‘C’est une question a laquelle il m’est difficile de répondre. Le temps n’épargne pas les esprits et certains de mes souvenirs commencent a s’étioler…Mais je suppose que cela ne change pas ma nature profonde’’

…Certainement au grand dam de la population féminine d’Azthia…

‘‘Et puis ce n’est pas une question de demande. Si je me suis sacrifié c’est parce que je l’ai voulus et si je dois a nouveau disparaitre…C’est une chose qui arrivera. ’’

Quelque chose que je répugnais à envisager. Rien n’indiquait que la fin de ma mission me permettrait de rester parmi les vivants.

‘‘Mais rassure toi, visiblement rien n’est jamais longtemps définitif avec moi. Même s’il m’arrivait quelque chose, je finirais toujours par revenir. Je suis comme la mauvaise herbe, personne ne peut se débarrasser de moi très longtemps. ’’

Ce n’était pas un brin d’humour qui allait me tuer. Voir a nouveau Jelena m’avait replongé dans la terreur d’une mort prochaine que j’avais presque réussi a oublier. Plus je la voyais et moins j’avais envie de retourner dans le monde astral. Repasser par les incertitudes d’une mort prochaine…Et si les prêtresses considérait qu’elles n’avaient plus besoin de moi ? Qu’elle me retirait ce corps et me permettait de goûter a l’ultime repos ? J’avais déjà traversé tant de chose mais j’étais toujours aussi impuissant. Il n’y avait rien de sûr ni sur quoi me reposer.

Je regrettais vraiment l’insouciance d’autre fois.

Maudit soit mon destin

Je souriais néanmoins en regardant cette jeune fille tellement plus courageuse que moi

‘‘Tu ne devrais pas m’appeler maître. Je vais me sentir mal vis-à-vis de ceux qui méritent vraiment ce titre. Appelle moi par mon prénom si tu le souhaite ou par son diminutif…Mais merci Jéléna. Tu es bien l’une des rares a apprécier cette vieille tête de mule coureur de jupon que je peux être. ’’

Je n’avais jamais vraiment été un maître en quoique ce soit. Je n’avais jamais vraiment eu de disciple non plus, ni de titre dont je pouvais me prévaloir devant une princesse. Je n’étais qu’un simple esprit parmi tant d’autre. Je caressais a nouveau les cheveux de la jeune fille

‘‘Merci d’avoir cru en moi. Merci pour tous ces sentiments…J’ai…Très longtemps hésité avant de venir ici. Je ne pensais pas avoir le droit de venir vous voir mais je ne pouvais vraiment m’empêcher de vouloir constater de mes propres yeux si vous alliez bien ’’

Leger malaise

‘‘Eléa aurait sans doute été gênée de rencontrer dans ces couloirs le fantôme d’un ex-fiancé aussi horrible que moi et je ne sais pas comment j’aurais réagis non plus…Devant…Enfin…Certaines choses tu vois…Enfin pour répondre a ta question, je ne sais que peu de chose. Ce n’est pas comme si j’avais pu hanter certains endroits, le peu que je sais, je l’ai vu par l’entremise de mage perdu dans le monde astral. ’’

Quoi qu'elle puisse lui avouer, quoi qu'elle puisse dire, Jelenna avait et serait toujours sincère envers Feanaro. La première fois qu'elle l'avait rencontré, la petite fille s'était sentie agressée, non pas par l'Elfe mais par sa position auprès de sa sœur aînée. Elle ne devait avoir que sept ou huit ans et Eléa était SA grande sœur que personne ne pouvait lui voler, que personne n'avait le droit de lui prendre. Sans être méchante envers lui, elle se souvenait s'être montrée plus renfermée et moins sociable. Pourtant, le Capitaine l'avait toujours traitée avec gentillesse et avec respect et il ne lui avait pas fallu bien longtemps pour l'apprécier et « l'adopter ». D'autant plus lorsqu'elle s'était rendue compte que, malgré ses dires et ses actes, sa bécasse de sœur était tombée amoureuse de lui. Eléa était trop fière pour l'avouer, trop entêtée pour le reconnaître mais la naissance de ce sentiment l'avait changée et métamorphosée. C'était en grande partie sans doutes ce qui avait forcé la gamine qu'elle était à changer d'avis sur son futur beau frère et à tenter de le comprendre ou tout du moins, de le voir autrement que comme celui qui allait lui voler Eléa.

