[Pv Joris] Le monde tel que nous le connaissons s'effondre sous nos pieds.[DE] (fini)

La grande reine amazone se demandait si elle avait bien fait de venir. En fin de compte, elle n'avait risqué que de rompre l'alliance précieuse avec Storghein, tout ça pour un sal petit Compagnon prétentieux, à qui elle aurait bien mis une raclée. Mais heureusement, si la Dame était impulsive, elle avait appris au cours de ses années de règne qu'il faut se montrer calme, patient et attendre son heure en politique. Ainsi, la sagesse l'avait passablement emporté sur son caractère de cochon légendaire et elle avait su calmer à sa façon l'imprudent. Maintenant, celui-ci avait enfin disparu de sa vue, allant lui chercher ce certain Chris.
C'était à croire que rien ne tournait rond ici bas. Joris qui s'enfuyait lâchement alors que sa chère Kriisten avait été kidnappée. Méliant qui semblait se contreficher de sa pauvre femme ... tout allait de travers et Philéa ne pouvait rien faire. Pas plus ramener la belle Kriisten qu'envoyer des troupes pour aider les Compagnons. Elle n'était pas venue en grande escorte et le retour s'annonçait tout aussi difficile que l'aller, aussi avait-elle besoin de toutes ses sœurs à ses côté. Quel malheur ...

Bon, que faisait ce crétin de Compagnon prétentieux ?
Il en mettait du temps à trouver ce Kris ou je-ne-sais-quoi ! Philéa continuait de s'entretenir avec Kiera pour faire passer le temps. Celle-ci proposait de retourner à Muria chercher quelques une de leur sœurs mais la reine s'obstinait à refuser l'offre. Elle avait besoin de sa Chef des Sentinelles ici, à ses côtés et pour finir, elle ne pouvait pas engager ses troupes ainsi, sans connaitre la mesure du danger et d'autres paramètres. Le plus sage était d'attendre, malgré tout ce que pouvait lui dire la demoiselle. Les autres femmes de l'escorte attendait, vérifiant ici et là si personne ne leur tendait un piège. Philéa se savait apprécié de Kriisten, mais elle savait également que ce n'était pas le cas de Méliant et c'était réciproque. Aussi, en l'absence de la reine Astorg, ce dernier était-il capable de tout.
Une ombre avança vers elle, et la souveraine amazone n'en cru pas ses yeux. Joris. Ou ce qu'il en restait du moins. Il avait une mine affreuse autant qu'elle puisse en juger de là où elle se tenait. Sans attendre, Philéa fit signe à ses sœurs de se taire, elles auraient tout le temps de reparler de certains détails, pour l'heure, il fallait entendre ce que le gardien de la belle Kriisten avait à dire. Ce qu'il comptait faire.

" Joris, mon ami. Je vous rencontre en des heures si sombres. Comment vous portez-vous ? "

L'inquiétude de Philéa était sincère. De tous ses alliés, c'étaient les Astorg, aussi étrange que cela puisse paraitre pour une ancienne Cydienne, qui lui étaient le plus proche et le plus cher. Joris, qu'elle avait connu dès le début de son règne, et même un peu avant, lorsque sa mère régnait encore, lui semblait ... différent, changé.
La souveraine, n'osant ajouter mot, attendit simplement que le Compagnon se décide à approcher, à lui parler. Au nom de leur "amitié" passée.

Blanc comme un linge, Joris sortit enfin de la chambre des Compagnons. De cet enfer. Mais malheureusement pas de ce cauchemar. Qu'il était loin le Chef droit et fier... Il avait beau en garder le costume de cuir, la cape et l'épée, il n'était plus l'ombre de cette homme-là. Le pas traînant, les sourcils froncés, il ne prêtait aucune attention à ce qui l'entourait, et faillit bien manquer la Reine amazone. La seule Reine présente dans cette salle du trône... Si cette dernière ne l'avait pas interpelé il ne l'aurait même pas remarquée. Tout comme il n'avait pris garde aux guerrières qu'il venait de dépasser. Elles au moins, avaient la présence d'esprit de rester sur leur garde. La voix de Philéa finit par ramener Joris à la réalité. Comme sorti d'un rêve, ses paupières battirent quelques instants, sans comprendre, passant de la Reine à ses gardes, cherchant une réponse à la question qui l'avait fait sursauté. Il secoua la tête avant de bafouiller :

Je... excusez moi Grande Reine... Je...

Au delà de sa voix blanche, de son éloquence envolée, c'était son regard qui rendait l'ancien Chef des Compagnons méconnaissable. Ses yeux violets allaient et venaient, aux aguets ou perdus, nul n'aurait su le dire. En réalité ils cherchaient une attache, des repaires que Joris n'avait plus, et la présence de ses frères dans la pièce n'y changeait rien. Discrets, les deux Compagnons s'étaient arrêtés à l'entrée de la salle, préférant rester en retrait plutôt que d'assister à une conversation qu'ils savaient, ne pas les concerner. Leur soutien n'atténuait pas son trouble. Son manque...

