[D-E] Reine dans une prison de cristal. (Intrigue-Kriisten)(fini)

La pièce n’était pas aussi noir qu’une geôle devait être. Des torches, une table, des tapis, des murs de pierres marrons.
Kriisten regardait la petite pièce, assise sur son lit : un sommier, un matelas, quelques couvertures et un coussin. Bien que le lit était dur, on ne pouvait pas dire que cette nuit avait été une torture pour elle.
L’arrière de son crâne lui faisait un mal de chien. Certainement là où ils avaient tapé. L’Oblat n’était pas réputée pour être douillette, alors ils avaient cogné fort par sécurité. Pas de sang et pas de plaies, c’était le principal.
Ou plus de plaies.
Depuis combien de temps était-elle là au juste ?
Kriisten s'était éveillée il y a une petite dizaine de minute. Le seul mouvement qu'elle avait fait été de se relever sur le matelas: céder à la panique ne mènerait à rien. Elle savait très bien ce qu'il s'était passé: on l'avait attaqué, en plein territoire Astorg et sur une des plages les plus magnifique du continent. On l'avait enlevé. Elle avait vu certain de ses Compagnons s'écrouler sur le sol, victime de lames ou pire... De sorts élémentaux. Une saloperie de magie de feu et de foudre qui avait brûlé la chair de son peuple.
Et ils étaient nombreux à avoir tendu cette embuscade.
Savoir où elle était, savoir qui ils étaient, savoir ce qu'ils voulaient.
Trois objectifs, et il fallait choisir le plus prioritaire.

La porte de la chambre s'ouvrit... Elle n'était pas verrouillée? Cela semblait être le cas lorsqu'une jeune fille en toge blanche typique des Prêtresses-servitantes de la Lune, du même ordre de celles qui s'occupent d'elle dans son royaume, apparue dans l'embouchure. Qu'est-ce-qu'une servante de l'Oblat faisait dans un endroit pareil?
"Oh, ma Reine" appuya-t-elle d'un ton timide, respectueux et un peu craintif, "vous voilà réveillée. Nous avions eu peur qu'ils ne vous aient assommée trop fort!"

Elle ouvrit les yeux, et jura entre ses dents.
Bon sang si seulement elle tenait ses fils de ***** entre ses mains ! Avec quel plaisir elle leur ferait regretter la mort de tous ses compagnons d'armes ! Ses jointures blanchirent sur le métal du petit lit de campement, tandis qu'une nausée désastreuse l'attrapait à la gorge. Ils n'y étaient pas allé de mains mortes non plus !
Elle grimaça en se massant la nuque, laissant promener son regard bleuté sur sa pseudo cellule. Une prison livre parfois bien plus de secrets qu'une simple parole... Le simple fait de ce « presque-confort » lui prouvait qu'on ne lui destinait pas une mort prochaine. Du moins pas tout de suite. On ne prépare pas une chambre, aussi peu luxueuse soit-elle, à une jeune femme que l'on va se faire un plaisir d'assassiner...
Bon. Ses ennemis la respectaient donc un tant soit peu. Ce qui ne les avaient pas empêchés de massacrer sauvagement sa courageuse escorte ! Une fois de plus elle laissa échapper un furieux juron entre ses fines lèvres, testant chaque partit de son corps. Première étape, savoir si elle était entière. Savoir si oui ou non, elle était en état de se battre et partir d'ici ! Apparemment, la réponse était positive. Mis à part quelques bleus sans importance, on ne l'avait pas maltraitée...
Elle se releva doucement, prenant soin à bien se camper sur ses pieds, prête à se rasseoir si une deuxième nausée lui prenait. Mais la pièce resta à sa place, les murs ne cherchèrent pas à se rapprocher. Aussitôt l'absence du poids de son poignard lui manqua atrocement, sa jambe gauche se démontrant étrangement légère. On l'avait désarmée, bien entendu. Et changée !
Elle contempla en effet la longue robe blanche qu'on lui avait enfilée à la place de sa traditionnelle tunique de voyage. Un étrange sourire amusé effleura le tracé de ses lèvres, aucunement intimidée que des gens inconnus aient pus la voir nue. De toutes évidences, on avait prit soin d'elle !
Deuxième étape, fouiller la chambre. Ou la cellule, si vous préférez. Elle s'activa aussitôt, remuant ciel et terre, soulevant table et tapis à la recherche d'un petit indice, un blason ou quelque chose pour la sortir d'ici... Rien sur les tapis. De facture moyenne, il représentait simplement de joyeux oiseaux s'ébruitant dans une forêt verdoyante. Très classique. En revanche... La table et les chaises se révélaient être très intéressantes. Assez lourde pour avoir un effet disons... Dynamique, sur cette ***** de porte verrouillée !
Porte qui s'ouvrit. Et laissa place à une ravissante petite jeune fille d'apparence traumatisée. Timide la petite ? Sûr qu'elle ne devait pas souvent rendre visite à une reine enfermée comme une vulgaire prisonnière... Kriisten reposa délicatement la chaise qu'elle avait soulevée au-dessus de sa tête, un demi-sourire craquant illuminant ses traits féminins. En un bruissement de tissus elle vint se planter devant elle, droite et fière dans ses boucles dorés tombant au creux de son cou, une flamme de combativité brûlant dans son regard. Un bon mètre de distance séparait les deux jeunes femmes. Suffisamment pour permettre à l'Oblat de contrer une quelconque tentative d'attaque de la part de la servante...
Servante qui était à elle seule une preuve parfaite de tous ces évènements. Sa tunique blanche -presque la même que celle qu'on lui avait passée- était le symbole même de ces Prêtresses-servitantes de la Lune que l'on trouvait de part le Royaume ! Kriisten prit bien soin de n'en montrer aucune stupeur, laissant son esprit tacticien déduire de tout ce que cela signifiait. Elle avait été trahit... Par son Royaume lui-même.

- Oh, ma Reine, vous voilà réveillée. Nous avions eu peur qu'ils ne vous aient assommée trop fort ! -

La reine en question haussa un sourcil dubitatif. Comment cela, « Oh ma Reine » ? Était-ce donc normal ici de traiter sa souveraine ainsi ? En l'enfermant dans une cellule après avoir massacré son escorte ? Et l'idée qu'elle pouvait très bien ne pas avoir bougé de Storghein lui vint à l'esprit... Ce n'était pas logique. Rien n'était logique...
Le « Nous » la frappa ensuite. Cette jeune fille était donc en quelque sorte sous la domination d'un bien plus grand nombre, de toutes évidences pas très ravie de ce qu'elle faisait... Et ils tenaient absolument à la garder en vie. Interrogatoire ? Chantage ?
Kriisten se pourlécha les lèvres, pensant avec joie à ce qui allait leur arriver s'ils tentaient quoi que ce soit envers elle... Et de plus, elle avait encore la moitié de ses Compagnons en vie, qui n'allaient pas manquer de venir la chercher !
Elle en resta là de ses déductions, croisant les bras sur sa poitrine en signe de défiance, bien droite du haut de son mètre soixante-douze. D'une voix calme et posée, presque chantante, elle objecta :

« Vous avez décimé des gens qui m'étaient très chers, vous m'avez royalement assommé, traîné mon nom dans la boue, et, après tout cela, vous daignez enfin venir vous enquérir sur ma pauvre santé ? »

Elle lâcha un profond soupir, presque de pitié.

« Vous me jugez bien faible pour penser qu'un simple coup bas comme celui-ci pourrait me mettre hors combat... »

Et hop, une petite goutte de provocation pour la forme. Kriisten savait très bien que cette servante n'y était pour rien, ne pourrait rien faire pour elle. Mais bon dieu, ce que cela détendait de s'énerver une bonne fois pour toute ! Elle lissa les plis de sa robe trop longue, réfléchis un cour instant et arracha brutalement tout le bas du jupon dévoilant ainsi ses longues jambes de reine. Un grand sourire narquois collé sur le visage, elle tandis le bout de tissu à la pauvre servante tétanisée, décrétant subitement :

« Pardonnez ceci, je n'apprécie pas les robes trop longues... Elles empêchent inutilement de bouger. »

Elle reprit presque aussitôt son sérieux, remettant du bout des doigts derrière son oreille, une mèche rebelle aux couleurs du soleil. La tête haute, elle interrogea alors :

« Et bien... Je suis vivante, alors si vous voulez bien m'indiquer ce que je fais ici et ce que l'on attends de moi, cela m'avancerait énormément. »

Elle avait déjà un plan derrière la tête, prête à tout qu'elle était pour sortir d'ici le plus vite possible... Or, entre la sortie et elle, ne restait que cette maigre servante bien chétive ! Mais avant tout cela, elle voulait des réponses. Des réponses à ses questions... Car un nom en lettre de feu dans son esprit retenait son attention depuis quelques minutes. Quelqu'un qu'elle soupçonnait sincèrement d'être derrière tout cela. Quelqu'un de froid et manipulateur qui n'avait même pas la qualité de lui apporter un quelconque réconfort au lit...
Ô Meliant, horrible Meliant, où te cachais-tu donc ?

