[151] [F-E] Une rencontre improbable... (Pv Volesprit) (fini)

[HS : Si part mégarde de jeunes âmes innocentes venaient s'égarer en ce topic, je tiens à préciser qu'il se passe dans un lieu de débauche ce qui implique ce que cela implique.]

Dans ce quartier de Cydonia qui donnait sur la mer sans pour autant être importuné par le bruit des personnes qui y travaillaient, ni par le bruit des marchandises qu’on décharge ou autre, il y avait de jolies et élégantes maisons de pierres. Pourtant, l’homme ne regardait pas toutes ces petites merveilles ni la magnifique vue qu’on avait sur la mer depuis ce lieu. Non, l’homme, emmitouflé dans un léger manteau ocre, son visage caché par la capuche de son manteau, observait ce qui avait dû être auparavant une habitation. Le bâtiment avait sans doute dû être la victime d’un incendie, il y avait longtemps. Les murs qui restaient étaient noircis en grande partie et l’entrée de la maison, où ce qu’il en restait, n’avait pas dû être entretenu depuis plus d’une dizaine d’années. La propriété semblait abandonnée. Mais étrangement personne n’avait eu l’idée de construire une nouvelle maison à la place de celle qui avait brûlé…

Un petit vent se leva tout à coup et l’homme au manteau ocre reprit sa route, ses pas ne faisant presque pas de bruit quand il marchait. Au bout d’un certain temps, l’homme arriva vers le centre de Cydonia. Puis, d’une démarche souple, élégante et discrète, l’homme prit la direction d’un quartier non loin du port qui n’était pas réputé pour sa bonne réputation. Il ne tarda d’ailleurs pas à arriver dans ledit quartier. Tranquillement, l’homme au manteau ocre prit une toute petite rue qui se trouvait à sa droite dont l’odeur de pourriture, d’urine et d’excréments s’ajoutait à l’odeur de la mer. Bientôt, il se retrouva devant la porte d’un établissement miteux coincé entre deux gros bâtiments de pierres. Calmement, il poussa la porte de bois usé et noirci par les âges ou le mauvais entretien, qui sait, qui s’ouvrit dans un horrible grincement.

L’homme entra, refermant la porte grinçante derrière lui. Au bruit de la porte, une dizaine de têtes curieuses et surtout méfiantes s’étaient tourné vers le nouvel arrivant. Mais quand l’homme ôta sa capuche, chacun put découvrir un visage juvénile d’une vingtaine d’années ayant un étrange regard roux foncé un brin rougeâtre, vide de toute expression. Enfin libérés de la capuche, les longs cheveux rouges sang du jeune homme s’éparpillèrent. Le Dragon rouge sortit alors un bout de ficelle de son manteau et noua sa longue chevelure sang en une queue de cheval qui lui descendait jusqu’à un peu plus bas que le milieu de son dos. Alors que le nouvel arrivant se dirigeait vers le bar, chacun retourna à ses occupations alors que d’autres le saluèrent rapidement. Ce n’était apparemment pas la première fois que l’homme venait ici.

Bientôt, le jeune homme fut salué par le propriétaire de la taverne en train de préparer une étrange mixture. Celui-ci ressemblait plus à un homme du monde de l’ombre avec son corps musclé et ses nombreux tatouages qu’au propriétaire de l’établissement. Et ses yeux étaient injectés de sang…

Mais cet endroit était-il seulement une taverne ? Il suffisait d’écouter et de regarder autour de soi pour constater que non. L’établissement était miteux. Des toiles d’araignées venaient parfois orner certains coins d’un plafond en bois paraissant en fort mauvais état. Les tables étaient crasseuses, collantes, grasses et parfois même tâchées. Les chaises étaient inconfortables et la nourriture mauvaise. Et une forte odeur de sueur, de mixtures indéchiffrables, de ce qui ressemblait à un mélange de diverses drogues et d’urine flottait dans la taverne… Toute personne ayant un statut acceptable n’aurait jamais mis les pieds dans cet établissement, même si les services proposés n’étaient pas chers…

Au fond de la salle, à droite du piteux bar, se trouvait un escalier de bois gris foncé qui semblait sur le point de s’écrouler. Une partie montait à l’étage alors que l’autre semblait descendre au sous-sol. Des gémissements indiscrets semblaient parvenir de la partie supérieure de l’établissement alors que du sous-sol paraissait monter une odeur étrange, mélange d’odeurs de drogues en tout genre. Mais ce n’était pas les seuls endroits de l’établissement qui donnaient des indices sur la débauche du lieu. Pour avoir une idée de la propension de celle-ci, il suffisait de regarder ce qu’il se passait dans la salle principale de la taverne, celle dont Yuuhi venait de franchir la porte en provenance de la rue. Au fond à gauche de la pièce, des hommes emmitouflés dans de longs manteaux couleur sombre paraissaient comploter alors qu’à droite d’étranges énergumènes semblaient fumer du tabac. A gauche du bar et à une table au centre à droite dans la salle, sous les regards indiscrets d’un certain nombre de personnes dans la pièce, un homme et une femme s’ébattaient bruyamment tant dis qu’au centre deux hommes d’un certain âge harcelaient une jeune serveuse, essayant de la « convaincre » de leur faire profiter de ses charmes et qu’un client visiblement ivre était aller à la rencontre d’une jeune homme aux cheveux de sang et racontait sa dernière nuit passée avec une charmante damoiselle à un Yuuhi qui n’en avait visiblement rien à faire. Lui-même, en s’approchant du bar, en profita pour faire affaires avec un homme de petite taille d’une cinquantaine d’années, ivre lui aussi, lui proposant divers aphrodisiaques et poisons provoquant des indigestions, à prix exorbitants, pour sa prochaine nuit avec une charmante donzelle et pour rendre malade cette même demoiselle si elle n’acceptait pas les avances douteuses du quinquagénaire.

