Ce blasphème que tu venais de proférer serait le dernier, du moins c'était ce qu'espérait Ayaween en agissant tel qu'elle allait le faire. Depuis le passage de Mort et l'enlèvement de Nalween, elle savait le peuple elfe complètement désorienté. Tourmenté, il semblait croire de moins en moins en Silmaria et si le peuple ne croyait plus, la déesse s'en irait. Ni plus ni moins. Les dieux étaient la proie du destin humain, si ces derniers disparaissaient, les dieux disparaitraient à leur tour faute de gens pour prier en leur salut. Ayaween ne voulait pas qu'une telle chose arrive, elle savait pourtant que, dans la tête des elfes, Nalween n'avait rien fait pour les sauver. C'était tellement facile aussi que d'accuser les dieux ! L'ancienne déesse avait pour ainsi dire entrepris une quête parmi son ancien peuple. Ainsi, elle visitait les songes des plus hauts représentants chaque nuit pour tenter de les influencer et de leur rappeler à quel point Silmaria était importante. A quel point ils devaient croire ! C'était pour cela que la jeune femme à l'apparence juvénile était venue rendre visite à la ministre des renseignements ...

Et ce soir-là, alors qu'Ayaween se penchait sur le choix de la ministre, elle l'entendit jurer ! Et bien, ça promettait.
La jeune femme s'introduisit dans le songe de Volesprit ce soir-là.
La scène était totalement obscure. Aucune lumière n'éclairait la scène jusqu'à ce que Ayaween, vêtue d'une robe immaculée, n'apparaisse.

" Bonsoir, jeune Volesprit. " prononça une voix douce.

La silhouette s'inclina poliment.

" Sais-tu qui je suis ? "

Ayaween se tut, laissant le temps de la réflexion à la demoiselle. Lorsqu'elle fut convaincue que c'était le cas, elle reprit doucement.

" Crois-tu toujours que Silmaria n'existe pas ? "

Un sourire doux se dessina sur les lèvres de l'ancienne Prêtresse. Elle espérait que si elle parvenait à convaincre Volesprit, cela suffirait à ranimer la flamme de son peuple autant en ce qui concernait sa foi que sa volonté de vivre.

Depuis combien de temps avait-elle cessé d'être Silmaria ?
Depuis combien de temps l'âme de la belle déesse l'avait-elle quitté pour se blottir dans le corps d'une enfant ?
Depuis combien de temps errait-elle en quête d'une paix intérieure ?

Ayaween hantait l'au delà sans pouvoir y parvenir, quelque chose retenait son âme depuis longtemps. Bientôt, elle le savait, elle pourrait quitter cette terre en paix, laissant le soin à une gamine de huit ans d'assurer la protection de son peuple tant chéri de son vivant. Pourtant, l'elfe n'avait pas peur, elle avait vu dans les yeux de la petite fille autant de détermination que dans ceux de Nalween et savait de ce fait qu'elle serait une grande Prêtresse. Qu'elle veillerait sur les siens et ne les laisseraient pas devenir songe éphémère cependant, tous les efforts de la gamine serait inutiles si le peuple lui-même ne croyait plus en sa déesse. Comment sauver Nalween si le peuple lui-même n'avait pas conscience de son importance ?
Ayaween comprenait la colère de la jeune ministre. Les dieux demandaient beaucoup et n'offraient que peu en retour, cependant, elle n'était pas venue lui chercher querelle ce soir. Si la jeune femme avait raison sur certains points et tord sur beaucoup d'autres aux yeux de la Prêtresse, ce n'était pas le moment de soulever ce point. Elle décida de taire son envie de lui répondre, laissant le trouble de la bataille et les heures sombres qui s'en étaient suivies sur le compte de cette colère. Elle-même lorsqu'elle était encore en vie ne comprenait pas toujours son destin et se perdait entre ses fils aussi, elle acceptait que le commun des mortels soit perdu.

« Azael n'est pas le fléau des hommes mon enfant, il est le fléau des dieux. Il sévit sur terre comme dans le monde d'outre tombe. En revanche, il sera le fléau des elfes, leur perte absolue s'ils se comportent comme des pleutres. Vous êtes aujourd'hui devenu un peuple sourd à la souffrance de votre Prêtresse de par votre peur. Cette peur aveugle les plus vaillants d'entre vous encore en vie, prêt à défendre leur cité et c'est en cela que je ne reconnais plus mon peuple. »

Elle se tut, réfléchissant à la manière d'aborder les choses en douceur et poursuivit :

« La question n'est pas de savoir qui vaut plus que l'autre. La valeur d'une vie reste sacrée, qu'elle soit Almer, Cydienne, Amazone, Astorg ou Elfe. Ceux qui sont tombés ne l'auront pas été en vain, j'ose espérer que leur sacrifice ainsi que celui de votre Prêtresse aura su vous ouvrir les yeux. L'autarcie ne vous aura conduit qu'à votre perte et cela est ma faute. J'ai tenté de convaincre Nalween de vous cloitrer à Silmarie, pour votre protection, j'avais tords. Je ne suis pas parfaite, tout comme Mort. Elle est un Cavalier certes, mais elle n'est pas invincible, comme vous l'avez constaté avec Maladie, il existe un moyen de la vaincre. »

Elle ne pouvait en dire plus. Si elle savait que le réveil du Cavalier n'était pas un fait d'Azael, elle ignorait de quoi il en retournait tout comme elle ignorait comment la vaincre.