La petite servante recula de quelques pas, rouge comme une tomate, les yeux fixés vers le sol à ne plus savoir quoi regarder. Se faire réprimander par l'Oblat avait de quoi faire faillir. Se faire réprimander par Kriisten était encore pire!
Armant tout ce qui lui restait de faibles forces, elle articula quelques mots comme un murmure.

"Je... Pardon ma Reine, je... Je ne suis qu'une victime comme vous. Nous sommes cinq à être retenues ici depuis quelques jours, sans voir la lumière du jour ou un sourire."

Parler à haute voix de la souffrance qu'elle endurait et de la peur crispante continuelle de la détention semblait faire tout sauf du bien à la jeune rouquine.

"Je vais vous dire tout ce que je sais... Une nuit, j'ai été enlevée par des hommes à la poigne puissante pendant que j'honorais notre déesse-Lune Amuu. Lorsque je me suis réveillée, j'étais ici avec quatre de mes soeurs. Une d'elle nous a révélé avoir fait semblant de dormir, et avoir vu défiler tout Azthia dans un carosse à cheval. Pour ma part, je suis sûre d'être passée par la mer dans mes souvenirs embrûmés, mais je dois me tromper."

Elle déglutit avec peine, relevant à peine les yeux pour voir ta réaction. Ne sentant pas arriver de grondement, elle poursuivit.

"Nous sommes dans un monastère souterrain, ou quelque chose comme cela. Nous sommes incapables de dire depuis combien de temps nous sommes ici sans la lumière du jour. Il y a des gardes partout, qui nous surveille passer et qui font des rondes. Ils sont habillés en rouge et or, je n'en avais jamais vu auparavant. Nous avons bien essayé de nous enfuir, mais ils retiennent toujours trois de nos soeurs en otages en même temps, en menaçant de les égorger si on tentait quelque chose. Ils ont dit que c'était aussi valable pour vous. On ne sait pas pourquoi nous sommes là, si ce n'est qu'on nous a demandé de préparer le séjour d'un hôte spécial. J'ai ordre de vous ammener auprès du Grand Prêtre dès que vous serrez prête, ma Dame."

Kriisten dû revenir de loin pour parvenir à comprendre le sens des mots qui s'effilochaient autour d'elle. Tout était à revoir. Alors tout cela n'avait servit à rien ?! Si les propos de la servante parvinrent à effacer d'un trait la colère grandissante de l'Oblat, cette dernière n'en restait pas moins méfiante, prête à tout qu'elle était de démontrer qu'un humain peut cacher tous les vices... Dont le mensonge et la tromperie.

- Je... Pardon ma Reine, je... Je ne suis qu'une victime comme vous. Nous sommes cinq à être retenues ici depuis quelques jours, sans voir la lumière du jour ou un sourire. -

Ses prunelles bleues suivirent le tracé de la silhouette de la jeune fille, glissèrent sur sa robe immaculée, et finirent leur course sur le visage empourprée de la pauvre servante. Aucune arme ne pouvait se cacher sous ce bien trop fin tissu blanc... Et puis... Maintenant qu'elle y pensait, il lui semblait en effet bien connaître cette jeune fille un peu perdue, fervente dans sa religion, parfois quelque peu maladroite, à ne plus savoir que faire lorsqu'elle tombait malencontreusement sur Kriisten.
Un doux sourire vint jouer sa symphonie sur le visage de cette reine disparue, tandis qu'elle écoutait avec grande d'attention le récit de la prêtresse acculée. D'autres éléments importants venaient compléter l'enchevêtrement épouvantable de ses pensées, dans une suite de complots tous plus infâmes les un que les autres... Elle décida que, finalement, faire confiance à cette jeune suivante qui semblait avoir souffert plus que de coutume, serait une bien bonne idée. Après tout, l'on ne survit pas en territoire ennemi sans épaule amical !

- J'ai ordre de vous emmener auprès du Grand Prêtre dès que vous serrez prête, ma Dame. -

Kriisten s'avança gracieusement et passa une main maternelle dans les cheveux emmêlées de la petite servante. Elle laissa tomber sa main sur le côté, fit glisser un doigt rassurant sur la joue de sa compagne d'infortune, et se corrigea enfin :

« Si les excuses d'une Reine valent quelque chose, alors je vous pris humblement d'accepter les miennes. Dans la fureur qui m'aveuglait, nouvelle enlevée que je suis, j'ai peinée à discerner qui devaient être mes ennemis et qui étaient ceux sur qui je pouvais compter... »

Elle se passa un doigt sur les lèvres, semblant réfléchir. Ce simple geste suffisait à lui donner un air on ne peut plus candide qui faisait tourner la tête de tant de ses amants... Elle reprit alors, à nouveau sérieuse :

« Comment vous nommez-vous ? Qui sont les quatre autres ? Dont les trois qui sont prises en otages ? Le Grand Prêtre attendra bien quelque minutes de plus. Il me paraît logique de comprendre à qui j'ai affaire avant de m'avancer à un quelconque projet... »

Si celle qui avait si ingénieusement fait semblant de dormir faisait partit des otages, Kriisten se retrouverait quelque peu sans atout... Au moins savait-elle déjà avoir « sans doute » traversé la mer ! Preuve irréfutable qu'elle ne se trouvait plus en Storghein... A moins bien sûr que ses kidnappeurs n'aient fait exprès d'accomplir du chemin en plus afin de tromper leur sens de l'orientation...
Elle soupira, lassée de tant de questions sans réponse. Or, voilà que ce Grand Prêtre prenait l'initiative de l'inviter, « cordialement » bien sûr, à venir se joindre à lui à une quelconque entrevue. Elle se mordit la lèvre inférieure, sentant la fièvre du combat grandir à nouveau en elle. Elle se vengerai, de cela, elle pouvait jurer !

« Ces fameux gardes en pourpre et or, vous laissent-ils vous promener à votre guise ? Sommes-nous « libre » d'aller où nous le désirons, de nous voir entre nous si cela nous chante ? »

Simple question rhétorique, qu'elle était sûre de découvrir par elle-même dans les prochaines heures... Quelles heures, au fait ? Vu qu'apparemment, ici, le temps n'avait pas de prise...

La demoiselle semblait reprendre de l'assurance à mesure que le ton de l'Oblat se radoucissait envers elle. Certes elles n'étaient pas sorties d'affaire pour autant, mais pouvoir compter sur leur reine forte et fière dans un moment pareil était un bonus non-négligeable au moral. Surtout lorsqu'on a pas vu la lumière du soleil depuis plusieurs jours.

"Et bien... Ces gardes parlent Astorg, mais des fois avec un accent assez drôle. Ils sont assez secs et n'hésitent pas à nous pousser assez fort. Si c'est notre tour d'être libérée, nous pouvons nous déplacer librement sous leurs yeux. Mes autres soeurs, j'étais avec elle dans le temple d'Ammu et à votre service. Ce sont les plus timides de notre Ordre, à coup sûr. Je ne sais pas trop de quoi cela peut s'agir quant à cet enlèvement et cette réunion avec le Prêtre, ma Reine, mais peut-être en saurons-nous plus sur les raisons de notre capture."

Elle commença à marcher devant toi, t'invitant par la-même poliment à la suivre. Les couloirs étaient grands, plein de croisements qui lui donnaient un air de labyrinthe souterrain. Sur les murs de pierres taillées de couleurs marrons étaient encastrés des torches au feu brillant. A chaque recoin, des Gardes se tenaient immobiles ou se déplaçaient par deux. A bien y voir, il ne s'intéressait qu'à cette partie du bâtiment.... Celle où tu résidais. Ils portaient un casque gris avec un voile en maille devant la bouche, un justaucorps rouge et noir sous une armure dorée. Chacun portait une épée bâtarde en bandoulière et une lance dans la main. Tout ce petit monde, juste pour quelques prêtresses et une dirigeante....

"Ma Dame, je vous en prie" supplia subitement la servante d'Ammu, "Ma soeur est retenue prisonnière, et ils n'hésiteront pas une seconde à l'exécuter si vous tentez quoique ce soit."

T'ayant certainement vu dévisageant les soldats, elle venait d'imaginer que tu cherchais déjà un moyen de t'évader. Mais ces bougres avaient bien tout prévu en gardant toujours quelques prêtresses en otage.

"Nous y sommes".

Un grand rideau rouge barrait l'accès à une pièce plus illuminée que les autres. Trois gardes s'étaient postés derrière vous, et deux autres soulevèrent le rideau à l'intérieur.

"Oblat Kriisten, c'est un honneur".