Elle ne lui mentirait pas. Ca aussi, la petite fille se l'était promis. Comme Eléa et elle s'étaient promis de ne jamais mentir à Aedan au sujet de son défunt père. La Reine avait élevé sa fille dans le respect et l'honneur de la mémoire de son ancêtre et elle tenait à ce que, malgré tout ce qui avait pu l'opposer à l'Elfe avait sa mort, sa petite fille soit exempt de ces tensions. Elle voulait que son héritière grandisse dans un sentiment de paix et qu'elle se forge son opinion par elle-même lorsque le moment serait venu. Ce moment viendrait d'ailleurs peut être plus vite que prévu ...quoi qu'il en soit, Jelenna, perplexe, attendait la réponse du Capitaine. Elle ne lui mentirait pas et ce, même si la vérité pouvait se montrer cruelle ou difficile. Feanaro Galathil avait sacrifié son existence à la sienne, c'était ma moindre des choses qu'elle pouvait faire pour lui.

La petite princesse bis écouta son interlocuteur et, même s'il parlait étrangement, elle se prit à sourire. Il n'avait pas changé. Enfant déjà, elle trouvait que l'Elfe s'exprimait de façon étrange et ce trait de caractère, bien que son physique soit si différent de celui qu'elle avait connu, était un signe familier qu'elle était contente de retrouver chez lui. Pourtant, ce qu'il venait de lui annoncer la refroidit quelque peu. Elle ne put s'empêcher, malgré sa bonne volonté pour la rassurer, de lui demander d'un ton anxieux [i]

« Vous voulez dire que vous pourriez repartir à tout moment ? Qu'une fois votre mission terminée, vous devrez nous quitter une nouvelle fois ?

[i]Cette perspective angoissait Jelenna. Elle appréciait l'homme mais surtout, vu ce qu'elle s'apprêtait à lui révéler, elle ne pouvait pas imaginer une seule seconde qu'il se décide à les quitter de nouveau. Pire que tout, qu'on ne lui en laisse pas la possibilité. Les réincarnations de Silmaria pouvaient-elles se montrer si cruelles envers leurs fidèles ? La demoiselle ne pouvait pas le croire, elle ne voulait surtout pas croire qu'il puisse repartir après cette rencontre inespérée. Devait-elle alors vraiment lui avouer toute la vérité au risque de le détourner de sa mission ou pire, qu'il disparaisse à nouveau ?

Sa mission … Si seulement elle pouvait la rendre éternelle. Si seulement elle pouvait faire en sorte que … Peut être que s'il apprenait la vérité, il irait chercher Eléa, il reprendrait sa vie normale ici avec elles et peut être que les prêtresses d'antan lui pardonneraient et accepteraient le bonheur auquel il n'avait pas eu le droit de son vivant la première fois ? C'était infantile et égoïste. Les Grandes Prêtresses avaient besoin de lui et jamais elle ne s'accorderait le droit de se mettre en travers de leur chemin. Elle n'était rien face au Destin. La réflexion de Galathil la tira de ses pensées et elle ne put s'empêcher de répondre, plus sèchement qu'elle l'aurait voulu

« Vous ne devriez pas penser de la sorte ! Beaucoup de gens vous apprécient encore en ce bas monde, à commencer par votre fiancée. Ma sœur a beaucoup souffert de votre disparition et si elle était très en colère à votre … mort, vous n'avez jamais cessé de lui manquer. »
Elle ne voulait pas qu'il croit qu'elle était la seule à se souvenir de lui. Il était et avait été un grand homme. Philéa disait toujours qu'on ne pouvait pas oublier les grands hommes. Jelenna la croyait.

« Je vous nommerais 'maître' s'il m'en fait envie, après tout, je suis princesse. » [i]ajouta-t-elle avec humour en lui adressant un grand sourire.

La suite lui fit comprendre ce qu'elle redoutait. Il ne savait rien. Il pensait encore qu'Eléa hantait les couloirs du palais … Jusqu'à quand remontait sa mémoire ? La jeune Régente soupira et alla s’asseoir sur le lit. Elle réfléchit de longues minutes, laissant le silence s'étiolait entre eux. Elle lui devait la vérité certes mais même si cela devait le détourner de sa mission ? Non. Elle lui devait la vérité, peu importait le reste. Les Grandes Prêtresses auraient du lui dire, elles auraient du lui avouer tout ce qui s'était passé dans la vie de ses proches. Ils étaient sa famille et il avait le droit de savoir. La jeune femme prit son souffle et débuta d'un ton lent, plein de compassion.