« Jeune Volesprit, si vous avez vaincu Maladie à Ptot Tàh, ce n'est pas grâce à vos prières mais à votre courage et au sacrifice de votre Prêtresse qui vous offrit sa bague, source de la chute de ce monstre. La religion ne fait pas gagner des batailles, mais la foi permet de supporter les pertes, de ne pas succomber à la folie devant les cadavres, elle permet de croire quand toute lumière a disparu. »

Elle réfléchit à la suite de sa réponse, sachant pertinemment qu'elle ne pouvait qu'imaginer l'état de son peuple, elle qui avait vécu avec l'âme de Silmaria ne pouvait comprendre leur manque de foi.

« Je ne puis vous comprendre jeune Volesprit, je fus jadis Silmaria, et aujourd'hui encore, je reste sa réincarnation dans la mort. En revanche, je puis comprendre votre trouble et je sais qu'il sera difficile de croire en la déesse désormais mais ne vous êtes vous pas poser une question simple à la réponse évidente ? Comment ne pas croire en Silmaria quand vous vivez aux côtés de sa réincarnation chaque jour durant ? »

Elle marqua une pause, sa voix était calme et ses yeux dégageaient une impression de chaleur.

« Nalween tenta maintes fois de vous ramener sur le droit chemin, elle alla même jusqu'à épouser l'ennemi des elfes pour vous faire comprendre qu'il fallait cesser cette guerre intestine au profit d'une plus grande. Mais même son Capitaine refusa de l'écouter et de la protéger, alors comment aurait-elle pu convaincre les autres délaissée qu'elle était par les plus hautes institutions ? »

Son regard se durcit légèremment lorsqu'elle poursuivit, sur un ton toujours calme et posé.

« Les dieux ne sont pas immuables mais pensez-vous que cette terre serait aussi calme sans leur soutient ? Ce peuple se relèvera, car tel est son destin, et il se relèvera à la force de sa foi, où il sombrera dans l'oubli. La Grande Prêtresse est un guide, un peuple sans guide n'est rien de plus qu'une troupe de brebis égarées. Sans elle, jamais vous ne trouverez la paix, jamais Silmarie ne se relèvera. Ce n'est pas en l'évinçant que vous regagnerez votre gloire d'antan mais en l'aimant, en lui faisant confiance et en la protégeant. C'est à la force de votre foi que vous lutterez dans cette bataille ou c'est à la force de votre peur que vous sombrerez, seuls. »

Elle se tut pour de bon.

[ Désolée, je n'ai pas le temps de relire les fautes x) ]

Ayaween s'était quelque peu calmée. Considérant qu'elle avait dépassé les bornes, elle n'était pas pour autant honteuse de l'avoir fait. Sans doutes par le passé aurait-elle regretté ses paroles mais désormais, elle n'était qu'une ombre qui hantait le cœur en proie au doutes de son peuple éploré. Les elfes avaient préférer durant de nombreuses années rester reclus et c'était quelque part en grande partie sa faute. Si Nalween n'avait pas toujours su faire les bons choix, elle avait également fait ses propres erreurs. Il était facile de blâmer la Grande Prêtresse, elle était le guide, la voie à suivre certes, mais elle restait avant tout elfe, simple mortel parmi les mortels. Les décisions seules que tout à chacun prenait étaient la cause de ce désastre. La foi n'avait rien à voir là dedans, du moins pas autant que ce que semblaient le penser la plupart des elfes encore en vie à Silmarie. Ayaween avait donc un devoir, leur faire comprendre où étaient leurs erreurs là où elle-même, de son vivant, n'avait su les voir. Si cela devait passer par la douleur, elle n'y pouvait rien.

Les elfes étaient faibles, ce n'était pas l'ancienne Prêtresse qui dirait le contraire mais ils semblaient oublier bien trop facilement les ressources dont ils disposaient. Leur faiblesse devait devenir une force et non les entrainer vers les affres dangereux de la solitude et de l'isolement. S'ils ne se relevaient pas maintenant, jamais ils ne le pourraient ! Les elfes avaient été rendus faibles non pas par manque de quoi que ce soit, mais par trop d'abondance au contraire. Les Grandes Prêtresses du passé, dont elle avait malheureusement fait partie de ce point de vue là, avait vu dans leur isolement une paix des plus efficaces seulement leur manque de combativité comme d'alliances avaient causés leur perte dans ce monde troublé par les dieux eux-mêmes. Ils n'étaient pas totalement à blâmer car on ne pouvait effacer d'un revers de main des décennies d'agissements, des décennies à se cacher du monde extérieur et à éviter ses contacts.