L'homme qui venait de parler avait un fort accent du sud. L'Astorg n'était pas sa langue maternelle et il faisait de bien pitoyables efforts pour se donner un style.

"Entrez, ne restez pas dehors".

Du bout de la lance, les gardes de derrière te poussèrent fébrilement. En entrant dans la salle, tu pus enfin apercevoir un peu mieux ton interlocuteur: petit, trapu, grassouillet et chauve, il te faisait penser à toutes ces caricatures de moines. Il portait une tunique rouge et blanche, très ample, qui le rapetissait encore d'avantage.

"Alors, comment trouvez-vous vos nouveaux appartements? J'espère qu'ils sont à vos goût, car je pense qu'on vous a déjà prévenu des risques d'une fuite. D'autant que croyez-moi, vous ne pourrez pas aller bien loin une fois sortie. Un peu de thé Almer?"

Il se servit une tasse, puis en remplit une deuxième. Ta servante fut sommée de partir sur-le-champ.

"Vous devez vous poser bien des questions. Sachez juste que nous ne vous ferons aucun mal si vous vous comportez en Reine digne de ce rang. Vous pourriez même gagner le droit de vous déplacer librement- avec une petite escorte cela va de soit".

Il ria de bon coeur d'un rire gras, presque comme un phoque.

"Soyez fière de faire partie d'un grand plan, très chère Oblat. Voyez-vous.... Il nous faut une guerre. Et vous serez parfaite dans le rôle qui est le votre. Alors, du thé?"

Il se préparait quelque chose. Quelque chose de grand, de très grand... Pas une simple gueguerre, histoire de ranimer les troupes en leur offrant quelques morts sur un plateau et une victoire toute servie sous des allures d'intrigue, non ! Kriisten fronça les sourcils, dans une mimique tout à fait agressive et contrariée, les méninges fonctionnant à plein régime. Le nouveau but du jeu, puisque jeu il y avait, serait de sauver le plus de vie alliée possible... Génial !
Elle écouta avec une attention renouvelée les indications de la servante qui semblait prendre de l'assurance. Elle se demanda l'espace d'un court instant si elle serait capable de porter une arme et de défendre sa vie... Si elle voulait s'échapper, elle ne pourrait pas le faire seule ! Elle se reprit bien vite et réfléchit à nouveau sur ce que ces nouveaux indices impliquaient. Tout cela était prémédité depuis trèèès longtemps. Puisqu'on avait prit soin de choisir et d'entraîner des gardes sachant parler Astorg, puisqu'ils étaient de toutes évidences parfaitement organisés par roulement et positions stratégiques... Et j'en passe et des meilleurs !
Kriisten soupira, intriguée par tous ces déroulements imprévus. Elle emboîta le pas de la jeune fille de sa démarche de reine conquérante, droite et fière dans ces longs corridors où se faufilaient gardes et soldats, les foudroyant d'un regard ténébreux qu'ils se chargeaient d'ignorer royalement. Elle ne les craignait pas. Il n'avait de toute évidence pas le droit de la tuer -ils l'auraient fait depuis longtemps ! Rien de plus que des hommes armés jusqu'aux dents et parfaitement entraîné...

- Ma Dame, je vous en prie" supplia subitement la servante d'Ammu, "Ma soeur est retenue prisonnière, et ils n'hésiteront pas une seconde à l'exécuter si vous tentez quoique ce soit. -

Kriisten rassura cette dernière d'un battement de cils affirmatifs. Elle ne jetterait pas à la mort une Astorg innocente sans réfléchir... Si elle n'aimait pas être impuissante, elle savait tout de même attendre son heure patiemment, et étudier toutes les possibilités avant d'agir. Il n'y avait pas que sa vie en jeu, que diable !
Elle prit grand soin de repérer chaque direction prise, chaque décor, relief ou symbole qui aurait pus lui offrir un indice... Mais tout était identique. Chaque nouveau couloir n'était qu'une pâle copie de plus du précédent... Parfaitement indissociable. Elle songea d'ailleurs avec surprise à cette jeune servante qui s'y repérait de toutes évidences sans se poser de questions. Depuis combien de temps errait-elle donc en ces murs ?!
La jeune fille s'arrêta soudain, visiblement peu rassurée. Kriisten coula un regard circulaire au lieu, s'éloignant de deux pas du grand rideau rouge d'où s'échappait une lumière blafarde. N'importe quel assassin pouvait facilement se cacher derrière et jaillir quand bon lui semblerait dans un éclair argenté.
Prévoyante et se connaissant bien, Kriisten prit soin d'inspirer un bon coup avant de se jeter dans la gueule du loup. Le visage qu'elle y découvrirai ne la renseignerai peut-être pas, mais au moins, elle calmait ses nerfs et empêcherai sans doute la mort d'une servante innocente ! Elle eut un léger sourire mi amusé mi machiavélique en songeant à la tête que ferai ce mystérieux grand prêtre lorsqu'il remarquerai sa robe immaculée déchirée... Sûrement un spectacle très plaisant !
Un chuintement de métal et trois gardes l'avaient encerclée, deux autres se chargeant de rabattre les pans du lourd rideau pourpre. Hum... Suspicieux et craintif, le petit prêtre ! Pour prévoir une telle garde à une pauvre femme sans défense comme Kriisten, il fallait drôlement craindre pour sa vie...
Elle franchit donc la barrière invisible de la lumière, ses boucles blondes ondulant dans son sillage, son port de reine soulignant le blanc neigeux de sa peau. Elle planta des yeux bleus océans farouches sur la petite silhouette menue qui se dandinait oisivement devant elle. Elle sembla déceler presque aussitôt cette lueur de folie qu'ont les tout petits d'avoir l'impression de servir une cause immensément grande... Qui leur reviendra avec beaucoup beaucoup d'argents et de plaisirs !

- Alors, comment trouvez-vous vos nouveaux appartements? J'espère qu'ils sont à vos goût, car je pense qu'on vous a déjà prévenu des risques d'une fuite. D'autant que croyez-moi, vous ne pourrez pas aller bien loin une fois sortie. Un peu de thé Almer? -

Kriisten garda enfouit son dégoût profond pour cet homme potelé imbu de lui-même. Elle se contenta d'un sourire en coin affirmatif, sans pour autant bouger d'un pouce, réfléchissant de plus belle à la signification de ce « vous ne pourrez pas aller bien loin »... Cette base était donc en quelque sorte coupée du reste du monde. Montagnes ? Mer ? Souterrains ?

- Vous devez vous poser bien des questions. Sachez juste que nous ne vous ferons aucun mal si vous vous comportez en Reine digne de ce rang. Vous pourriez même gagner le droit de vous déplacer librement- avec une petite escorte cela va de soit. -

De toutes évidences, il connaissait sur le bout des doigts son caractère... Sa fierté devait être bien connue, pour qu'il tente de la convaincre en appelant à lui son orgueil de reine ! Elle leva mentalement les yeux au ciel, pourléchant le tracé de ses lèvres dans une mimique animale, dangereuse. Hoho... Voilà qu'on la défiait... Tout ceci n'était définitivement qu'un grand jeu politique créé par des fous POUR des fous, dans le seul but de prouver au monde qu'eux ne l'ont pas oublié !

- Soyez fière de faire partie d'un grand plan, très chère Oblat. Voyez-vous.... Il nous faut une guerre. Et vous serez parfaite dans le rôle qui est le votre. Alors, du thé ? -

Et voilà, qu'est-ce qu'elle disait... Tous des psychopathes paranoïaques !
Elle leva un sourcil dubitatif devant la tasse de thé déjà servie... Dans le genre « vous avez le choix » ! Elle réfléchit à ses mots et affirma d'une voix parfaitement calme et posée. Ne jamais se montrer agressive lorsque l'on ignore ce dont l'ennemi est capable... D'autant qu'il détenait une Astorg entre ses doigts...

« Je vous remercie pour le soucis que vous vous faites de mon bien-être. J'espère seulement que vous faites de même pour celui de mes suivantes... »

Elle appuya sur la fin de sa phrase, y cachant facilement un sous-entendu planant, sur la santé de leurs otages.
Sans jeter un seul regard aux gardes nerveux qui l'encadraient, elle fit remarquer :

« J'avoue qu'une tasse de thé me ferait le plus grand bien après les évènements de cette nuit... Seulement je ne pense pas que la position verticale soit très appréciée de la digestion. »

Un fin sourire ironique vint fleurir le tracé de ses lèvres, soulignant avec majesté ses propos. Le « cette nuit » n'avait pas était énoncé au petit bonheur la chance... Avec un peu de culot, selon la réponse qui lui serai faite, elle pourrai bientôt être en mesure de comprendre combien de temps s'était écoulé depuis l'agression ! Et déterminer si effectivement, il faisait jour ou non.
Elle reprit de plus belle :

« Je suppose que vous savez déjà quelle question je vais vous poser, question qui me semble logique dans notre situation... Quel est donc ce si grand rôle que je suis en mesure de jouer ? »

[Désolé de faire si court mais j'ai accumulé pas mal de retard!]