Je ne vous avais pas remarquée...

Son pouce et son index vinrent pincer l'arrête de son nez et sa main cacha un instant ses yeux fermés avec force. Les visages défilaient derrière ses paupières closes ; Chris, les Compagnons, cette ordure de Meliant... Comment mettre des mots sur la scène à laquelle il venait s'assister ? Le venin de Meliant, l'impuissance de Chris. Ravager la salle avait finalement était la meilleure façon de s'exprimer. L'heure n'était cependant plus à la colère. La flamme ardente qui aurait fini par le consumer s'était radoucie. Ne restait désormais que le vide. L'absence de toute émotion. Pour la première fois depuis bien longtemps le guerrier fort et fier était perdu. Il n'arrivait pas à imaginer l'issu de ce cauchemar, n'en admettait même pas le prologue. Comment se diriger ainsi dans les ténèbres, comment échafauder un plan sans bases, comment sortir la tête de l'eau... Rien que pour une toute petite bouffée d'air...

Peut-être en commençant par se calmer. Et réfléchir. Une dernière inspiration...

Je vais bien merci. Sa voix avait retrouvé son aplomb et si ses sourcils restaient froncés, il semblait en effet reprendre le dessus. Le résultat d'une concentration extrême... Joris trouva même le courage de plonger son regard améthyste dans celui de la Reine.

Que me vaut l'honneur de votre visite ?

Les nouvelles avaient-elles donc couru si vite ?
Jusqu'aux oreilles de Muria et sa forêt impénétrable ?

La reine amazone observait celui à la tête des Compagnons avec insistance. Depuis qu'elle le connaissait, elle ne l'avait jamais vu aussi affecté ou encore plus simplement, jamais vu aussi à côté de ses pompes, si vous me permettez l'expression. Elle avait l'impression d'avoir un fantôme en face d'elle, un Joris qui n'était plus que l'ombre de lui-même. Ce que ce Hichino lui avait dit était donc vrai à en voir la mine affectée de l'Astorg. La reine, la belle Kriisten, avait semblait-il disparu. Rien d'autre ne pouvait expliquer le comportement si inhabituel de Joris, pourtant, Philéa y croyait encore. Elle pensait encore sincèrement que la reine avait juste fait une petite escapade sans rien dire à personne, comme elle-même le faisait de temps à autre. Mais force était de constater que ce n'était pas le cas. Avec peine, Philéa écouta son interlocuteur reprendre contenance sans oser ajouter quoi que ce soit. Elle ne se vexa pas de sa remarque, comme quoi il ne l'avait pas vu. Quelqu'un d'autre la lui aurait faite ou encore Joris aurait-il dit ça dans d'autres circonstances, la grande reine qu'était Philéa en aurait pris un coup question orgueil mais pour l'heure, elle n'avait même pas le cœur à relever cette remarque. En réalité, elle s'en moquait, l'heure était bien trop grave pour s'arrêter à de si petits détails.
Joris finit par lui assurer qu'il allait bien et, aussi étrange que cela pouvait paraitre après tout ce qu'elle venait de penser précédemment, elle le crut. En réalité, elle savait que la situation devait affecter autant le moral du chef des Compagnons que sa position au sein des dits Compagnons mais peu importait, elle n'avait pas envie d'enfoncer le couteau dans la plaie et encore moins de le blesser un peu plus qu'il ne semblait l'être. Sa dernière question finit par la rassurer un peu plus, il était redevenu lui-même.

Philéa devait-elle lui dire qu'elle avait vu Hichino ? Oui, elle ne comptait pas laisser l'impoli impuni, mais devait-elle lui avouer ce que le jeune homme lui avait confié ? A peser le pour et le contre, il valait mieux lui dire tout ce qu'elle avait appris, ne serait-ce que pour clarifier les choses, proposer son aide et éventuellement expliquer qu'il valait étouffer l'affaire. Du moins, plus précisément, éviter que les Compagnons comme Hichino ne hurlent sur tous les toits que Kriisten avait disparu. En telle position de faiblesse, il valait mieux éviter ... Philéa pensait notamment à Cydonia qui ne manquerait pas de saisir une occasion si belle pour attaquer la cité en de si grands troubles.
La grande reine fit signe à son escorte encore sous tension de se calmer et planta son regard dans celui de son interlocuteur.

" Je ne vous mentirais pas, je suis inquiète. " commença-t-elle par annoncer d'une voix claire et pourtant affectée.

