[FH] A tout travail son salaire (libre) (fini)

Sanna avait travaillé toute la journée sur sa commande. Exceptionnellement, son maître lui avait permis de ne pas suivre les entraînements des Compagnons pour pouvoir la terminer ce qui n'avait pas manqué de l'agacer, elle qui détestait plus que tout manquer un entraînement. Pour autant, elle devait bien reconnaître que cela lui avait permis de peaufiner son arme au point qu'elle avait presque envie de la garder pour elle. La commande n'était pas compliquée en soi, raison pour laquelle son père la lui avait confiée d'ailleurs. Il s'agissait d'une hache qui devait être suffisamment fine pour être portée sous une robe et en même temps suffisamment solide pour permettre un combat à armes égales. Merci du cadeau ! Il s'agissait d'un cadeau de fiançailles si l'Astorg avait bien compris … Vu ce qu'elle avait du graver sur la lame, elle doutait que ce fusse vrai. Les gens étaient vraiment étranges ! Peu importait de toute façon, elle devait faire la commande alors elle s'était exécutée.

C'était la lame qui lui avait pris le plus de temps à forger. Fatiguée et déjà éprouvée par la réalisation, la finesse était difficile à doser car elle risquait de fragiliser l'arme qui se briserait alors au premier contact. Sanna s'y était repris à cinq ou six fois avant de comprendre comment contourner le problème. Une fois la solution claire dans son esprit, elle avait pris le temps de réfléchir à sa réalisation et avait compris ce qu'il manquait à l'alliage qu'elle avait créé. Lorsque tout ça fut en ordre dans sa tête, elle reprit son œuvre et son dur labeur pendant des heures. Les premiers rayons du soleil étaient déjà hauts dans le ciel quand elle avait fini. La nuit blanche n'aidait pas vraiment son humeur mais quand elle sortit l'arme et la soupesa, elle était fière d'elle et de ce qu'elle venait de réaliser. Lorsque le client arriva, elle venait de polir la lame et de la lustrer pour lui donner toute sa brillance. Malgré la fatigue et l'envie de dormir, elle se força à sourire et donna l'arme à son nouveau propriétaire, non sans le regretter un peu tellement elle était fière d'elle. L'homme paya et s'en alla et voilà. Elle avait fini son travail. Pourtant, Sanna n'avait pas envie de dormir, elle avait envie de sortir, de s'aérer un peu et de profiter de sa journée de repos. L'adolescente récupéra ses affaires et son manteau qu'elle enfila à la hâte, noua ses cheveux rapidement en une queue de cheval et sortit en laissant un petit mot au préalable à son père pour qu'il ne s'inquiète pas. Sanna prit ensuite la direction de la taverne la plus proche de sa forge, celle où elle passait son temps en général à siroter café ou chocolat chaud. Vu son état de fatigue, elle commanda deux tasses de café, du lait chaud, du miel et de quoi manger. L'heure était matinale du coup, elle n'aurait qu'un petit déjeuner mais elle le savait copieux dans cet établissement. L'Astorg s'installa dans un coin tranquille et attendit qu'on la serve. La patronne lui servit avec le sourire un énorme bol de café, puis posa un pot de miel avec une cuillère en bois à côté et une carafe de lait chaud. Enfin, elle déposa une assiette avec du pain, du lard, des œufs brouillés, du fromage et une autre avec du pain et des viennoiseries. L'apprentie saliva devant tout ce repas et commença à attaquer le tout en réfléchissant à son entraînement du lendemain. Il fallait qu'elle pense à dormir pour être en forme …

La jeune femme avait quitté sa terre natale depuis plusieurs semaines déjà. Pour ne pas prendre trop de risques en voyageant seule, elle avait décidé de rejoindre une troupe itinérante bien gardée par quelques samouraïs ou autre, elle n'était pas bien douée dans la description de ce genre de compagnons. Quoi qu'il en soit, elle avait parcouru la distance jusqu'à la capitale Astorg au début de l'hiver pour éviter de se retrouver piégée par les neiges dans le col et attendait maintenant de pouvoir repartir. Le travail n'attendait pas, aussi, Ame avait-elle décidé à contrecœur de quitter son père et sa sœur jumelle pour aller chercher la bête qu'on comptait leur confier. Leur réputation n'était plus à faire et son client voulait la plus belle bête. Elle avait en gros six mois pour dresser l'animal et le lui vendre. Il lui en faudrait déjà un rien que pour le voyage aller-retour mais les caprices de ses clients ne la dérangeait pas. Quoi qu'il en soit, cinq mois seraient amplement suffisants pour dresser le petit faucon qui l'attendait dans sa chambre d'auberge. Doux, calme, il semblait suffisamment docile pour qu'elle en tire rapidement quelque chose. En revanche, elle le trouvait beaucoup moins impressionnant que Nozomi qui l'attendait dans les hauteurs de la cité. La Jinmen se demandait pourquoi l'homme avait insisté pour avoir cette race particulière mais son honneur lui empêcherait de poser la question de peur de gêner ledit client.

