Le bureau élégamment agencé était réchauffé par un brasero, malgré cela l'air était froid. Kaoru s'était emmitouflé dans un gilet de soie rempli de ouate chaude, cependant il avait oublié la température désagréable tant il était concentré sur le papier sous ses yeux. Ses sourcils fins étaient froncés dans un rictus de mécontentement. Pour diriger son empire de l'ombre il ne suffisait pas toujours de se faire des obligés parmi les nobles et parfois l'artisan devait user d'un assassin pour rappeler à l'ordre ou éliminer certaines personnes. Hélas son assassin venait d'être capturé par les soldats et il était impossible de jouer des relations pour le libérer. Trop dangereux. Kaoru avait pris ses précautions, bien sûr, néanmoins sous la torture l'homme pouvait bien trahir des secrets qui permettraient de remonter vers l'artisan.

Kaoru siffla d'agacement et reposa le rapport. Il fallait jouer la sécurité, éliminer l'assassin avant qu'il n'en dise trop. Malheureusement il n'avait personne d'autres à utiliser pour ce rôle et le Jinmen refusait d'envoyer Gangûro accomplir ce genre de tâches. Quant à y aller lui-même c'était impensable, il ne pourrait justifier de sa présence dans une prison. L'artisan devrait trouver un autre assassin à manipuler…

Quelqu'un frappa à la porte. Kaoru dit d'entrer et vit une serveuse faire coulisser le panneau et s'incliner devant lui.

« Kaoru-san, une cliente demande à rencontrer le gérant. Une étrangère. »

Kaoru haussa un sourcil, intrigué. Une étrangère ? Une Azthienne donc, ce n'était pas monnaie courante, même depuis les nouvelles relations avec Azthia. Et elle demandait le gérant… Peut-être une diplomate ou une voyageuse qui souhaitait découvrir les us et coutumes des maisons de thés jinmen. Cela aurait l'avantage de distraire son esprit du soucis de l'assassin. Il rangea le papier dans un tiroir qu'il referma à clef. Les domestiques n'avaient pas à pénétrer dans le bureau du propriétaire sauf pour le ménage et ils ne touchaient pas aux tiroirs, néanmoins Kaoru était méfiant et savait pertinemment bien avec quelle facilité un espion pouvait s'infiltrer et fouiller dans ses documents.

Il quitta ensuite la petite pièce pour suivre la serveuse qui l'amena dans la salle principale. La maison de thé comportait une grande salle pour accueillir le tout venant et des pièces isolées pour les réceptions privées et les clients qui voulaient des geishas pour les distraire personnellement. Certaines de ces pièces étaient réservées aux clients habitués pour des usages plus… secrets. La serveuse n'eut pas besoin de lui désigner l'étrangère. Il n'y avait qu'une azthienne esseulée dans la salle, une cydienne de ce qu'en savait l'artisan, aux cheveux bruns. Il s'approcha d'elle et s'inclina de la révérence du patron. Respectueuse mais non servile, tout en gardant son raffinement coutumier, il s'était même séparé de sa canne. Il pouvait se déplacer dans la maison sans, sauf s'il voulait monter les étages.

« Je suis Kitajima Kaoru, l'humble maître de ces lieux. Que puis-je pour votre service ? »

Il redressa la tête et croisa le regarda de la femme. De magnifiques yeux verts étaient dardés sur lui. Un regard fort et pénétrant… cela lui rappelait quelques souvenirs.

--------Partie de bonne heure de chez elle, Nëysia avait payée un cocher pour l'emmener jusqu'à Arano. Elle avait fait parvenir ses bagages séparément, celles-ci étant trop lourdes pour qu'elle puisse les porter elle-même, surtout si elle était amenée à faire une partie du voyage à pied, en cas d'imprévus. L'hiver montrant ses crocs, ils ne firent aucune rencontres dangereuse, et les villages qui leurs servirent d'haltes réussirent tout de même à réapprovisionner Nëysia et son conducteur en nourriture. Elle s'offrit par ailleurs dans le premier village qu'ils traversèrent, une cape en fourrure, pour la modique somme de 50 talents. Au vu du froid qui régnait dehors, la cape les méritaient. Elle descendait jusqu'en dessous des genoux, et se fermait sur le devant à l'aide d'une ficelle pour ce qui est de la parti du col, et grâce à des boutons pour le reste du corps, faisant ainsi plus penser à un manteau qu'à une cape. Elle arriva donc sans encombres à Arano, dont elle franchit les portes de la ville pour se rendre à l'auberge où ses bagages étaient censées se trouver.

--------Un vent froid soufflait dans les rues, faisant grelotter Nëysia, qui, emmitouflée dans une cape de fourrure cachant son armure en cuir supportait avec peine ce froid glacial. Elle venait juste de sortir de l'auberge, afin de vérifier que ses affaires étaient bien arrivées, ce qu'elle avait en effet pu constater, fort heureusement. Avançant dans la rue principale, elle cherchait du regard l'enseigne dont son maître lui avait parlé. Elle devait se rendre dans une maison de thé, tenue par un certain Kitajima Kaoru, qui parait-il, menait des affaires bien différentes que ce qu'il laissait paraître. Son mentor l'avait ainsi informé qu'elle pourrait y trouver un travail, si elle savait se montrer convaincante.

--------Arpentant donc la ville à la recherche de cette maison de thé, Nëysia observait avec curiosité les boutiques. Couturiers, tailleurs, joailliers, mais aussi épiceries, bouchers, primeurs. Il y avait de quoi s'habiller chaudement et survivre à l'hiver, bien que les échoppes paraissaient bien vides. Ce qui était normal, étant donné la saison.
La voyageuse vit aussi au coin d'une rue un forgeron, où elle se précipita se souvenant que sa dague n'avait toujours pas été aiguisée. L'homme qui l'accueilli était chaleureux, et accepta sa demande avec plaisir. Il lui demanda de revenir demain, en fin de matinée, afin de récupérer son bien. Elle le salua donc, et ressortie affronter la froideur du vent qui allait lui fouetter le visage.  

--------Après une dizaine de minutes à marcher sans vraiment savoir où elle allait, Nëysia fini par trouver son bonheur, "Les pétales de cerisiers" était une belle bâtisse, proposant, comme le montrait la bannière trônant au dessus de la porte, du thé à ses visiteurs.  La cydienne s'engagea donc dans la maison de thé, découvrant une atmosphère, étrange, qui la déroutait un peu. Des tables basses étaient disposées çà et là, offrant des places au divers clients qui venait profiter de ce lieu, une théière décorait chaque table, et depuis certaines s'échappait un filet de fumée, dégageant une odeur enivrante d'herbes infusées. Une servantes l'accueillie, et lui proposa de s'asseoir. Elle était vêtue d'un Hanten aux couleurs chatoyantes, et ses cheveux étaient coiffés en shimada. Nëysia refusa poliment, et demanda plutôt s'il était possible de rencontrer Monsieur Kitajima. La servante lui demanda donc d'attendre et s'en alla.  Revenant quelques secondes plus tard accompagnée d'un homme qui paraissait bien jeune, à peine l'âge de Nëysia selon celle-ci. Elle le regardais avec curiosité, se demandant qui pouvait-il bien être, peut-être un client. Son idée fut vite balayée lorsqu'il s'adressa à elle, et sa surprise se fit voir sur son visage lorsqu'il se présenta:

« Je suis Kitajima Kaoru, l'humble maître de ces lieux. Que puis-je pour votre service ? »

"Je suis honorée que vous acceptiez me recevoir. Je me nomme Nëysia, de la famille Moroe." commença Nëysia en exécutant une courbette, plus prononcée que celle de son hôte, montrant justement qu'elle était l'invitée.

