[DP 151] Promenons nous dans les bois. (Naraphel) (fini)

Pourvu qu'il ne lui pose pas un lapin. Il lui avait dit dans l'après midi mais pour le coup elle risquait de l'attendre longtemps bien qu'elle même lui est précisée qu'elle aurait aimé partir le plus tôt possible. Sa monture auburn attendait elle aussi près d'elle en profitant de l'herbe à proximité. Une journée calme s'annonçait ce qui n'était pas pour déplaire à la ministre. Voyant son guide qui donc lui servirait officiellement de garde du corps arriver, elle le salua chaleureusement et grimpa sur sa monture pour montrer qu'elle avait hâte de partir.

En route mon jeune ami, un assez long trajet nous attend je crois.

Ils sortirent donc de Silmarie sur leurs chevaux respectifs. Sachant qu'elle n'échapperait pas aux deux jours nécessaires de voyage, Volesprit s'était chargée ou plutôt avait chargée sa brave monture en conséquence. Elle estima que le surpoids ne serait vraiment gênant qu'en cas de grand galop prolongé mais elle doutait que la jument soit amenée à tenir pareil allure durant une simple chevauchée pour Tamawa. Les collines brumeuses les accueillirent bien qu'en ce début de saison la brume est tendance à se condenser en un épais brouillard par endroit. Mieux valait ne pas perdre de vue Naraphel. Non pas qu'elle craigne de s'égarer mais en revanche il restait possible qu'elle l'égare lui car le sentier n'était pas très marqué. Si jamais elle le perdait de yeux, le retrouver ne serait pas une mince affaire. Cela étant, le risque était minime. Ils voyageaient côte à côte ne sachant trop que se dire. A moins que le mutisme de son garde du corps ne soit due à une autre raison. Elle décida toutefois d'engager la conversation car cela faisait une petite heure que Silmarie n'était plus en vue et ils n'avaient pas encore ni l'un ni l'autre décroché un mot.

Alors dites moi messire Naraphel... A quel genre d'ennemis avez vous déjà été confronté ? Je veux dire... Ce n'est pas que je n'ai pas confiance en vos talents bien que je ne les ai jamais vu néanmoins... Mais j'aimerais surtout savoir l'expérience que vous avez dans le domaine. Vous ne pourriez pas me raconter quelques anecdotes ?

Elle hésita un peu avant de continué. Elle prit tout de même le temps de s'allumer une clope.

Je m'avance peut être mais je suppose que votre "particularité" a déjà due vous poser quelques soucis. Je sais qu'on rejette parfois les gens pour moins que ça. Pour ma part, je me demande toujours ce qui amène les autres à avoir peur de ceux qui ne leur ressemble pas. Etant elfe, il m'est arrivé d'être regardé de travers quand je me rendais à Ptot Tàh... à l'époque où ce n'était pas encore qu'un tombeau à ciel ouvert. J'ose espéré que le fait d'être albinos ne vous fait pas le même effet en tout lieux ?

Elle aurait préféré évité d'aborder un sujet aussi sensible, mais la question la taraudait depuis un bon bout de temps. Elle voulait lui montrer que la chose n'avait aucune importance pour elle tout en essayant de savoir s'il fallait qu'elle évite d'en parler.

Naraphel su tût un instant qui parut durer une éternité. Décidément cette femme était très curieuse. Il soupira, sachant qu'il n'échapperait sans doute pas à la question durant toute la chevauchée. Il se mit alors à lui raconter une partie de son enfance. Il avait été rejeté à cause de sa maladie et avait passé la majeure partie de sa vie seul. Puis était venu le temps des armes, il avait alors rejoints les armées Astorg et s'était démarqué du lot de par son habileté à l'épée. Il dominait très vite ses instructeurs et bientôt il put rejoindre un groupe de combattants maritime. Mais là encore il n'avait pas gagné l'admiration de ses camarades. Il inspirait le dégout, la peur parfois, mais jamais de sentiments de camaraderies.

Chez moi, les Astorg tuent ceux qui naissent Albinos ou difformes. Mais ma mère à refusé et m'a caché. Pour eux je suis une erreur de la nature, je ne devrais pas exister. Certains prêtres prêchaient même que j'étais une insulte aux dieux.