Une fois que Yuuhi fut près de l’homme qui tenait le bar, il le salua à son tour et lui demanda s’il pouvait faire son commerce. L’homme hocha la tête d’un air entendu. Puis le jeune homme aux cheveux de sang prit place à côté d’un groupe d’hommes en pleine discussion sur leurs aventures d’un soir alors qu’un autre groupe sur la table avant la leur commentait les derniers évènements passés donnant leurs avis sur la guerre récemment terminée et sur les choix qu’avaient fait les grands dirigeants de chaque cité. Un homme pas très net vint alors s’asseoir en face du Dragon du Crépuscule et celui-ci se mit à poursuivre son commerce : la vente de poisons en tous genres. C’était d’ailleurs pour cette même raison que Yuuhi s’était rendu dans cette taverne. Mais ce n’était pas la seule… Ce genre d’établissement était non seulement un lieu de trafiques en tous genre en plus d’être un lieu de débauche mais c’était aussi un endroit où toutes sortes d’informations, dont on ne pouvait pas toujours avoir connaissance ailleurs, circulaient. Bon, même si une bonne partie n’était que rumeurs et spéculations, parfois on pouvait apprendre des choses très intéressantes. C’était pour cette raison là, en plus que pour faire du commerce de potions pas très légales, que Yuuhi fréquentait ce genre d’endroit et non pour le spectacle indiscret qui le laissait de marbre ni pour l’odeur de fumer qui vous faisait tourner la tête.

Cependant, le Dragon rouge ne passait pas non plus sa vie à fréquenter ce genre de taverne, où la plupart des clients étaient soit ivres soit drogués soit les deux, mais en ce fin été 151, il avait besoin d’argent pour la secte des Enfants de l’œil d’Or. En effet, après avoir échoué les deux missions dont son Maître l’avait chargé, le Chef des Enfants de l’œil d’Or et les membres de sa secte, s’ils n’avaient pas déserté pendant la guerre, avaient regagné leurs quartiers dont le principal se trouvait à Haldern, une petite ville dans les montagnes au sud de Storghein. Malheureusement, suite à la disparition d’Azael, la secte ne se portait pas très bien. Depuis quelques mois, les Enfants de l’œil d’Or n’ayant plus de nouvelle de leur Dieu commencèrent à cesser de croire en Lui et à déserter. Mais comme on ne pouvait quitter la secte après y être entré beaucoup furent tués ou tellement blessé ou torturé que peu arrivèrent à s’en échapper sans y laisser leur vie.

En plus de cela, beaucoup d’argent avait été utilisé à la préparation de la guerre et les caisses de la secte étaient maintenant quasiment vides. Cela eut pour conséquence que le Chef des Enfants de L’œil d’Or décida d’aller vendre sa marchandise à travers Azthia. Mais comme Yuuhi faisait parti de ces fleuristes-alchimistes n’ayant pas beaucoup, voire pas du tout de morale, la majeure partie de sa cargaison était en fait des poisons, potions toute sauf légale, il faut bien l’avouer. Sous la forme de Liliana, il avait commencé à parcourir les milieux peu recommandables de Storghein mais avait bientôt appris qu’apparemment il existerait une taverne à Cydonia où il pourrait vendre ses produits à meilleurs prix. Ne pouvant actuellement pas tirer à Storghein de meilleurs bénéfices de sa marchandise et de ses services, et ne voulant surtout pas se faire remarquer plus que nécessaire, Yuuhi prit bientôt la décision de partir à Cydonia à la recherche de ce fameux bar…

Il voyagea alors pendant plusieurs mois, proposant services et potions aux personnes qu’ils croisaient ou qui le demandaient, avant d’arriver à Cydonia. Et après quelques détours dans sa ville natale, même s’il n’y avait pas passé beaucoup d’années de son existence, Yuuhi était enfin parvenu à trouver cette fameuse taverne dans laquelle il se trouvait à l’heure actuelle. Mais ce n’était qu’une fois arrivé devant l’établissement que le fleuriste aux cheveux de sang s’était aperçu qu’il avait déjà eut l’occasion de s’y rendre quelques années auparavant. Il s’était fait nommer Rua et c’était encore le cas dans cet établissement à l’heure actuelle. Yuuhi ne donnait que très rarement, voire jamais, son véritable nom aux personnes qu’il rencontrait. Et puis dans ce lieu à mauvaise réputation, cela n’avait rien d’inhabituel…

Soudain, alors que Rua versait discrètement par terre un énième verre qu’on venait de lui offrir pendant qu’il concluait la vente d’une potion de plus, son voisin de table, dont l’ivresse ne faisait aucun doute, se mit en tête d’aller quérir une belle femme dans le quartier, jeune si possible, pour… je vous laisse deviner quoi. Rua alias Yuuhi lui fit bien part de l’impossibilité de la besogne, quelle jeune femme aurait envie de passer du temps avec un bonhomme qui était de vingt ans son aîné si ce n’est un peu plus, mais l’ivrogne ne voulut rien entendre et c’est d’une démarche en zigzag, peu sûre, qu’il prit la direction de la porte. Puis après avoir cherché un moment comment il pouvait franchir l’obstacle devant lui, il ouvrit la porte, qui fit un horrible grincement, et sortit…

Un moment après, alors que Rua, qui avait fini de vendre sa marchandise, s’était mis à jouer aux cartes avec ses voisins de tables, profitant de leur ivresse ou de leur abus de drogue pour tricher discrètement et leur soutirer un maximum d’argent, la porte s’ouvrir une nouvelle fois, grinçant horriblement…

Le temps commençait à se couvrir. Le vent qui s'était levé n'allait pas tarder à amener avec lui les nébulosités visibles à l'horizon. Les grands nuages gris qui emplissait le ciel ne prédisait rien de bon en général. Avec la chaleur oppressante de la veille, pas besoin d'être voyant pour comprendre qu'un orage se préparait. La jeune ministre qui se promenait dans Cydonia avait d'ailleurs croisé plusieurs femmes qui en hâte rentrait leur lessive mise à sécher dehors en pestant. L'été avait été plutôt arrosé ce qui présageait de belles récoltes. La demoiselle en avait eut la confirmation quand passant près des champs de la plaine cydienne elle avait croisé nombres de paysans qui s'extasiaient en disant qu'ils n'avaient jamais vu ça. Elle se réjouissait pour eux mais avait due mal à s'imaginer la différence que cela ferait. N'ayant jamais connu la faim même durant sa vie de guide elle supposait qu'on pouvait toujours se serrer la ceinture et survivre avec une miche de pain et un pichet de flotte jusqu'au retour de jours meilleurs. Pour elle "crever de faim" restait une expression et non une réalité. De ce point de vue là, elle était quelque peu naïve.