"Pourrions-nous aller dans un endroit plus, tranquille ? J'apprécierais pouvoir discuter avec vous de mes soucis. " Demanda t'elle d'un ton innocent.

--------Nëysia continuait de l'observer, étudiant sa silhouette fine, son visage singulier, au teint mielleux. Ses sourcils étaient fins, et noir, tout comme ses yeux. Leurs regards se croisèrent, et la noirceur de ses pupilles perturbèrent durant un instant Nëysia, qui ne décrocha néanmoins pas son regard de son hôte. Il était vêtu d'un gilet épais, le protégeant du froid, bien que plusieurs braseros étaient allumés dans la salle. Laquelle, comme Nëysia l'avait remarquée en entrant, donnait accès à diverses pièces, comme celle d'où était sortit son hôte.

Dans la salle deux geishas jouaient de la musique pour égayer l'atmosphère tandis que les serveuses circulaient avec grâce et maîtrise entre les tables pour apporter leurs commandes aux clients. Tout le personnel des Pétales du Cerisier était qualifié et talentueux ; Kaoru embauchait chacun personnellement et s'il accordait une grande importance au physique il veillait à avoir des employés irréprochable. La réputation d'une maison de thé dépendait autant de la qualité de boissons qu'on y servait que de la valeur du personnel.

La femme s'exprima avec politesse et dans le respect des convenances jinmen, ce qui n'était pas toujours le cas des azthiens qui venaient à Arano, Kaoru y fut sensible et ses commissures des lèvres s'étirèrent dans un fin sourire satisfait. Il haussa ensuite un sourcil intrigué en entendant la suite, dans d'autres situations il aurait répliqué qu'une maison de thé ne s'occupait pas des soucis des gens. Cependant les affaires particulières de l'artisan l'amenaient à traiter les “soucis” de certains clients, aussi eut-il la prudence d'envisager que cette Nëysia s'était adressé à lui en connaissance de cause. Toujours était-il qu'il devait se montrer prudent.

« Enchanté de vous rencontrer dame Nëysia. Des soucis dites-vous ? Je suis curieux de savoir quel genre de soucis vous amène auprès de moi aujourd'hui. Veuillez me suivre. »

Avec un assassin aux savoirs compromettants entre les mains des forces de l'ordre, Kaoru ne pouvait se permettre de discuter n'importe où de sujets sensibles. Quoique ait à lui dire l'azthienne, il préférait en parler en privé, ainsi qu'elle le souhaitait, par précaution. Il serait toujours temps de lui faire comprendre qu'on ne le dérangeait pas en vain pour des broutilles si ses soucis ne le concernaient pas. Il retourna dans son bureau et invita le femme à prendre place sur un siège face au sien, ferma précautionneusement la porte et s'installa. Maître de lui, il croisa les jambes et s'adossa contre le dossier rembourrer, le regard fixé dans celui de son interlocutrice.

« Je suis à votre écoute, vous me parliez de soucis. Je suis bien curieux de savoir en quoi ils me concernent. Mais avant tout, j'aimerais savoir qui vous a parlé de ma maison de thé. »

Il était fort possible que la dame soit arrivée aux Pétales du Cerisier de sa propre initiative, la maison de thé était placée bien en vue dans une grande artère d'Arano et jouissait aujourd'hui d'une grande renommée dans la cité du clan de la Salamandre. Néanmoins la probabilité qu'une personne vienne parler de ses soucis au gérant d'un établissement comme celui de Kaoru sans en connaître la dimension plus secrète était faible et dans ce cas-là, la femme se révèlerait une idiote à faire taire de toute urgence. Dans un autre ordre d'idées, l'artisan voulait s'assurer que des rumeurs ne se mettaient pas à circuler dans les milieux bavards du peuple commun.

--------Le regard encore braqué sur monsieur Kitajima, Nëysia continuait de le dévisager. Le timbre de sa voix trahissait les années qu'il avait, et contredisait ce que son physique montrait à la cydienne. Elle était presque certaine, avant de l'avoir entendu, qu'il devait avoir vers les vingt-neuf  ans. Pourtant, son attitude, sa façon de parler, et même plus simplement sa voix, donnait l'impression qu'il avait au moins cinq de plus que cela ! Indécise, la voyageuse ne parvenait à se décider quand à l'élément qui la perturbait. Son visage, aux traits délicats, était beau, Nëysia ne se le cachait pas. C'était un bel homme. Toutefois, prenait-il un soin particulier à nourrir et à soigner sa peau ? Ou possédait-il une voix plus grave et plus mature, ainsi que l'attitude qui va avec cette maturité ? La fuyarde était face à un dilemme qu'elle ne pouvait résoudre, mais qui bizarrement, lui plaisait beaucoup.
--------Ces doutes s'agrandirent lorsqu'elle vit ce fin sourire s'afficher sur son visage.

« Enchanté de vous rencontrer dame Nëysia. Des soucis dites-vous ? Je suis curieux de savoir quel genre de soucis vous amène auprès de moi aujourd'hui. Veuillez me suivre. »

*Comment peut-il me trouver un air de noble ? Surtout dans la tenue que je porte !*

« Sans vouloir vous décevoir, Nëysia suffira, je ne suis qu'une femme ordinaire. »

--------Flattée par cette confusion, la cydienne se surpris à rougir, heureusement pour elle, le Jinmen avait déjà fait demi-tour, et ne remarqua rien. Elle lui emboîta le pas, le rejoignant dans ce qui semblait être son bureau. Le bruit des musiciennes s'atténua, et celui des conversation aussi, laissant les deux protagonistes dans une ambiance calme et adaptée une conversation que Nëysia souhaitais être une confidence. La pièce était réchauffée par un brasero, bien que cela ne suffisait pas à maintenir une température confortable. Des panneaux en bois peint avaient été disposés près des murs, représentant des paysages locaux. Outre ces décorations, un bureau se dressait à peu près au centre, entouré par deux sièges confortables. Nëysia pris place dans celui qui était le plus proche, comme l'y lui invitait le maître des lieux. Croisant ses jambes, et posant ses mains l'une sur l'autre, elle attendit que l'homme prenne place à son tour. Le bruit sourd d'une porte qui se ferme se fit entendre, puis il alla s'asseoir dans son siège, faisant place à Nëysia. Prenant une position confortable, il plongea son regard dans celui de son invitée. Légèrement troublée, et incapable de regarder quelqu'un dans les yeux bien longtemps, celle-ci se mit à regarder sa bouche, couleur vermeille. Entrant dans le vif du sujet, ses lèvres s'agitèrent.

