Lilith s'était décidée à pénétrer le couvert de la forêt protégeant Silmarie. Sa dernière mission avait été de retrouver des fillettes disparue en Azthia et surtout d'innocenter les Amazones de ces rapts. Il régnait autour des femmes libres tant de préjugés encore aujourd'hui que le peuple était prompt à les accuser de toute disparition d'être humain de sexe féminin voire parfois de bambin garçon… La jeune mère parvenait à concevoir que la peur pour sa progéniture pouvait amener à imaginer des scénarii plus fous les uns que les autres quant à ce qu'il avait pu advenir de son rejeton, mais de là à accuser les Amazones de les enlever ou les dévorer ! Elles n'avaient jamais rien fait qui puisse donner une valeur de réalité à l'affaire. Et il était un amalgame honteux de comparer les femmes qui partaient pour la cité cachée avec leurs fils avec des enfants qui disparaissaient sans leur mère. Enfin, il ne servait à rien de s'énerver toute seule sur les idées folles qui trottaient dans les têtes du peuple azthien ignorant. Pour l'heure Lilith s'assurait qu'aucun des bandits responsables des rapts de jeunes filles ne trainait plus en liberté. Elle avait confié Irvan, le soumis qui l'avait accompagné dans sa dernière mission, à une consœur s'en retournant à Muria et avait amorcé une rotation dans les terres en enquêtant dès qu'elle entendait parler de disparition de fillette.

La région des Collines Brumeuses lui avait rappelé des vieux souvenirs, une dizaine d'années plus tôt elle y avait croisé un griffon qui semait la terreur et la mort sur les ordres de son maître, un prédicateur qui tuait ceux qui avaient osé l'emprisonner. Elle avait été aidée dans cette enquête par une jeune ermite du nom de Kaenie qui méditait sa vengeance et envisageait d'en finir par la mort. Lilith se demanda ce qui lui était advenu, ne doutant pas vraiment de la fin de la femme et se désola que les choses dussent souvent s'achever par la mort impitoyable. Elle releva la tête vers la frondaison dégarnie à cette époque  de l'année et soupira à l'idée qu'à Muria elle pourrait espérer trouver une douce chaleur de feu de bois en rentrant à la maison à la fin de la journée. Là seul un faible espoir de petit feu de camp l'attendait au soir venu. En attendant elle resserra les pans de sa cape pour se réchauffer. La Sentinelle chercha à se changer les idées en pensant à Silmarie. Elle n'avait jamais mis les pieds dans cette cité qui était à l'instar de Muria installée dans une forêt et cette seule similitude lui donnait envie de s'y rendre séance tenante.

Jâani poussa un hennissement soudain auquel répondit un âne plus loin. Intriguée par la présence d'un tel animal dans une forêt Lilith fit avancer sa jument dans cette direction et finit par rencontrer une jeune femme chevauchant une mule. Surprise par une telle rencontre à une saison aussi froide elle ne jugea pas la femme menaçante et lui sourit.

« Bonjour ! Je n'aurais pas pensé rencontrer quelqu'un ici aujourd'hui. »

La jeune femme semblait intimidée aussi l'Amazone décida de ne pas la brusquer, même si elle se demandait ce qu'elle pouvait bien faire là. Après une certaine hésitation elle décida de se présenter sous son vrai nom et non le nom d'emprunt qu'elle utilisait habituellement pour se protéger.

« Je m'appelle Lilith, je suis une voyageuse. Et toi ? »

Plus Lilith étudiait la jeune femme et plus il s'avérait évident qu'elle était apeurée par sa présence ; certaine de ne pas paraître si inquiétante que ça l'Amazone conclut qu'elle était d'une timidité maladive et adopta une attitude encore plus patiente et apaisante que d'habitude. Elle fut tout de même surprise de l'entendre prononcer le mot Silmarie de but en blanc, pour finalement se contenter de balbutier qu'elle cherchait la route de la cité elfique. Lilith s'apprêtait à lui répondre quand un bruit de chute résonna près d'elles faisant sursauter la jument, elle pris son arc en main par précaution et regarda dans la direction pour voir une fillette approcher. Cette fois la Sentinelle fut davantage étonnée de voir une enfant de son âge se promener seule dans la forêt, celle-ci expliqua qu'elle était perdue, ce qui n'était en rien surprenant avec la réputation de ces bois.

« Enchantée de te rencontrer Héloïse. Pour vous répondre à toutes deux en même temps, je ne suis ici que pour me promener un peu. Je ne compte pas aller jusqu'à Silmarie et d'ailleurs j'ignore comment m'y rendre ! »

Conclut-elle en riant gentiment. Elle remis son arc à son épaule du même geste et s'avisa que ses deux interlocutrices avaient les traits typiques des Cydiens. Du coup Lilith regretta un peu d'avoir donné son vrai prénom, cela dit elle avait omis son nom de famille qui était plus à même de lui causer des ennuis. En tant que catalyseur, son père ne renoncerait jamais à lui remettre la main dessus. Elle relativisa en considérant que ces deux personnes avaient peu de chance de se soucier de sa vraie identité, chacune paraissant soucieuses de ses propres préoccupations.

« Navrée donc de pouvoir vous aider. Elle se tourna vers la fillette Voulais-tu aller aussi à Silmarie ou en venais-tu Héloïse ? »

La forêt entourant Silmarie était au cœur de nombreuses légendes toutes aussi plus mystérieuses les unes que les autres, souvent les amazones elfiques s'amusaient à embellir encore et toujours ces mythes pour les plaisir d'émerveiller les fillettes. Parfois même cela donnait lieu à une bataille amicale entre celles qui prétendaient que Muria était la mieux protégée par sa couverture sylvestre et celles qui maintenaient que c'était la cité de Silmaria. Lilith avait toujours écouté ces contes comme un divertissement charmant, convaincu que ce n'étaient que des fables, la forêt n'avait guère besoin de cela pour être dangereuse.

Elle trouva que la jeune Héloïse était chanceuse si elle avait un père assez ouvert pour lui permettre de se promener seule dans la forêt. Peut-être que les temps avaient changé depuis sa propre enfance où elle avait du se cacher pour apprendre à tirer à l'arc ou monter à cheval. Sans doute que les hommes acceptaient davantage l'idée d'égalité avec les femmes et étaient plus tolérant avec leurs filles. Bien que dans ce cas cela ressemblait plus à de la négligence, la jeune mère était certaine qu'elle ne laisserait pas sa fille déambuler toute seule dans la forêt à son âge. Ni son fils.

La petite posa une question à l'autre femme et Lilith attendit un peu pour lui laisser le temps de répondre, puis voyant qu'elle était vraiment impressionnée Lilith reprit.

« Je peux vous reconduire vers l'extérieur de la forêt sans soucis, néanmoins cela ne vous sera pas de plus grande utilité si vous ne connaissez pas le chemin vers Silmarie. Je vous proposerais donc ceci, montons un camp pour la nuit avec un feu qui dégage une dense fumée, je serais fort surprise qu'aucun elfe ne vienne voir de quoi il en retourne. Cela vous convient-il ? Si vraiment personne ne vient je vous ramènerais hors d'ici pour chercher un guide. »

Lilith mit pied à terre et sourit avec affection à la jeune femme apeurée pour la rassurer.