Le gros monsieur massa son gros visage boutonneux dépourvu de barbe de ses grosses mains. La Reine Kriisten avait son caractère, c'était connu, mais là elle ne lui facilitait pas la tâche. Une femme plus appeurée et plus docile lui aurait grandement plu au contraire de ça... Mais l'Oblat ne semblait pas enclin à céder à la panique, comme si elle s'était préparée toute sa vie à ce moment. Et si elle se doutait de quelque chose? La situation serait critique! Non, non. Même si elle connaissait toute la vérité derrière cette enlèvement, cette joyeuse farce dont elle était la dinde, il lui faudrait s'échapper pour déjouer ces plans machiavéliques. Et tout ça était bien calculé.

"Voyons, ma chère Kriisten, pour quoi nous prenez-vous? Jamais nous lèverions la main sur une femme... Enfin, sauf celle qui a essayé de nous défier bien sûr. Mais comprenez qu'il nous faut une assurance comme quoi vous ne tenteriez rien."

Il attrapa de sa grosse main transpirante la tasse de thé qu'il te confia.

"Votre rôle consiste à rester ici, chère Oblat, et à attendre tranquilement que nos plans suivent leurs cours. Nous avons besoin de vous comme disparue, enfin disparue par la force des choses. Voyez, votre position n'est pas si difficile après tout. Croyez-moi, d'autres ont des rôles beaucoup plus sensibles."

Réalisant soudain qu'il risquait de beaucoup trop parler sous le coup de l'excitation et de l'euphorie, il changea brusquement de sujet.

"Mais que diriez-vous de vous laver puis de manger? Depuis le temps que vous ... heu.. Dormez, vous devez êtres affamée?"

Ah ah... En plein dans le mile ! Fière d'elle, elle observa de haut le pauvre petit bonhomme se massant instinctivement le visage. Ça pour être stressé et mis sur piles électriques, il devait l'être... Elle tenta de deviner depuis combien de temps le petit prêtre était éveillé et gérait son « affaire » mystérieuse. Suffisamment en tout cas pour être ennuyé de la présence d'une femme un peu trop envahissante !
Kriisten observa l'inquiétude planer sur le visage bulbeux, goutta à l'hésitation de son ennemi et se renfrogna lorsque finalement, il se raccrocha à ses idées comme un hérétique à son dieu. Il n'était pas l'investigateur de tout cela. Il n'en avait même pas le quart de la carrure et semblait emmêlé du début à la fin dans les idées d'un autre. On l'avait mené par le bout du nez. On se servait de lui. Et il était presque à genou devant la cause qui n'allait pas manquer de le trahir... Qu'avait-on bien pus lui promettre ? De l'or ? Des terres ? Storghein, tant qu'on y était ?!

- Voyons, ma chère Kriisten, pour quoi nous prenez-vous? -

Euh pour des dégénérés kidnappeurs de reine et complètement déments, pourquoi ? Ah oui pardon, j'ai oublié de préciser fanatiques...

- Jamais nous lèverions la main sur une femme... Enfin, sauf celle qui a essayé de nous défier bien sûr. Mais comprenez qu'il nous faut une assurance comme quoi vous ne tenteriez rien. -

L'immense sourire radieux intérieur qu'elle arbora vint illuminer de plus belle sa prestance. Oh dieu, elle n'avait jamais été aussi fière de son peuple ! Que même cette pauvre jeune femme prise en otage ne se soit pas laissée faire lui prouvait une fois de plus l'immense valeur des Astorgs... Elle dû faire un effort sur-humain pour ne pas laisser filer sa bonne humeur naissante, sur le fil de ses traits.
Elle devait se concentrer, elle ferai un hymne aux Astorgs et un gros câlin à cette Prêtresse-servitante de la Lune prise en otage plus tard ! Elle s'étira comme un chat, jouant avec la finesse de ses muscles, la robe immaculée déchirée soulignant la moindre de ses formes sensuelles, traçant un contour très appréciable de sa silhouette. Ce petit prêtre n'était pas un homme, s'il résistait à Ça ! Elle saisit avec un grâce digne des elfes l'anse de la tasse de thé bouillante, en huma le fumet d'un odorat de connaisseuse. Il y a bien longtemps, sa sœur ne manquait jamais de lui en laisser sur la table de nuit à côté de son lit...
Elle faillit grimacer. Beurk, il avait beaucoup à apprendre dans l'art du thé ! Les grains avaient été laissés bien trop longtemps dans l'eau, et cette même eau était bien trop chaude. De quoi vous réveiller un mammouth si l'on faisait exception du goût ! Elle se jura de se refaire du thé Almer, un fois rentrée au palais. Il s'agissait d'en savourer le véritable goût et non pas ce... truc...
Elle trempa pourtant ses lèvres dans l'onde caramel, prenant bien soin de n'en rien avaler, se contenant de toucher le thé. Manquerait plus qu'il soit empoisonné tiens...

- Votre rôle consiste à rester ici, chère Oblat, et à attendre tranquillement que nos plans suivent leurs cours. Nous avons besoin de vous comme disparue, enfin disparue par la force des choses. Voyez, votre position n'est pas si difficile après tout. Croyez-moi, d'autres ont des rôles beaucoup plus sensibles. -

Ah oui c'est vrai. Elle n'était pas dans un salon de thé mais dans euh.... Bref, quelque part ailleurs !
Elle dressa aussitôt l'oreille, remettant une mèche dorée rebelle à sa place de deux doigts graciles. Allez, cher charme, fait donc ton œuvre...
Comment ça, « plus sensibles » ? Et si ce petit monsieur pensait qu'elle allait rester bien sagement ici à ouvrir grand les yeux d'admirations pour lui, il se fourrait le doigt dans l'œil jusqu'au gros orteil de pied ! Tout ce dont elle avait besoin, c'était de savoir où donc pouvait bien être retenue leur otage...
Elle prit une mimique tout à fait candide, soudain plus pure, naïve et innocente que le plus gentil de tous les canetons du monde, ses longues boucles blondes encadrant ce visage parfait d'angelot.

« Votre rôle doit être tellement dur pour que vous en parliez ainsi... Je doit au moins vous reconnaître cela, vous êtes un très grand homme pour parvenir à gérer tout cela comme il se doit, et être parvenu à créer un tel plan de grande envergure aussi perfectionné ! »

Aussi euphorique et excité qu'il l'était, il ne devait avoir envie que d'une seule chose : se vanter de l'immense plan qu'il servait si ardemment ! Que quelqu'un le reconnaisse enfin à sa juste valeur, preuve que ce qu'il obtiendrait par la suite ne serait que meilleur. Surtout quand la personne qui brille d'admiration pour vous et une jeune et canon Oblat que vous tenez entièrement en votre pouvoir...
Mine de rien, très lentement, elle ajouta :

« Vous ne devez pas avoir beaucoup de temps à m'accorder pour que je puisse effectivement prendre une pleine disposition de votre grandeur... Je m'en vais donc prendre un bain comme vous me l'avez si justement conseillé. »

Elle tourna les talons, détachant son regard bleu hypnotique du petit prêtre hideux, marchant souplement de son pas envoutant de guerrière chevronnée, prête à faire demi-tour au premier appel.
A vrai dire, elle mourrait d'envie d'aller se mettre la tête sous l'eau chaude, de remettre ses idées au clairs et de se remplir convenablement le ventre. Mais elle n'était pas sûre de le revoir par la suite et se devait d'obtenir un maximum d'informations sur ce qu'elle était sensée affronter. Car maintenant, elle en était persuadée, elle devait s'échapper au plus vite... Car c'était son peuple qui était en danger. Rien de moins que cela !

Planté là, le gros bonhomme. « C'est pas zuste », devait-il penser... Kriisten le détestait, et pourtant il n'était qu'un membre exécutif du plan. Un pion exploité était plus juste, mais il ne l'apprendrait que bien plus tard...
Ainsi donc il ne retint pas la belle Reine blanche, qui sortit de la pièce la tête haute et les idées noires. Les gardes avaient manifestement compris tes intentions puisqu'ils t'encerclèrent sans un mots, la prêtresse de la Lune ouvrant la marche direction les bains.