Bien qu'elle eut envie de réconforter la pauvre Volesprit, Ayaween s'abstint. Comme elle s'était fait la réflexion un peu plus tôt, il fallait que les elfes ouvrent les yeux, qu'ils admettent leur situation et se relèvent sans quoi, nulle rédemption ne leur serait offerte dans le futur. Ils disparaitraient aussi simplement et surement qu'un songe d'été. L'ancienne Grande Prêtresse observa la jeune ministre avec compassion, si son rôle était ingrat, elle comprenait néanmoins la détresse de la jeune elfe. Pour l'heure, mieux valait la laisser parler et aviser par la suite, ce que fit l'ancienne Dame. La vérité était dure à entendre mais tellement plus difficile à concevoir, à admettre, Ayaween était bien placée pour le savoir. Elle avait eut peur toute sa vie pour son peuple, elle avait eut peur par delà la mort et malgré toutes les précautions qu'elle avait tenté de prendre, de son vivant comme du royaume des défunts, Silmarie n'avait pas été épargnée. Silmaria n'y était pour rien, les dieux les avaient abandonnés parce que les elfes et les hommes les avaient délaissés. Quand bien même, qu'auraient-ils pu faire face à un tel fléau ? Ayaween avait beaucoup de réponses mais certaines demeuraient silencieuses même encore aujourd'hui pour la vieille elfe.

Les mots de la jeune ministre des renseignements étaient tellement vrais. L'elfe concevait parfaitement qu'il soit difficile de croire en Silmaria après les épreuves récentes, qu'il soit difficile de se relever, de reprendre les armes et de lutter. Mais il le fallait.

« Tu dois y croire, car telle est la différence entre ceux qui luttent et ceux qui meurent. »

Ayaween avait l'impression de ne plus être vraiment elle lorsqu'elle parlait pourtant, c'étaient bien ses mots qui traversaient ses lèvres. Ses pensées, ses actes, tout était tourné vers Silmaria même par delà la mort, elle n'avait jamais cessé de croire. Malgré de nombreux doutes, malgré de nombreux choix cruels et parfois insensés, malgré de nombreuses bêtises, elle avait toujours cru et elle croyait encore en cette petite fille.

« Nul n'a à être pardonné, les mots ne sont rien en ce monde, seuls les actes comptent. Laisserez-vous votre Prêtresse aux mains des assassins ? »

Le ton employé n'était pas dur mais il était pleins d'émotions. La jeune elfe se mit à pleurer et si Ayaween comprenait parfaitement son trouble, elle n'esquissa aucun mouvement en sa direction. La vérité devait se comprendre, devait s'apprivoiser. Seul. L'ancienne héritière de l'âme de Silmaria attendit simplement que la jeune Volesprit soit capable de se remettre doucement de ce qu'elle venait de comprendre, de percevoir et d'admettre, lorsque ce fut fait, ce ne fut pas un regard dur qui accueillit celui de la jeune elfe, timide, mais un regard plein de compassion et de pardon. Une fois que Volesprit eut fini de parler, Ayaween sembla réfléchir un instant avant d'ajouter :

« Il n'y a rien à pardonner, le doutes est humain, nul n'y échappe, pas même les Grandes Prêtresses. »

Elle sourit à cette idée, se souvenant fugacement le nombre de fois qu'elle avait douté, le nombre de fois qu'elle s'était permis de prendre une décision en pensant qu'une autre serait meilleure ou plus opportune. Le nombre de pour et de contre qu'elle avait pesé de son vivant.

« Nalween vous a protégé, elle a tenté de vous remettre dans le droit chemin et elle tentera de le faire à son retour, car elle reviendra. Il vous faut lever une armée, les volontaires ne manqueront pas … la vengeance, la peur, le courage, l'espoir, ils viendront tous pourvu que l'un d'entre vous ne lance un appel. »

L'elfe semblait réfléchir à haute voix, ce qui expliquait surement l'aspect décousu de ses propos.

« Vous devez entrer en guerre face à Azael. Il a volé votre Prêtresse et si Nalween ne possède plus l'âme de Silmaria, il n'hésitera pas à sacrifier cette enfant en qui elle a trouvé refuge pour espérer obtenir la main de ce qu'il pense être sa promise. Laisserez-vous une enfant mourir pour vous par lâcheté ? Ce peuple se meurt de solitude, il est temps qu'il se réveille. »

Ayaween posa enfin ses yeux sur Volesprit, et cette fois-ci, la ministre put être sure qu'elle la voyait réellement.

« Je n'ai pas d'argument pour réveiller ce peuple, seule sa foi pourra le sauver. Le chemin de la guerre est proche, la seule chose qui reste à déterminer est celle de savoir si vous en serez les acteurs ou les victimes. Je ne peux vous garantir la vie, mais je peux t'assurer que vous n'aurez pas la paix autrement qu'en vous battant pour l'obtenir. Peu importe les mots, ils seront touchés pas l'espoir, offre-leur l'espoir jeune Volesprit. »

[ Désolée, je ne me souviens plus de ce que je voulais exactement faire dans la QA x) Je sais que tu voulais que je te parle de tes parents, pourquoi ne pas le faire au prochain post ? – je pensais d'ailleurs que ce serait le dernier non ? - ]