Elle crut recevoir une goutte sur la joue mais en relevant la tête elle s'aperçut que le ciel n'était pas encore chargé de nuage bien qu'il s'assombrissait à vue d’œil. Elle allait devoir interrompre sa promenade en ville. Restait à savoir pour aller où ? Arrivée il y a trois jours pour une affaire d'escroquerie, sa mission pour l'Ordre ne lui avait demandé qu'une grosse matinée avant d'être résolue. La rétribution avait justifié son intervention car elle se doutait qu'il n'y aurait rien de compliqué. Mais ayant prit la précaution de se faire porté absente à Silmarie pour cinq jours au cas où, elle se retrouvait bloquée ici à ne pas trop savoir que faire. Ayant déjà passé la plupart de son temps à la bibliothèque de Cydonia, elle avait décidé de s'aérer un peu mais le temps lui jouait un bien vilain tour. Elle sortie une cigarette de sa manche et l'alluma d'un geste devenu rituel. Un doute l'assaillit alors et elle ôta sa veste dévoilant sa robe légère bleue saphir qui mettait à nue ses épaules. Un passant la siffla tandis qu'elle fouillait ses manches et ses poches, constatant avec horreur qu'elle était à cours de clopes. Cela lui donna une idée.

Elle renfila sa sombre veste se maudissant de ne pas avoir prit de cape alors que les premières gouttes de pluie marquaient le sol des rues. Si elle ne se dépêchait pas, non seulement elle serait trempé jusqu'aux os mais elle perdrait de surcroit sa dernière cigarette et ça elle ne le supporterait pas. Ses pas la conduisirent vers les quartiers malfamés du port. Il y avait là des choses qu'on ne pouvait se procurer ailleurs même en faisant valoir son titre de ministre. Surtout si on était ministre d'ailleurs. Comme à chaque fois qu'elle devait passer par ses ruelles, elle retint le plus possible sa respiration afin de ne pas inhaler trop de cette puanteur qui infectait les lieux. *Une bonne saucée va leur faire le plus grand bien* songea-t-elle. Cependant elle n'ignorait pas que cela serait insuffisant pour décrasser l'accumulation d'une centaine d'années d'ordure en tout genre. Heureusement qu'à son retour l'averse lui épargnerait en partie les délicieuses effluves qu’exhalait l'endroit et qui vous assommaient presque lors des fortes chaleurs. Ses pas la menèrent juste devant une rue si étroite que deux personnes côte à côte aurait eut du mal à circuler. L'établissement lui, prêt à s'effondrer sur lui même, paraissait littéralement écrasé par les deux bâtiments en pierres qui se tenaient de part et d'autre de cette ruine.

Déterminée à trouver ce qu'elle était venu chercher, elle s'engagea dans la venelle. Tandis qu'elle s'avançait, elle aperçut un homme apparemment ivre qui venait en sens contraire. Le quartier regorgeait de type de son acabit aussi rien de surprenant à ce qu'elle en croise un dans un coin aussi minable que celui ci. Elle passa devant lui sans y prêter attention mais ce ne fut malheureusement pas réciproque. Le bougre la héla quoiqu'il aurait tout aussi bien put vomir qu'on aurait pas entendu la différence. Volesprit lui condescendit un regard et elle vit qu'il louchait plus que raisonnablement sur son décolleté. Ajouté à cela, son sourire à demi édenté et le fait qu'il l'appel "poupée" qui n'augurait rien de bon concernant les intentions du bonhomme. Il lui proposa un verre qu'elle refusa d'un signe de tête, puis se voyant rebuté lui demanda son prix pour une nuit dans ses bras. Elle lui répondit qu'elle n'était pas là pour ce qui ne manqua pas de mettre le gaillard en colère. Il esquissa un geste dans sa direction tentant de lui saisir le poignet. Elle le laissa faire en soupirant. Il afficha un sourire triomphant en tentant de la tirer vers lui mais il eut la désagréable surprise de se rendre compte qu'il avait perdu l'usage de sa main. Avec un air de dégoût, la ministre retira sa sale patte de son avant bras. Le laissant en plan là dans la contemplation de son membre devenu inutile, elle repartit en accélérant le pas car la pluie commençait à forcir. Elle atteignit la battisse et entra promptement en poussant la porte qui émit une horrible plainte.

A l'intérieur régnait une odeur de bière mêlé à celle de la sueur des occupants de la pièce principale. De nouveau elle soupira essuyant d'un revers de manche la pluie qui ruisselait sur son visage. Par un cruel coup du sort la table du fond isolé des autres était occupé par des types louches encapuchonnés. Elle ne pourrait donc s'installer à son aise, et serait condamner à côtoyer les rebuts de la ville qui s'entassait dans ce trou à rat. Les regards que lui jetèrent les différents groupes présent allèrent du dégoût à la convoitise en passant par l'étonnement. Connaissant la politique de la maison, c'est à dire consommer si on souhaitait faire ses petites affaires ici, elle traversa la salle en direction de ce qui servait de comptoir derrière lequel le tenancier surveillait la salle. Malgré ses inquiétudes concernant la mémoire de l'homme, elle fut rassurer qu'il se souvienne d'elle. Après tout elle payait plus que correctement pour le service rendu. De son ton bourru, il l'informa qu'elle allait devoir patienter un peu avant que quelqu'un prenne en charge sa commande. Quand elle l'interrogea sur le temps d'attente il haussa les épaules. Volesprit hésita à partir n'ayant pas plus que ça envi de trainer des heures ici, mais alors qu'elle ouvrait la porte qui grinça une nouvelle fois, les trombes d'eaux qui tombaient dehors la refroidir dans son projet de regagner sa chambre à l'auberge qu'elle occupait. Elle referma la porte qui couina de plus belle s'attirant par là les regards furieux de plusieurs clients.

Résignée à attendre une accalmie, elle chercha du regard un siège vide avec une compagnie de préférence d'apparence assez aimable s'il en était dans ce bar. Elle ne fut pas longue à repérer une table où se disputait une partie de carte. Visiblement la partie tournait à l'avantage d'un joueur si elle en croyait les mises disposés devant lui. Détail qui lui parut singulier, la personne avait les cheveux rouges. Elle se remémora une histoire que lui avait compté Ithilion à propos d'un jeune homme aux cheveux de cette couleur qui lui aurait causé quelques soucis. Sans demander leur avis elle s'installa à leur table les saluant d'un signe de tête. Il lui apparut que la personne aux cheveux rouges était un jeune homme et non une jeune femme comme elle l'avait supposé en prime abord. Les autres joueurs possédaient une apparence on ne peut plus commune sauf l'un d'eux qui affichait une gueule d'ange digne d'un prince. Les cartes devaient lui appartenir car il lui proposa d'intégrer la partie.