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La large pièce, taillée dans la roche, se trouvait être une source d'eau chaude naturelle. Les murs étaient forgés de pierre irrégulières marrons et grises, des torches plantées à même la roche éclairaient péniblement la pièce d'eau. Le plafond, à quelques mètres de hauteur, possédait une seule lucarne: un trou, large comme un homme, qui servait de cheminée afin d'évacuer la chaleur humide. A travers, aucune lumière ne filtrait et tout semblait d'un bleu très sombre: c'était donc la nuit au-dessus du sol.
Une seule issue permettait de sortir de l'endroit: la porte par laquelle tu venais d'entrer. Les soldats montaient la garde à l'extérieur, un groupe de cinq lanciers, là pour veiller que les trois prêtresses dévouées à ton bain ne tentent pas quelque chose de dangereux... Pour elles.

« Madame, chuchota l'une d'elle dans le bain, nous sommes prêtes à faire n'importe quoi pour vous aider à vous enfuir. Espionner, séduire... nous obéirons à vos ordres! »

Personne ne la retint. Pas même ce petit bonhomme grassouillet qui commençait sérieusement à lui taper sur le système. Elle retint une mimique d'agacement et suivit dignement l'étrange cortège de gardes et de prêtresse qui c'était formé autour d'elle.
Elle devait se calmer et réfléchir... Dieu qu'elle détestait les situations compliquées ou tabasser les méchants ne suffisait pas ! Et voilà qu'en plus, elle devait se débrouiller pour épargner la vie de l'otage. Donc pas de débordements trop... expressifs, s'il-vous-plaît.
Ils passèrent à nouveau dans de nombreux corridors, rencontrèrent plusieurs petites factions de gardes patrouillant à intervalles réguliers, sans commentaire ni moindre chuchotement. Des zombies ? Kriisten ne leur accorda pas même un regard, concentrée qu'elle l'était sur le problème épineux et les révélations qu'on venait de lui offrir sur un plateau... Et... Pouah, un bain lui ferait du bien !
La jolie prêtresse s'arrêta enfin devant une petite porte qui semblait avoir eu un accident avec le mur. Leur escorte se divisa aussitôt en deux groupes, deux gardes disparaissant dans l'obscurité des couloirs, les deux derniers se plaçant de chaque côté de la porte droits comme un I.
La pièce semblait être sortit de nul part, un anonyme géant ayant sans doute forcé la roche à s'incurver et à s'espacer. L'ocre et l'argent des murs se reflétaient sur la surface embrumée de l'eau calme, petit bassin de mousse donnant sur un deuxième bassin d'eau propre... Un petit tas de serviettes soigneusement pliées avaient été déposé à leur intention sur un simulacre de banc de pierre.
Un soudain courant d'air vint balayer l'air chaud sur le visage candide de la reine Astorg. Ses yeux cherchèrent aussitôt la cause de cette brise et tombèrent avec malice sur le large enfoncement de la salle donnant sur l'extérieur. Hum hum...
Elle dégrafa pourtant sa robe blanche déchirée laissant le tissus glisser à ses pieds et noua ses longs cheveux dorés en un chignon à peu près parfait. Elle suivit alors la jeune et jolie prêtresse vers le bain, se plongeant avec délectation dans l'eau chaude. Elle pouvait enfin se détendre les muscles, profiter d'un calme faussement serein et se rafraîchir les pensées. Les gens qui l'avaient enlevés n'étaient pas très doués pour les relations humaines mais... Ils savaient y faire en matière de bien-être sanitaire !

- Madame, chuchota l'une d'elle dans le bain, nous sommes prêtes à faire n'importe quoi pour vous aider à vous enfuir. Espionner, séduire... nous obéirons à vos ordres !

Kriisten leur offrit un délicieux demi-sourire qui se voulait rassurant et reconnaissant. Elle s'étira comme un chat, s'enfonça un peu plus dans l'eau mousseuse et frémit de contentement. Elle ronronna :

« Je vous remercie de la dévotion que vous m'offrez... Je ne l'oublierai pas. Mais nous ne sommes pas encore sorties d'affaire, et de loin ! »

Elle soupira et daigna enfin sortir de l'eau, mimant un « chut » silencieux, un doigt posé sur ses lèvres. Avec beaucoup de précaution elle déshabilla la première servante qui se présenta à elle et lui fit signe de rentrer dans l'eau... Elle enfila ses vêtements et chuchota aux trois prêtresses curieuses :

« Vous, faîtes comme si vous étiez moi et laissez vous laver. Vous deux engagez la conversation sur n'importe quel sujet du moment qu'il paraît vrai. »

Et sans en dire plus elle tourna les talons et s'approcha du mur du fond, caressant la surface irrégulière du bout des doigts. Elle n'avait pas pratiqué l'escalade depuis longtemps, mais ses muscles entraînés et sa souplesse ne devrait pas avoir de mal à venir à bout d'un simple petit mur avec autant de prises ! Elle retroussa la robe déjà courte, remonta ses manches et se mit à la tâche.
Elle atteint rapidement l'entrée de la cheminée où l'affaire se corsât. Elle pria machinalement pour que les trois prêtresses est suivis ses instructions et n'aient rien fait qui puisses alerter les gardes à l'extérieur...
Elle changea d'appuis, bloqua son corps à l'aide de ses bras écartés au maximum, cala ses pieds contre le mur, et progressa dans l'étrange tuyau en formation étoile-de-mer. Ses doigts vinrent agripper les rebords inégaux de l'embouchure et elle se souleva jusqu'à l'air libre. La liberté. Enfin !
L'air marin vint lui fouetter le visage, lui arracha des larmes de joie, soulevant ses opulentes boucles dorés dans les ténèbres de la nuit. Elle s'assit en équilibre sur le bord, et enfin, regarda autour d'elle.

Elle allait enfin savoir pouvoir déterminer où elle se trouvait exactement... Elle redescendrait ensuite, sachant maintenant où s'enfuir lorsqu'elle aurait sauvé l'otage...

La liberté... On ne peut y prendre goût qu'après avoir connu l'enfermement, la privation ou la torture. Physique ou mental.
Qu'il devait être tentant, Reine de Storghein, de prendre la fuite et de sauver ta peau blanche! Mais ton engagement envers ton peuple et tes prêtresses forçait l'admiration, et impossible pour toi de partir sans tes soeurs.

Il faisait nuit. La brise était douce et le ciel dégagé, une belle nuit d'été. Autour de toi, la végétation était dense, verte avec un sol légèrement humide. Tu pouvais entendre le vent dans les arbres et les insectes chanter, des petits papillons voleter autour de la cheminée de la salle des bains. La brise était fraiche, il devait être très tard pour qu'elle te donne de tels frissons de froid.
Et en effet, ça sentait l'air marin. L'écume et le sel arrivaient dans tes narines à chaque poussée de vent face à toi. En avançant un peu sur ta gauche, tu découvris que tu te trouvais au pied d'une large falaise dont tu ne distinguais même pas le haut dans la nuit. Un sentier le bordait, fait de sable et de terre. En le suivant une bonne dizaine de minutes, tu distingua à travers les arbres la clameur de l'océan qui se détachait comme une immense tâche d'encre à quelques centaines de mètres devant toi. Sur ta droite, le sentier menaient tout au bout vers de faibles lueurs, quelques points jaunes servant de phares dans la nuit. On rentre ou on continue?