Philéa ne mentait pas, la disparition de son alliée la plus précieuse à ses yeux était terrible. Dans sa tête, elle préférait ne pas imaginer ce qui pouvait bien arriver en ce moment à la belle Kriisten. En réalité, elle préférait même éviter de penser tout court à sa disparition, même si sa discussion avec Joris lui rappelait sans cesse cette terrible nouvelle.

" Je suis venue ici pour m'entretenir avec Kriisten et j'apprends qu'elle a disparu. Vous m'en voyez désolée. " poursuivit-elle.

Elle se tut un instant, ne sachant pas si elle devait continuer de parler. Elle opta finalement pour continuer à lui dire la vérité sur ce qu'elle savait et à lui confier ses doutes.

" J'ai rencontré un certain Hichino en arrivant au palais qui m'a confié que la belle Kriisten avait disparu, il me semble utile de vous préciser qu'il ne faudrait pas qu'une telle information filtre de nouveau hors de ce palais. Je pense notamment à Cydonia, qui pourrait profiter de l'occasion pour lancer une offensive en apprenant l'absence de votre Reine. Mais une chose m'a perturbée, mis à part l'impolitesse et l'affront de votre Compagnon, qu'il faudrait d'ailleurs réprimander mais là n'est pas la question. Veuillez m'excuser mais qui est Chris ? On m'a dit que vous n'étiez plus le responsable des Compagnons, est-ce-bien vrai ? "

Hichino... Ce barde à la langue bien trop pendue aurait mieux fait de garder ses belles paroles pour un de ses spectacles ! Faire preuve d'une telle imprudence... Maintenant... Ce type n'était donc qu'une bouche sur pattes incapable de proférer la moindre réflexion ? Alors que Joris venait à peine de retrouver son calme, apprendre qu'un Compagnon criait sous les toits une telle nouvelle raviva le feu de sa colère aussi sûrement qu'un vent violent. Un souffle bien plus inquiétant que ce que semblait l'être la Reine amazone. Une brise à prendre au sérieux. Car si cette bise attisait la fureur de Joris, elle pourrait aussi souffler aux oreilles astorgs un tout autre chant.

Un vent de panique.

Quant à ce que ce murmure pourrait provoquer au delà des portes cydiennes... Hichino, qu'as-tu fait ? C'était bien connu... Un simple battement d'aile pouvait provoquer un ouragan... Une tempête dévastatrice, qui, sans Reine à sa tête, dévasterait Storghein. Définitivement. Hichino qu'as-tu fait ?

« Je parlerai à Chris d'Hichino. Il était mon Vice Capitaine. Je suis désormais le sien. »

Le maître d'arme n'évoquerait pas la punition que l'Amazone semblait exiger suite aux paroles déplacées d'Hichino. Ce n'était de toute manière plus de son ressort. Et quand bien même cela aurait été le cas, cela ne faisait vraiment pas partie de ses priorités.

« L'heure est plus grave qu'on ne pourrait le croire. Etiez-vous seule, lorsque ce Compagnon vous a soufflé cette... nouvelle ? »

Les traits de Joris se crispèrent. Qualifier l'atrocité qui venait de se produire de simple « nouvelle » lui soulevait le coeur. Une naissance, un mariage, l'ouverture d'un bar, étaient une « nouvelle ». La disparition, cette impression de vide, ces couleurs devenues ternes, cette salle du trône déserte, ce manque. Son manque.

Non, pas une nouvelle... Une injustice. Infinie.

Difficile, même pour quelqu'un comme Joris de mettre ses sentiments de côté. Ils vibraient en lui, lui criaient de courir, hurler, partir. Et pleurer. Ses sanglots ne restèrent cependant que bouillons dans sa gorge. Ce qui rendit sa voix moins claire. Etouffée par son émotion.

« Philéa, Grande Reine... Si... si jamais les mots d'Hichino étaient allés voler un peu trop loin... hésita-t-il, reprenant peu à peu le dessus. Pourrions nous compter sur vous ? »

L'améthyste de ses yeux se durcit lorsqu'il se planta dans ceux de l'Amazone.

« Sur Muria, sur vos flèches ? Sur vos soeurs ? »

Il aurait voulu lui hurler son désespoir, son absence de conviction, son impuissance soudaine, il aurait voulu lui hurler que tout cela n'avait qu'une cause, qu'un nom. Kriisten.

Pourtant, aussi crispés fussent-ils, les traits de Joris ne dépeignirent aucun de ses sentiments. Même dans ses yeux. Une absence totale d'émotion visible.

Joris était perdu.