« Asseyez-vous Maître Feanaro, je crois que cela vaudra mieux. »[i] elle eut un pâle sourire avant de reprendre« Après votre départ – elle préférait ce mot à décès – la paix a régné un temps sur Azthia. Erathia a été confiée aux cinq cités par le biais d'un Tribunat composé d'un membre de chacune d'entre elle. Votre fiancée fut choisie pour Muria -sa voix trahissait l'honneur de cette position- mais les choses se sont vites dégradées. Le Temple a été attaqué, obligeant ses résidents à fuir dans les collines brumeuses. Sans l'aide de Muria, jamais ils n'auraient pu reprendre leur refuge. C'est … C'est dans cette bataille que Cydonia décida de nous trahir. Nouvelle pause Mon père et ma mère sont morts durant cette bataille. » énoncer la vérité lui était difficile mais elle se força en refoulant ses larmes « Liam Clari nous a trahi, il a utilisé la bataille pour tuer impunément la Reine Amazone. Mes frère et sœurs et moi-même étant trop jeunes, le trône échu à Eléa mais vous la connaissez, elle était incapable de laisser une telle injustice demeurer. Elle est partie il y a plus de quatre ans maintenant pour venger le sang des nôtres. C'est ce que Mère aurait voulu. » ajouta-t-elle tristement avant de reprendre« Depuis, Eléa est prisonnière de Cydonia. Elle ne doit sa vie qu'à la présence dans nos murs de Thémis Clari, la fille du Consul que j'ai fait capturer peu après le départ de ma sœur. Je la sais capable de s'enfuir à tout moment si elle le désire mais elle refuse de le faire, je crois qu'elle attend son heure … Je n'en suis pas sure. En attendant, je reste ici, je veille sur notre famille et … Maître Feanaro, beaucoup de choses ont changé depuis votre départ. Vous seriez tellement surpris. C'est difficile pour moi de vous résumer tout cela … Après cet incident, Aerin est venu vivre avec nous, vous avez d'ailleurs beaucoup de chance qu'il n'ai pas été là, sans quoi, il vous aurez sûrement embroché sur une flèche, enfin, ça vous aurait rappelé de bons souvenirs sans doutes avec Eléa ... » elle ne put s'empêcher de sourire devant cette boutade « Je ne sais pas jusqu'où vont vos connaissances mais sachez que le monde que vous avez connu n'est plus. Kriisten Fridèn est morte, Nalween est retenue prisonnière à Erathia, la nouvelle cité des Elfes dirigée par Thétis, quand à votre cité natale, n'ayez crainte, elle est sous la protection d'Eloween, la Grande Prêtresse qui succéda à Nalween. C'est une gentille fille vous savez, elle vous plairez je pense ! »

Jelenna se tut, elle se rendait compte qu'elle éludait la question principale en noyant littéralement Feanaro sous les informations. Elle reprit son calme et soupira avant de finalement se décider.

« Maître Feanaro, il y a une chose que ma sœur vous a caché avant votre départ. Elle n'a pas eu le temps de vous l'avouer je pense mais peu importe. Sachez qu'elle lui a apporté tout l'amour qu'elle pouvait et qu'elle vous a toujours gardé en son cœur. Pour ainsi, dire, une partie de vous a toujours continué à vivre à nos côtés. »

Jelenna se tut, ne parvenant pas à trouver les mots.

J’étais dans une position privilégiée…Je le savais parfaitement. Il était rare que quelqu’un censé être mort depuis longtemps ai l’occasion d’entendre que beaucoup de gens pensaient encore à lui. Je ne savais pas comment prendre cette nouvelle. Techniquement parlant Jelena et Eléa ca faisait deux personnes et que dans ce cas on pouvait dire raisonnablement que des personnes honorait encore ma mémoire.

Ceci dit si on rajoutait tout ceux qui me maudissait de leur vivant alors oui, je vivais encore dans la mémoire de beaucoup de personne.