Sa voix était ferme, presque enjouée. Ces souvenirs appartenaient au passé et bien qu'ils demeurassent blessant, il les acceptaient aujourd'hui. Il fit faire une halte à son cheval qui s'ébroua pour se débarrasser de l'humidité portée par le brouillard.

Pour ce qui est des combats, j'ai prit part à de nombreuses batailles sur navire. Et par la suite j'ai combattu sur terre, des bandits la plupart du temps. Quelques fois j'ai été forcé d'affronter des soldats Astorgs rencontrés sur la route. il semble que mon peuple ait une énervante volonté à vouloir corriger le fait que je foule cette terre. Mais la plupart du temps ils sont trop ivre pour ne serait-ce que m'effleurer.

Il lança un regard amusé vers son épée, comme si ils partageaient des souvenirs tout les deux. Puis les deux compagnons se remirent en route à travers la brume. La terre était assez molle, voire glissante. Bientôt ils virent une forêt à l'horizon, énorme masse sombre perçant jusqu'à l'opacité du brouillard. Ils y pénétrèrent en suivant un sentier tracé par des chasseurs quelques jours plus tôt à en juger par les traces. Ils chevauchaient depuis plusieurs heures à travers les arbres noirs aux feuilles pendantes quand Naraphel entendit Volesprit pester. Il se retourna et éclata de rire malgré lui en voyant la scène. L'elfe se trouvait à quelques pas de lui, les cheveux emmêlés dans une branche basse. Le temps qu'elle s'en occupe, son hilarité était retombée. Il mit pieds à terre près d'un gros chêne et y déposa son barda.

Nous passerons la première nuit ici. Je vais monter le camp et effacer nos traces de manière à ce que personne ne nous suive. Cette nuit nous serons au calme. J'ai moi aussi des questions à vous poser.

Un fois le camp rudimentaire monté (une tente ainsi qu'un feu de camp), Naraphel partit effacer leur traces. On était jamais trop prudent. Puis il revint vers l'elfe qui s'était assise au bord du feu, un livre en main. Il prit place de l'autre côté des flammes, s'adossa au tronc du chêne et posa Stormbringer à ses côtés.

Pourquoi voulez vous aller à Tamawa ? Et quel est votre métier ? J'ai crut discerner une odeur de vieux parchemins sur vous l'autre nuits et je vous voit maintenant un livre à la main. Vous semblez une habituée des voyages. Tout en vous semble contradictoire.

Ainsi donc elle ne se trompait pas. Le passé de Naraphel était bel et bien chargé de combat et de tristesse. Détail qui néanmoins devait avoir son importance dans le fait qu'il n'est pas un caractère aussi renfermé qu'on pourrait s'y attendre de la part de quelqu'un ayant subit un tel rejet de ses pairs: sa mère l'aimait beaucoup. Au point de l'avoir soustrait au terrible sort qui était le lot de ses semblables. Même la religion cautionnait ce genre d'acte barbare répugnant. Volesprit se demanda si Kriisten fermait les yeux face à de tels agissements. Ce n'était pas son genre en tout cas. Et puis ces pratiques dataient d'il y a une vingtaine d'années. Il était fort probable que l'oblat y ait mis un terme. Quand Naraphel aborda le sujet qui l'intéressait le plus, c'est à dire son expérience en matière de combat, elle fut rassurée d'apprendre qu'il avait tout d'un homme aguerri. Ses craintes dissipées, elle forma le vœux que leur voyage soit assez calme pour qu'elle n'est pas besoin de le voir à l’œuvre.

Tandis qu'ils pénétraient le couvert des arbres. La brume silmarienne devenait de moins en moins dense, stoppée quasiment net à l'orée de la forêt. Le soleil ne paraissait qu'en de rare occasion. Les immenses arbres aux tons ébènes obstruaient la vue du ciel la plupart du temps. L'air frais des collines laissait maintenant place à une atmosphère lourde et humide. Cependant la chaleur restait supportable et les nombreux ruisseaux qui s'écoulaient en zigzaguant entra les arbres aidaient à rafraichir les zones la plus exposées au soleil. Ils avançaient à allure modeste depuis plusieurs heures quand le croa d'un corbeau se fit entendre. Curieuse de savoir si l'animal appartenait à la horde de choucas qui constituaient ses messagers, Volesprit se retourna en direction des cris. Alors qu'elle cherchait en vain l'animal des yeux, elle sentit que quelque chose s'immisçait dans ses cheveux. Elle eut tôt fait de comprendre que c'était une branche basse qui lui jouait ma foi un bien vilain tour. Cet incident lui fit perdre deux bonnes minutes nécessaires aux démêlages de sa précieuse chevelure.