La liberté vint émoustiller ses sens. Elle se laissa choir jusqu'au sol, atterrissant souplement dans le silence le plus total. La terre humide sous ses pieds nus lui fit un bien fou et c'est avec précaution qu'elle avança à ras le sol, un mouvement après l'autre.
Il se pouvait que l'ennemi est placé une garde de surveillance dans les environs, histoire de prévenir toute tentative de fuite... Mais non. Personne dans les environs. Ou alors ils étaient parfaitement bien cachés ! Kriisten pus se redresser un peu plus sans pour autant perdre sa posture de combat. Elle avait peine à le dire, mais pour une fois, il se pouvait que la prudence puisse lui sauver la vie... Et celle de l'otage.
Elle reprit donc son chemin, découvrant derrière elle une végétation dense -une forêt-, de bord de mer. Et faillit basculer dans le vide, le sol s'ouvrant subitement sous ses pieds pour rejoindre les flots. De l'eau à perte de vue... Frustrée, elle chercha du regard un autre point d'accès à la mer, glissant souplement sur la terre mêlée de sable afin de ne pas laisser de trace. Elle se baissa et sauta silencieusement sur le petit sentier en contre-bas, rasant l'ombre des murs dans la faible lueur de la lune. Maudite robe blanche trop visible... Elle pria pour qu'aucun marin fou ne soit de sortit à une telle heure de la nuit.
Une immense plage étira son voile devant elle, point de rencontre entre l'eau et la terre. Personne en vue. Elle jeta un regard fugace derrière elle, ne trouva pas âme qui vive et décida d'avancer encore. Encore et toujours. Elle devait savoir où elle était, bon sang de bon soir ! Une fois de plus, elle regretta l'absence de son poignard contre sa cuisse, avançant toujours plus loin dans cet océan d'ombres et de dangers...
Au loin, des lumières dorés naquirent, dévoilées entre deux dunes de sables capricieuses. Kriisten hésita. Et se décida aussitôt, fidèle à son caractère. Elle irait jusqu'au bout ! Elle avait encore un peu de temps devant elle, et pourrait peut-être même trouver de l'aide dans la ville qu'elle pouvait apercevoir au loin ! A moins que ce ne soit le camp militaire de l'ennemi... Une armée ?! Aussitôt la vision d'une invasion sur sa belle citée lui donnèrent envie d'aller elle-même faire la tête au carré à ceux qui l'avaient kidnappé. Qu'il y ait armée ou non.
Entre la prudence et le manque de temps, elle choisit de faire vite. Elle fit jouer ses muscles, noua ses cheveux avec un bout de tissu arraché et s'élança dans le sable, vive et rapide comme une panthère... Déesse blanche volant sur cette plage perdue vers les feux de la civilisation.
Dans l'ardeur de la course, elle prit le temps de songer à ce qu'elle ferait ensuite. Amis ou ennemis ? Si le premier de ces deux cas étaient juste, elle attraperai la première personne de confiance qu'elle pourrai trouver et le prierai avec plus ou moins de violence de dégoter le plus d'hommes armés possible... Il faudrai ensuite qu'elle prenne un peu d'avance sur la troupe, retournant dans les bains avec les prêtresses pour attendre et tromper l'ennemi.
Et enfin, enfin elle pourrai se battre ! Frapper, taillader en rondelles, désosser ses fils de **** qui lui avaient volé des vies ! Un immense sourire sadique et jovial étira ses traits lorsqu'elle pensa au chef des chefs. Celui qui avait organisé cette joyeuse partie. Elle le torturai un peu quand même, pour s'amuser...
Elle dérapa sur le sable doré, effectua une roulade avant et se redressa aussitôt, continuant sa course comme si de rien n'était. Elle sentait les secondes s'égrener derrière elle, le danger de voir son évasion remarquée à tout moment et la vie des prêtresses partirent en fumée... Par tous les dieux Astorg, elle devait y arriver ! Pour sa survie et celle de son peuple !

Les arbres se déchirèrent devant elle, la plage vint mourir à ses pieds et l'horizon lui apparut. Les lumières lui sautèrent à la gorge, saturant ses sens et l'éblouissant momentanément.
Elle ralentit, s'arrêta et se prépara à découvrir ce qui ferai pencher sa vie dans l'une ou l'autre de ces directions étranges que prennent le destin...

[Je me permets de te manipuler un peu, n'hésite pas à me MP si ça te pose problème!]

Les torches vacillantes sous le vent, des piquets étaient solidement attachés dans le sable et dans le sol. Des hommes armés faisaient des rondes, déchargeaient des caisses depuis des embarcations, quittant leurs armures sang et or pour s'atteler au travail et boire un coup assis sur le sable. Zut et encore zut, tu venais de tomber vraisemblablement sur l'entrée du monastère souterrain! Dissimulée dans les fougères, tu observas alors la danse de ce petit monde: des gardes se tenaient devant l'entrée, mais semblaient plus intéressés par leurs copains avec des jarres de vin que par ce qui se passait autour d'eux dans la forêt. Près de l'entrée, un port de fortune était installé, fait de planches de bois et de pontons. Des caisses sortaient des petits navires, à peine agité par une eau calme. Difficile de savoir où tu étais... Près de l'eau, c'était certain. Mais entre la longue côté littorale du continent et les multiples îles, ça ne s'annonçait pas bien. Pourvu que les Compagnons aient des pistes de leur côté!

Puis tout se passa très vite. Un chevreuil débaroula à côté de toi, attirant l'attention de ton côté. Voulant éviter de te faire voir, tu détala sans demander ton reste en direction de ta prison, par où tu étais venue. Évidemment, comme rien ne se passe comme prévu, un détachement de deux soldats venaient jeter un coup d'oeil et de lance de ton côté. T'orientant avec difficulté dans le noir, tu déboucha avec effroi sur un cul-de-sac, coincée entre un mur de pierre et la garde: tu te trouvais un pied d'une falaise, impossible à escalader rapidement. Là c'est sûr, les prêtresses allaient avoir des problèmes lorsque les soldats te tomberaient dessus.

"Ferme les yeux, ils ne te verront pas!"

C'était une voix de femme, tremblante et excitée, qui résonna dans ta tête. Aïe, tu devenais folle en plus! A moi qu'une déesse Astorg ne t'ai pris soudainement en affection (et c'était pas trop tôt), tu te retrouvais piégée à faire un choix entre la garde et une voix qui te demandait de fermer les yeux. La vie n'était pas facile tous es jours avec les reines enfermées.
Un peu par dépit, Kriisten ferma les yeux et ne bougea plus.
Les bruits de pas se rapprochèrent, puis l'Oblat entendit distinctement la respiration rauque de ses poursuivants. Les yeux clos, toujours fortement clos. Aussi incroyable que cela puisse paraître, ils semblèrent ne pas te voir.

"Par Kalten, j'étais sûr d'avoir suivie quelque chose."
"Toi et ta paranoïa, punaise, ça fait trois fois que tu me fais le coup!"
"Mais merde, j'étais sûr que...."
"Ramène-toi, et calme sur la bouteille la prochaine fois."

Le concert d'insultes et de politesses se fit de plus en plus distant à mesure que les deux hommes s'éloignaient. Toujours les yeux clos, la voix s'éleva encore une fois dans ta tête.

"Reviens-ici dans quelques jours. J'ai des choses à te dire."

Puis plus un bruit.

Silence. Le rideau s'ouvre et... Concert de lumières, de cris et de chants. De beuglements, plutôt. De voix d'hommes éméchés, trop saouls et ennuyés pour s'attarder un instant dans l'obscurité des buissons ambiants. Alàlà... Apparemment ils n'écoutaient pas souvent les discours qu'elle hurlait constamment à ses gardes ! Et combien de fois sa sœur lui avait-elle répété « Le quotidien entraîne l'ennui, et l'ennui entraîne la mort... Un bon gardien sait tromper le premier et achever le deuxième ! » !
Elle soupira en secouant la tête. Elle devait être une sacrée idiote pour s'être fait kidnapper par des incapables pareils ! Trop sûrs d'eux, beaucoup trop sûrs d'eux. Elle traça les contours du camps, dessina la silhouette des ombres dansantes à la faible lueur des torches vacillantes. L'entrée. C'était l'entrée de l'énorme construction qui attendait son heure sous terre, comme une couleuvre tapie dans un bosquet... Elle le nota dans un coin de sa tête et tenta de se déplacer.
Tenta. Parce qu'aucun des hommes ici présents n'auraient eu l'idée de venir voir vers elle. Aucun. Sauf si bien sûr, LE chevreuil hystérique du coin venait subitement décider de lui rendre une petite visite ! Elle roula instinctivement sur le côté, évitant de peu les sabots meurtriers qui s'abattirent dans la terre molle à l'endroit pile où elle se tenait, quelques secondes auparavant. Bien, elle avait évité l'animal enragé, mais sa magnifique roulade n'était pas vraiment passée inaperçue !
Un homme, un seul la remarqua. Et décida que ça, ça méritait son attention... Il exhorta bien gentiment deux trois copains à le suivre et partit droit sur elle.
Kriisten tourna les talons et bondit dans les fourrées, aussi vive et silencieuse qu'une ombre. Mais l'étrange groupe or et pourpre la suivait toujours, leur guide marchant d'un pas assuré droit devant lui, lame pointée vers le futur danger. Elle bifurqua en maudissant le seul homme intelligent encore sur ses gardes et déboula... Dans un magnifique et splendide cul-de-sac. Les dents serrées, elle fit volte-face avec une rapidité stupéfiante et étudia les maigres possibilités qui s'offraient à elle. Combattre ou... Combattre. Génial !
A mains nues contre trois hommes armés. Ivres, mais armés. Mer... credi !

- Ferme les yeux, ils ne te verront pas !

Kriisten ne bougea pas d'un poil. Mais grimaça de manière pas très féminine et chercha l'origine de la voix de ses beaux yeux bleus. De la magie ?!
Elle se mit en posture de combat et s'immobilisa. L'écho de cette étrange voix de femme revint en elle. Et elle ferma les yeux. Elle n'eut aucune idée de ce qui lui faisait croire en cet unique espoir. Mais elle décida que pour une fois, elle pouvait bien tenter sa chance...
Bruits de pas, sons de voix. Un cliquetis familier d'armes blanches rengainées vint ricocher contre la falaise. Kriisten gonfla ses muscles, prête à frapper et esquiver au moindre mouvement suspect. Elle fronça les sourcils, s'appliquant à fermer les yeux le plus fort possible...