« Je suis à votre écoute, vous me parliez de soucis. Je suis bien curieux de savoir en quoi ils me concernent. Mais avant tout, j'aimerais savoir qui vous a parlé de ma maison de thé. »

*Qui m'en a parlé ? Je ne suis pas sûre qu'il soit très prudent de le dévoiler... Bah, ça ne risque rien ici, et puis je ne vais pas lui en révéler beaucoup à ce sujet.*
« Disons que... j'ai un ami bien renseigné qui m'a dit que vous proposiez du travail. Il connaissait quelqu'un qui travaillait pour vous, mais qui a eu quelques... soucis. Il se trouve justement que je cherche ce type de travail. »

--------Lui laissant digérer l'information, qui apparemment, avait l'air de le troubler légèrement; à moins que ce ne soit ce qu'espérait voir Nëysia; elle porta une main à la tresse qui pendait sur son buste, enroulant nerveusement son doigt autour d'une des mèches qui la terminait, en attente d'une réponse. Elle espérait que les informations de son maître s'avéreraient exactes, et espérait aussi que l'homme qui lui faisait face verrait de quoi elle voulait parler, elle ne se voyait pas le lui expliquer clairement. D'ailleurs, son air troublé était peut-être du à de l'incompréhension, si ses yeux l'avait trompée. Bien qu'elle doutait que ce puisse être le cas, et puis la suite l'éclairerai peut-être d'avantage. Son regard explorant de nouveau les détails de son visage, Nëysia de surpris à penser que cet homme dégageait une aura charismatique, avec ces sourcils fin, et ses yeux, tout deux d'un noir de jais. Du même noir que sa chevelure, qui tombait gracieusement depuis le sommet de son crâne. Légèrement... impressionnée par le personnage, Nëysia hésita un peu en entamant la suite de son explication.

« De plus, je souhaiterais me faire discrète durant quelques temps, je ne suis pas censée être encore vivante pour certaines personnes. J'espère que cela ne vous gênera pas ? »

* "J'espère que cela ne vous gênera ?" Mais qu'est-ce qui me prend de lui dire ça ?!*

--------Elle s'était finalement décider à le regarder dans les yeux, croisant son regard, qui trouvait-elle, semblait l'explorer. Elle se sentait gênée par sa présence, pas négativement, mais cela influait sur son comportement, pour une raison qu'elle ignorait encore, et qu'elle ne comprenait pas.

--------L'air commençais vraiment à se refroidir, le brasier brûlait pourtant toujours autant, mais le vent au dehors semblait s'être intensifié. Et malgré sa cape en fourrure, Nëysia ressenti quelques frissons. Il faut dire qu'elle n'était pas bien habituée au froid, ayant vécue tout sa vie près de la mer, et jusqu'à l'année dernière à Cydonia, la température diminuait rarement autant en période hivernale. Alors ici, à Arano, qui était situé un peu plus dans les terre, et plus proche de la chaîne de montagne qui séparait Azthia d'Oyashima, le temps était bien plus rude.

« N'auriez-vous pas quelque chose de chaud, pour lutter contre ce froid infernal ? »

--------Étant propriétaire d'une maison de thé, la question était inutile, mais cela restait un moyen poli de demander ce thé qui rendait Les Pétales de Cerisiers si célèbre. Elle en avait vu quelques un en entrant, ou du moins avait sentie différentes odeurs émanant des tables où étaient assis les clients, et était de ce fait curieuse d'en goûter au moins un. De plus, ça lui permettrai d'occuper ses mains, elle allait finir par défaire sa tresse si elle continuait d'agiter ses doigts ainsi.

Les craquements des braises offraient une ambiance confortable et quelque peu mystique au petit bureau tandis que l'odeur douce de l'encens que le maître avait mis à bruler dedans imprégnait la pièce. Kaoru darda son regard sur la cydienne face à lui et se félicitait d'avoir fait l'effort particulier d'apprendre cette langue. Lors d'un voyage de l'autre côté de la montagne, quelques dix ans plus tôt, le jinmen avait découvert l'immense désagrément pour lui de ne pouvoir comprendre ni se faire comprendre dans toute la subtilité de son langage. Cette frustration intense s'était soldée par un retour prompt au pays et la recherche d'un maître pour lui enseigner cette langue commune aux habitants d'Azthia. Aujourd'hui il en goûtait toute la satisfaction de savoir qu'il saisissait à sa juste valeur les propos de cette Nëysia aux yeux envoûtant et qu'il pourrait en retour exprimer les mots qu'il souhaitait.

Il n'avait jamais prêté attention à l'influence qu'avaient les regard fort sur lui, d'autant que celui de la dame lui renvoyait à un souvenir profond. Non pas leur teinte, Kaoru n'avait jamais vu d'iris d'un tel vert. Noirs. Comme la nuit. Voilà la couleur qui l'avait éveillé en sueurs de si nombreuses nuits. Une odeur de cerisier et un frisson d'exotisme. C'était si doux et si fort à la fois.

L'artisan glissa la main sur son bureau pour se saisir de sa pipe et sa blague à herbes puis la bourra lentement sans détacher son attention de son interlocutrice. Il en tira une bouffée langoureuse en fronçant les sourcils tandis que la substance portée par la fumée s'insinuait dans ses poumons en le plongeant dans une sensation grisante. Il n'avait pas manqué l'allusion de la dame. La timidité de la cydienne l'étonnait un peu, surtout quand elle venait lui demander de lui offrir un emploi d'assassin. Il n'avait cependant pas manqué de remarquer l'aisance de ses déplacements. Il s'adossa contre son dossier et ferma les yeux en soufflant la fumée. Il ignorait que sa notoriété s'était étendue au-delà des frontières d'Oyashima, quoique… Kaoru avait déjà eu affaire à des membres d'une guilde azthienne.

« Le Soleil Noir. »

Lâcha-t-il à demi-mot perdu dans sa réflexion. Puis rouvrit les yeux pour étudier la femme en face de lui. Était-elle ce qu'elle prétendait être ? Ou une imposteur ? Son entreprise dépendait de sa discrétion, si le moindre déshonneur venait à souiller son nom…  même le manipulateur sans scrupule Kaoru songerait à se faire seppuku plutôt que de vivre dans l'humiliation et la déchéance. Pour éviter cela, il se montrait extrêmement prudent et exigeant envers ses employés de l'ombre. Il avait besoin d'un assassin pour éliminer le précédent et voilà qu'une cydienne apparaissait pour se proposer. Coïncidence ?

Ses lèvres s'étirèrent lorsqu'elle fit remarquer le froid. Oui l'hiver était rude ces derniers jours à Arano. Le jinmen frileux n'avait jamais connu une telle température dans sa cité et ce n'était pas pour lui plaire. Quoique ça avait l'avantage d'encourager les corps nus à se rapprocher… Kaoru reposa sa pire sur un étui et se leva. Il avait sa propre bouilloire sur le brasero, l'eau était frissonnante, juste à point pour une infusion. Il en servit une tasse qu'il déposa devant Nëysia.