Nous feriez vous l'honneur de vous joindre à notre compagnie mademoiselle ?

Pourquoi pas... j'ai du temps à tuer et je crois pouvoir dire que j'ai la main chanceuse aux cartes.

Voilà qui est entendu. Peut être serez vous à même de détrôner ce jeune homme. Il ne nous a laissé aucune chance jusqu'à présent.

En disant cela, il jeta un regard en direction de garçon aux cheveux rouges.

Je n'escomptais pas partir de cette table avant de vous avoir vider les poches. Mais si par le plus grand des hasards je devais m'avouez vaincu il va de soit que je payerais en pièces sonnantes et trébuchantes ce que je dois... voir d'une autre façon si l'or venait à me manquer.

Vla des paroles que c'est bien dit ma bonne dame.

Avant qu'il entame leur partie Volesprit pour se faire mieux apprécier et montrer qu'elle n'allait pas miser en piécette de cuivre commanda à boire pour toute la tablée. Le geste fut fort apprécié. Moins le fut la manière dont elle rafla toutes les mises une à une. Rien de très compliqué. Elle était chanceuse à tel point qu'elle n'avait que rarement besoin de tricher pour gagner. Voyant la mine renfrognée des autres elle éclata de rire en leur assurant qu'elle leur redonnerait leur argent quand la partie serait fini. Elle n'avait que faire des quelques talents ainsi gagnés. Ça ne lui aurait même pas permis de s'acheter une robe... De toute façon mieux valait rester en bon terme avec ce genre de type. Sa dernière cigarette venait de se consumer et cela la mit un peu sur les nerfs. Un homme accompagné d'une jeune femme décoiffée descendit les escaliers déclenchant quelques rires dans la salle. Volesprit remarqua que le patron lui désignait le gars qui venait d'arriver. *Pas trop tôt*

Désolé messieurs mais je vais devoir vous laisser. J'ai à faire.

Avant de s'éloigner elle redonna à tous les joueurs leurs mises de départ puis paya une fois de plus une tournée pour leur table. Au passage elle murmura à l'oreille du jeune homme aux cheveux rouges qui jusqu'alors n'avait pas décroché un mot :

Désolé mon chou ce sera pour une prochaine fois... peut être bien que je t'apprendrais alors à tricher.

Elle se détourna pour aller parler affaire avec le nouvel arrivant. Celui ci renvoya la greluche qui le collait afin de pouvoir discuter en toute tranquillité avec son interlocutrice. Il proposait un prix exorbitant mais Volesprit savait parfaitement négocier et parvint obtenir son tabac pour une somme raisonnable en comparaison de sa vrai valeur. Pour le rif en revanche elle due payer le prix fort car, elle le savait, cette drogue restait assez rare sur le marché. Une fois l'accord conclue et la marchandise réglée, elle s'alluma une de ses cigarettes fraichement acquises. *Délicieuse...* Elle n'avait plus aucune raison de rester là mais la pluie ne semblait pas vouloir faire mine de s'arrêter l'obligeant à patienter seul à la table que le vendeur venait de déserter pour s'entretenir avec le gérant du bar.

Afin de se mettre à l'aise, elle retira sa veste, y rangea ses récentes acquisitions puis croisa les jambes et se plongea dans ses pensés fautes de mieux en tirant de temps à autre une bouffée sur sa cigarette. Son regard se porta au hasard sur le jeune homme qu'elle commençait à croire muet. Non vraiment... elle ne voyait pas avec quelle pigment on pouvait obtenir cette teinture rouge.

Une nouvelle fois la porte s’ouvrit dans un bruit épouvantable, faisant apparaître une jeune femme, mais pas n’importe quelle femme. Elle n’était rien de moins que le ministre des renseignements de Silmarie. Que venait faire ici pareille pointure ? Yuuhi aurait bien aimé le savoir mais ne fit rien paraître de son étonnement ni de sa curiosité et cela ne lui prit pas plus d’un instant pour retourner à sa partie de carte contrairement aux autres clients de la taverne. Ceux-ci n’affichaient d’ailleurs pas tous un air d’étonnement, certains semblaient éprouvés un réel dégoût vis-à-vis de la nouvelle arrivante alors que d’autres avaient un regard emplit de convoitise. En tous cas, quoi qu’on en put dire l’entrée de la nouvelle arrivante fut remarquée…

La ministre se dirigea alors vers le tenancier de la taverne et, Yuuhi qui se trouvait sur une chaise à la table la plus proche du comptoir et se trouvant sur le côté le plus proche de celui-ci put surprendre ce que la nouvelle arrivante dit au tenancier. Il put en déduire alors que ce n’était apparemment pas la première fois non plus que la femme venait en cette taverne… Le Dragon du Crépuscule eut même l’impression que Volesprit était venue sans doute bien plus souvent que lui. Un léger sourire amusé passa discrètement, pendant un court instant, sur ses lèvres avant de reprendre un visage neutre. Finalement, les personnes haut placées n’étaient pas toutes si irréprochables que cela contrairement à ce que l’on pourrait penser, fut ce que pensa le jeune homme aux cheveux de sang alors qu’il venait de gagner la partie de cartes en cours, ramassant encore un peu plus le maigre argent que possédaient ses partenaires de jeu…

N’ayant visiblement pas envie d’attendre pour faire « affaires », l’elfe se dirigea de nouveau vers la porte qu’elle ouvrit une nouvelle fois avant de la refermer en voyant le déluge qui l’attendait dehors, s’attirant les regards furieux des clients dérangés par les bruyants gonds de la porte. Yuuhi fut quelque peu surpris par le temps qu’il put entrapercevoir lorsque Volesprit ouvrit la porte. Devrait-il passer le reste de la journée à jouer aux cartes dans cet endroit où l’odeur qui régnait n’était pas des plus agréable ? Ou plutôt devrait-il, plus tard, sortir alors qu’il pleuvait autant ? Si seulement, il pouvait se passer quelque chose de plus intéressant que ce qui se passait actuellement dans le bar… Ah, et puis, ce n’était pas grave, peut-être que la pluie finirait par s’arrêter d’un instant à l’autre. Il n’était pas non plus si mal ici. Tant qu’il avait un tant soit peu d’argent, il pourrait manger et boire autant qu’il le souhaitait même si la nourriture n’était pas fameuse. Le Dragon du Crépuscule avait déjà eut l’occasion par le passé de comprendre ce que « mourir de faim » signifiait. Mais Yuuhi ne parlait jamais, enfin autant que faire ce pouvait, de son passé et rare était maintenant les personnes qui connaissaient ne serait-ce qu’une part de son passé, le jeune homme ayant pris soin d’éliminer toute personne en sachant trop sur sa propre personne et d’autant plus que l’on était dans une taverne qui rassemblait les rebuts de la société. Et le Dragon du Crépuscule n’était pas né dans une famille appartenant à cette catégorie-là… Il n’empêche que l’on était à Cydonia, dans sa ville natale, et qu’une ou deux rumeurs pouvaient toujours traîner ici ou là…