Une idée qui m’amusait, il est vrai. Cependant je n’avais jamais vraiment ressentis de différence que ce soit ici ou sur les plaines astrales. Je n’avais pas pu sentir leurs pensées, ni même leurs présences, que ce soit de l’amour ou de la haine tout cela m’était étranger. Etait ce parce que j’étais dans une position particulière ? Est-ce que les âmes après la mort étaient véritablement coupés des pensées des gens qui leurs sont cher ?

Ironique de penser que j’étais probablement le mieux placé pour répondre a cette question dont la réponse m’emplissait d’une tristesse presque nostalgique. Néanmoins j’étais étonné de voir que la petite princesse était si désireuse de me voir rester…Et j’étais encore plus étonné de voir qu’elle parlait toujours de sa sœur comme de ma fiancée. Une mention qui ne tarda pas a me faire hausser un sourcil.

Ne c’était elle pas remariée depuis le temps ?

Ou du moins n’avait elle pas un amant ou quelque chose dans ce goût là ?

J’avais du mal à croire qu’Eléa soit du genre a respecter un engagement même au-delà de la mort mais dans le même temps elle n’était pas non plus une femme que n’importe quel homme pouvait séduire. Ca je pouvais aisément le concevoir. Je décidais pour le moment de mettre cela de côté car après tout, c’était peut être une figure de style que la jeune femme usait pour me ménager.

‘‘Je ne suis qu’un jouet du destin. Il m’est impossible de dire ce qui m’arrivera ou non dans les mois a venir…Tout ce que je peux dire c’est qu’une mission me sera confié prochainement. Peut être plusieurs après tout, on ne fait pas revenir un mort a la vie pour monter un stand de crèpe place du marché…Au mieux je pourrais être un allié dans les prochains combats. Si je le peux je tacherais de t’épauler au mieux’’

Une douce promesse que je tacherais de remplir. Une promesse que je n’étais pas prêt a faire a qui que ce soit d’autre. Alors que le silence s’étiolait je m’assis contre un meuble la regardant étrangement tendue. Visiblement, tout ne c’était pas bien déroulé pendant mon absence. Et comme je le sentais les informations arrivèrent en masse jusqu’au porte de ma conscience.

Erathia qui était devenue une ville a part entière ? Marrant…J’y ferrais bien un tour pour satisfaire ma curiosité

Le temple a nouveau attaqué…Ce qui devenait une habitude depuis Guerre visiblement.

Des réfugiés dans les collines brumeuses ? Etrange que les elfes aient laissés faire mais soit, cela ne le concernait plus depuis longtemps.

Les révélations sur la famille Clari

Je ne pouvais m’empêcher d’avoir un sourire mauvais a la mention de Nalween. Prisonnière d’un Almer ? Bien fait pour elle !

‘’J’espère qu’on s’attend pas a ce que je lève une armée pour aller la récupérer celle là…’’

Ce n’était plus une prêtresse depuis qu’elle c’était vautrée dans le lit des almers et cela lui convenait largement. Content de pouvoir se laver les mains de cette histoire. Quand à la nouvelle prêtresse, tant que je n’avais pas d’instruction, je ne comptais pas aller la voir pour le moment. Néanmoins je haussais un sourcil a la dernière mention d’Eléa m’ayant caché quelque chose.

J’avais beau réfléchir je ne voyais pas vraiment quel partie de moi…Enfin j’espérais qu’elle n’avait pas décidée de me faire décapiter et de faire empailler ma tête pour l’accrocher a un mur. Une partie de moi…Un membre oublié de ma famille ? Je n’étais pas vraiment certain d’avoir des cousins et encore moins un frère caché quelque part. Peut être m’avait elle piqué un truc il y a longtemps ? Maintenant que j’y pensais, il y avait bien une chevalière a laquelle je tenais énormément et que je n’avais toujours pas retrouvée.

Je m’approchais de la jeune femme pour lui ébouriffer les cheveux

‘’Cela a du être terriblement difficile pour toi ces derniers temps…Tu as fais du bon travail’’

J’étais vraiment désolé que tant de responsabilité soit retombée sur les épaules d’une petite fille. A son âge, elle devrait être plutôt préoccupée par le sexe opposée et avoir la tête pleine de rêves impossibles. Cependant je ne pouvais pas vraiment me réclamer roi a sa place et lui retirer ces responsabilités. C’était bien le genre d’Eléa de foncer tête baissée et de tout laisser en plan derrière elle.

