La leçon du jour s'acheva sur un entrainement pratique quelque peu actif. Les élèves devaient faire des duels amicaux les uns contre les autres, répartis selon l'arme choisie, afin de leur apprendre à doser l'énergie consacrée à l'invocation tout en pratiquant une activité physique intense. Comme d'habitude Evenor n'avait pas résisté à l'envie de participer et acheva le cours en sueur malgré le temps froid de l'hiver. Il fallait avouer qu'il n'était pas le dernier à se dépenser et avait tenu tête à deux élèves dynamiques, l'un après l'autre qui avaient su lui donner un peu de fil à retordre. Honnêtement le jeune maître était satisfait des progrès de ses élèves et les félicita avec enthousiasme.

« Couvrez-vous bien et n'attrapez pas froid ! Je ne plaisante pas. »

Certains élèves riaient de l'avertissement comme s'ils ne le prenaient pas au sérieux, ils devaient prendre cela pour une énième plaisanterie du professeur. Evenor était sérieux pourtant, lui-même avait attrapé un bon refroidissement étant apprenti pour cette raison. Tous les élèves enfilèrent tout de même leurs habits malgré la chaleur de l'effort et s'en furent profiter des quelques temps de répit avant le repas. L'elfe alla s'essuyer le corps avant de revêtir sa tunique et une veste chaude. Bien équipé pour le froid, il quitta à son tour la salle et prit la direction de la bibliothèque. Il s'était assez dépensé pour la journée et voulait consulter un ouvrage pour préparer un autre cours.

Bien que la charge de directeur soit prenante, surtout en parallèle de son rôle d'enseignant, Evenor parvenait toujours à se trouver du temps libre pour lui et en profitait autant que possible avant qu'une nouvelle tâche lui tombe dessus. L'hiver avait le grand avantage de calmer les ardeurs de certains bandits, cependant cela n'empêchait pas d'autres de perpétrer leurs crimes. Il avait entendu parler de l'enlèvement de la sœur de Thétis et regrettait un peu de n'avoir pu se déplacer de lui-même. Toutefois le Maître du Temple devait veiller à d'autres choses et ne pouvait sortir pour un oui ou un non. Il devait déléguer… souvent, peut-être parfois trop. C'était le grand désavantage d'être le directeur, hélas on ne pouvait pas tout avoir.

Il entra dans la bibliothèque de bonne humeur, sans raison particulière, et parcourut les rayonnages en quête de l'ouvrage qu'il cherchait. Il s'arrêta en reconnaissant Jeyne, hésita puis… alla mettre le nez par-dessus son épaule pour regarder ce qu'elle lisait.

« Bonjour Jeyne ! Votre peau est toujours aussi dorée même sans soleil ! Que lisez-vous ? »

L'art et la manière de sauter du coq à l'âne dans une même phrase et sans même le vouloir ! Généralement Evenor s'en rendait compte après coup en y repensant ou quand on le lui faisait remarquer.

Jeyne s’était isolée dans la bibliothèque, comme elle en avait souvent l’habitude. Quand elle était apprentie déjà, elle aimait se retrouver seule, mais en grandissant elle avait appris à s’ouvrir aux autres, mais parfois son envie de solitude lui reprenait et elle aimait se retrouver entourée de livres renfermant tout ce savoir sur Azthia et ses peuples.

En cette journée hivernale, la jeune femme avait eu envie de se plonger dans les histoires des différents peuples, pour parfaire ses connaissances et pour préparer ses futurs voyages dans les différentes cités.

Alors qu’elle prenait des notes sur son bouquin sur les Astorgs, Jeyne sentit aussitôt que quelqu’un entrait dans la pièce, l’Esprit y était pour quelque chose et le fait qu’elle soit bien reposée lui permettait de savoir ce genre de choses instantanément. C’était beaucoup plus compliqué lorsqu’elle était fatiguée.
Sans y faire grande attention, elle poursuivait sa lecture, surprise en rien de croiser des gens ici à cette heure de la journée.