« Ne vous dépréciez pas, belle dame. La noblesse est une valeur de cœur et non d'apparence. Je suis curieux de savoir ce qui amène une cydienne jusque dans mon humble demeure, n'y a-t-il aucun emploi pour vous en Azthia ? »

Tout en parlant Kaoru alla se rasseoir, il ne voulait surtout pas se presser et en savoir le plus possible sur son interlocutrice. Cherchait-elle réellement à être embauchée comme assassin à Arano, ou était-elle une espionne envoyée par le Soleil Noir ? Il devait le déterminer, ensuite…

« Que savez-vous précisément de mes besoins dans les services que vous offrez ? N'ayez crainte de parler ici, devant moi. Je conserve toujours les secrets que l'on me confie. »

C'était sincère, Kaoru aimait connaître les secrets des autres et se délectait de les inscrire dans sa mémoire sans jamais les dévoiler. Un secret trop répandu devenait un commérage et si le premier était précieux, le second n'était que souillure de vipère bon pour les commères aigries. Quant à Nëysia, si elle voulait qu'il lui accorde sa confiance pour veiller sur ses affaires de l'ombre, il lui faudrait se fier à lui sur ses raisons.

--------Depuis son départ d'Amamizu, Nëysia redoutait d'être suivie. Elle avait fait des escales dans de petits village, par deux fois avait demander au cocher de faire une plus longue halte dans les villages. Elle avait prétextée avoir besoin de repos, et d'un vrai repas, ce qui n'était pas faux d'ailleurs. Mais c'était surtout pour s'assurer que les assassins qui l'avait choisie pour cible ne s'étaient pas décidés à la suivre. Ce ne fut pas le cas, en aucun jours de cette longue semaine. Son arrivée à la citée des sables put ainsi se faire sans qu'elle paraisse épuisée, et elle n'eue pas à montrer à Mr Kitajima la mine déplorable qu'elle laissait paraître après un long voyage. Le souvenir de leur "Grand déménagement" avait été suffisamment cuisant pour Nëysia. Bien qu'ils possédaient suffisamment de vivre pour manger régulièrement, et à leur faim, rien que le voyage avait épuisé les Moroe. Dans le cas de Nëysia, elle avait perdu quelques kilos, et avait mis un certain temps à retrouver un rythme de vie convenable: Elle aimait prendre soin d'elle, et ne supportait pas de devoir rester confinée dans un endroit pour voyager. Malheureusement, elle était incapable de survivre seule, et cela restait donc son seul moyen...
--------Encore inquiète au sujet de ceux du « Le Soleil Noir. », elle ne su pas si elle se l'était imaginée, parce qu'elle redoutait de devoir être confrontée de nouveaux à eux, et ne savait pas si elle était véritablement sauve, ou si c'était son hôte qui avait prononcé cela. Quoi qu'il en soit, Nëysia se remit a penser à eux, et exprima ses craintes de vive voix, bien qu'elle ne s'en rendit pas compte.

"Il n'es pas question que je doive de nouveau faire affaire à eux...."

« Ne vous dépréciez pas, belle dame. La noblesse est une valeur de cœur et non d'apparence. Je suis curieux de savoir ce qui amène une cydienne jusque dans mon humble demeure, n'y a-t-il aucun emploi pour vous en Azthia ? »

--------Bien qu'attentive aux paroles de Kaoru, elle regardais encore ses yeux, à la pupille d'un noir profond, elle n'entendit que le début de sa réplique, l'esprit marqué par la gentillesse dont faisait preuve cet homme. Elle lui répondit, alors qu'elle prenait entre ses doigts la tasse qu'il lui avait offerte. Leurs mains s'effleurèrent à ce moment. Il avait la peau douce, et chaude, la sensation était plaisante, électrisante même, Nëysia ne bougeait plus, embarrassée...

"Ce-cessez donc cela... vous me flattez plus que je ne le vaut... "

--------Elle le pensait à moitié, bien sur, sa voix n'étant d'ailleurs qu'un murmure sur la fin. Aussi appréciait-elle compliment, et s'en voyait flattée qu'il la considère ainsi. Mais pour autant elle était en partie sincère. Ses sœurs étaient à son goût bien plus ravissantes qu'elle.
--------Elle porta délicatement la tasse à sa bouche, humant la fumée qui en émanait, d'une saveur enivrante. La tasse n'était pas brûlante, pas encore, aussi la cydienne déposa ses lèvres sur son bord, soufflant sur le liquide fumant. Elle les y trempa un instant, afin de savourer le thé, et profiter de la chaleur qui traversa sa gorge, puis son corps. Son contractant était en train d'aller se rasseoir, lorsqu'il l'interrogea:

« Que savez-vous précisément de mes besoins dans les services que vous offrez ? N'ayez crainte de parler ici, devant moi. Je conserve toujours les secrets que l'on me confie. »

--------Et voilà, la question qu'elle redoutait. L'idée de devoir détailler ses sources ne l'enchantait guère. Et même si cette information ne sortait pas de ce lieu, elle préférait éviter d'en parler. Elle avait une dette envers son maître, et savait qu'il aimait être invisible, inconnu de tous. N'être qu'une ombre qui frappe sans prévenir, ou qui aide les autres quand cela lui sied. Parler de lui revenait, d'après Nëysia, à détruire en partie cette image. Elle s'y refusait. Elle devait trouver un moyen de satisfaire la curiosité de son, peut-être futur employeur, sans pour autant nuire à son maître...  Autant être franche, et arrêter de tourner autour du pot dans ce cas, elle lui révéla en détail ses intentions, quitte à exposer un peu sa vie. Au moins elle ne nuisait à personne d'autre qu'a elle même.

"Vous allez sûrement être surpris, donc je vous demanderez de bien vouloir écouter mon histoire avant de réagir. Je vous en serez reconnaissante. " Elle marque une légère pause, et commença son explication.
"Il se trouve que j'appartiens au Soleil Noir, j'ai malheureusement eu quelques problèmes avec la guilde, et ai ainsi du me faire passer pour morte. Jusque là, j'ai réussi, un grand merci à certains... C'est là bas que j'ai entendue parler de vous. Un membre de la guilde serait partit pour se faire embaucher par le tenancier d'une maison de thé réputée. Avant de partir, j'ai réussi à trouver votre nom. Aussi suis-je venue vous rencontrer. Je ne sais pas ce que je sais faire d'autre, donc je suis restée dans le même domaine. Je pense que je serais d'ailleurs ravie de pouvoir travailler sous vos ordres."