Je soupirais

‘‘Ta mère avait a cœur cette cité et ce qu’elle aurait voulut c’est que son peuple puisse prospérer en toute sécurité. La vengeance n’apporte rien de bon et je peux t’assurer que les morts ne peuvent s’en réjouir ou s’en attrister. Elle n’aurait pas du te laisser toutes ces responsabilités…’’

Je roulais des yeux

‘‘…Et je suppose que j’en suis en partie responsable si elle a agit comme une idiote. Pour ce que cela vaut, merci pour tout ce que tu as fais. Pour ces gens, pour cette cité, tu as vraiment bien grandie et je suis fier de toi.’’

J’ébouriffais ces cheveux d’ange en souriant

‘‘En tant que politicien, j’ai toujours eu de la sympathie pour les Clari…Je rêvais de pouvoir a donner a Silmarie le même éclat que Cydonia…Mais en tant que Capitaine, j’ai toujours crains l’influence de cette dernière et qu’il n’essaye d’imposer un protectorat. Mais les Clari sont dans une position instable. Même s’ils sont a la tête de la cité, ils attisent les médisances, les complots et les convoitises. Cela ne m’étonnerait pas que Thémis prépare un nettoyage par le vide depuis ce palais…ou qu’elle prépare la chute de Muria en réunissant des informations.’’

C’est même étonnant qu’Eléa soit encore vivante d’ailleurs, un homme ayant un peu d’ambition aurait sauté sur l’occasion de déclencher facilement une guerre tout en se débarrassant d’une rivale comme Thémis. Les templiers et les elfes affaiblit, les Astorg avec une nouvelle reine qui n’était peut être pas prête a venir en aide aux amazones…Je n’aurais pas hésité longtemps. Anatoli tenait les rênes fermement ce qui était une chance pour Eléa.

Je n’arrivais toujours pas a croire qu’elle n’avait pas engagée un assassin pour faire cela. Pire encore elle n’avait pas pensée a soutenir les opposants aux Clari puis a les financer. Elle ne c’était même pas rendu compte qu’elle faisait le jeu de ces ennemis en agissant ainsi ? Je soupirais…Quelque part, j’étais soulagé d’être mort pendant cette bataille. J’étais même certain que si j’y avais survécu, j’aurais regretté de pas y être mort. Surtout si j’avais du faire quelque chose pour l’ancienne prêtresse emprisonnée.

‘’Et de quoi tu veux parler ?’’

C’était le sujet qui l’ennuyait le plus visiblement…Même si je sentais quelque part qu’elle voulait entendre autre chose venant de moi

Jelenna regardait son interlocuteur d'un air distant. Elle ne savait pas quoi lui dire, ni comment lui annoncer tout cela. En d'autres termes, la jeune femme n'avait pas les mots. Elle avait beau chercher au fond d'elle même, la petite demoiselle ne parvenait pas à trouver les mots pour annoncer à cet homme que la petite fille qu'il avait vu quelques minutes plus tôt était sa petite fille, que celle qui aurait du être sa femme était prisonnière plus ou moins volontaire d'une cité qui n'avait que faire de sa vie. Tant de choses s'étaient passées depuis la disparition du Capitaine elfique. Tant de choses qui avaient changées et qui ne pourraient redevenir ce qu'elles étaient auparavant … Quelque part au fond de son cœur, la princesse Régente aurait voulu revenir à cette époque où l'insouciance et la naïveté étaient des mots dans son quotidien de petite fille. Cette époque où, quand elle était petite, elle se demandait si son papa et sa maman l'aimeraient toute sa vie … Aujourd'hui, ses parents n'étaient plus là. Enfant, Jelenna n'aurait jamais cru cela possible, elle n'aurait également jamais cru se sentir aussi seule un jour. Tous ces sentiments, tous ces souvenirs, la jeune Amazone aurait souhaité quelque part qu'ils n'aient jamais changé. Aujourd'hui, elle était à la tête de sa famille mais également à la tête de cette cité qui l'avait vu naître et grandir. Si enfant elle pensait ne jamais avoir à remplir ce genre de fonctions, elle n'avait plus le choix désormais. Son quotidien n'était plus de poupées et de rêves mais bien de politique, de sang, de choix difficiles et pour finir, de sacrifices. Rien n'avait vraiment changé en revanche entre Feanaro Galathil et elle. Cette relation étrange qui était née entre eux à cause des investigations de sa mère. Cette relation hors du commun qui avait lié leurs âmes à jamais. Si elle avait été jalouse de lui dans les premiers temps, elle le considérait désormais comme un grand frère, comme un membre à part entière de sa famille et, plus encore, comme un reliquat d'un passé bien vivant. Un passé qui n'était plus qu'à travers lui … Oui, ce passé qu'elle avait chéri et qu'elle regrettait parfois le matin avant de se rappeler qu'il était révolu et que rien ne le ramènerait.

