[flashback][D-H] Il était une fois (fini)

Philéa n'avait jamais vraiment pris le temps de raconter une histoire à Eléa ou Jelenna dans leur plus tendre enfance. Le temps lui avait souvent manqué avec ses responsabilités de souveraine et sans doutes la culpabilité de les avoir séparées de leur père et de leur mentir l'avait-elle empêché d'être une mère comme les autres. Quoi qu'il en soit, ce soir-là, la petite fille, haute comme trois pommes, était venue quémander une histoire.

« Jelenna … tu devrais dormir depuis un moment, file te coucher. »

« Elle ne trouve pas le sommeil. » avait ajouté une voix provenant du fond de la pièce.

Eléa, la grande sœur de la petite, avait suivi sa cadette, comme toujours et comme toujours, prenait sa défense. La petite tête blonde couru d'ailleurs vers cette dernière et lui rapporta le fait qu'elle avait trouvé le courage de demander une histoire. Eléa semblait amusée par la réaction de sa cadette et sourit, d'un sourire qu'elle ne réservait la plupart du temps qu'à Jelenna. Il y avait bien longtemps que ce genre d'attentions étaient plus destinées à la reine amazone, car, à l'âge de treize ans, la jeune fille était en pleine crise d'adolescence. Elle saisit la main de sa cadette et s'exprima ensuite sur un ton si sur qu'il tranchait nettement avec celui de la petite chose de quatre ans qui se tenait à ses côtés :

« Je crois qu'elle ne dormira pas tant qu'elle n'aura pas eu d'histoire, et elle refuse les miennes, soit disant que je ne serais pas suffisamment douée … Si tu peux faire mieux ».

Eléa avait été une enfant facile à élever, moins que Jelenna certes mais relativement facile comparé au reste du commun des mortels et surtout, au vu de son histoire. Cependant, ces derniers temps, elle prenait de plus en plus cet air effronté, ce ton de défi qui agaçait particulièrement Philéa. Pour autant, ce soir-là, Philéa décida de ne pas entrer dans le jeu de sa fille et répondit doucement :

« Voyons Jelenna, ne sois pas capricieuse. »

La reine amazone pu constater qu'Eléa soupirait dans son coin, comme si au fond, la jeune princesse s'était doutée depuis le début que sa mère refuserait de céder à la cadette. Agacée par ce comportement, Philéa ne releva toutefois pas l'affront et poursuivit :

« Je suis sure que les histoires d'Eléa sont passionnantes ! Elle qui va si souvent à l'école pourra sans doutes te raconter ce qu'elle apprend là-bas, n'est-ce-pas Eléa ? »

Un point pour Philéa.
Il y avait déjà plusieurs mois qu'Eléa avait plus ou moins abandonné l'école pour suivre des cours particuliers, son caractère ayant eu raison de ses relations sociales et des différents professeurs de l'école amazone. Cette petite pique lui rappellerait sans doutes qu'il fallait qu'elle reste à sa place, que quand bien même était-elle la princesse, Philéa n'en restait pas moins la reine.

A la grande surprise de la cydienne, ce ne fut pas Eléa qui réagit mais la petite Jelenna. Sa fille ainée se contentant pour sa part de ne pas répondre, comme si elle n'avait rien entendu. Charmant.

« Mais ze veut une histoire de toi maman ! »

Comment résister à une bouille de quatre ans, qui plonge ses prunelles claires dans les votre, pleine d'espoir ? Comment résister à un truc haut comme trois pommes qui vous parle d'une voix pleine de courage, d'espoir et d'envie ? Philéa savait résister à de nombreuses choses, elle avait eu à prendre des choix parfois bien cruels et pourtant, elle fut incapable de refuser à sa cadette ce qu'elle demandait. Elle soupira, consciente qu'elle venait d'être vaincue par une petite fille de quatre ans, pire que tout, par sa propre progéniture ! Quelque part dans sa tête, l'amazone songea un instant ce qu'il pourrait se passer, plus tard, lorsque Jelenna aurait acquis plus de maturité et de courage. Elle renonça à cette idée en voyant la petite chose qui lui tenait désormais la main. Jelenna ne deviendrait pas comme Eléa. Si son ainée avait su tirer beaucoup des inconvénients de son propre caractère, Jelenna avait celui de son vrai père. Calme, douce, aimante, tel que le fut Jacen avant son départ. Si seulement il le savait …