- Par Kalten, j'étais sûr d'avoir suivie quelque chose.
- Toi et ta paranoïa, punaise, ça fait trois fois que tu me fais le coup!
- Mais merde, j'étais sûr que....
- Ramène-toi, et calme sur la bouteille la prochaine fois.

Par tous les bisounours de cette planète ! Ça marchait ! Ça marchaiiiit ! Elle se promit dès lors de revoir son jugement sur la magie et se détendit légèrement. A peine perceptible. Le silence s'installa dans ce coin de la forêt. Les hommes s'affairant de nouveau à leurs bouteilles de tous les horizons, les lueurs des torches se perdant dans l'infini de la nuit...

- Reviens-ici dans quelques jours. J'ai des choses à te dire.

Toujours cette même voix pressente, comme une enfant à qui l'on promettrait une tonne de cadeau le lendemain. Kriisten se décida à rouvrir un œil, puis le deuxième, replaçant une mèche doré rebelle derrière une oreille. Dans quelques jours ? Des informations ? Devait-elle faire confiance à cette inconnue dont elle ignorait l'apparence ? Un vieux proverbe Astorg disait « Garde toujours tes adversaires contre ton sein, l'ennemi invisible seul est celui qu'il faut craindre : tu ne peux le frapper de tes poings. »...
Elle jeta un dernier regard bleu sur la pierre mystérieuse de cette falaise sans issue et décida qu'il était temps de rentrer. Elle reviendrai dans quelques jours, histoire de voir si la voix ne lui avait pas mentit...
Elle se mit alors à courir dans la nuit, feu follet craignant le temps, habituée aux terrains accidentés des montagnes. Elle longea la paroi impraticable, se hissa sur un promontoire et retrouva la sinistre entrée des bains, trou béant à la surface de la terre. Kriisten soupira, se tourna une dernière fois vers l'horizon et entreprit la descente compliquée du boyau aux murs inégaux...

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On vint frapper à la porte. Levant les yeux du manuscrit romanesque qu'elle lisait, la jeune reine somma à l'opportun d'entrer: ce que fit la jeune prêtresse de la Lune. Depuis les quelques jours qu'elle était ici, Kriisten avait pu rencontrer les cinq suivantes qui étaient à son service. Elles procédaient réellement à un roulement, une ou deux se retrouvant généralement sous les verroux pendant que d'autres t'escortaient partout où tu allais. Difficile de savoir combien de temps s'était écoulé depuis la petite escapade au clair de lune, mais l'Oblat avait décidé d'y revenir aujourd'hui même. Afin de couvrir sa sortie, elle avait demandé à avoir un maximum de Prêtresse d'Ammu à ses côtés en prétextant un repas dans les bains pour redonner le moral aux prisonnières. Le moment était venu.

Se déplaçant avec légèreté dans les couloirs sans s'inquiéter des gardes habitués à présent à la voir errer jusqu'aux bains, Kriisten rassembla quatre demoiselles et entra dans la salle d'eau. Le repas y était bien installé, des paniers de fruits se mêlaient aux plats de poissons. Parfait, absolument parfait! Après quelques minutes histoire de faire croire que tout le monde était en petite tenue dans l'eau, la Reine escalada le cheminée.

C'était le crépuscule. Il faisait plus frais que la dernière fois, et la lumière tamisée te permit de retrouver le chemin menant à la mystérieuse voix plus facilement. Personne ne surveillait ce coin à nouveau, approcher du mur de pierre fut une chose plus aisée qu'elle ne l'avait pensé. La pierre était froide et bourrée d'aspérités. Kriisten essayait de retrouver l'endroit où elle était lorsqu'elle avait échappé aux gardes quand elle entendit à nouveau cette voix lui demandant de fermer les yeux. Elle s'éxécuta sur le champ.

"Tu peux les ouvrir à présent".

La reine sentit la chaleur d'un feu lui lécher le visage et ouvrit les yeux. Elle se trouvait à présent dans une petite salle, une sorte de caverne creusée dans la roche. Un tout petit feu dans une cheminée qui débouchait on ne sait où illuminait la pièce aux murs décorés avec des ustensils en tout genre. Trois armoires, une table et un lit terminaient l'ensemble très austaire.
A oui, et une vieille dame au milieu de la pièce. Ses cheveux blancs noués en chignon, sa peau blanche et ridée n'avait certainement pas vu le soleil depuis longtemps.
Quelle illusion entourait donc ce lieu pour passer ainsi de la pleine nature à une petite caverne?

"Alors jeune Reine, comment trouvez-vous votre petite escapade sur cette île paradisiaque?"

Grand-Mère Bizarre éclata alors d'un rire aigu et saccadé, satisfaite de ce qu'il semblait être pour elle la blague du siècle.

[Vu que tu aimes bien les vieilles femmes dans les RP, il fallait bien que je t'en offre une nouvelle...]

Les jours se succédaient et se confondaient au fil du temps, tous égaux à eux-même… La lecture était devenue une activité essentielle, capitale pour ne pas devenir folle dans ce lieu en dehors du temps. Là où ni la pluie ni le vent ne parvenait à entrer.
Kriisten soupira et changea de position pour la cinquième fois, croisant ses fines jambes découvertes, dégageant les mèches de cheveux rebelles qui s’étaient installées devant ses yeux. Régulièrement un garde venait lui apporter une petite pile de livres, traitant de différents sujets plus ou moins assommants. Elle n’en choisissait bien souvent que deux sur le tas, traitant d’aventures, de dragons et de combats… Que ne donnerait-elle pas pour apercevoir au moins une fois dans sa vie ces magnifiques créatures ailées crachant le feu !
Elle en était là de ses réflexions lorsque de légers coups discrets contre sa porte vinrent la déranger. Elle grimaça et reposa son livre entrouvert sur la fine couverture de laine.

« Entrez donc ! »

Une jolie jeune femme fit son entrée, triturant une mèche de cheveux d’un air gêné. Dieu qu’elle était timide ! Un chaleureux sourire naquit sur le visage de la reine Astorg qui se leva d’un bond souple. De toutes évidences, c’était l’heure du bain… Et de la liberté ! Elle remit de l’ordre dans ses cheveux, lissa sa courte toge blanche qui lui servait de robe et suivit la prêtresse lune dans le dédale de couloir qu’elle commençait à connaître.
Six ou sept gardes pourpres plus loin et la porte massive des bains apparue au détour d’un carrefour, les trois autres prêtresses déjà présentes, un paquet de serviettes dans les bras. Kriisten les salua d’un hochement de tête et les suivit à l’intérieur…
La salle des bains étaient peut-être la seule pièce de tout le souterrain à être très largement ventilé. Il y faisait bon, l’atmosphère variant entre la chaleur intense de l’eau et l’air glaciale de la nuit, dans les volutes de buées s’échappant par la large cheminée du plafond. Kriisten caressa la pierre inégale, prit le temps de redécouvrir les aspérités du mur qui l’avait tant aidé la première fois. Dernier salut aux prêtresses lunes et hop ! Elle se retrouva dehors…
Elle courut, bondit, se faufila, évita de justesse de débouler dans le camp de l’ennemi et partit à travers la forêt… A droite ? Non à gauche… Ou euh… Elle jura entre ses dents et choisit une direction au pif, selon ses vagues souvenirs.
Les arbres se déchirèrent subitement et la falaise apparut, abrupte et aussi lisse que du verre…

« Il y a quelqu’un ? Vous êtes là ? »

Elle tourna sur elle-même et se souvint de l’ordre que la voix lui avait lancé. Elle ferma les yeux et fit le silence dans son esprit…

- Tu peux les ouvrir à présent.

Elle s’exécuta et ouvrit grand ses yeux bleus, stupéfaite du changement qui c’était opéré. Comment diable cela était-il possible ?! Comment avait-elle fait pour passer à côté de tout ça la dernière fois ?
Elle se trouvait apparemment dans ce qui devait être une salle à manger, composée d’une cheminée, d’une table en bois, un lit… Rien de bien moderne où démontrant une quelconque créativité. Une veille femme se tenait là, toute pliée sur sa chaise comme une fleur fanée, riant à s’en arracher la gorge.
Kriisten haussa un sourcil perplexe, attendant un semblant d’explication.

- Alors jeune Reine, comment trouvez-vous votre petite escapade sur cette île paradisiaque ?

Ah. Une île, c’était une île. Bon, c’était déjà ça ! Et voilà que la petite bonne femme repartait dans son étrange rire psychopathique (si si, ça existe), dans on ne sait quel délire dangereux pour la santé (mentale, la santé)…

« Fantastique ! Seulement ce serait bien si je pouvais ramener deux trois copains de chez moi… »

Kriisten soupira et ajouta :

« Je me nomme Kriisten, et vous ? »

"Oooooh il serait bien difficile de ne pas connaitre ton nom jeune fille, tellement ton arrivée à chambouler cette île paisible... Hihihi!!"