Voilà pourquoi elle ne fut pas surprise quand on lui adressa la parole et se retourna pour faire face à son interlocuteur.

Bien que Evenor ne soit pas l’un de ses professeurs, la jeune femme connaissait le directeur qu’il était, l’ayant déjà croisé dans les couloirs et discuté un peu avec lui, à de rares occasions, comme tout élève du Temple.

Elle lui sourit, en posant son stylo, ne relevant pas sa remarque sur la couleur de sa peau, ne sachant quoi ajouter.


« Bonjour Maître Evenor. C’est un livre sur les Astorgs. Je ne sais pas encore où me mènera ma prochaine mission, donc j’en profite pour revoir les bases. », lui dit-elle, toujours souriante.


« Et vous Maître ? Qu’êtes-vous venu faire ici, si ce n’est pas trop indiscret ? »

C’était histoire de faire la conversation, la jeune Almer était contente de pouvoir faire une pause et plus ample connaissance avec le directeur des lieux. Bien que la réponse l’intrigue, elle ne serait pas offusquée qu’il ne souhaite pas répondre, au contraire elle comprendrait et avait un peu peur de s’être montrée indiscrète.

Le jeune directeur regarda les mots en Astorg et hocha la  tête lentement. L'apprentissage dans différentes langues n'avait pas été une option dans sa formation et il en avait été ravi, car cela lui avait rendu service plus d'une fois dans ses voyages et cela s'avérait indispensable pour les relations politiques extérieures au temple. Il repoussa une mèche de cheveux derrière son oreille et sourit d'un air malicieux à Jeyne. Il commençait à s'habituer à s'entendre donner du maître, même si venant d'anciens maîtres cela sonnait étrangement. Il avait déjà eu l'occasion de discuter avec l'Almer par le passé, mais finalement leurs échanges n'avaient jamais vraiment dépassé le rapport directeur – templière. Evenor décida de profiter de leur rencontre fortuite pour faire plus ample connaissance.

« Je suis heureux de savoir que les diplomates du temples comptent des personnes si assidues et passionnées que vous ! Je suis moi-même venu afin de rafraîchir mes connaissances. »

Il tourna la tête vers les rayonnages et passa un doigt sur les reliures en cuir dont le lettres gravées du titre étaient dorées. Il s'arrêta sur un titre connu et retira le lourd ouvrage avec soin. Il portait comme nom “La première Oblat de Storgheim”. Ce n'était pas celui qu'il cherchait, néanmoins il l'intéressait vivement et il le garda. L'elfe montra sa trouvaille à Jeyne et sourit.

« Puisque nous travaillons sur le même sujet tous les deux, pourquoi ne pas réviser nos fondamentaux ensemble ? »

Il avisa une table libre un peu plus loin et la désigna à l'almer. Il n'avait pas d'urgence à consulter le livre qu'il était venu chercher et n'avais aucun scrupule à bouquiner celui-là tout en papotant… si Jeyne le voulait bien. Les bavardages innocents et sans tensions lui manquaient depuis qu'il était devenu directeur. Les jeunes et les templiers ne parvenaient pas toujours à oublier son titre imposant et étaient pris d'un accès de timidité face à lui.

En tant qu’Almer, Jeyne c’était souvent sentit obligée de faire plus d’effort que les autres, car elle était originaire d’un peuple au lourd passé et la jeune femme avait l’impression qu’on lui laisserait passer moins de choses, si elle se trompait.
Ce n’était qu’une impression qui lui arrivait de ressentir lors de ses missions, face à des interlocuteurs plus ou moins cléments. L’Almer ne s’en plaignait pas car, cela la poussait à toujours faire de son mieux et mettre régulièrement ses connaissances à jour, pour les entretenir, voir les approfondir.