Avec paresse, Ame se leva du lit et observa le dehors. Il faisait beau mais visiblement froid vu l'accoutrement des gens dans la rue. Il était encore relativement tôt mais la jeune femme avait faim. Elle décida de s'habiller chaudement à son tour même si la pièce centrale était chauffée car elle avait eu relativement froid la veille. Elle enfila donc un pantalon épais de couleur neutre, un haut à manches longues ainsi qu'un pull de laine qu'elle avait acheté à la troupe itinérante. De couleur sombre tirant sur le violet, il mettait en valeur son visage pâle encadré par ses cheveux détachés. La conteuse caressa le jeune rapace pour le rassurer et lui expliqua qu'elle ne tarderait pas à revenir. Elle ferma la porte et descendit l'escalier avec hâte car l'odeur de la nourriture était alléchante. Une fois en bas, elle contourna la rambarde et se dirigea vers le comptoir ... avant de trébucher sur un sac laissé là négligemment et de s'étaler de tout son long. Une tranche de viande atterri sur sa chevelure et elle comprit en s'empourpant qu'elle avait certainement dérangé la jeune fille assise là.

- Désolée ! Je vous rembourserais pour les dégâts !

Son Astorg était très prononcé mais elle le parlait suffisamment bien pour se faire comprendre et comprendre en retour ce qui lui était dit. C'était le principal même si son accent était terriblement Jinmen.

La fatigue commençait à se faire sentir, plus physiquement que moralement. Sanna sentait ses muscles crier de fatigue et réclamer à corps et à cris un peu de repos. Pour autant, elle se sentait paradoxalement fraiche et dispo, presque prête à reprendre l'entraînement même si elle sentait au fond d'elle que ce n'était pas vraiment le cas. Quoi qu'il en soit, elle était plus que jamais éveillée et avait une faim de loup. L'odeur alléchante qui sortait de ses assiettes lui donnait envie de tout engloutir mais elle se força à manger doucement de peur d'être malade ensuite. Commencer par le salé était une tradition chez elle car l'Astorg préférait largement les notes de sucrés pour terminer. Elle attaqua donc la viande et les oeufs d'un bon cour de fourchette, se forçant à la lenteur. D'un même temps, elle observait ce qu'il se passait, posément. Près de la porte d'entrée, une mère de famille buvait un thé en compagnie de deux bambins qui ne tarderaient pas à se rendre à l'école et qui sirottaient qui un chocolat chaud, qui un lait chaud au miel. L'image attendrissante qu'ils renvoyaient créa une vague de nostalgie chez la jeune apprentie. Cela faisait bien longtemps qu'elle n'avait pas été ainsi avec son frère et son père. Peu importait, elle serait bientôt une adulte accomplie, une Compagnon hors pair et un forgeron de renommée mais quelque part, son enfance lui manquait un peu quand elle voyait un tel tableau. Sans plus vraiment s'y attarder, elle engloutit un autre morceau et se mit à observer les soldats qui mangaient un morceau avec une bonne bière avant de reprendre leur service. Ils étaient quatre, costauds, massifs, ils inspiraient cependant la bonhommie ce qui ne manqua pas de la faire rire.

Tandis qu'elle observait les joyeux lurons, un bruit étrange lui parvint de l'escalier derrière elle, qu'elle n'avait pas remarqué jusque là mais qui, logiquement, devait mener aux chambres de l'auberge. Une demoiselle le dégringola et atterit sur elle. Sanna en perdit la tranche de viande qu'elle s'apprêtait à avaler et cette dernière échoua sur la tête de l'inconnue. La première réaction de l'apprentie fut la colère. Elle pouvait pas faire attention ? Lorsqu'elle entendit son accent, dont elle ignorait l'origine, et qu'elle vit son air désolé et perdu, Sanna soupira et finit par sourire. Ce n'était pas vraiment sa faute si quelqu'un avait laissé trainer ses affaires ... Elle lui tendit la main pour l'aider à se relever bien que cet effort fasse déjà crier ses muscles endoloris. sans plus attendre, elle ajouta :

- Pas de problème, tu t'es pas fait mal au moins ? Que dirais-tu de partager ce repas avec moi plutôt qu'avec tes cheveux ?

Elle sourit de plus belle et ajouta le geste à la parole en lui indiquant la chaise vide en face d'elle. C'était la moindre des choses qu'elle pouvait lui proposer, après tout, elle venait de lui verser sa viande sur la tête ! L'image la fit sourire à nouveau, pas qu'elle se moquait de l'inconnue mais plutôt que la situation était comique.

- T'es pas d'ici pas vrai ? Tu viens d'où ?

Ame se sentait tellement honteuse que le rouge teinta vite ses joues d'ordinaire si pâles. Elle se retrouvait devant une inconnue, une tranche de son repas sur la tête, et totalement déboussolée. Certes il n'y avait certainement pas mort d'hommes à se retrouver dans une telle position mais quand bien même, la jeune femme se sentait ridicule. Plus que tout, elle venait de gâcher le repas de quelqu'un, chose inacceptable quand on savait la valeur des choses en ce bas monde. Enfin, au moins, cela ferait une bonne histoire drôle à raconter à son retour à Shina se dit-elle. Déformation professionnelle oblige, elle était bien obligée d'admettre que la situation était risible pour toute personne extérieure. Peut-être même en rirait-elle un jour à son tour. Pour l'heure, elle attendait, perplexe, la réponse de la jeune femme, espérant ne pas avoir fait de faux pas dans le langage employé. Elle avait certes de bonnes bases dans les langues étrangères mais, comme leur nom l'indiquait, elles lui étaient étrangères et elle ne se sentait bien que dans sa langue maternelle. Au moins, elle était capable d'insulter quelqu'un en Jinmen, ce qu'elle ignorait totalement dans les autres langues qu'elle parlait. Ame se sentait de plus en plus mal à l'aise mais heureusement la demoiselle qu'elle avait percuté lui parla enfin. Son soupir n'échappa pas à la jeune femme mais pour autant, elle mit cela sur le compte de la situation et ne s'en formalisa pas. Elle accepta, quelque peu surprise tout de même, la main tendue et se concentra sur les paroles de son interlocutrice. Pour le coup, il lui fallait se remettre en jambes et même si elle parlait très bien et distinctement, il lui fallut un moment avant de répondre.