Quand Volesprit s’approcha de la table où se trouvait le Chef des Enfants de l’œil d’Or, celui-ci avait déjà ramassé un certain pactole, les mises devant lui en étant la preuve, même s’il ne pourrait se payer de nobles habits avec un butin pareil. Mais cela ne le gênait pas, c’était toujours de l’argent en plus pour lui et la secte dont il était à la tête. Un sou est toujours un sou. Yuuhi eut alors l’impression que le regard de la ministre s’attarda un instant sur lui mais il n’y accorda pas plus d’importance que cela, pensant que cela devait être dû au fait qu’il avait beaucoup gagné.

Alors que la tablée allait faire une nouvelle partie, le propriétaire des cartes, qui avait une bouille d’ange contrairement aux physiques plus communs qu’arboraient les autres partenaires de jeu du fleuriste, proposa à Volesprit d’intégrer la partie. Yuuhi fut assez étonné de voir l’elfe accepter l’offre de la bouille d’ange, bien qu’une fois de plus il n’en montra rien. L’homme au visage d’ange digne d’un prince en profita également pour se plaindre du fait que le Dragon rouge n’arrêtait pas de gagner. Le Dragon du Crépuscule ne put s’empêcher d’apprécier la réplique de Volesprit bien qu’il garda un visage neutre. Décidément la ministre semblait ne pas avoir la langue dans sa poche et elle alla même jusqu’à leur payer une tournée ! Etait-ce seulement par sympathie ou bien simplement pour essayer de se faire apprécier par la tablée ? Le fleuriste aurait plutôt opté pour la seconde option. En tous cas, si telle était le cas, cela semblait avoir bien marché.

Cependant, tous furent un peu moins ravis, lorsque Volesprit se mit à rafler les mises une par une. Même Yuuhi ne put s’empêcher de laisser passer un air légèrement contrarié sur son visage pendant un court instant. Avec quoi allait-il vivre et renfloué les caisses de la secte des Enfants de l’œil d’Or si la ministre lui piquait tout ce qu’il venait de gagner ? Bon bien sûr, le pauvre pactole qu’il avait gagné ne serait pas suffisant pour remplir de nouveau complètement les caisses de la secte mais c’était toujours cela en plus. Bah, après tout, si l’elfe lui piquait ses sous, il s’en procurerait autrement. Après tout, le jeu n’était pas la seule possibilité pour gagner de l’argent. Le Dragon du Crépuscule en était là de ses réflexions lorsque le rire de la ministre se mit à résonner dans la salle et elle leur dit qu’elle leur rendrait l’argent à la fin de la partie. Yuuhi eut du mal à cacher sa surprise mais après quelques instants de réflexion, il se dit alors que l’elfe devait posséder suffisamment de talents sans avoir encore besoin de prendre ceux appartenant à ses pauvres misérables ce qui, du coup, ne l’étonna plus.

Soudain, un homme accompagné d’une jeune femme décoiffée descendit les escaliers, déclenchant quelques rires dans la salle principale de la taverne. Ce fut à ce moment-là que Volesprit congé des joueurs de cartes. « A faire », hein ? Yuuhi laissa un léger sourire amusé passer brièvement sur ses lèvres. Cependant, il ne put s’empêcher d’afficher son étonnement lorsqu’il entendit l’elfe lui murmurer quelque chose à l’oreille. Mais le Dragon rouge se reprit rapidement et un sourire admiratif et amusé apparut sur ses lèvres alors que la ministre se dirigeait vers l’homme qui venait de descendre des escaliers. Eh bah, quelle femme c’était, la ministre ! Finalement, peut-être que les ouï-dire qu’il avait entendu disant que la ministre des renseignements était une fine stratège n’étaient pas faux. Ce fut ce que pensa à cet instant Yuuhi. Puis, le moment d’après, le Dragon du Crépuscule se dit que c’était peut-être parce qu’elle était une des seules personnes qui ne soit ni saoule ni droguée ni les deux pendant la partie qu’elle avait remarqué son petit manège.

Pourtant, le Chef des Enfants de l’œil d’Or doutait que cette deuxième possibilité soit juste. Il n’avait aucune preuve, pourtant, c’était son instinct qui parlait. Et en ce moment, son instinct lui disait que c’était femme devait être redoutable, qu’il devait s’en méfier et surtout ne pas dire ni faire n’importe quoi en sa présence sous peine que cela se retourne contre lui. Si l’elfe était en effet une fine tacticienne, Yuuhi savait qu’il n’aurait aucune chance de l’emporter s’il jouait sur le terrain de celle-ci. Le Dragon du Crépuscule était loin d’être stupide, c’était même le contraire, mais il n’était pas un maître de la tactique loin de là. Le jeune homme savait bien mettre en œuvre quelques plans pour attraper ses victimes avant de les réduire au silence, mais il n’y avait rien de bien exceptionnel à cela. De toute façon, la tactique ne faisait pas partie de sa principale force. Il le savait bien et c’était bien pour cela qu’il avait recruté une stratège pour la secte des Enfants de l’œil d’Or. Stratège qui avait d’ailleurs disparu peu après la fin de la guerre et dont il avait été bien incapable de remettre la main dessus pour l’instant.

Quoiqu’il en soit, fine stratège ou pas, il y avait sans doute une bonne raison pour que l’elfe soit la ministre des renseignements et cela quelque soit la raison en question. C’était ce que pensait Yuuhi. Il pensait aussi que Volesprit devait sans doute connaître beaucoup de choses et être au fait de beaucoup d’autres et un instant il se demanda s’il ne devait pas essayer de lui demander discrètement si elle n’aurait pas croisé par hasard au gré de ses voyages son petit frère. Mais le jeune homme aux cheveux de sang abandonna bien vite cette idée, ne voulant pas que quiconque ne soit mêlé à son passé pour quelques raisons que ce soit et d’autant plus quelqu’un de la trempe de Volesprit. Cela ne lui apporterait que des ennuis.

