[152 - DA] Sur la piste d'une dangereuse créature [Naraphel] (fini)

Alors que le jour déclinait, Faelin, bercée par le doux rythme du galop de Lightning, regardait le crépuscule s'installer dans le ciel cotonneux. Les arbres défilaient devant ses yeux, tandis qu'elle se reposait, sa tête installée au milieu de l'épaisse crinière ébène de sa jument. Toutes deux filaient vers le nord, en direction de forêts où seraient établis d'importants troupeaux de gibiers, du moins Faelin l'espérait-elle. Depuis déjà un an, elle avait pris la décision de rendre hommage au métier ancestral enseigné à chaque descendant des Galicians, et ce malgré qu'elle ait été inéluctablement reniée par son père. Son clan restait une part importante d'elle-même, et elle ne voulait en aucun cas trancher le dernier lien qui la reliait à lui, aussi détestée fut-elle. De ce fait, après une année passée à chasser des animaux locaux aux abords de Cydonia, elle avait jugé bon de partir quelques temps, afin d'explorer des contrées plus lointaines et par conséquent, peut-être avoir la chance de rencontrer des animaux plus féroces et plus rares que ceux qu'elle avait jusqu'à présent eu l'habitude de côtoyer.
La forêt sauvage lui avait paru être une bonne destination, où, en ce début d'automne des plus chaleureux, elle trouverait sans doute aucun des recoins profonds à l'abri des regards, giboyeux à souhait. Le jour de son départ avait été décidé sur un coup de tête, où elle avait des plus rapidement préparé ses maigres bagages. Quelques minutes après avoir pris sa décision, elle était aux portes de Cydonia, sa jument harnachée et parée pour le départ.

ஐ

Après quelques jours de galops sur les sentiers tortueux des grandes plaines, elle finit par gagner l'orée du bois tant convoité. Alors que sa monture foulait de ses sabots assurés la terre moelleuse forestière, Faelin sentit une excitation monter en elle, provoquant un effet euphorisant. Ainsi, pressée de rejoindre en un temps des plus brefs le cœur de ces terres boisées, elle pressa sa jument, qui démarra sur un trot à petites foulées. Une agréable senteur se dégageait de l'humus encore humide des récentes pluies, et la jeune cydienne ne se lassait jamais d'humer ce doux parfum. Parfois, une goutte glissait d'une feuille et venait se loger dans son cou, la faisant frissonner.
Les minutes avaient filées à la vitesse de secondes, les bruissements de la forêt et l'ambiance mystérieuse envoûtant les sens. Faelin, pensant avoir atteint la partie la plus giboyeuse de la forêt, décida de faire une halte. Décidée à ramener plus qu'un simple cerf comme trophée, elle se mit à repérer les traces feutrées d'animaux. Etonnamment, le sol était recouvert d'empreintes diverses et variées, qui confirmait Faelin dans son idée. Cependant, il était étrange que toutes se dirigeassent dans la même direction. De plus, les oreilles de la jeune chasseuse ne percevaient aucun son, à part le souffle de sa respiration et les renâclements de sa jument. Intriguée par cette étrange découverte, Faelin reprit place sur la selle de cuir quelque peu éliminée, et quadrilla rapidement la zone. Rien. Debout sur une petite éminence, elle réfléchissait à ce qui aurait bien avoir assez d'influence pour chasser toute la population des bois.