- Non, je vais bien, merci. Je … je ne voudrais pas vous déranger.

La jeune fille avait certainement le même âge qu'elle ou approximativement le même mais Ame ne parvenait pas à la tutoyer. Ce n'était pas forcément dans sa nature de base mais en plus, avec ce qui venait de se passer, elle n'était pas sure que ce soit très correct. Très à cheval sur ce genre de choses, elle préférait se montrer prudente. Elle avait fait assez de gaffes pour la journée ! Elle parlait sans doutes avec plus d'accent qu'elle le pensait car la jeune femme lui demanda d'où elle venait. Sans vraiment se faire prier, plus pour éviter la honte de rester à terre ou planter là que par faim, l'envie lui étant passée, la conteuse s'assit en face de la jeune fille et se décida à répondre. Elle chercha ses mots pour expliquer au mieux ce qu'elle venait faire à Storghein et c'était difficile dans la langue nordique de l'expliquer. Lorsqu'elle fut certaine de pouvoir bien répondre, elle reprit d'un ton calme

- Je viens d'Arano, une cité de l'autre côté des montagnes. Je suis venue chercher un oiseau rare par chez moi pour un de mes clients. Je comptais manger avant de repartir quand je suis tombée sur vous.

Ame sourit timidement après cette brève explication. Elle n'était pas certaine d'avoir choisi tous les bons mots mais il lui semblait que l'idée principale était là. Elle observa son interlocutrice avec attention sans pour autant se montrer indiscrète et demanda alors, soudainement curieuse.

- Vous semblez jeune, êtes-vous la fille de l'aubergiste ?

Il lui semblait improbable qu'elle put être autre chose. D'après ce qu'elle savait, les geishas ne sévissaient pas sur Azthia et par conséquent, vu son jeune âge, elle ne voyait pas d'autre choix pour cette adolescente que de vivre ici à temps plein. Le fait qu'elle ait pu être apprentie ou en voyage ne lui effleura même pas la conscience. Elle se rendit cependant compte qu'elle avait peut être commis un impair mais par fierté et par curiosité, elle ajouta simplement

- Je me nomme Ame, et vous ?

Sanna trouvait son interlocutrice plutôt marrante. Elle aimait bien la jeune femme, même si elle ne la connaissait pas, parce qu'elle lui semblait plutôt étrange certes, étrangère serait d'ailleurs plus approprié, mais elle lui semblait aussi intrigante. Cette fille avait quelque chose de plutôt drôle. L'Astorg apprécia qu'elle accepte sa proposition de se joindre à elle. Quitte à faire connaissance, autant que ce soit autour d'un bon repas non ? Sans même attendre, l'apprentie forgeron attrapa une nouvelle tranche de lard et la posa sur une tranche de pain en ajoutant un morceau d’œuf encore chaud malgré le temps qu'elle avait pu prendre pour le manger. Elle croqua dedans à pleine dents et attendit tout en mâchant sa bouchée que l'inconnue reprenne la parole, ce qu'elle ne tarda pas à faire. Sanna trouva étrange d'être vouvoyer. Elle qui ne semblait pas connaître le « vous » avait du mal à accepter qu'on puisse la vouvoyer, surtout que son interlocutrice était à peu près de son âge et sans doutes plus vieille qu'elle si jamais elle devait l'être. Avec calme, la jeune fille écouta ce que la Jinmen avait à lui dire.

- Tu cherchais un oiseau pour un client ? Tu es … dresseuse ?

La jeune femme en avait déduit qu'elle était dresseuse mais peut être qu'elle se trompait parce qu'elle ne connaissait pas vraiment les mœurs de l'autre côté de la terre. En vérité, elle n'avait jamais quitté Storghein que pour les villages alentours lorsque son père devait aller vendre sa marchandise à un paysan du coin ou un mercenaire trop flemmard pour rentrer dans la capitale Astorg. Du coup, la jeune apprentie ne connaissait pas grand chose de cette cité.

- Arano, c'est loin ?

Sanna était quelque de curieux. Elle appréciait en apprendre plus, même si ça ne lui était pas forcément utile dans l'immédiat. Mais qui sait ? Peut être l'Oblat serait-elle un jour obligée d'aller à Oyashima ? Si c'était le cas alors on ne sait jamais. La question de l'asiatique la fit mourir de rire. Elle ne put s'empêcher de rigoler et elle leva la main en signe d'excuse avant de reprendre ses esprits. Bon c'est vrai qu'on aurait pu croire qu'elle était la fille de l'aubergiste mais quand même, elle ne ressemblait pas à ces petites jeunes filles toutes coquettes si ?