Pendant ce temps, Naraphel la regardait s'affairer hilare. Il décida ensuite que le moment était venu de monter un rapide camp pour la nuit. Il avertit aussi la demoiselle de se tenir prêt à répondre à ses propres questions. Une fois l'abri de toile montée, il laissa là Volesprit prêt du feu crépitant tandis qu'il partait effacer les traces de leur récents passages pour plus de sécurité. Quand il revint, elle lisait un ouvrage relatant les mémoires d'un druide aujourd'hui disparu. Le livre ne l'intéressait pas vraiment, il ne lui apprenait rien. Sans compter que le druide utilisait un style affreusement ampoulé qui ne lui facilitait pas la lecture. C'est donc sans regret qu'elle le mit de côté pour satisfaire la curiosité du jeune astorg.

Comme je vous l'ai déjà dit, je suis ministre des renseignements mais j'ai exercé avant cela le métier de guide pendant six longues années. Les raisons de ce brusque changement de profession sont dues à mon envi de voyager et de découvrir moi même ce dont les livres parlaient ainsi qu'explorer les moindres recoins d'Azthia. Je cherche à amasser le plus de connaissances possibles de mon vivant. Je prends plaisir à apprendre chaque jour un peu plus sur le monde qui nous entour. Si je sens le parchemin c'est parce que je passe le plus clair de mon temps à étudier les vieux documents des archives de Silmarie. J'en suis la gardienne.

Le poste restait à pourvoir lorsqu'elle avait retrouvé la mémoire l'année précédente. Au vue de ses connaissances et de son statut au sein du gouvernement, la place lui avait été confié sans hésitation. Il n'était que quatre personnes à y avoir accès sans demande d'autorisation. Elle même, le directeur de la bibliothèque, la vieille bibliothécaire, et la Grande Prêtresse. Cette dernière était encore trop jeune pour que le passé est un quelconque intérêt pour elle. Mais viendrait un jour où le savoir des anciennes prêtresses lui serait nécessaire. Silmaria veillerait à lui rafraichir la mémoire.

Si je me rends à Tamawa c'est dans le but de fouiller sa bibliothèque de fond en comble voir ses archives si l'on m'en ouvre les portes. Je suis actuellement à la recherche d'ouvrage datant des premières Grandes Prêtresses. Des ouvrages qui pourraient m'en apprendre plus sur ce que fut Silmarie dans ses plus jeunes années.

Si par chance Tamawa possédaient ce genre de manuscrits, elle mettrait tout en œuvre pour les récupérer. A l'évidence, un édifice tel que le leur contenait nombre de livres encore jamais lut car ils en stockaient quantité et il en arrivait presque chaque jour.

Dites moi par pur curiosité... Vous seriez prêt à m'aider à dérober un livre placé sous haute surveillance si j'y mettais le prix ?

Elle afficha un sourire espiègle. Elle ne comptait pas réellement voler des écrits vieux comme Erathia qui risquait de s'abimer à la moindre friction de leur page... quoique. Mais elle se demandait surtout quelle allait être la réaction de Naraphel face à cette proposition.

Le temps passe et jamais ne s'arrête.

Le changement de saison s'annonce et bientôt, le blanc manteau de l'hiver qui recouvrait ce monde laissera place à l'herbe grasse et aux timides rayons du soleil. Le silence cédera sa place au chant des oiseaux et le monde s'éveillera petit à petit, sortant lentement de son cocon de glace. Dans ce décor que le temps semblait avoir figé, le moment est venu de s'éclipser, de laisser la nature reprendre ses droits et le cours des choses se faire.

[ Désengagés : Volesprit, Naraphel ]

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