Que Maître Evenor lui propose de réviser avec lui, lui faisait plaisir et un peu peur à la fois, ne voulant pas paraître ignorante, ou incompétente. Malgré la pression, elle accepta gentiment l’invitation du directeur et refermant son livre, la jeune femme se leva et alla s’asseoir à la table que le Maître lui avait montrée, en la compagnie de celui-ci.
Elle posa son livre concernant les Astorg sur le côté et ne sachant par où commencer, laissa le Maître démarrer les questions, mais fit un peu de bavardage avant, histoire de se détendre un peu.

« Je suis loin de tout savoir sur le sujet, Maître. J’espère que vous vous montrerez clément avec moi. », lui dit-elle gentiment, en souriant.

Jeyne était toujours contente de pouvoir échanger avec d’autres Templiers, mais il est vrai qu’elle rencontrait rarement celui-ci, mais malgré tout, la jeune femme se sentait à l’aise, quoi qu’un peu stressée de ne pas trouver de réponses à ses questions.

« Allez-y commençait, je vous questionnerais ensuite. »

Le livre sous le bras Evenor alla s'installer à la table, ravi d'avoir trouvé un partenaire pour papoter. La part de directeur au fond de lui se disait que c'était l'occasion de mieux connaître un templier tant dans sa personnalité que dans ses connaissances. En temps de guerre, un diplomate pouvait éviter bien des conflits et sauver des vies, c'est pourquoi le Maître du Temple leur accordait beaucoup d'importance. D'autant plus qu'il n'était pas lui-même le meilleur des diplomates et se montrait parfois maladroit dans ses relations. L'elfe était plus habile de son épée que de sa langue.

Il fut surpris quand Jeyne lui parla de question, ce n'était pas ce qu'il avait voulu dire et il se massa la nuque. Evenor pensait simplement que chacun discuterait à partir des livres qu'ils lisaient. Saisit d'une envie de plaisanter il lança :

« Fort bien, alors quel est le nom de l'oblat actuelle ? Si vous ne le savez pas vous n'êtes pas digne d'être une diplomate. »

La réponse était facile, seul un ermite ou un apprenti templier pouvait se permettre de l'ignorer et Evenor s'amusait à taquiner Jeyne sans penser à l'insulter aucunement. Il eut un petit rire et se fit vertement réprimander par une bibliothécaire. Embarrassé de s'être fait reprendre comme un enfant il soupira et se tritura une mèche de cheveux.

« Navré. Voici une vraie question, comment est morte l'Oblat précédente et qui était son assassin ? »

Cela aussi était une question simple pour une diplomate, néanmoins elle était primordiale pour connaître l'histoire et la politique actuelle de Storgheim.

Jeyne observait le Maître en silence, attendant patiemment qu’il commence à la questionner. Puis la première question fut dite et elle était certes simple, mais la jeune femme n’eut pas le temps de la dire, que la bibliothécaire les réprimandaient pour leur manque de discrétion, ce qui fit légèrement rougir la jolie rousse, elle qui d’ordinaire ne fait pas un bruit en ces lieux.

Evenor se calma et lui posa une autre question, comme si la première, trop simple, ne comptait pas. Par soucis d’exactitude, Jeyne répondit malgré tout aux deux.

« L’oblat actuelle s’appelle Lystra et l’oblat précédente, qui était également sa mère, a été assassinée par Meliant. »

Une histoire triste, voilà pourquoi Jeyne changea de sujet. Bien que les histoires royales sont toujours très intéressantes et instructives, la jeune femme n’avait pas envie de discuter d’un sujet aussi malheureux aujourd’hui.

« Vous êtes-vous déjà rendu en Storghein ? Je n’ai pas encore reçu de mission qui m’y a envoyée, donc je ne connais que ce qu’il y a dans les livres. Pourriez-vous m’en dire plus au sujet de cette ville ? »

Curieuse et ayant envie d’en savoir toujours plus, Jeyne se permettait donc de questionner le Maître du Temple, en espérant ne pas se montrer trop indiscrète, ou impolie. Elle jeta un coup d'œil à la bibliothécaire, pour être sûre de ne pas s'être fait remarquée, puis regarda de nouveau Evenor, en lui souriant gentiment.