Je suis apprentie forgeron et je suis également la formation pour devenir Compagnon. Ce sont … ce sont les gardiens de la Reine je ne sais pas si ça existe chez toi.

La jeune fille se tut. Elle n'aurait pas donné ce genres d'informations à n'importe qui en dehors de la cité mais, dans une auberge perdue entre toutes ces personnes, alors elle s'était dit qu'elle ne risquait rien. Avec un grand sourire, elle ajouta :

- Je m'appelle Sanna, et vu que j'ai dix sept ans, je propose que t'arrêtes de me vouvoyer, on dirait une vieille ! Tu disais venir d'Arano, tu es venu chercher quoi exactement comme oiseau ? Tu parles bien l'Astorg ! J'aimerai bien savoir parler aussi bien les langues étrangères ! Ah désolée, je suis bavarde, mais n'hésite pas, mange !

Ame n'aimait pas spécialement la viande, en réalité, depuis presque toute petite, elle n'en avait pas vraiment mangé. Au début, elle trouvait son goût étrange, pas vraiment attirant et puis, avec le temps, elle avait compris que toute viande venait d'un animal et il n'avait alors été plus question de manger le moindre morceau de viande. Ce n'était pas forcément rare chez les Jinmens par conséquent, la jeune femme ne s'était jamais vraiment posée la question de savoir ce qu'il en était chez les autres. En voyant Sanna déguster avidement sa tranche de lard sur son morceau de pain, la conteuse comprit qu'ici, c'était elle l'étrangère bizarre. Cela la fit sourire. Il était pourtant relativement évident qu'une cité aussi froide rimait avec le besoin de graisse pour survivre et seuls les animaux offraient cette subsistance. Ame avait eu la chance de grandir dans une cité chaude qui ne connaissait que très rarement le froid et la neige ! La voix de son interlocutrice la tira de ses pensées. Elle sourit en entendant la question. Il lui fallait se concentrer pour comprendre ce que disait la demoiselle car la Jinmen n'avait pas vraiment l'habitude de converser en Astorg même si elle en connaissait la langue.

- Je cherchais un faucon des neiges pour un client, c'est un magnifique rapace mais qui ne vit malheureusement pas dans mes contrées. J'ai donc fait tout ce chemin pour le trouver, heureusement, ça n'a pas été trop difficile, vos montagnes en regorgent ! Vous avez bien deviné, je suis dresseuse, je dresses et vends mes petits protégés avec l'aide de ma sœur mais ce que j'aime le plus, ce sont les histoires, les us et coutumes, alors je suis également conteuse.

Elle sourit à la jeune fille. Ame adorait parler de son métier, encore plus de celui de dresseuse. En réalité, elle aimait raconter tout ce qui touchait à elle, aux autres, au monde. C'était cela quelque part être conteuse. Quoi qu'il en soit, elle appréciait la discussion et picora avec nonchalance quelques morceaux de céréales. Si elle avait de l'appétit en se levant, Ame n'avait plus envie de manger. L'odeur de la viande ne lui donnait pas spécialement envie d'ingurgiter quoi que ce soit. Peu importait, la jeune femme reprenait déjà ses questions.

- C'est assez loin mais en même temps assez proche. Je n'ai eu qu'à traverser les montagnes, le voyage était intéressant. Je suis venue avec les itinérants, je ne sais pas si vous les avez déjà vu. Mais j'aime bien votre cité, c'est une très jolie ville, même si je ne pourrais pas y vivre.

Sans dire un mot, Ame écouta la réponse de l'adolescente. En savoir plus sur les autres était quelque chose qu'elle appréciait, ainsi, elle pouvait en apprendre toujours plus. Ce qui était un détail pour quelqu'un pouvait devenir un trésor pour quelqu'un d'autre. Pour elle, chaque bribe d'information était un véritable trésor qu'elle chérissait, qu'elle analysait et qu'elle conservait avec patience en mémoire. Alors elle avait appris à écouter sans jamais interrompre ses interlocuteurs que pour obtenir des explications ou des informations complémentaires.

- Nous avons des samouraïs chez nous pour protéger les Impératrices mais j'avoue que je n'ai jamais vu ces femmes. Je ne suis jamais allée dans la Capitale. Vous êtes donc à un poste prestigieux si je comprends bien.

Compagnon, elle avait appris de quoi il s'agissait quand elle était venue la première fois à Storghein, quelques années auparavant, avec son maître. Il s'agissait d'un poste très prestigieux, très important également mais elle ignorait à quel point, n'ayant jamais eu plus de détails à ce sujet. Les Astorgs étaient secrets sur ce point, ils n'appréciaient pas qu'on cherche à découvrir les secrets de leur cité, ce qu'elle pouvait aisément comprendre. Elle aurait cependant adoré en connaître les détails, savoir qu'elles étaient les principales tâches qu'ils accomplissaient etc. Au lieu de cela, elle se contenta d'une question banale.

- Je suis désolée de vous poser la question mais … quel est le nom de votre Reine ? La Reine Kriisten était très appréciée par nos Impératrices, cependant, le prénom de sa fille, puisqu'il s'agit bien de sa fille n'est ce pas, m'est inconnu. Je serais extrêmement honorée de le connaître.