Yuuhi retourna alors à sa partie de carte et prit le temps de la finir alors qu’une étrange impression de se sentir observé avait fait son apparition. Le jeune homme laissa alors son étrange regard roux errer dans la salle et croisa celui doré de la ministre en question qui semblait avoir fini de faire affaire et fumait une nouvelle cigarette seule à une table. Yuuhi eut l’impression que quelque chose semblait l’intriguer. Le jeune homme se demanda quoi. Ayant soudain l’impression que l’elfe l’observait, il se demanda si n’était peut-être pas lui qui l’intriguait ? Non, quand même pas, il n’avait rien fait de répréhensible depuis que la ministre était arrivée et puis il ne pensait pas que son physique intéresserait une personne de l’âge de Volesprit. Pour elle, il ne devait être qu’un enfant. Sans doute. C’était ce que lui pensait et n’avait aucune idée de ce à quoi pouvait penser la ministre, le don de lire dans les pensées ne faisant pas parti de ses compétences. Une mèche de cheveux rouge sang, bien qu’attachée avec le reste, semblait s’être perdue sur son torse et en la voyant le fleuriste eut une idée. Peut-être était-ce la couleur de ses cheveux qui intriguait l’elfe ? Mais il écarta bien vite cette pensée la trouvant trop ordinaire… Cependant, Volesprit ayant attiré son intérêt, Yuuhi se dit que ce ne serait peut-être pas une mauvaise idée d’aller demander à la concernée ce qui l’intriguait. Avec un peu de chance peut-être qu’elle lui répondrait…

Après avoir empoché ses gains, le chef des Enfants de l’œil d’Or se leva de sa chaise et se dirigea de sa démarche souple et élégante vers la table où se trouvait Volesprit. Ses pas ne faisant presque pas de bruit d’ordinaire, n’émettaient pas un son dans la taverne car couverts par le bruit ambiant qui régnait dans la salle. Une fois qu’il fut arrivé près de l’elfe, Yuuhi lui fit un petit salut respectueux de la tête et prit alors la parole d’une voix amusée, un peu moqueuse et un brin méprisante :

« Mon pauvre être intéresserait-il la noble ministre que vous êtes ? »

Alors que Yuuhi allait s’asseoir en face de la ministre, un homme bedonnant, empestant la drogue et l’alcool, se jeta littéralement sur lui en s’exclamant :

« Cécillia ! »

Par réflexe, le Dragon rouge évita le bonhomme en faisant un pas de côté. Le pauvre homme, lui, s’étala par terre. Il se mit alors à pleurer, se lamentant tout en n’arrêtant pas de prononcer le mot « Cécillia ». Yuuhi remit alors l’homme bedonnant debout sans difficulté, l’approcha de lui, lui murmura quelque chose à l’oreille et… lui montra discrètement ce qu’il avait dans le pantalon. L’homme sembla étonné pendant quelques instants puis il se mit à courir horrifié dans la salle en s’indignant et se demandant comment les Dieux avaient-ils pu doter sa belle Cécillia d’attributs masculins. Il fut bientôt abordé par un groupe d’hommes qui semblèrent le calmer. Puis tous parurent se mettre à discuter de « la belle Cécillia ». A cette scène le Dragon du Crépuscule soupira, se gardant bien de dire qu’il y avait une possibilité que la fameuse Cécillia dont ils parlaient ait été sa propre mère. Cela devait bien faire une dizaine d’années qu’elle n’était plus de ce monde… Tout comme son père d’ailleurs…

Pendant ce temps, une petite vieille toute sèche ressemblant presque à un squelette s’était approché de Volesprit et s’était installée à côté de la ministre sans la moindre gêne alors qu’un nouveau groupe de personnes venaient d’entrer dans la taverne et allèrent saluer le gérant avant d’emprunter les escaliers menant à l’étage. Une légère odeur d’opium et une forte d’alcool se dégageait de la petite dame âgée. Alors que Yuuhi prenait place en face de Volesprit, la vieille dame se mit alors à pointer du doigt le Dragon du Crépuscule et s’exclama en se levant si brusquement qu’elle manqua de tomber :

« Toi ! Qu’est-ce que tu fais ici, oiseau de malheur ! »

Puis, elle poursuivit sa voix tremblant sous la colère :

« Qui t’as permis d’entrée ! Qui ! Va tu me volé mon dernier paradis en plus d’avoir gâché ma pauvre vie ! Va t’en d’ici ! Va t’en d’ici !»

Ensuite, voyant que Yuuhi ne voulait apparemment pas bouger, mais ne remarquant pas que le jeune homme ne comprenait pas de quoi elle l’accusait, se tourna vers le reste de la salle, sa colère se transformant en indignation :

« Qui a emmené c’t énergumène ici ?! Qui a osé le laisser entrer ?! Vous n’ savez pas que vous risquez d’ le r’gretter ?! C’t énergumène ne peut apporter qu’la désolation et la destruction de vot’e boutique, c’est moi qui vous l’dit. »

Puis, se tournant vers Volesprit, sa colère explosa de nouveau :

« J’suis sûre que c’est toi qui l’a amené ici ! Maint’nant, tu vas l’faire sortir d’ici ! Et si t’fais pas ce que j’te dis, la pauvre vieille que j’suis saura bien se charger d’une catin dans ton genre ! »

Yuuhi avait à peine eut le temps de comprendre à quoi la vieille dame faisait allusion, quoique vu dans l’état qu’elle était c’était peut-être un simple délire, que soudain trois hommes et une femme dévalèrent les marches de l’escaliers à toute allure et, une fois dans la salle, s’écrièrent tous en même temps, une expression d’horreur sur le visage :

« Il y a un cadavre dans ma chambre. »

Le Dragon du Crépuscule se leva alors de sa chaise et, ignorant la petite vieille dame qui n’arrêtait pas de tirer sur la robe de Volesprit et l’insultant copieusement dans l’espoir qu’elle ferait partir Yuuhi de la taverne, dit d’une voix respectueuse avec un léger timbre de défis et un peu ironique en montrant le plafond:

« Ma chère madame la ministre, vous plairait-il d’aller voir ce qui se passe ci-dessus ? »