Jeyne ne parut pas s'offenser de la première question simpliste et y répondit tout de même en bonne élève studieuse. Elle était du genre timide et soucieuse d'autrui, Evenor en prit note en se faisant la réflexion qu'il devrait veiller à ne pas trop la taquiner pour ne pas l'embarrasser. Sa réponse était correcte comme il se devait, autrement le directeur aurait eu des doutes sur sa qualité de diplomate. Plutôt que de renchérir sur une question scolaire, la Templière l'interrogea sur son expérience personnelle.

« Si j'ai déjà été à Storgheim ? Bien évidement, je crois avoir été dans toutes les cités d'Azthia. Sauf Muria bien sûr ! »

Evenor rit de sa remarque. Il connaissait des Amazones et se considérait comme l'ami d'Eléa malgré le temps et les événements que les séparaient, toutefois il n'avait jamais mis les pieds dans la cité des femmes et l'un dans l'autre c'était sans doute une bonne chose. Evenor n'était pas sûr qu'il apprécierait la vie de soumis, oh sans doute y avait-il l'intérêt d'être entouré de femmes, à part cela la liberté lui manquerait.

« C'était quand j'étais jeune, j'arpentais Azthia au gré de mes missions. Enfin quand j'étais plus jeune qu'aujourd'hui, ajouta-t-il précipitamment, bien que plus mature qu'à vingt ans il se sentait encore très jeune et était un peu déprimé de savoir qu'il était dans la catégorie âgé pour les apprentis templiers. Storgheim est une cité au climat rude en hiver qui donne une teinte claire à la peau des femmes. La force y est une valeur respectée et pourtant les habitants n'oublient pas de se servir de leurs cervelles. Peut-être parce que c'est compensée par une femme comme oblat. »

Il se caressa les lèvres en réfléchissant à ce qu'il pouvait raconter de plus que ce qui ne pouvait s'apprendre dans les livres. Quel intérêt de raconter ce que les professeurs pouvaient enseigner ?

« Cette cité a un charme particulier, entre ciel et terre sur la montagne, elle domine l'océan et vit dans l'air. Le feu quant à lui se trouve dans le cœur des Astorgs… il leur faut bien cela pour se tenir chaud, haha ! Hem. »

Il jeta un coup d'œil rapide vers la bibliothécaire pour s'assurer que son éclat bref n'allait pas lui attirer une nouvelle réprimande et se retourna vers Jeyne.

« Désolé, je vais essayer de faire attention. C'est une cité qui vaut la peine d'être visitée, à défaut de mission vous pouvez sans doute y faire un tour sur un congé. Sinon je peux toujours m'arranger pour vous attribuer la prochaine mission à Storgheim. Il lui fit un clin d'œil complice. Quelles cités avez-vous déjà visité ? Cydonia, Muria peut-être ? Laquelle avez-vous préféré ? Bon on s'éloigne de la révision sur Storgheim, si vous avez d'autres questions… hum bah vous pourriez me répondre en parlant en astorg. »

C'était encore une plaisanterie, quoique Evenor trouverait amusant de papoter dans cette langue. En tant que Maître du Temple il se devait d'être à l'aise dans plusieurs paroles afin de garder une neutralité. La langue commune était le cydien, ce qui n'était pas idéal pour s'exprimer avec des Astorgs. Actuellement il tentait d'apprendre le jinmen, ce qui n'était pas chose aisée sans un indigène pour s'exercer.

La jeune templière écoutait attentivement son interlocuteur, ravie d’apprendre qu’il avait visité toutes les cités, bien que cela lui semble logique, puisqu’il était le Maître du Temple.

Lorsqu’il décrivait Storgheim, il donnait envie à Jeyne de s’y rendre, pour découvrir cette cité qu’elle n’avait encore jamais visité, à part dans les livres, bien sûr.
Quand Evenor lui proposa de lui donner une mission pour Storgheim, elle ne trouvait pas cela juste, mais savait pertinemment que ce n’était que de l’humour, dont le Maître semblait apprécier l’ironie.