--------Surprise d'avoir autant parlée, et redoutant la réaction de Kaoru, elle but une grande lampée de thé. Elle faillit bien se brûler la gorge, mais la douleur passée, elle n'avait presque plus froid, du moins pendant quelques secondes... Observant son visage, guettant sa réaction, son regard était de nouveau fixé sur ses lèvres, dont la couleur, qui contrastait avec son teint clair, l'intriguait. De nouveau nerveuse, sa main retourna s'emmêler dans le bout de sa tresse. Un sourire timide éclairait son visage, étirant ses fines lèvres. Elle ne savait pas grand chose de cet homme, et espérait qu'il l'engagerais. Néanmoins, elle voulais mieux le connaître. Ses manières, son physique, sa voix, il y avait tant de chose qui l'intriguait chez ce personnage.

La cydienne paraissait lasse et quelque peu intimidée. Kaoru reprit sa pipe et se plut à contempler ses mouvements. Assassin ou non, Nëysia avait un port et une attitude qui le poussait à lui attribuer une éducation noble. Sa peau avait une teinte claire différente de celles laiteuses des geishas qui évitaient le soleil comme la peste et se recouvraient de fards pour être toujours plus blanches. L'artisan était flatté de savoir que des Azthiens appréciaient son thé et sourit de satisfaction en la regardant déguster la boisson encore brulante. Il s'étonnait de son apparent manque d'assurance, n'avait-elle vraiment pas conscience de sa beauté et de sa grâce ou jouait-elle de la séduction ? Kaoru ne se lassait pas d'admirer ses iris si particuliers.

Malgré sa réticence à se dévoiler, Nëysia satisfit la curiosité du Jinmen qui demeura silencieux à méditer ses propos. Il ne se formalisait pas des raisons qui menaient une jeune femme à rejoindre une confrérie d'assassin, ni de celles qui la poussaient à vouloir se faire passer pour morte de ses confrères. Cela ne le regardait pas, à la condition bien évidement qu'elle ne lui attire pas d'ennuis. La majorité des geishas qu'employait Kaoru avaient un passé tumultueux, certaines étaient mêmes des prostituées qui avaient un don artistique gâché dans leurs bordels. Bien sûr aucun client ne le savait. Alors une assassine qui souhaitait se dissimuler de ses confrères quitte à s'exiler dans un autre pays ne lui posait aucun cas de conscience.

Il tapota doucement de l'embout de sa pipe sur son bureau en soufflant de la fumée. Prit dans ses pensées il ne réalisa pas qu'il fredonnait une chansonnette.

« Je comprends, murmura-t-il. Je connais le Soleil Noir, sans avoir d'accointances avec eux. Vos renseignements sont corrects, l'homme que j'employais s'est fait capturé et je crains qu'il ne dévoile trop de choses sous la torture. Cependant je ne peux engager le premier venu pour le remplacer. »

Il tira une nouvelle bouffée de sa pipe et se leva pour se verser une tasse de thé à son tour. Il ne manqua pas de sentir le parfum naturel qui s'élevait de Nëysia et se prit à imaginer quelle senteur lui irait le mieux. Hélas il n'était pas conseillé à une assassine de se parfumer, surtout lorsqu'on voulait éviter le flair des chiens de garde. Ce n'était pas le cas de l'artisan qui ne pouvait s'imaginer de ne pas dégager une odeur fleurie même en plein hiver. Il versa l'eau bouillante d'un geste souple et maîtrisé sur les feuilles. Enfin il retourna à son fauteuil en soufflant lentement sur la surface liquide pour en atténuer la chaleur. Il reposa la tasse sur le bureau et reporta ses yeux noirs dans ceux verts de Nëysia.

« Si j'en crois ce que vous m'avez dit, un de vos anciens confrère peut venir se présenter à moi en plus de vous. J'aviserais donc. Quelle est votre spécialité ? »

Autant Kaoru appréciait la beauté de Nëysia, autant il se refusait d'embaucher quelqu'un sur la seule valeur de son apparence physique.

--------Comme l'avais fait remarquer la cydienne quelques minutes plus tôt, l'air était froid, et pourtant, au fil de la conversation, elle ne cessait de trouver que l'atmosphère se réchauffait. Elle n'osait pas penser à quoi cela était du, enfaite, elle le savait déjà. Son regard toujours braqué sur son possible employeur, elle l'observait, alors que lui aussi la dévisageait. Leurs regards étaient plongés l'un dans l'autre, si bien que Nëysia eu la sensation d'apprendre à le connaître. Un homme mystérieux, qui aime contrôler sa vie, mais aussi celle des autres, et qui de plus est ambitieux, et fera tout pour atteindre ses objectifs. Telle était l'image que voyait l'étrangère. Elle le ressentait en partie à sa manière de s'exprimer, et aussi, évidemment, aux moyens qu'il employait pour mener ses affaires.
--------Elle continuait d'admirer ses traits, qui, elle ne le penserais jamais assez, ne cessait de la surprendre par la jeunesse qu'ils reflétait, contrastant avec le charisme et la prestance du personnage. Cela l'attirait. Si bien que ses joues rosissaient, à mesure qu'elle regardais en détail son interlocuteur. Enlevant d'ailleurs sa cape, ou son manteau, on ne sait pas vraiment ce que c'est au final... elle dévoila ainsi sa tenue en cuir, ainsi, qu'accessoirement, son corps, que l'on devinait plus distinctement. Se donnant bonne conscience, elle se dit que c'était le thé qui l'avait réchauffé, et que les braseros devaient avoir été allumés juste avant son arrivée, n'ayant ainsi pas eu le temps de réchauffer la pièce dans sa totalité. Mais son visage trahissait ses raisons. Entendant alors l'air que fredonnait le maître des lieux, elle se mit à le suivre. C'était une chanson que ces sœurs lui avaient apprise récemment, et l'ayant beaucoup aimé, elle l'avait retenue, contrairement à la majorité des autres. Son doigt battait le rythme, balayant l'air d'un mouvement de va et vient.

« Je comprends, murmura-t-il. Je connais le Soleil Noir, sans avoir d'accointances avec eux. Vos renseignements sont corrects, l'homme que j'employais s'est fait capturé et je crains qu'il ne dévoile trop de choses sous la torture. Cependant je ne peux engager le premier venu pour le remplacer. »

--------Puis, s'étant assis, il continua sur sa lancée, Nëysia n'avait pas bronchée. Toujours absorbée par la mélodie, mais aussi curieuse de ce qu'il allait bien pouvoir dire par la suite. Elle n'eu pas à attendre bien longtemps, seulement le souffle léger qu'il produit pour refroidir le thé qu'il s'était servit avant de se rasseoir.

« Si j'en crois ce que vous m'avez dit, un de vos anciens confrère peut venir se présenter à moi en plus de vous. J'aviserais donc. Quelle est votre spécialité ? »

--------Son visage n'était pas la seule chose qui la trahissait, elle avait encore la musique en tête, si bien qu'elle répondit d'une voix fluette, sur le rythme de la chansonnette. Elle parvint tout de même à se contrôler après quelques mots. Mais sa gêne se voyait, ses joues s'empourprèrent, allant alors du rose qu'elles avaient pris jusqu'ici au pourpre qui colorait les lèvres de cet homme. Elle ne doutait pas qu'il ait remarqué la musique qu'il avait chantonnée quelques instants plus tôt, et c'était bien pour ça qu'elle se sentait embarrassée. Néanmoins, elle était bien curieuse de savoir comment il régirais, lui, qui la trouvait à la hauteur d'une noble. Aussi se força-t-elle à lui parler plus longuement.