Ame se tut, la jeune femme, qui se nommait donc Sanna, et n'était que d'un an sa cadette, ne s'arrêtait plus de parler. Cela ne manqua pas de faire sourire la Jinmen. L'apprentie était vraiment amusante, pas farouche pour un sou, elle posait ses questions comme bon lui semblait. C'était un trait de caractère qu'Ame avait tendance à peu apprécier chez elle, mais chez des étrangers, elle l'adorait car c'était dans ces moments là qu'elle en apprenait le plus.

- Je … d'accord, je vais tenter de vous... de te tutoyer. Ce n'est pas très courant chez moi de tutoyer des inconnus mais soit ! Je parle plusieurs langues, c'est obligatoire dans mon métier. Si tu le souhaites, je pourrais t'apprendre quelques mots de Jinmen. J'aime beaucoup ta cité, je trouve qu'elle ressemble un peu à chez moi, la neige en plus. Disons que nous avons beaucoup en commun avec vous, une Reine, des hommes pour la protéger … enfin, vos coutumes sont quand même très différentes des nôtres ! Par exemple, je ne savais pas qu'une femme pouvait être forgeron ! C'est impressionnant. Pourquoi souhaites-tu devenir Compagnon ?

Sanna regarda son interlocutrice et s'étonna de ne la voir grignoter que quelques graines et aucune viande. La jeune femme se demanda pourquoi l'étrangère mangeait si peu mais peut être au fond qu'elle n'avait juste pas très faim ? Elle n'aurait su le dire mais quelque chose lui soufflait que mieux valait ne pas poser la question … Il était peut être malpoli de demander ce genre de choses dans son pays d'origine et puis ce n'était qu'un détail. La jeune apprentie préféra se taire et écouter ce que son interlocutrice avait à lui dire. Les faucons des neiges n'étaient pas rares dans les Montagnes qui bordaient la cité et Sanna ignorait que cette espèce était aussi prisée de l'autre côté des Montagnes.

- Il n'est pas rare d'en voir oui, j'aime beaucoup les voir en vol ! Ce sont de redoutables chasseurs mais aussi de très bons pisteurs, ils sont souvent utilisés pour le courrier ou pour le loisir de nos chers nobles. »

Sanna sourit, elle aimait les faucons et s'émerveillait de leurs mouvements si élégants dans les airs. Elle trouvait qu'ils étaient magnifiques mais pour autant, elle les craignait un peu aussi. Ils étaient de redoutables chasseurs et son grand frère en avait d'ailleurs un. C'était une chance vu leur classe sociale mais il l'avait dressé avec passion et l'animal était aussi doux et délicat qu'un agneau, aussi féroce et fort qu'un ours. Brisigr était l'aigle de la famille, il transmettait les messages de villages en villages lorsque c'était nécessaire. Quoi qu'il en soit, l'apprentie Compagnon s'y connaissait un peu en dressage, juste ce qu'elle avait vu de son grand frère.

- Mon grand frère en a dressé un, il paraît que c'est difficile. Ca doit être fascinant en tout cas de parcourir toutes ces routes ...

Quelque part, Sanna l'enviait, parce qu'elle même ne voyageait jamais. Alors elle se gorgea de ce que la jeune femme avait à lui raconter, buvant ses paroles littéralement.

- Je les ai vu entrer dans la cité oui. J'aime ma cité, même si parfois c'est un peu dur d'y vivre et même si récemment, nous avons connu beaucoup de mauvais moments … Pourquoi ne voudrais-tu pas y vivre ?

Le ton qu'elle avait employé sur sa dernière question était un peu plus dur qu'elle ne l'aurait voulu mais elle se contenta de sourire pour se faire pardonner. Qu'on puisse ne pas vouloir vivre à Storghein lui paraissait étrange. C'était la plus belle cité à ses yeux.

- J'espère un jour être à la hauteur de mon poste, pour l'instant, je ne suis qu'une apprentie … mais j'espère qu'un jour, je pourrais protéger de mon mieux Lystra ! J'étais toute petite quand vos impératrices sont venues dans la cité, j'ai lu ça dans un des livres de notre bibliothèque.

Sanna était sincère, si elle s'était engagée dans les Compagnons c'était pour protéger leur jeune Oblat. Malgré son propre jeune âge, elle était toute dévouée à cette cause et n'hésiterait pas à donner sa vie pour Lystra. Si elle avait connu Kriisten, sans doutes qu'elle aurait fait de même. Même pas de doutes possible en fait ! La question de la Jinmen la surprit mais elle se décida quand même à y répondre. Après tout, elle même ne se souvenait même pas du nom des impératrices ou tout du moins n'en était elle pas sure et certaine. On ne pouvait pas en vouloir à la conteuse de l'ignorer.

- Lystra. Je crois me souvenir que notre feu Oblat Kriisten avait accueilli vos impératrices lors de leur exil. Je ne suis cependant pas bien douée en histoire, cela peut paraître étrange mais je n'ai que peu de mémoire à ce sujet ...
Sanna ne s'attendait pas au flot de questions qui suivit mais elle sourit malgré tout et essaya de tout mémoriser pour y répondre au mieux.