Ah, encore une Private Joke.... La voix de la vieille femme montait dans les aïgus et son rire gloussait maladroitement. Tellement qu'elle se mit à tousser.

"Kof Kof.... Ah la vie est bien cruelle avec les vieilles femmes.... Ne me regarde pas comme cela, je sais que nous disons toutes ça! Et profite bien, parce que sous peu tu me ressembleras. Enfin si tu dépasses largement le siècle d'existence."

La magnifique Oblat devait se dire que le temps ne faisait pas des ravages exclusivement que sur le corps à entendre ce petit morceau aux oreilles sensiblement pointues. La beauté de la Reine de Storghein était immortelle comme une rose prise dans la glace, que venait-donc lui chanter cette étrange squatteuse de caverne?

"Mais trêve de plaisanteries à présent! Connaitre mon nom ne te serait d'aucun recours pour l'instant, mais risquerait de me mettre dans l'embarras bien au contraire: non pas qu'il soit connu d'une jeunette comme toi, mais il serait malvenu que l'on me mette le grappin dessus avant la fin de ma mission. Pour l'heure, appelle-moi Grand-Mère. Je suis celle qu'on appelait "La Sorcière des Rats" il y a bien longtemps..."

La petite dame tira alors une chaise dans ta direction de la cheminée. La fumée n'était-elle pas sencée être visible à l'extérieur? Pour dire vrai, le plausible et le logique n'avait apparemment plus sa place dans cette aventure depuis bien longtemps.

"Aaaah parfait! Veux-tu du thé ma petite? Pas du thé Almer comme pavane l'autre grossier personnage qui commande ta retraite j'en ai bien peur, mais simplement du thé que je fais pousser sur cette île. Il a au moins le mérite de tenir éveillé!"

La Sorcière posa la bouilloire sur la table en bois grossier et s'assit sur la chaise libre. Deux chaises pile-poil, comme si tout était préparé pour cette rencontre.

"J'avais prévu de te faire languir un petit peu, mais malheureusement le temps nous manque: tes geôliers savent que tu t'es échappée provisoirement. J'imagine que tu te poses deux questions, auxquelles je peux facilement te répondre: ils le savent parce qu'une de tes naïves servantes est en réalité à leurs services, et je le sais parce que je ne suis pas la Sorcière des rats pour rien.... Tu serais étonnée de savoir jusqu'où un rat peut se faufiler lorsqu'il est, disons, bien inspiré par un cerveau humain. Et tu serais étonnée de savoir combien de secrets sont révélés lorsque les malhonnêtes gens se croient seuls. Je ne saurai décrire celle qui te trahit, je sais juste qu'elle a une soeur qui t'est totalement dévouée depuis ton arrivée. Mais commençons par le début: Bienvenue sur l'île de Kardalis. Aux larges de la forêt Amazonienne cependant j'en ai bien peur...."

- Oooooh il serait bien difficile de ne pas connaitre ton nom jeune fille, tellement ton arrivée à chambouler cette île paisible... Hihihi!!

Kriisten garda le silence, un demi-sourire persévérant lui collant au visage. Difficile de rester de marbre quand l’autre se tort de rire de manière théâtrale… Rire qui prit fin brutalement, ponctué d’une toux indescriptible. L’Astorg crut que l’étrange magicienne allait s’arracher un poumon et esquissa instinctivement un pas en avant. Elle s’immobilisa juste avant de faire la bêtise du siècle, par peur de rompre l’enchantement dont elle était victime en sortant d’un quelconque cercle de magie ou modernisation du genre...

- Kof Kof.... Ah la vie est bien cruelle avec les vieilles femmes.... Ne me regarde pas comme cela, je sais que nous disons toutes ça! Et profite bien, parce que sous peu tu me ressembleras. Enfin si tu dépasses largement le siècle d'existence.

Kriis fronça les sourcils de consternation. Que lui chantait donc cette bonne femme ? La vie était douce dans ses montagnes de Storghein, et ces misérables qui l’avaient kidnappés n’avaient pas l’ombre d’une chance de créer ne serait-ce qu’une ride d’angoisse sur son front ! Alors devenir aussi… Mûre… Que ça, Kriis en doutait. De plus, les reines combattantes mourraient trop souvent jeunes, « dépasser le siècle » relevant du pur miracle. Kriisten en était parfaitement consciente.

- Pour l'heure, appelle-moi Grand-Mère. Je suis celle qu'on appelait "La Sorcière des Rats" il y a bien longtemps...

La jeune femme tira à elle la petite chaise en bois qu’on lui tendait. Elle s’assit bien volontiers et étira ses jambes endoloris par le manque d’exercice, ne perdant pas un mot de tout ce qu’il se disait. Grand-Mère était une vraie mine d’or, qui qu’elle soit… Et puisque apparemment elle ne lui voulait aucun mal, Kriis était prête à l’entendre sans rechigner, cette sorcière étant son seul espoir depuis longtemps, de rentrer chez elle.
Donc, elle était recherchée. Au moins, elles étaient deux maintenant… L’Oblat rechercha dans sa mémoire le souvenir d’une disparition étrange dans l’histoire des Astorgs, un quelconque indice sur l’existence d’une « Sorcière des Rats ». Rien ne lui vint que de l’encre effacé. Elle se jura de mettre tout ça au clair lorsqu’elle serait sortie d’affaire !

- Aaaah parfait! Veux-tu du thé ma petite? Pas du thé Almer comme pavane l'autre grossier personnage qui commande ta retraite j'en ai bien peur, mais simplement du thé que je fais pousser sur cette île. Il a au moins le mérite de tenir éveillé!

Kriisten ouvrit de grands yeux bleus, surprise que cette femme sache même ce détail insignifiant. Et puis elle se mit à rire, le son mélodieux de sa voix brisant enfin les distances entre elle et la veille femme. Elle se passa une main dans les cheveux, un grand sourire toujours fiché sur ses joues et répondit :

« Volontiers ! J’en aurais bien besoin… »

Elle appuya ses propos d’un vaste regard circulaire, doutant vaguement d’être encore éveillée. Voilà qu’elle ne parvenait même plus à discerner la réalité du rêve…

- Tes geôliers savent que tu t'es échappée provisoirement.

Super ! Génial comme intro ! Kriis leva les yeux au ciel. Bon sang mais ils ne pouvaient donc jamais la laisser un peu tranquille ?! Le « Et merde » qui faillit sortir n’aurait peut-être pas était du meilleur effet !

- Ils le savent parce qu'une de tes naïves servantes est en réalité à leurs services.

Kriisten serra les poings, sentant la colère grandir en elle. Si même les Astorg vivaient en traître… En qui pouvait-on avoir confiance ?

- Je ne saurai décrire celle qui te trahit, je sais juste qu'elle a une soeur qui t'est totalement dévouée depuis ton arrivée.

Le visage timide de la prêtresse lune qui l’avait accueillit vint la frapper de plein face. Elle lui avait en effet parlé de sa sœur, retenue en otage par l’ennemi… Oui, mais laquelle était fourbe ? Puisque le roulement d’otage effectué lui avait permis de rencontrer les deux à tour de rôle…

- Mais commençons par le début: Bienvenue sur l'île de Kardalis. Aux larges de la forêt Amazonienne cependant j'en ai bien peur...

Tout s’éclaira. L’île, la géographie des lieux… L’océan à perte de vue. Kriisten lâcha un profond soupire. Elle était décidemment bien loin de chez elle… Elle réfléchit un cours instant et découvrit qu’une solution était peut-être très proche. Muria ne devait pas être très loin, les Amazones contrôlant toujours leur territoire… Rester à atteindre le continent et le soutien de son amie et alliée Philéa serait à portée de main !
Une question évidente lui traversa alors l’esprit, qu’elle s’empressa de poser. Nette et directe, yeux dans les yeux.

« Grand-mère… Pourquoi m’aidez-vous ? Si j’ai bien compris, vous cherchez à disparaître de ce monde, ou du moins, à ne pas vous faire repérer par certaines personnes… Alors pourquoi risquer votre paix relative pour une Astorg kidnappée ? »

[J'ai cherché sur la carte d'Azthia, où pouvait bien se trouver l'île, géographiquement... J'en ai déduis qu'elle devait se trouver un peu au-dessus de Muria, sur l'océan. Mais je ne suis absolument pas sûre de mon raisonnement alors si c'est faux, préviens moi et j'éditerai. ^^]

Le temps passe et jamais ne s'arrête.

Le changement de saison s'annonce et bientôt, les feuilles aux couleurs d'or remplaceront la verdure des champs, le chant joyeux des oiseaux cédera sa place au silence et le monde s'endormira petit à petit. Dans ce décor en mouvement, il est temps de s'éclipser, de laisser la nature reprendre ses droits et le cours des choses se faire.

Désengagée : Kriisten.

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