Philéa et Jacen étaient morts.
Ces mots étaient toujours aussi douloureux mais maintenant que Jelenna voyait l'Elfe en face d'elle, elle en comprenait enfin toute la portée. Les miracles n'existaient pas, ce n'était pas pour rien que son grand frère était revenu dans leurs contrées, ce n'était pas non plus un hasard s'il avait choisi de venir la voir, elle. Celle par la faute de qui il avait perdu la vie. Peu importait ce détail, tel était son désir et elle le respecterait malgré ses propres sentiments, mais le plus important dans sa présence était de comprendre qu'elle était due à ses dons et non à un miracle. Tout s'expliquait comme il l'avait dit et grâce à cela, une nouvelle page se tournait. Si la demoiselle avait encore du mal parfois à s'y faire, elle savait maintenant au fond d'elle qu'elle devait accepter. Eléa avait avancé depuis leur disparition, si elle même avait fait du chemin, elle n'avait peut être pas emprunté le bon. Désormais, elle entrevoyait celui qu'elle se devait de suivre.

« Votre présence est déjà d'un grand secours. » se contenta-t-elle de répondre dans un sourire.

Par le passé déjà sa présence lui semblait indispensable. Face au tourbillon qu'était Eléa, le Capitaine était le calme. Face à l'impulsivité de sa sœur aînée, l'Elfe était la réflexion, la stratégie. Chacun dans son style était nécessaire au sourire de la petite Amazone et elle avait toujours apprécié leurs disputes qui tournaient tellement souvent au ridicule. Tous ces bons moments lui manquaient mais elle n'avait plus le temps de se morfondre. Maintenant qu'il était devant elle, il était temps de tout avouer et de prévoir le futur.

« Vous ne devriez pas vous réjouir du destin de Nalween, elle a protégé sa successeur après votre disparition.

La réflexion n'était pas méchante, juste une constatation car la jeune femme savait parfaitement ce qui avait opposé le Capitaine et l'ancienne Grande Prêtresse. Elle savait également que Nalween était pour une grande part responsable de la folie qui avait étreint les derniers jours de son soldat le plus fidèle. Beaucoup d'Elfes avaient considéré qu'elle les avaient trahi et c'était possible mais dans le fond, la demoiselle ne pouvait pas s'empêcher de penser qu'elle avait sacrifié énormément de son existence à sa cité, en acceptant notamment d'épouser son pire ennemi pour la sauver. Peu importait de toute façon car jamais personne n'aurait la réponse mais si Eloween lui faisait confiance, alors Jelenna le pouvait également. Quoi qu'il en soit, cela ne la regardait pas vraiment, disons qu'elle défendait simplement les absents, par principe et parce qu'elle avait foi en l'ancienne prêtresse. Sa gentillesse envers elle durant sa captivité à Erathia ne pouvait pas être feinte.

« Nalween a accepté son sort, elle reste à Erathia pour protéger son fils … et peut être aussi parce qu'elle ne fait pas confiance à Thétis ou alors parce qu'elle a peur de rentrer chez elle. Je l'ignore mais je sais qu'elle ne veut pas retourner à Silmarie. »

Un sourire las se peignit sur ses traits. Elle savait que c'était difficile de se sacrifier pour les autres et elle savait aussi que Nalween devait souffrir de ne pas trouver sa place. Elle même avait souffert des années d'être perdue entre sa mère et sa grande sœur. Lorsque ses frère et sœurs étaient venus au monde, une fois encore, elle avait eu du mal à trouver sa place. Après, elle avait longtemps hésité entre devenir templier et quitter Muria ou demeurer dans sa cité natale. Sa place, Jelenna ne l'avait trouvé que bien plus tard, lorsque son cœur lui avait hurlé où elle se trouvait. Peu importait cependant car la relation entre Nalween et Feanaro était trop complexe pour qu'elle tente de la résoudre. Peut être que la seconde vie qu'on lui offrait était d'ailleurs en partie pour ça ? Pour voir à quel point Nalween avait été quelqu'un de bien.