- J'adorerais apprendre votre langue tout comme j'aimerai beaucoup voyager comme tu le fais ! Mon métier ne me le permets pas mais ce n'est pas grave, car j'aime ma cité plus que tout. Je veux protéger notre Oblat. J'étais une toute petite fille quand Kriisten est morte et pourtant, quand j'ai vu Lystra monter sur le trône, alors qu'on a presque le même âge, je n'ai pas pu m'empêcher de penser qu'elle était courageuse. J'ai eu envie de la protéger et de la servir. C'est pour ça que je suis devenue apprentie Compagnon. Quant aux armes, mon père est forgeron alors j'ai grandi dans cette ambiance. Je crois que je n'aurais pas pu trouver meilleur métier pour servir ma cité. elle marqua une pause avant de reprendre Comment est ta cité ? Tu as jamais vu tes impératrices ? Je trouve ça plutôt étrange, elles gouvernent bien non ? Comment peuvent elles gouverner si tu ne sais même pas qui elles sont ?

Ame aimait bien la jeune fille. Elle n'était pas spécialement joviale par principe ni même très encline à discuter de tout et de rien avec une inconnue sans avoir pris un bon petit déjeuner mais elle aimait bien cependant avoir l'occasion de discuter et d'en apprendre plus sur les autres, sur les contes et légendes de chaque population et sur leur mode de vie. Storghein avait beau être à la frontière de son continent, la demoiselle avait encore du mal à se faire à cette culture si étrangère à la sienne. Par le passé, elle avait eu l'occasion de visiter une fois les cités d'Erathia et de Cydonia et il lui paraissait qu'elles étaient un peu plus ressemblantes aux cités Jinmens que la cité du Nord. Sans être dans la caricature, il semblait que dans la cité des neiges éternelles, la seule préoccupation était le combat et la guerre. Leurs dieux comme leurs légendes étaient souvent muées par le combat et si la Jinmen avait du mal à le comprendre, elle respectait tout de même cette culture qu'elle trouvait quand même très intéressante. Avec calme, elle emmagasinait chaque question, chaque information que son interlocutrice lui confiant mais également ce que lui témoignait son environnement direct. Parmi les gens présents, tous étaient différents !

Avec calme, la jeune conteuse mangeait sans vraiment se soucier de ce qui l'attendrait une fois la conversation terminée. Certes elle prendrait bientôt fin mais pour l'instant, rien ne valait plus que le plaisir de déguster quelques mets locaux et de ne penser à rien d'autre qu'au présent. Son travail, sa vie dans les contrées lointaines d'Oyashima, tout cela n'était plus qu'accessoire désormais.

- Je ne savais pas qu'ils étaient utilisés pour délivrer le courrier de ce côté de la frontière ! Pour le loisir ? Qu'entends-tu par là ?

La curiosité maladive de la jeune femme se faisait dévorante. Elle était curieuse de savoir comment on pouvait utiliser des rapaces pour le plaisir. Chez elle, ils étaient utilisés « pour faire beau » voire pour chasser mais les nobles se contentaient de les garder en cage ou de les offrir à leurs enfants pour leur porter chance. Ils participaient de temps à autre à des chasses aux lapins mais cela dépendait de leurs propriétaires. Quoi qu'il en soit, l'analogie était intéressante et elle ne l'oublierait pas. Elle apprit ensuite que Sanna avait un grand frère et qu'il dressait des faucons. Il était vrai que leur dressage était ardu mais avec l'habitude, il était moins difficile de le faire.

- La première fois que j'en ai dressé un, mes bras étaient couverts de cicatrices ! Mon père se demandait ce que je trafiquais et il n'arrêtait pas de râler que ça allait coûter cher en onguent !

Elle sourit à ce souvenir. La bestiole lui avait entaillé les bras jusqu'à ce qu'elle comprenne qu'il fallait porter des gants de cuir pour se protéger de ses serres. Une fois enfilés les précieux morceaux de cuir épais, ses bras s'étaient sentis beaucoup mieux. Cette histoire faisait encore beaucoup rire les deux jumelles lorsqu'elles en reparlaient. Ce qu'elles avaient pu être innocentes et naïves adolescentes ! Pourtant, elles aimaient leur métier et ne l'auraient échangé pour rien au monde.

- Je viens d'une cité où il fait toujours chaud, même si j'aime bien Storghein, je crois que je ne pourrais jamais supporter le froid qui sévit ici !

La question la prenait de court. C'était vrai qu'elle aurait du mal à vivre ici à cause du froid mais plus encore parce que sa culture différait beaucoup trop de celles du peuple du Nord même si elle n'oserait pas l'avouer à son interlocutrice. Certes la cité avait du charme, mais pas assez pour abandonner tout ce qui faisait sa vie à elle, loin du froid des montagnes … Ame avait remarqué qu'elle avait vexé la demoiselle mais elle n'osait pas lui demander si c'était réellement le cas. Au contraire, elle sauta sur l'occasion que lui offrait l'apprentie pour en savoir plus sur sa cité et donc, lui parler de quelque chose qu'elle aimait.

- Je suis sure que tu seras la meilleure ! Je n'ai jamais rencontré Lystra, mais je suis certaine qu'elle ne sera jamais aussi bien protégée qu'avec toi à ses côtés. Miki et Maya sont en effet venues à Storghein il y a longtemps, tout comme leur sœur, Ayane il me semble. La succession de notre bien aimé empereur a été quelque peu chaotique, je crois cependant que les blessures du passé sont aujourd'hui refermées.