Le Dragon rouge fit s’inclina respectueusement devant Volesprit, puis se dirigea vers les escaliers et les emprunta…

Pourquoi fallait il toujours que... Non elle exagérait. Parfois elle réussissait à se poser à une table seule et dans ce cas là, il était déjà arrivé que personne ne vienne à sa rencontre de toute la soirée. Mais apparemment ce jour là n'en ferait pas partie. Le garçon aux cheveux rouges vint à sa rencontre peu après qu'elle se soit assise. Après un salut respectueux de part et d'autre, il engagea la conversation sur un ton qui en disant long sur le personnage bien que dans le fond elle le trouva courtois. Un peu hautain et malicieux à la fois, il l'interrogea sur ce qui la poussait à le contempler lui de manière aussi intense. Il n'imaginait tout de même pas qu'elle prenait plaisir à le reluquer ? Quelle idée aussi de se teindre les cheveux d'une pareille couleur. La moindre des choses quand on cherchait à se faire discret s'était... et bien de se faire discret. Est ce qu'elle se teignait les cheveux en bleu elle ? Pourtant ça n'empêchait la demoiselle de se faire régulièrement aborder, mais ça non plus ce n'était pas vraiment étonnant quand on affichait pareil poitrine sans faire l'effort d'éviter les décolletés.

Soudain elle tiqua. Il l'avait appelé par son titre et ne semblait nullement ignorée qui elle était. *Aïe.* Voilà un petit malin qui risquait de la faire chanter. On ne peut pas vraiment que la fréquentation de ce genre d'endroit soit en adéquation avec la profession de ministre. Pour peu que cela s'apprenne, elle serait sans aucun doute démise de ses fonctions et ça place de gardienne des archives. Ne plus pouvoir accéder à ces précieux ouvrages lui serait intolérable. Il fallait coûte que coûte qu'elle achète le silence de ce jeune homme. Enfin si toutefois il lui demandait un petit quelque chose pour ne pas se montrer trop bavard avec les autorités. Dans le cas contraire, elle comptait bien l'envoyer promener à moins bien sûr que sa conversation ne soit à la hauteur de son intérêt.

Mais alors que le jeune homme allait s'asseoir en face d'elle, il fut brusquement chargé par un ivrogne qui se mit à gueuler un nom de femme. L'auteur de cette agression, si on pouvait appelé ça une agression tant sa balourdise et l'alcool probablement ingéré le rendaient lent, termina sa course par terre de façon lamentable. Il fondit ensuite en larme sans raison apparente puis fut relevé par celui qui avait été sa cible. Ce dernier lui fit voir quelque chose après lui avoir murmurer à l'oreille, ce qui mit le gaillard dans tous ses états sous le regard stupéfait de Volesprit qui ne comprenait absolument rien à ce qui venait de se produire. Pour finir, quatre ou cinq types vinrent le calmer et se mirent à discuter ensemble d'une certaine Cécillia. Bon, est ce qu'elle allait pouvoir fumer tranquillement maintenant ou le jeune homme allait il revenir à la charge ?

Ce ne fut pourtant pas ce dernier qui la dérangea mais une petite vieille toute sèche à l'air grognon qui entra dans l'auberge en même temps qu'un groupe d'adultes puis vint s'installer juste à côté d'elle sans rien demander. Pour qui se prenait elle ? Quelle sans gêne. En plus elle sentait l'alcool et la drogue à plein nez. Volesprit allait te la virer de là d'un bon coup de pied dans le derrière. Mais... et l'autre venait s'asseoir à son tour. Décidément elle n'aurait jamais la paix. Heureusement avant qu'elle ne se sente mal à l'aise coincé entre deux personnes qu'elle ne connaissait ni de Silmaria, ni d'Azael, la petite vieille se mit à pointé du doigt le jeune homme et lui criée dessus comme une damnée l'accusant d'être responsable de tous ses malheurs. La scène amusa beaucoup Volesprit jusqu'au moment où la situation se retourna contre elle. En effet la vieille l'invectiva à son tour, la traitant de catin ayant osée faire venir l'énergumène en ces lieux et la menaçant de ses petits poings crispés si elle ne le faisait pas rapidement sortir d'ici. Déjà elle n'appréciait pas trop qu'on la tutoie. *On est pas ami à ce que je sache...* Avant qu'elle n'ait eut le temps de répliquer, trois hommes et une femme arrivèrent en trombe de l'étage supérieur en criant qu'il y avait un cadavre en haut. *Allons bon...* Certains s'affolaient tandis que d'autres se regardaient se suspectant mutuellement. De son côté, Volesprit s'en foutait royalement mais cherchait tant bien que mal à se débarrasser de cette casse pied qui continuait à l'insulter en tirant violemment sur sa robe. A force elle allait finir par la déchirer cette vieille bique. Ce fut le garçon aux cheveux rouges qui calma tout le monde en disant que la ministre ici présente allait voir de quoi il retournait... Pardon ? Et pourquoi elle devrait s'occuper d'un truc pareil. Elle n'aspirait qu'à rentrer chez elle et se reposer dans son lit douillet. Lui coller un cadavre dans les bras c'était vraiment une attention trop délicate de la part du jeune homme. Elle l'aurait bien baffé mais il venait de révéler son identité aux nombreuses personnes présentes qui la fixaient inquiète. Mieux valait éviter de se les mettre à dos. Elle suivie donc de mauvaise grâce l'inconnu qui l'invitait à sa suite une fois encore de manière très courtoise.

Dans la chambre où reposait la morte, car il s'agissait d'une femme âgée d'une trentaine d'année, la ministre ne repéra aucune trace d'agression. La pauvre n'avait apparemment subit aucune blessure mortelle. L’ausculter ne lui demanda qu'une poignée de minute. Temps qu'il lui fallut pour conclure que la mort n'était pas non plus due au poison. Après une autopsie plus approfondie elle finit par comprendre. Le cadavre n'étant pas encore tout à fait froid, l'assassin devait se trouver dans les parages. Recouvrant la malheureuse d'un drap, elle redescendit toujours accompagnée par l'étrange garçon. Une fois dans la pièce principale, elle constata qu'on attendait qu'elle s'exprime ce qu'elle fit non sans soupirer.

Bah elle est morte.

Une exclamation de surprise s'éleva dans l'assemblée. *Désespérant.* Un homme qui avait l'air plus stupide que les autres posa la question ridicule de circonstance.

On l'a tué ?