« Merci maître Feanaro »

Ces quelques mots lui faisaient du bien. Depuis plus de quatre ans qu'elle veillait sur Muria et sa petite famille, jamais ces mots ne lui avaient fait autant de bien.

« Vous savez, elle ne cherchait que la justice, pour une fois, elle ne voulait pas la vengeance mais j'aurais du lui dire de ne pas y aller. Je crois qu'au fond de moi, j'attendais aussi cette justice. »

Depuis presque quatre ans, Jelenna s'en voulait d'avoir laissé Eléa partir. Elle aurait du être la voix de la raison mais au lieu de ça, elle l'avait aidé et conforté dans l'idée qu'elle cherchait bien la justice. C'était idiot et maintenant, deux vies étaient particulièrement gâchée à cause de cela et l'assassin, toujours en vie et libre. Elle sourit de nouveau avant de reprendre son sérieux. Jel' avait pensé en effet que Thémis puisse manigancer quelque chose mais depuis quatre ans, la jeune femme s'était bien intégrée dans la cité et les nouvelles de la bonne santé de ses enfants suffisaient à la calmer. La princesse admirait même son courage ...

« Actuellement, Anatoli Clari jouit de la plus grande stabilité, car il est un bon Consul. Liam en revanche … je pense qu'il veut la place de son oncle. Ce n'est qu'une supposition néanmoins. Quant à Thémis … Je ne pense pas qu'elle réunisse des informations, elle a participé à ma survie à Erathia par le passé et aujourd'hui, elle accepte de vivre dans une cité qui n'est pas la sienne. Grâce à Aerin, elle sait que sa famille va bien et je pense qu'elle se soucie tout autant que nous de son cousin. Je me doutes que si elle avait l'occasion de fuir elle le ferait, mais je pense qu'elle ne ferait rien contre Muria. En quatre ans, elle aurait eu tout le loisir d'agir sinon... »

Jelenna avait confiance en la métisse essentiellement parce qu'elle avait pris des risques par le passé pour venir à sa rencontre mais aussi parce qu'elle avait combattu aux côtés de l'armée Cydienne pour sa liberté, parce qu'elle avait accepté son destin pour que celui d'Eléa ne soit pas scellé et parce que la petite princesse espérait sincèrement qu'elle ne se soit pas trompé … Aerin avait confiance en elle, Thémis l'avait sauvé enfant, avait veillé sur lui pendant plus d'un an, alors la jeune femme ne pouvait que lui faire confiance. Son Esprit ne pouvait pas la tromper n'est ce pas ?

La question la ramena à la réalité alors qu'elle pesait encore une fois le pour et le contre concernant la Clari qui dormait dans sa cité. A nouveau, son cœur battait à tout rompre lorsqu'elle comprit qu'elle ne pourrait pas échapper à tout cela. Il fallait dire la vérité à maître Galathil. Elle prit sa respiration et planta son regard dans celui de l'Elfe. Elle ne savait pas comment faire, avec douceur, avec tendresse, c'était évident, mais comment annoncer à un homme qu'il était le père d'une gamine de quatorze ans qui certes l'adulait, mais le croyait mort ? La jeune femme prit une inspiration et finit par avouer

« Maître Feanaro, ma sœur n'a jamais voulu vous mentir, elle ne savait pas à l'époque … Je ne sais pas comment vous le dire alors pardonnez-moi. Je … Vous avez du voir la petite fille qui était avec moi tout à l'heure n'est ce pas ? Elle se nomme Aedan et cela risque de vous choquer mais, il s'agit de votre fille. »

Voilà, ce lourd secret était partagé … Ne restait plus qu'à voir si Feanaro serait capable de l'accepter.

Contenu sponsorisé

» [151 - DP] Nostalgie [Terminé]
» Jelenna
» Dossier de Jelenna
» Dossier de Jelenna
» Jelenna, princesse Amazone

[FH] Nostalgie (PV Jelenna)

[FH] Nostalgie (PV Jelenna)

Sujets similaires

Sujets similaires