« Et bien, je dois avouer n’avoir eu que quelques missions, qui m’ont permissent de visiter Cydonia et Erathia. Ces cités sont très intéressantes, tout comme leur habitant je trouve et j’espère pouvoir en apprendre plus sur elle, avec le temps et d’autres visites. Pour tout vous dire, j’ai hâte de toutes les visiter et apprendre à connaitre leurs habitants et leurs différents us et coutumes. »

Jeyne était vraiment curieuse de tout et voulait sans cesse engranger plus de savoir, mais elle savait que cela prenait du temps, voilà pourquoi elle ne se précipitait pas sur n’importe quelle mission, préférant d’abord s’informer sur la cité en question et ce qu’on attendait d’elle exactement.

« Je n’ai pas de cité préférée pour le moment, bien que je me sens plus à l’aise ici, à Tamawa, dans la cité qui m’as accueilli depuis ma tendre enfance. Mais je dois reconnaître que certaines cités plus que d’autres m’intriguent, comme Silmarie, la cité des Elfes, ou Hoshizora, la cité des Jinmens. Celle qui titille le plus ma curiosité c’est Muria, la cité des Amazones, je ne sais pas si je pourrais m’y rendre en toute tranquillité, mais ça doit être dû à quelques préjugés de ma part. » , elle regarda le Maître, honteuse de se laisser guider par de honteux préjugés, mais malgré cela, Jeyne cherchait à ne plus les prendre en compte et se faire une idée juste de cette cité et des femmes qui habitaient.

« Vous y êtes-vous déjà rendu ? Les habitantes y sont-elles chaleureuses ? »

Jeyne espérait ne pas se montrer grossière en posant de telle question, mais elle souhaitait lever le voile sur des idées qu’elle se faisait et qu’elle espérait fausses.
Pour elle, les Amazones étaient des femmes violentes, qui soumettaient des hommes. Elle qui avait si peur de la violence, cette vision des choses ne pouvaient que lui donner mauvaise opinion de cette cité.

Jeyne ne semblait pas très réceptive à l'humour d'Evenor. Il lui était impossible à déterminer si c'était une bonne chose ou une mauvaise pour la jeune femme. Cela dit le Maître considérait comme appréciable de rencontrer une jeune templière qui semblait passionnée de la branche diplomatique. Bien que guerrier l'elfe portait une grande importance à cette section qui était une protection indispensable pour demeurer neutre. Un jour, peut-être, les relations entre cités ne se règleraient qu'à la force du dialogue et non plus des armes comme c'était encore le cas cent soixante-cinq ans après la chute d'Erathia.

L'elfe éclata de rire lorsque Jeyne lui demanda s'il avait été à Muria. Ce qui lui valut de nouveau une réprimande sévère.

« Maître ou non, à la prochaine fois je vous demanderais de quitter la bibliothèque. »

Il se frotta la nuque embarrassé. Bien sûr il n'avait aucune intention d'user de son autorité de directeur pour se comporter comme il le voulait et il s'exécuterait si on lui ordonnait de partir. Son calme retrouvé Evenor entreprit de répondre à Jeyne.

« Non, bien sûr je n'ai jamais été dans la cité caché. Quoique j'en rêve un peu. »

Honnêtement quel homme n'avait jamais rêvé d'aller visiter la cité des femmes ? De plus Evenor se préoccupait du moral des orphelins de Jacen, sans parler de la fille d'Elea privée de sa mère autant que de sa grand-mère. Il était assez désireux de savoir comment les Amazones se portaient sans leur nouvelle reine. Oh sans nul doute qu'elles se débrouillaient fort bien sans Philéa ou son aînée, d'ailleurs elles avaient Jelenna et Aerin ; ces femmes étaient courageuses et fortes.