"Ne vous en faites pas... *reprise d'une voix normale* Un ami s'est occupé de tout, il est donc le seul à s'en souvenir dans la guilde. En plus du chef, mais de ce coté, je ne suis pas très inquiète. Et pour ce qui est de mon ami, je doute qu'il ne vous rende visite, à moins qu'il n'apprenne qu'un malheur me soit arrivé, ou qu'il en soit arrivé un à ma famille, auquel cas il souhaiteras se renseigner de mon état, ou m'apprendre celui de ma famille. Mais rien de tout cela ne devrais arriver. Mes proches sont entre de bonnes mains, et quant à moi... je crois que je le suis aussi, maintenant."

--------En disant cela, elle lui souriait, creusant ses joues de deux petites fossettes. Malgré sa gêne apparente, dus, encore une fois, à son incapacité à réprimer ses sentiments, Nëysia commençait à parler avec un peu plus d'aisance. Elle avait eu l'impression, après avoir croisé son regard un long instant, qu'elle le connaissait un peu mieux.

"Quant à ma spécialité, disons que mes cibles ne me voient jamais, même au moment de leur mort. Vous devrez vous satisfaire de cela, je ne souhaite pas en révéler plus. Vous comprenez, c'est ce qui fait de moi quelqu'un d'efficace. " répondit-elle, en accentuant sur le dernier mot. Elle marqua alors une légère pause, puis repris.

"Mais rien ne vous empêche de la découvrir... par... vous... même."

--------Cela étant dit, son doigt s'avançait sur la bureau, un peu plus à chaque mot. Son bras se posa pour finir avec délicatesse sur le bureau, sa main se refermant. L'assassin s'était alors penchée en avant eu fur et à mesure que son doigt s'était avancée, mais elle se redressa rapidement. Elle avait l'impression de s'être un peu laissée allée.

"Désolée..." dit-elle d'une petite voix, espérant excuser, si besoin il y avait, son geste, qu'elle trouvait pour sa part déplacé.

--------Reprenant en partie son sérieux, elle devait s'occuper, au moins ses mains. Elle n'arrivait jamais à trouver une pose calme qui lui permette de rester ainsi durant plusieurs, minutes, il fallait qu'elle bouge, ne serait-ce qu'un doigt. Aussi but-elle à nouveau de son thé, gardant en main la tasse. Son bras droit était resté posé sur la table. Quant à son regard, elle le gardait toujours braqué sur Mr Kitajima, auquel elle continuait d'adresser un sourire, sans que ces fossettes ne ressortent, certes, mais un sourire tout de même. Elle enchéris alors, ayant bien compris qu'il lui faudrait quand même satisfaire sa curiosité si elle souhaitais pouvoir rester ici.

" J'apprécie connaître la situation, dans ses moindres détails. Lorsque j'ai une cible, j'explore sa vie, l'étudie, et puis... Je choisi le moment le plus propice de sa journée pour qu'elle s'achève, d'un trait, invisible."

Avoir tant parlé, et surtout en avoir tant dis en si peu de temps sur elle-même, à un homme qu'elle ne connaissait presque pas, l'avais épuisée. Elle s'enfonça dans son siège, croisa ses jambes, puis, passant ses mains dans ses cheveux, ramena sur son buste sa tresse. La journée avait été longue, et elle était bien contente d'être assise, au chaud, enfin, c'est l'impression qu'elle se mettait de plus en plus à ressentir. Finalement, ce n'était pas le fait de parler qui l'avait épuisé, c'était juste sa journée qui commençait à s'éterniser. Au contraire, parler avait été... plaisant. Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas parlée d'elle avec quelqu'un, depuis qu'elle avait quittée Amamizu enfaite.

Kaoru avala lentement une gorgée de son thé sans quitter son interlocutrice du regard. Le breuvage s'insinua dans son corps en le réchauffant agréablement. Il reposa sa tasse pour reprendre sa pipe et en tirer une bouffée. Il commençait à se faire une bonne estimation de la situation de Nëysia, elle appartenait aux Soleil Noir et pour des raisons personnelles avait souhaité s'expatrier en Oyashima et disparaître de son ancienne vie. Ce n'était pas extraordinaire pour l'artisan qui avait quelques personnes dans des cas similaires parmi ses employés. Il s'amusa en constatant le léger trouble de la cydienne, apparemment il lui plaisait.

Il ressentit une chaleur le parcourir et aspira une nouvelle bouffée de fumée. Il n'avait jamais goûté à une azthienne et Nëysia dégageait un fort parfum d'exotisme. Heureusement être un hédoniste habitué à la séduction lui avait appris à garder le contrôle de sa raison même sous le charme d'une belle femme… ou d'un bel homme. Il nota que Nëysia était le genre d'assassin à préférer la discrétion ce qui lui convenait tout à fait. Il la regarda jouer de nouveau avec sa tresse lorsqu'elle eut fini de parler.

« Est-ce que je vous intimide ? fit-il d'un ton proche du chuchotement avec une pointe d'humour. Pourtant n'êtes-vous pas l'assassine et moi l'humble tenancier ? »

Il pouffa de rire à cette plaisanterie. Certes Kaoru n'avait pas la prétention d'affirmer être plus fort et rapide qu'un assassin, néanmoins il trompait souvent les gens par son apparence raffinée et frêle. Il acheva sa pipe d'une grande bouffée et la rangea soigneusement dans son écrin.

« Je comprends votre situation. Toutefois je ne peux vous confier une mission aussi sensible que celle de faire taire mon ancien employé dès aujourd'hui. Il me faut un gage de compétence, comprenez-vous ? »

La précipitation ou la confiance aveugle n'étaient jamais de bonnes valeurs, surtout dans le monde de l'ombre. Kaoru tira un tiroir de son bureau et en sortit un rouleau qu'il tendit à Nëysia.

« Voici votre épreuve d'essai. Un de mes amis a un différent avec un artisan un peu… irresponsable. Je veux que vous vous occupez de lui en faisant passer cela pour un vol. Ramenez-moi sa bague comme preuve. »

L'artisan était un orfèvre endetté qui ne remboursait jamais ses dettes. Il avait d'ores et déjà reçu des avertissements, en vain. Kaoru comptait s'en débarrasser tôt ou tard. C'était une bonne occasion pour expérimenter l'assassine azthienne. La difficulté de l'affaire résidait dans le fait que l'homme était irresponsable sur la question financière, mais paranoïaque pour sa sécurité et avait engagé des gardes du corps. Comment les payait-il ? En s'endettant davantage. Toujours était-il que Nëysia avait fort à faire pour ne pas se faire prendre. La missive contenait des informations sur l'identité de la victime et ses torts. Découvrir le reste était à la charge de la cydienne.