Après la mort de l'empereur Kakita, les choses avaient dégénérées entre les héritiers et plus précisément, entre leurs mères respectives. Certains y avaient perdu la vie pour la course au pouvoir et d'autres, l'esprit. Ayane avait tenté de trahir ses sœurs mais elle fut pardonnée, jugée irresponsable de ses actes orchestrés par sa mère. La jeune femme avait perdu beaucoup dans cette course et Ame la plaignait quelque part plus qu'elle ne la blâmait.

- Nos impératrices ont en effet trouvé refuge dans cette cité. Leur mère, notre feu impératrice, les avaient envoyé sur Azthia pour les protéger. Je ne connais cependant pas les détails de l'histoire …

Son enthousiasme faisait plaisir à voir. Elle aimait visiblement sa cité plus que tout et son Oblat encore plus. C'était attendrissant quelque part et Ame ne put s'empêcher de sourire. Elle admirait la ferveur qui émanait d'elle et sa passion pour son futur métier. Elle même devait être un peu pareille lorsqu'elle parlait de ses contes ou de ses animaux. Elle sentait cependant vibrer quelque chose d’étonnamment puissant chez son interlocutrice qui l'aurait presque convaincue elle-même de protéger cette Lystra!

- Ma cité est en plein désert. J'aime beaucoup, on dirait presque un village caché des fois ! Il y a toujours du mouvement, des couleurs, Arano est un grand marché à ciel ouvert ! Enfin c'est un peu exagéré mais c'est comme ça que je la vois. Si si, j'ai déjà vu Miki et Maya mais je n'ai jamais eu l'occasion de leur parler, je crois que ça ne m'intéresse pas. Je beaucoup de respect pour elles, pour ce qu'elles représentent et font pour nous mais je ne ressens pas le besoin de me sentir proche d'elles. Notre gouvernement est complexe, la famille impériale est basée dans la capitale, si chaque clan et chaque cité leur est soumis, chaque clan continue cependant de gérer sa ville et sa famille. Pour être plus claire, si nous respectons les règles édictées par l'Empereur, cela ne nous empêche pas de vivre tel que nous le souhaitons, sous les ordres directs du chef de Clan.

Le système de vie Jinmen était difficile à comprendre. En fait, pas autant que chaque structure politique d'Azthia car de ce côté de la frontière, chaque cité semblait avoir son système politique, sa façon de diriger et ses propres relations avec l'extérieur.

- Que se passerait-il si votre Oblat n'avait pas de fille ? Un homme pourrait lui succéder tu penses ? Chez nous, ce problème ne se pose pas, mais j'ai l'impression que dans votre pays, les successions sont un sujet délicat également. J'ai du mal à comprendre comment fonctionne chaque cité, enfin, je connais la théorie, mais tout cela me semble vraiment abstrait !

Ame sourit avec douceur, appréciant réellement la tournure que prenait leur discussion et espérant qu'elle pourrait en apprendre davantage et enfin comprendre ce système si complexe et encore bien trop abstrait pour elle.

La discussion prenait une tournure que Sanna appréciait. Elle n'avait que rarement l'occasion de discuter avec les gens en dehors de son travail. Entre les entraînements de Compagnon et ceux de forgeron, elle ne trouvait pas vraiment le temps de rencontrer des gens et de parler avec eux. Elle profitait donc de l'occasion comme jamais ! La jeune femme parlait beaucoup, ce qui était parfois difficile à suivre, surtout pour quelqu'un comme l'Astorg qui était plus habituée à la solitude du métier qu'autre chose mais peu importait, elle préférait parler avec la Jinmen plutôt que de dormir dans son lit, seule encore une fois.

« Ah euh ici les gens les utilisent pour la chasse, c'est un jeu très prisé surtout dans la haute société. »

La jeune fille avait assisté quelques fois à ce genre de spectacle. Il était vrai que les rapaces étaient des oiseaux de proie féroces mais elle n'appréciait pas trop pour autant de devoir les voir être instrumentalisés pour le petit plaisir de quelques privilégiés. Elle émit une moue compatissante à l'entente de l'histoire de la jeune dresseuse et imagina la douleur qu'elle avait du ressentir. L'Astorg ignorait ce qu'était un onguent mais elle se doutait que ça devait servir à soigner les blessures et visiblement, le père d'Ame était quelqu'un d'assez doué pour en faire. Un médecin sans doutes ? Sanna s'arrêta de manger en entendant le compliment et rougis violemment. Les compliments n'étaient pas vraiment courant chez le peuple nordique. En entendre un d'une parfaite étrangère était plus agréable qu'elle ne l'aurait pensé de prime abord. Elle ne savait pas quoi répondre et se contenta d’engouffrer une tranche de pain pour oublier et s'éviter d'avoir à répondre. Par la suite, la jeune femme écouta sans broncher. En apprendre plus sur ce peuple de l'autre côté des montagnes était bien plus intéressant que l'idée d'une journée à ne rien faire !

Sanna écoutait en silence, ne connaissant que peu toute la culture Jinmen. Lorsque son interlocutrice lui demanda des compléments d'informations sur Storghein, elle hésita une seconde avant de lui répondre. Finalement, elle ne demandait pas grand chose de plus que ce que n'importe quel livre pourrait lui apprendre … Il n'y avait pas vraiment de mal à lui répondre.