« A vrai dire j'aimerais bien y envoyer une diplomate un jour. Je n'ai plus vraiment de nouvelles d'elles depuis l'emprisonnement d'Eléa. N'importe qu'elle femme peut s'y rendre sans crainte tant qu'elle a des intentions pacifiques. Néanmoins les Amazones seront méfiantes envers une templière, ne serait-ce que le temps de savoir ce qu'elle veut. Autrement, je ne saurais dire qu'elles sont chaleureuses. Sans doute envers les femmes amies. Je n'ai rencontré que les guerrières qui accompagnaient Eléa et Philéa aux combats et elles n'avaient pas vraiment le temps de me montrer leur meilleurs jour. »

Evidemment présenté ainsi cela donnait une image rébarbative aux Amazones, mais que dire de plus en étant objectif ? Evenor avait un grand respect pour elle, mais c'était davantage du à l'affection qu'il avait pour Eléa.

« Mon apprenti s'est rendu à Muria. Il est une exception là-bas et conseille la princesse Jelenna. »

Evenor ne pouvait s'empêcher de ressentir de l'amertume en pensait à Aerin.

« Vous m'avez l'air passionnée Jeyne. Je pense sincèrement envoyer une diplomate à Muria, cela vous intéresserait-il ? »

Jeyne sourit en entendant le rire du Maître, même si elle ne saisissait pas ce qui était drôle, dans ce qu’elle venait de dire.
Elle baissa les yeux sur son livre, lorsque la bibliothécaire le réprimanda une nouvelle fois, préférant faire comme si elle n’avait pas entendu pour ne pas gêner le Maître. Quand la responsable des lieux se tut, la jolie rousse vit qu’Evenor se frotter la nuque, comme s’il avait été contrarié de s’être encore montré peu discret. Un léger sourire échappa à la jeune femme, trouvant ce geste mignon, mais se retient de tout commentaire.

Le Maître du Temple ne s’était jamais rendu à Muria, mais il souhaitait y envoyer un diplomate. Rien qu’à l’idée qu’elle pourrait s’y rendre, Jeyne se sentit mal, mais n’en laissa rien transparaître. Il y avait trop d’images de violence liées aux Amazones, pour qu’elle ait eu envie de se rendre sur ces terres.
La jeune femme voulait, malgré cela, surmonter ses peurs et peut-être s’y rendre, mais pour l’heure, elle ne se sentait pas prête. Alors, elle essaya de se faire le plus sincère, envers Evenor.

« Il est vrai que toutes les cultures me passionnent, je ne le nie pas, tout comme je ne nie pas le fait que je me sens, pour le moment, incapable de m’y rendre, hélas. Je pense ne pas avoir une assez bonne opinion de ces personnes pour avoir la confiance en moi d’y aller.

Je sais que pour une Templière c’est mal d’avoir des aprioris et sachez que je n’essaye en aucun cas de les nourrirent, bien au contraire. J’aimerais pouvoir m’en débarrasser, mais je ne suis pas encore prête à aller à Muria. »

Elle était honteuse de sa faiblesse, mais pas de sa sincérité et elle était réellement prête à faire des efforts, comme par exemple rencontrer une Amazones, mais ici, pas sur Muria encore, mais il est vrai qu’un jour, elle devrait s’y rendre.

« J’apprécie votre proposition Maître et ne la rejette pas complètement, il me faudra juste un peu plus de temps que les autres avant que je ne puisse envisager la chose. J’espère ne pas trop vous avoir déçu. »

Se sentant mal d’être une si mauvaise Templière, Jeyne mit son livre sur ses genoux, prête à partir de la bibliothèque, si le Maître le lui ordonnait. Il n’ignorait rien de son histoire et de ce qui s’était passé, mais la jolie rousse ne savait comment il allait réagir face à sa réponse.

Evenor appuya son menton sur ses mains et détailla les émotions de Jeyne. Elle semblait bouleversée par l'idée de rencontrer des Amazones et estimait que cela faisait d'elle une incapable en tant que templière. Le Maître se retint d'aller voir dans son esprit pour en savoir plus, c'était très grossier sans compter le fait qu'elle saurait se défendre. Tout de même intrigué qu'une diplomate qui paraissait si passionnée par sa vocation soit mal-à-l'aise vis à vis d'un peuple, il tenta de se remémorer ce qu'il savait de la jeune femme. Il était impossible de connaître tous les résidents du Temple bien sûr, cependant le directeur avait fait l'effort d'apprendre le nom des tous les templiers confirmés et essayait de retenir ce qu'il entendait des uns et des autres.