« Avez-vous des questions ? Si non, je peux vous conseiller une excellente auberge pour passer la nuit. »

Aussi charmante que soit Nëysia Kaoru voulait s'assurer de ses talents avant de sympathiser de quelques manières que ce soit. Malgré cela il caressa légèrement les doigts de la femme lorsqu'elle prit le rouleau qu'il lui tendait.

--------Lorsqu'elle habitait encore à Cydonia, Nëysia avait connue quelques hommes qui avaient su s'attirer ses charmes, et avec lesquels elle avait passée de bon moments. Cela ne durait que quelques semaines, rarement plus. Pour la plupart des cas, c'était elle qui décidait d'arrêter, soit parce qu'elle se lassait de la situation, soit parce qu'elle devait partir en voyage, pour son "travail", et qu'elle savait qu'au retour ce ne serait plus qu'un lointain et heureux souvenir. Nëysia n'avait pour ainsi dire jamais eue de relations sérieuses avec un homme, ni avec une femme. Elle n'était pas particulièrement intéressée par ces dernières, bien qu'elle ne se soit jamais posée la question, cela pourrait être une expérience intéressante d'ailleurs. C'est pourquoi, devant ce personnage atypique, aux traits fins et délicats, bien que suffisamment instruit et sage pour faire mentir son physique quand à son âge réel, la cydienne restait coite. Elle était intriguée de le connaître plus, mais au delà de ça, son parfum, son visage, l'attirait. Indécise, elle voulait montrer ce qu'elle ressentait, mais en même temps savait que ce n'était pas le moment. Elle n'était pas là pour courtiser cet homme, mais pour y trouver un travail. L'un n'empêchait pas l'autre, bien sur ! Mais...

« Pourtant n'êtes-vous pas l'assassine et moi l'humble tenancier ? »
« Est-ce que je vous intimide ? »

--------Ses paroles la sortirent de sa rêverie, ou plutôt étais-ce le rire qu'il émit quelques instants après. Il semblait s'amuser de la situation. Nëysia n'était sûrement pas la première femme qui était attirée par ce bel homme. Et il avait l'air de savoir se montrer désirable. Sans avoir le temps de réagir, il enchaîna, plus sérieusement:

« Voici votre épreuve d'essai. Un de mes amis a un différent avec un artisan un peu… irresponsable. Je veux que vous vous occupez de lui en faisant passer cela pour un vol. Ramenez-moi sa bague comme preuve. Je comprends votre situation. Toutefois je ne peux vous confier une mission aussi sensible que celle de faire taire mon ancien employé dès aujourd'hui. Il me faut un gage de compétence, comprenez- vous ? »

--------Ce n'était peut-être qu'un vol, mais c'était déjà un bon début. Les petits boulots de se genre étaient monnaies courantes dans son métier d'assassin. Elle avait souvent besoin d'informations, ou devait en cacher à ses victimes, ou bien aux personnes tierces. Parfois aussi, il lui fallait briser le sentiment de protection de la cible qu'elle visait, et elle devait pour cela faire main basse sur quelques objets de valeurs. Tant de taches qui paraissaient bien inutiles pour quelqu'un d'extérieur, mais qui restaient néanmoins primordiales au bon déroulement de sa mission. Le vol d'une bague n'était ainsi qu'une simple formalités aux yeux de l'invitée, du moins, c'est l'idée qui lui traversa l'esprit au moment où elle récupérait le rouleau que lui tendait Kaoru. Leurs mains s'effleurèrent de nouveau. Ou plutôt, il lui caressa volontairement les doigts avant de lâcher son bien, au moment même où il s'inquiétait de son hôte.

« Avez-vous des questions ? Si non, je peux vous conseiller une excellente auberge pour passer la nuit. »

--------Le geste, bien sur, n'échappa pas à Nëysia, dont la figure s'éclaircit d'un joli sourire. Son autre main se joignit à alors à la première, se posant ainsi sur celle du tenancier. Elle le regardait, encore une fois.
Tout c'était passé un peu vite pour la cydienne, et ses sentiments se mélangeaient un peu. Entre l'amusement qu'avait susciter sa question, la joie qu'elle éprouvait pour avoir reçu ce travail... Plus, bien sûr l'attirance qu'elle avait pour cet homme, lequel semblait apprécier... Tout cela se chamboulait un peu dans l'esprit de la femme.

"Je dirais plutôt que vous m'attirrr..." Elle marque une petite pause, gênée. M'intriguez. "

--------Continuant sur sa lancée, sa main se referma autour de celle de son nouvel employeur. L'autre pendant ce temps posait le rouleau sur le bord de la table, devant Nëysia.

"Je comprends, bien sûr... Je ne vous décevrez pas, messire. Vos attentes seront... comblées. "

--------Son sourire s'élargit, révélant de nouveau ses fossettes. Prenant une légère pause, elle but une gorgée de thé, et se lécha furtivement les lèvres.

"Je n'en ai qu'une, peut-être un peu indiscrète. Je ne pense pas être la première à vous la poser, mais je n'arrive pas à vous donner un âge, vous êtes si..." Elle laissa sa phrase en suspens, haussant par la même occasion ses épaules.

"Ne vous en faites pas, j'ai déjà un endroit où dormir cette nuit. Je ne sait pas pour après par contre, peut-être existe t'il un autre lieu plus confortable qu'une auberge pour dormir. Je dois avouer que celle où je suis pour l'instant risque de ne pas me convenir pour plusieurs nuits..."

--------Disant cela, elle faisait la moue, mais se reprit bien vite, et redevint vite souriante. Nëysia se leva alors, gardant toujours dans sa main celle de Kaoru, qu'elle tenait maintenant aussi de son autre main. Pas tellement plus grande que les siennes, elles étaient aussi de la même douceur, ou presque. Il prenait vraiment soin de son corps ! Une chaleur en émanait, réchauffant les mains de l'arrivante presque qu'autant que l'avait fait le thé qu'elle avait bue. Mais peut-être n'étais-ce pas due qu'à sa main. Ses joues et ses oreilles semblaient s'être réchauffées, elles aussi.

"Je suis ravie de vous avoir rencontrée, je ne sais comment vous remercier. J'aimerais bien vous proposer de vous inviter à manger ce soir, mais je ne connais rien ici ! Pour l'instant, en tout cas"

Loin de s'effaroucher sur l'audace de Kaoru, Nëysia posa sa main sur la sienne avec un sourire merveilleux. Son regard vert si exotique brillait sous la joie qui l'habitait et avait quelque chose de très agréable à contempler. Cette femme avait quelque chose de spontanée de bien plus charmant que les jeux de séduction calculés des geishas. Elle prononça une phrase qu'il ne fut pas sûr de bien comprendre.

« M'attirr… ? Hum je ne maîtrise pas encore assez votre langue. Je ne suis comprendre ce mot. »

Qu'importe il comprenait bien assez le geste et goûta avec volupté le double sens de l'affirmation qui suivit. Exotique, spontanée et capable de jouer avec le langage, elle lui plaisait de plus en plus. Il se pencha doucement en avant.