La jeune reine amazone attendait visiblement que le Capitaine des Compagnons réagisse, pourtant, ce dernier semblait encore perdu dans ses pensées, comme si en réalité, il venait de se rendre compte de l'impact éventuel d'une telle rumeur qu'était la disparition de leur souveraine sur le monde. Storghein était plus faible que jamais et certains hommes peu scrupuleux n'hésiteraient pas à attaquer la belle cité ! Ce n'étaient pas la poignée de Compagnons déboussolée par la perte mystérieuse de la belle Kriisten qui pourrait défendre la ville, quand bien même Silmarie ou Muria s'alliait à la grande cité du Nord. Non, il ne fallait pas espérer la victoire mais un vrai massacre en cas d'attaques et au fond, Philéa se demandait si quelqu'un y avait réfléchi avant qu'elle n'évoque cette éventualité. Il était toujours plus facile pour les personnes extérieures à un conflit de voir ce genre de détails ... Elle se tut en attendant que Joris fasse le point avec lui-même.

La déclaration de Joris laissa la dirigeante de Muria sans voix. Comment ça ? Un inconnu, du moins pour elle, venait de prendre la tête des Compagnons alors que le légitime chef de ces derniers était devant elle ? Mais comment Joris avait-il pu se laisser évincer ? Philéa ne comprenait pas vraiment comment les choses avaient pu prendre une telle ampleur en si peu de temps mais elle préféra garder le silence, analyser les choses et ensuite, elle aviserait. Elle préféra écouter ce que le Capitaine avait à lui dire, sans pour autant oublier de faire la part des choses dans ce qu'elle venait d'apprendre. Si Joris n'était plus le Capitaine, cela signifiait soit que ses Compagnons ne le reconnaissaient plus comme tel soit qu'il avait été destitué par Méliant. Dans le premier cas, c'était très inquiétant car en cette période si troublée, Storghein avait besoin plus que jamais que ses Compagnons se serrent les coudes ! Si c'était le second cas, alors cela ne pouvait signifier qu'une chose : Méliant était le coupable. Trouillard qu'il était, il avait du craindre de ne pas pouvoir rester le Consort bien longtemps vu son état physique ... nombre de jeunes gens pouvaient prendre sa place et il était évident qu'il ne pourrait conserver son titre cette année encore. Toutes les preuves semblaient donc l'accuser mais Philéa ne pouvait pas, ou plutôt, ne voulait pas accabler plus que cela le Capitaine de la cité. Il y avait déjà tant de problèmes à régler que ce genre de choses viendrait ensuite, d'autant plus que tous avaient déjà du penser à accuser Méliant pour les mêmes raisons qu'elle. Non, elle en parlerait à Joris une fois qu'il serait un peu plus calme. Pour l'heure, il fallait qu'elle se concentre sur la situation présente sans quoi, elle vexerait surement le Capitaine et, au nom de leur amitié, elle ne souhaitait pour rien au monde cela.

" Kiera était présente, ainsi que Lyne et Marie. En dehors de nous, personne n'était là, ne vous en faites pas. "

Philéa sentait la préoccupation de Joris et il avait bien raison. Cet idiot d'Hichino avait révélé à la première inconnue, certes une reine avec qui la cité avait une alliance mais même !, que leur souveraine avait disparu ... à qui d'autre se confierait-il de la sorte ? Philéa se disait que la cité était dans de biens beaux draps et que finalement, sa visite ne serait pas inutile. D'ailleurs, Joris était en train de la devancer sur le sujet. Un sourire rassurant se dessina sur les lèvres de la jeune femme tandis qu'elle répondait :

" Mes sœurs comme nos flèches seront à votre service, au nom de notre amitié plus que de notre alliance. Je punirais moi-même celui qui a enlevé notre chère Kriisten si l'occasion m'en était donnée. "

L'amazone marqua une pause avant de reprendre, d'un air résolu :

" Je rentrerais demain avec Lyne, je laisserais ici Kiera et Marie et je vous enverrais à mon retour cinq amazones supplémentaires. Si besoin est, j'en enverrais plus à votre convenance et je demanderais entretien à la Grande Prêtresse pour qu'elle apporte son soutient à son tour, au nom de mon alliance avec la cité de Silmarie. Je ne puis faire mieux Capitaine. "

Philéa avait insisté sur le dernier mot.
Seul Joris était le Capitaine légitime des Compagnons, et elle ne reconnaitrait personne d'autre avant de comprendre certaines choses. Pour l'heure, il y avait plus urgent.

" Maintenant mon cher Joris, j'aimerais m'entretenir avec vous et ce Chris avant de repartir, demain matin. "

Ce n'était pas vraiment une proposition, l'urgence de la situation ne le permettait pas. Philéa suivit donc Joris qui lui indiqua l'endroit où trouver ce fameux Chris. Une discussion était nécessaire, notamment pour voir où en était les recherches, les investigations, les pistes éventuelles, mais aussi pour comprendre pourquoi Joris n'était plus à la tête des Compagnons. Toute cela promettait d'être long ...

[ Désengagés : Joris, Philéa ]

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