S'il ne se trompait pas, Jeyne abhorrait la violence sous toutes ses formes au point d'être devenue diplomate à défaut des autres voies. Or les Amazones avaient un mode de vie tellement sectaire qu'elles se faisaient remarquer hors de leurs cités par des actes guerriers, seuls raisons pour elles de se faire connaître en Azthia. Difficile d'en vouloir à la jeune femme de les assimiler à la violence. Muria vivait en autarcie, loin des hommes qui autrefois les poussèrent à une telle extrémité. C'était ainsi que ces femmes l'avaient voulu et l'elfe ne pouvait les juger. Pour connaître et comprendre les Amazones, il fallait passer outre cette difficulté d'accès et discuter avec plusieurs d'entres elles. En tant que femme Jeyne pouvait espérer y arriver même avec les plus sexistes d'entre elles.

« Vous n'êtes pas là pour me plaire ou me satisfaire. Si vous avez peur des Amazones, c'est que vous n'avez pas encore assez mûri pour aller au-delà de certains préjugés. Vous me décevriez en disant que vous refuseriez tout contact avec elle ou en brandissant des idées reçues sans vous soucier de la vérité. Ce n'est pas le cas, n'est-ce pas ? »

Non, la jeune templière n'avait pas déçu Evenor. Elle était honnête et sincère, connaissait ses faiblesses et désirait compléter ses connaissances. Personne ne pouvait lui reprocher de craindre un peuple en revanche le Maître attendait d'une diplomate qu'elle consacre sa vie à détruire ses préjugés pour aller au-devant des autres. Jeyne était encore jeune, elle avait le temps de dépasser cette peur.

« Si vous voulez en savoir plus sur les Amazones, je vous conseille de contacter mon ancien élève, Aerin. Il vit chez elles… c'est une exception là-bas, il peut aller et venir en liberté. Sinon essayez de contacter des collègues templiers qui ont rencontré ses femmes. Mais ne vous en tenez surtout pas à un seul avis, jamais. Si vous vous mettez à juger d'un peuple sur la vision d'une seule personne je douterais de vos aptitude au titre de diplomate. »

Ce n'était pas une menace et Evenor ne l'avait pas prononcé comme une accusation ou un sous-entendu. C'était un conseil amical, une affirmation déclarant un état de fait. Dans cette période de troubles le Maître du Temple ne pouvait se permettre d'avoir des diplomates avec ce comportement. La moindre erreur de la part d'un templier et le Temple entrait en guerre.

« Sur ce je vois que le temps passe et que j'arrive à la fin de mon temps libre. Je vais vous laisser à vos études. J'ai été ravi de discuter avec vous, si vous avez d'autres questions, n'hésitez pas à me les poser, j'essaierais de répondre dans la mesure de mes disponibilités. »

Hélas en tant que directeur, l'elfe courait souvent après le temps et devait souvent sous-traiter pour arriver à tout gérer. Ce qui impliquait également de devoir réorienter les questions qu'il recevait à d'autres confrères, non pas par désintérêt, mais bien par soucis de priorisation de ses activités. Heureusement maître Jiven se montrait un conseiller et soutien hors pair sans parler de sa vie-directrice qui faisait une bonne part de labeur.

Evenor se leva en saluant Jeyne d'un grand sourire et alla reposer son livre. Finalement il n'avait pas eu le temps de lire, mais approfondir sa connaissance d'un templier était bien plus enrichissant à son goût et surtout un meilleur passe-temps. Il se mit au défi mentalement qu'un jour il enverrait la jeune diplomate en mission à Muria et qu'elle accepterait de son plein gré.

[désengagé, merci pour ce rp ]