*Non non, elle s'est suicidée dans cette auberge parce que c'est quand même plus classe que chez soi ce genre d'endroit.* Elle afficha un sourire qu'on adressait d'ordinaire au gamin pour aller leur dire de jouer ailleurs.

C'est probable oui. Mais la méthode est pour le moins originale. Parce que selon toute vraisemblance elle est morte d'une crise cardiaque.

Personne ne pipa mots et la plupart fronçaient les sourcils en se regardant les uns les autres sans comprendre. Volesprit soupira derechef.

Elle est morte d'épuisement.

Cette fois de nouvelles exclamations s'élevèrent unanimement dans l'assistance. Elle reprit d'un air entendu.

Et un sourire aux lèvres.

Inutile de leur préciser qu'elle était nue comme un ver quand elle l'avait découverte. Ils étaient tout de même assez malin pour avoir compris l'allusion non ?

Elle était contente qu'on la tue ?

Et bien non... *Navrant...* remarque il n'avait pas tort dans un sens.

Pas exactement... Écoutez, le problème n'est pas tant de savoir comment elle est morte mais plutôt qui la tuée non ?

Tous opinèrent. Le problème restait que les suspects dans ce genre d'endroit ne manquaient pas. En tout cas si elle s'en tenait à ce qu'elle croyait savoir, le meurtrier devait être un peu fatigué. C'était probablement un homicide involontaire mais quand même. Ça avait due lui faire un choc quand il s'en était rendu compte se surprit elle à penser. Voyant que personne ne faisait mine de prendre une décision, elle prit en charge la suite toujours assisté par le jeune homme aux cheveux rouges. Au passage elle remarqua qu'il avait un petit air de son page Natanaël. *Sans doute parce qu'il est mignon et tête à claque à la fois lui aussi.* songea-t-elle. Reprenant la parole devant son auditoire, elle demanda à tout ceux qui était monté à l'étage durant la dernière heure de se positionner devant le comptoir. Ce qui devait arrivé arriva. Chacun commença à dire qu'il avait vu un tel ou un tel monter et personne n'avouait l'avoir fait. Au final elle finit par se retrouver avec huit suspect potentiel qui se retrouvaient là parce qu'une majorité pensait les avoir vu grimper les escalier. En faite, le petit groupe n'était composé que de ceux qui étaient le moins apprécié à la taverne. Comment retrouver le coupable avec des témoins aussi peu fiable ? Une très bonne question à laquelle la ministre ne possédait pas de réponse. Elle allait devoir improviser.

C'était sans compter sur la petite vieille qui si elle s'était tenue tranquille jusqu'à maintenant revint à la charge en braillant désignant une fois n'est pas coutume son assistant improvisé aux cheveux rouges.

C'est lui ! Ça ne peut être qu'lui ! Y a toujours des morts là où il passe ! Je vous l'avais dit ! C't' un démon, faut nous en débarrasser !

Alors que tous jetaient des regards suspicieux dans son direction, le gars à la tête d'ange avec qui la ministre avait joué aux cartes intervint à son tour.

Du calme mamie. Il a joué aux cartes avec nous durant les deux dernières heures. Il est aussi innocent que moi.

Mensonge !!

Sur ce, la vieille devint complètement hystérique hurlant que la tête d'ange et l'oiseau de malheur cherchaient à comploter contre elle. Volesprit tenta bien de la raisonner mais celle ci s'en prit violemment à elle, commençant à la griffer puis lui cracher dessus avant de déchirer sa robe au niveau du décolleté. Un silence lourd se fit entendre. Cette fois s'en était trop. Passe encore les insultes et les caprices de grands mères séniles mais elle ne supportait pas qu'on touche à ses belles robes. Saisissant par l'épaule ce sac d'os ambulant, Volesprit lui imprima de toutes ses forces ses phalanges et sa paume respectivement dans son nez et ses dents envoyant par la même valser la vieille qui alla s'écraser inerte contre le comptoir. Si la demoiselle elfique massait à présent son poignet endoloris, elle ressentait aussi un immense soulagement. Comme de bien entendu, un homme parmi les suspects s'indigna en réclamant vengeance pour sa mère. Un mensonge. Une pitoyable tentative sensée le disculper dans le cas où il lui mettrait une raclée. Malheureusement les autres ne semblèrent pas faire mine d'intervenir pour lui bloquer le passage. Son mètre quatre vingt dix et sa musculature digne d'un Astorg y étaient sans doute pour quelque chose. *Improviser et vite.* se dit Volesprit. Puis voyant le jeune homme aux cheveux rouges qui semblait trouver tout cela fort divertissant elle eut une idée.

Vous n'auriez quand même pas l'indélicatesse de vous en prendre à une femme de mon gabarie ? *Nul doute que si hélas...* Alors je vous propose de vous opposer plutôt à mon frère Natanaël ici présent qui ne craint personne au combat rapproché.

Disant cela, elle désigna son assistant temporaire aux cheveux rouges qui ne lui avait servi à rien jusqu'ici si ce n'est à lui apporter des tas d'ennuis. Bah.. l'autre avait menti pourquoi pas elle.

Ça sera un juste retour des choses si vous mettez une raclée à mon frère bien aimé mais je crois que vous n'avez aucune chance contre lui.

Elle s'approcha de ce dernier avant de lui murmurer à l'oreille.

Courage. Je suis sûr que vous vous en sortirez... vivant au moins.

Puis s'écartant de "Natanaël", elle vit l'armoire à glace en rogne sortir un énorme gourdin à pointe et foncer sur son soit disant frère. A bien y réfléchir, aucun des deux combattants n'avaient de vrais raisons de se battre puisque n'ayant aucun lien avec l'elfe ou la vieille. La ministre sortie une nouvelle cigarette pour assister au probable massacre de son tout nouveau frère. *Quel dommage... j'aurais temps voulu savoir le pigment qu'il utilisait.*

Le temps passe et jamais ne s'arrête.

Le changement de saison s'annonce et bientôt, le blanc manteau de l'hiver qui recouvrait ce monde laissera place à l'herbe grasse et aux timides rayons du soleil. Le silence cédera sa place au chant des oiseaux et le monde s'éveillera petit à petit, sortant lentement de son cocon de glace. Dans ce décor que le temps semblait avoir figé, le moment est venu de s'éclipser, de laisser la nature reprendre ses droits et le cours des choses se faire.

[Désengagés : Volesprit, Yuuhi ]

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