« D'accord. »

Si ses ennemis apprenaient qu'elle courbait l'échine devant une petite fille, sans doutes en riraient-ils et sans doutes se moqueraient-ils d'elle. Le tigre de papier. Ce serait surement un excellent surnom pour la dame si on pouvait la voir dans sa vie quotidienne avec sa succession. La jeune femme sourit à cette idée.
Elle suivit les deux filles dans les couloirs, croisant ici et là une amazone qui lui demandait conseil. Ce fut d'ailleurs à cet instant précis que Philéa comprit quelque chose d'important. Eléa serait une bonne reine, le jour où elle serait suffisamment mature certes, mais une fine stratège comme elle ne pouvait pas être autre chose qu'une bonne souveraine. Quant à Jelenna, sans doutes serait-elle de bons conseils mais jamais sur un champs de bataille. Pourquoi ? Parce que la petite fille avait peur de tout le monde, se cachant derrière l'ainée qui elle, allait au devant des problèmes.

Dans un couloir, juste avant de rentrer dans la chambre de la plus petite des deux, où la plus grande s'endormait souvent en cherchant à faire trouver le sommeil à la plus petite, le chemin des trois compères croisa celui de Lika, la … préceptrice si l'on pouvait dire de la princesse héritière. Et visiblement, elle n'était pas contente !

« Mademoiselle ! » hurla-t-elle, manquant de faire sursauter Jelenna qui se réfugia derrière son ainée.

« Où étiez-vous bon sang ? »tempéra Lika en voyant sa souveraine.

Philéa ne réagit pas, si Eléa avait commis une faute, il était normal qu'elle soit réprimandée. Quand bien même était-elle princesse, elle devait se plier aux règles, comme tout le monde.

« Comme tu peux le constater, je suis partie chercher ma petite sœur qui se trouvait chez ma mère. Mais dis-moi, n'étais-ce pas l'une de tes Sentinelles qui devait la surveiller ? Ah non, suis-je bête, c'était toi. »

Laissant en suspend sa phrase lourde de sens, Eléa prit la petite dans ses bras et avança sans même prendre gare à la pauvre Sentinelle qu'était Lika. Il fallait croire que Philéa aurait bientôt à changer l'instructeur de sa fille ainée … comme d'habitude.

Le temps que Philéa s'entretienne avec l'amazone, Eléa avait déjà couché Jelenna qui attendait avec impatience son histoire. Elle caressait les cheveux de la petite pour tenter vainement de la calmer et lui parlait visiblement de quelque chose qui passionnait l'enfant. Mais quand leur mère entra dans la pièce, Jelenna reporta toute son attention sur cette dernière, attendant impatiemment ce qu'elle semblait vouloir depuis des heures. Eléa se leva et partit s'assoir au pied du lit, accoudée sur le montant de ce dernier.
Philéa s'assit aux côtés de sa cadette, surélevée par rapport à elle qui avait reposé sa tête sur l'oreiller en plumes d'oies. La reine posa sa main dans les cheveux de la petite et réfléchit à l'histoire qu'elle allait lui conter. Elle se souvenait qu'enfant, sa mère passait son temps à lui raconter la vie qu'elle avait eu avec son père … mais force était de constater qu'il était impossible pour Philéa de leur raconter cela.

La voix de la reine amazone s'éleva, douce et calme :

« Il était une fois, dans les terres immergées, une famille ... »

Et Philéa leur raconta sa vie, sa rencontre avec leur père, magique et pourtant banale. Elle leur avoua comment elle était tombée amoureuse, comment leur père l'avait séduite et avait quitté les Templiers pour la rejoindre. Elle leur avoua sa grossesse, et comment ils avaient pu être heureux. Puis la reine amazone poursuivit son récit, y ajoutant des détails amusant comme des passages plus tristes mais toujours, il y avait toujours quelque chose de positif dans ce qu'elle racontait. Philéa était en train de leur raconter ce qu'aurait été sa vie si elle n'était pas partie ce jour-là, et finalement, telle qu'elle la leur racontait, sa vie lui plaisait mieux en tant que dirigeante à la tête de Muria ! Lorsqu'elle eut fini, l'astre lunaire était bien haut dans le ciel, narguant les trois femmes dans toute sa superbe. Et pourtant, Jelenna ne dormait pas. Philéa s'impatienta, mais la petite était si craquante qu'elle ne su quoi dire de plus si ce n'était qu'elle allait lui conter une autre histoire.