« Si notre Oblat n'avait pas de fille, la prochaine serait choisie parmi ses conseillers je crois. Chacune des cités a son fonctionnement ici. Chez les Elfes, ils ont une prêtresse qui les guident, les Amazones ont une reine, ça fonctionne un peu comme chez nous. Erathia est dirigée par un roi aussi … Mais, si les Impératrices venaient à disparaître, ça ne risque pas de poser problème ?

Sanna avait du mal à comprendre la logique dans tout cela mais elle faisait un effort. Comme ça devait être dur pour Ame de comprendre la vie sur Azthia, c'était tout aussi difficile pour elle de suivre tout ça …

Ame avait toujours aimé apprendre, sur les gens, sur les histoires, sur les peuples. Son père et son frère jumeau se moquaient souvent d'elle en lui disant qu'à l'écouter, elle referait le monde chaque jour, pour que chaque jour soit différent et susceptible de nouvelles histoires. Ils avaient sans doutes raison dans le fond … Aujourd'hui, la jeune femme en riait gaiement avec eux, mais enfant, elle se vexait très souvent à ce sujet. Consciente qu'elle ne gagnerait rien à les contredire, elle était entrée dans leur jeu, elle avait accepté qu'ils la taquinent et au fil du temps, elle avait appris à ouvrir les yeux. Le monde changeait chaque jour, avec ou sans elle. Et ça, la Jinmen adorait le croire. Il y aurait toujours des choses à apprendre, toujours des histoires à transmettre, toute sa vie durant, elle aurait toujours cette soif et cette quête de vérité.

Il était rare que quelqu'un se confie à elle et pourtant, Ame n'était pas forcément de mauvais conseils, au contraire, elle était même le plus souvent logique et fichtrement honnête. Disant en face ce qu'elle pensait, elle ne comprenait que rarement qu'on le prenne mal. Peu importait, la jeune femme en face d'elle semblait vouloir partager de sa vie, de son existence dans une cité qui ne ressemblait en rien à ce qu'elle pouvait connaître par delà les montagnes. C'était intéressant, indéniablement, et quelque part au fond d'elle, la conteuse avait envie d'en apprendre plus, de parler, encore et encore et de tergiverser sur les us et coutumes de la cité des neiges. Cependant, elle était également consciente qu'elle devait se préparer à rentrer. Elle avait son faucon, elle devait maintenant rentrer pour aider Jun dans sa tâche et dresser la boule de plumes sans quoi son client ne serait pas ravi du voyage. Encore quelques minutes et il faudrait revenir à la réalité … Reprendre le cours de sa vie.

Ainsi il existait des usages bien étrange dans cette cité, chez ce peuple. Les nobles jouaient à la guerre avec leur animaux, comme incapables de le faire eux-mêmes. Non, c'était très réducteur et bien loin de la vérité, certes, mais Ame imaginait mal le plaisir que l'on pouvait retirer de cette pratique. Finalement, les hommes étaient tous les mêmes, de ce côté des montagnes comme de l'autre, ils considéraient les animaux comme leur propriété, leur bien personnel utiles quand ils en avaient besoin. Au moins fallait-il espérer qu'ils en prenaient soin ! La jeune apprentie n'avait pas l'air de se poser la question ou d'être troublée, mieux valait-il voir là dedans un signe positif. Sans doutes n'était-ce qu'un jeu qui permettait à ces volatiles de prendre leur envol de temps à autre, c'était déjà pas mal en soi.

- Je pensais que vous rechercheriez une cousine … c'est ainsi qu'on agit par chez moi. J'ai tant à apprendre ! Je … je ne pense pas que cela pose problème. La guerre de succession a fait couler trop de sang innocent, si Miki et Maya venaient à disparaître, alors leur frère prendrait le trône, conseillé par ses autres frères et sœurs, enfin, c'est ce que j'espère. »

Ame n'y avait jamais réfléchi. Se pouvait-il que leur triste histoire se répète ? Trop de sang avait coulé mais … qui pouvait prédire les choses ? Qui pouvait dire ce qu'il se passerait dans dix ans si elles venaient à … Sans doutes les héritiers étaient-ils plus avisés désormais, en tout cas, la dresseuse croyait en ce qu'elle venait de dire. Elle soupira néanmoins, consciente que leur aparté devait prendre fin. Avec un sourire triste, elle ajouta

- Je vais devoir te laisser, je le regrette sincèrement, mais je dois me préparer à rentrer. Mon frère m'attend et il risque de s'inquiéter. Je te remercie de ta bienveillance et de ta gentillesse, j'espère que nos routes se recroiseront bientôt.

La demoiselle était on ne peut plus sérieuse. Elle adressa un sourire franc et sincère à sa jeune interlocutrice et la salua avec respect.

- Si tu viens dans nos contrées un jour, tu seras la bienvenue dans ma demeure. A bientôt Sanna, Compagnon de la Reine.

Avec un sourire complice cette fois-ci, Ame se leva et reprit le chemin de l'escalier. Un au revoir plutôt qu'un adieu, et ce, même si leurs chemins avaient peu de chance de se croiser à nouveau.

[ Merci pour ce rp, on s'en refait un bientôt j'espère ! Je te désengage du coup ^^ ]

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