« Vous m'en voyez enchanté. »

L'instant plein de douce tension passa et Kaoru se rassit dans son siège. Il prit sa pipe et en retira une nouvelle bouffée de fumée qui ne fit qu'amplifier son sentiment de légèreté. Il regarda Nëysia boire sans manquer le moindre de ses gestes. Elle finit par lui poser une question qui n'avait rien à voir avec la mission qu'il lui avait confié et le fit rire gaiement. Ce n'était pas la première fois qu'on s'interrogeait sur son âge et Kaoru s'en réjouissait après tous les effort qu'il faisait pour atteindre un tel résultat. Comme toutes personnes narcissiques, il n'aimait pas vieillir, bien qu'il faisait partie des favorisés de la nature.

Il se leva ensuite, suivant le mouvement de la jeune femme qui tenait toujours sa main en rougissant un peu et résista à l'envie de l'inviter à passer la nuit à la Maison de Thé. Non pas un accès soudain de bienséance ou de pudeur, mais bien un soucis prioritaire accordé à ses intérêts. Aussi désirable que soit Nëysia et aussi désireux que soit Kaoru de la connaître mieux, il gardait en mémoire le danger que son assassin capturé lui faisait courir. S'il venait à engager la jeune femme, il aurait tout le temps voulu pour la courtiser.

« Je vous recommande l'auberge de Hisaichi à trois pas d'ici. Elle est confortable, de très bonne réputation et sait se montrer discrète avec sa clientèle. Dites-leur que vous venez de ma part et vous serez bien accueillis. »

Si la teneur du message était très pragmatique le ton était caressant. Kaoru mis sa main sur celles de la jeune femme et se pencha vers vers elle.

« Quant à savoir mon âge, je préfère le garder secret. Contentez-vous de savoir que j'ai des enfants en âge de voler de leurs propres ailes. Pour ce qui est du repas en revanche j'accepte volontiers l'invitation, je vous conseille le restaurant Mang-Hôu. En revanche je pense que suis plus en mesure financièrement de vous offrir le repas de ce soir. Et peut-être apprécieriez-vous de revêtir une tenue plus appropriée. »

Certes il trouvait Nëysia tout à fait séduisante ainsi, toutefois il aimait à être en compagnie de personnes bien apprêtées et n'accepterait pas de déjeuner avec une femme vêtue de manière si banale et triste. Ce doutant que l'Azthienne ne disposerait pas de tenues jimnens dignes d'intérêt pour l'artisan Kaoru retira délicatement une de ses mains pour indiquer la porte de son bureau.

« Mes employées pourront vous prêter un ensemble si vous le souhaitez. »

--------Depuis le début de l'entrevue, l'embarras de Nëysia n'avait cessé de s'accroitre. Il en était de même d'ailleurs pour l'attirance qu'elle portait à l'égard de Kaoru. Elle trouvait en lui un personnage charismatique, imprégné d'une aura chaleureuse. Ses douces paroles, ses compliments bien placés, et le ton avenant avec lequel il s'exprimait n'avait manquer de toucher la cydienne.

« M'attirr… ? Hum je ne maîtrise pas encore assez votre langue. Je ne suis comprendre ce mot. »

--------Amusé de constater qu'il n'avait pas compris ses paroles, elle ne fit aucun commentaire. Sa langue avait fourchée, et finalement, ce n'était peut être pas plus mal. Sa gêne n'aurait été que plus forte.
--------Son cœur s'accélérant en revanche lorsqu'il se pencha sur elle. Il étais trop près ! Elle pouvait sentir son parfum, son souffle lorsqu'il parlait, les détails de son visage. Nëysia était confuse, son teint le montrait d'ailleurs assez bien.

« Vous m'en voyez enchanté. »

--------Il continua sur sa lancée, et son invitée l'écouta docilement. Elle buvait ses paroles. Décidément, l'atmosphère qui régnait la rendait toute chose. Entre la chaleur qui commençait à être réellement agréable, non pas come tout à l'heure où c'était seulement Nëysia qui avait l'impression d'avoir chaud; le parfum enivrant qui provenait de Mr Kitajima, et la gêne, l'embarras, qu'éprouvait Nëysia suite à cette rencontre... Elle était un peu déboussolée. Elle s'en rendait compte d'ailleurs, et savait qu'il fallait qu'elle reprenne contenance, mais... c'était plus facile à dire qu'à faire.

« Je vous recommande l'auberge de Hisaichi à trois pas d'ici. Elle est confortable, de très bonne réputation et sait se montrer discrète avec sa clientèle. Dites-leur que vous venez de ma part et vous serez bien accueillis. »

--------Ayant suivi le mouvement de Nëysia lorsqu'elle s'était levée, Kaoru se tenait devant elle. De nouveau, le contact entre leurs main se fit sentir. Nëysia regardait son hôte, ne sachant pas vraiment quoi fare, ou dire. Il se pencha alors sur elle. Et lui murmura gentiment:

« Quant à savoir mon âge, je préfère le garder secret. Contentez-vous de savoir que j'ai des enfants en âge de voler de leurs propres ailes. Pour ce qui est du repas en revanche j'accepte volontiers l'invitation, je vous conseille le restaurant Mang-Hôu. En revanche je pense que suis plus en mesure financièrement de vous offrir le repas de ce soir. Et peut-être apprécieriez-vous de revêtir une tenue plus appropriée. »

* Et dire que j'ai osée me présenter ainsi devant lui... J'aurais mieux fait de filer directement à l'auberge pour me changer ! Il a raison, cette tenue n'est pas des plus présentables. *

--------Alors qu'elle s'apprêtait à répondre, il lui montra la porte, et lui fit une proposition alléchante.

« Mes employées pourront vous prêter un ensemble si vous le souhaitez. »

--------Elle aurait très bien pu refuser et se vêtir de son kimono, offert pas ses deux jeunes sœurs, mais la curiosité, et l'envie de faire plaisir à cet homme l'emporta. Elle parvint enfin à prendre la parole, trop occupée les moments passés à écouter ou à observer Kaoru.

« Merci encore pour votre aide, je ne manquerais pas de m'y rendre. Je serais curieuse de connaitre votre secret pour paraître si jeune ! Et aussi de savoir comment s'appellent vos enfants. A moins que vous ne préfériez garder ici aussi le secret ?

Quant à la tenue, j'en suis honorée ! Je m'excuse d'ailleurs de m'être présentée à vous ainsi vêtue. Je souhaitais vous rencontrer au plus vite.»

--------Nëysia sortit ainsi du bureau, par la porte que venait gentiment de lui ouvrir son hôte. Une employée se tenait là, guettant probablement le retour de son patron. La salle s'était bien vidée depuis qu'elle était rentrée. On voyait déjà le soleil qui faiblissait dehors. Le temps était passé si vite ! La cydienne se retourna vers Kaoru, lui demandant d'un air malicieux.

« Auriez-vous une idée de tenue qui vous est venue à l'esprit ? »