La reine amazone réfléchit à ce qu'elle allait bien pouvoir lui raconter de plus. Les rares histoires qu'elle connaissait n'avaient rien à faire dans les oreilles d'une petite fille, bien trop violentes ou au contraire, bien trop … chaleureuses. La jeune femme réfléchit à ce que sa propre mère avait pu lui raconter enfant, outre sa propre histoire et ce fut alors qu'elle se souvint de cette chanson. Enfant, elle n'avait pas saisi le sens véritable de ces paroles et pourtant maintenant, elle ressentait au plus profond de son âme qu'elle serait prête à tout pour ses filles si son tour venait. Philéa se dit que même si Jelenna et Eléa également n'y comprenaient rien, un jour, elles sauraient que ces paroles avaient un sens. Philéa se souvenait d'ailleurs l'avoir déjà chanté à Eléa, du temps où elles vivaient encore à Cydonia la belle. La jeune maman ouvrit la bouche et entonna la chanson avec douceur, elle espérait que tous les doux souvenirs que cette chanson lui inspiraient, que toute la force que cette chanson contenait passeraient dans le cœur de ses filles. Plus que tout, elle espérait que ses filles sauraient ce qu'elle avait voulu leur transmettre par là :

« Moi je n'étais rien
Et voilà qu'aujourd'hui
Je suis la gardienne
Du sommeil de tes nuits
Je t'aime à mourir
Et ils peuvent détruire
Tout ce qu'il leur plaira
Je n'aurais qu'à ouvrir
L'espace de mes bras
Pour tout reconstruire
Pour tout reconstruire
Je t'aime à mourir

Tu as gommé les chiffres
Et le temps est passé
Tu as fait de ma vie
Des cocottes en papier
Des éclats de rire
Tu as bâti des ponts
Entre nous et le ciel
Et nous les traversons
À chaque fois que tu
Ne veux pas dormir
Ne veux pas dormir
Je t'aime à mourir

Je te protègerai de toutes les guerres
Et de toutes leur folies
Je te protègerai de toutes les guerres
Et te maintiendrai en vie

Je dois juste vouloir
Te protéger et t'aimer
Je dois juste vouloir
Je ne dois pas essayer
De te retenir
De te retenir
Je t'aime à mourir

Moi je n'étais rien
Et voilà qu'aujourd'hui
Je suis la gardienne
Du sommeil de tes nuits
Je t'aime à mourir
Et ils peuvent détruire
Tout ce qu'il leur plaira
Je n'aurais qu'à ouvrir
L'espace de mes bras
Pour tout reconstruire
Pour tout reconstruire
Je t'aime à mourir »

La jeune femme se tut.
Elle avait remarqué le regard étonné d'Eléa lorsqu'elle avait commencé à chanter. Peut-être le chant lui avait-il rappelé des souvenirs enfouis ? Visiblement. A moins que ce ne soit de voir chanter sa mère qui lui faisait un drôle d'effet, quoi qu'il en soit, elle qui semblait se moquer éperdument de ce que sa mère pouvait raconter jusque là avait fait preuve d'une attention sans faille, jusqu'au moment où, à l'image de sa cadette, elle s'était endormie, bercée par la douceur du chant entonné. Philéa sourit devant cette scène si touchante, satisfaite d'avoir su leur faire ressentir toute la douceur et l'amour qu'elle leur portait en elle. Elle déposa un baiser sur le front de la petite Jelenna, prit la peine de couvrir Eléa pour qu'elle n'est pas froid durant la nuit et quitta la pièce non sans un dernier regard.

Ses filles étaient le plus précieux des trésors qu'elle n'avait jamais eu la chance de posséder.

[ Désengagée ]

[ Chanson : Francis Cabrel, Je l'aime à mourir, revisitée. ]

[ Validation de la compétence chant ]

» [FE] Il était une fois (mission Jaered, Abigaia) annulée
» [Flashback 154 - DE] Il était une nuit... [Lyra]
» [153 DA] il était un petit Sensible (mission Floralys) (fini)
» IV-Erathia c'est fini! Et dire que c'était la ville de mon premier amour...
» [DA 151] Et si pour une fois je te faisais confiance ? (pv Ashrand, Jiven) fini

[flashback][D-H] Il était une fois (fini)

[flashback][D-H] Il était une fois (fini)

Sujets similaires

Sujets similaires