*C'est comme si tous les animaux avaient fui une présence sinistre …*

Soudain, un bruit de pas étouffé parvint à ses oreilles. Du coin de l'œil, elle aperçut un mouvement en contrebas, qui à lui seul suffit à faire réagir ses réflexes. Dans le plus grand silence, elle fit redescendre Lightning, et, allongée sur le sol, elle observa du haut de son maigre refuge la créature qui s'offrait à ses yeux. Cette étrangeté ressemblait vaguement à un chien, mais qui aurait vu sa tête être dédoublée par deux fois. Les trois gueules menaçantes produisaient des grognements qui auraient effrayé n'importe quel guerrier des plus aguerris, et Faelin doutait de pouvoir l'abattre seule. Malgré tout, une étrange euphorie s'emparait d'elle, et sa volonté de tuer cet effroyable animal l'emporta sur toute tentative de se raisonner. Seulement, elle était consciente qu'en cas de combat face à face, elle n'aurait aucune chance, ses lames étant inutilisables. Il lui fallait donc trouver un endroit pour mettre sa jument à l'abri, ainsi qu'un refuge en hauteur où elle-même ne pourrait être atteinte.
Faelin se laissa glisser en bas du coteau, et remonta prestement sur sa monture, en essayant toutefois de taire sa présence. Elle fila aussi loin que possible, à la fois effrayée qu'il puisse arriver malheur à sa fidèle jument, et pressée de retourner sur la piste de l'atroce mammifère
Alors, arrivée à une distance qu'elle jugea raisonnable, elle abandonna sa jument le temps de sa traque. Elle ne voulut pas s'encombrer, ainsi seuls son arc et son carquois trouvèrent grâce à ses yeux et furent emmenés. Dotée d'une excellente orientation ainsi que de sens affutés par ses nombreuses années d'expérience, elle savait sans trop d'efforts de quel côté se situait sa proie, et elle pouvait ainsi l'entendre inexorablement se rapprocher. Instinctivement, des réminiscences de ses précédentes traques refaisaient surface, l'incitant alors inconsciemment à feutrer ses pas pour qu'elle se meuve dans le plus parfait des silences. Une boule d'appréhension se logea dans son ventre, résultat inéluctable du jeu du chat et de la souris qu'elle s'apprêtait à entreprendre, avec pour adversaire un ennemi plus puissant et plus redoutable qu'un simple cervidé. Cette angoisse grandissante était contrebalancée par une fiévreuse exaltation qu'elle ne pouvait maîtriser.
Seulement, alors qu'elle se rapprochait de sa cible, elle s'aperçut qu'elle n'était pas tout à fait seule. Au détour d'un arbre, elle avisa un jeune homme aux cheveux immaculés et aux prunelles rouges flamboyantes. Ce mélange si rare la surprit tellement qu'elle en oublia son silence, et marcha par inadvertance sur une branche de frêne reposant sur le sol, produisant alors un craquement sec qui remplit le vide sonore que Faelin voulait pourtant à tout prix garder intact. Rien au monde, à cet instant, n'aurait pu la couvrir d'opprobre encore plus, elle qui se targuait tant de ne point émettre de son lorsqu'elle chassait, et qui venait pourtant de lamentablement se faire remarquer.

Naraphel était parti depuis quelques jours dans la forêt afin de s'entraîner et de perfectionner sa maîtrise de la nature. Il avait bien progressé dans le domaine dernièrement et ne comptait pas s'arrêter là. Son cheval noir, Stolz était resté à l'orée de la masse verdoyante et lui, il avait pénétré dans l'immense citadelle de bois et d'humus. Seul.

Les premiers jours avaient été relativement paisibles, n'ayant pour seul souci que la pratique de son art. La nourriture abondait pour qui savait chercher ici et si il n'en avait pas trouvé, ses dons lui permettait de faire croître n'importe quel arbre fruitier ou buisson à baies en quelques secondes.

Cependant un imprévu était arrivé quelques heures plus tôt. Un rugissement désagréable et alarmant l'avait tiré d'une méditation. L'animal semblait loin mais à la puissance de ses cris, on sentait qu'il se rapprochait. Quelques minutes plus tard, il l'avait aperçut, plus bas près d'une rivière à l'ombre d'immenses châtaigniers. La créature possédait trois têtes de longueurs égale dont une bave s'échappait tandis qu'elles hurlaient à l'unisson. L'Astorg n'avais jamais vu semblable bête mais il devina à sa puissante musculature qu'elle était dangereuse. Il était donc résolu à éviter tout combat avec elle.

Il avait réussit à s'éloigner suffisamment quand il aperçut une forme s'approcher à travers les arbres. Son premier réflexe fut de se coller au tronc du premier monument de bois qu'il trouva. Une jeune femme le dépassa, un arc en main. L'arme était étrange et attira le regard du Guide, en guise de bois, l'armature était de métal et semblait pouvoir servir d'arme au combat rapproché. Cependant les lames n'étaient pas en bon état et ne devaient plus vraiment trancher.

La chasseresse tourna son regard vers lui, un instant ils se dévisagèrent. Sans doute troublée par son albinisme, elle marcha sur une branche qui craqua sous le poids pourtant léger de la jeune femme. En tout autre occasion, cela n'aurait rien eu de gênant, mais lorsqu'un prédateur a trois têtes arpente la forêt, cette dernière à tendance à imposer le calme. Le bruit du bois qui casse sembla se répercuter à travers les arbres, faisant grincer les dents des deux nouvelles proies. Un hurlement bestial répondit au bruit, désormais la prudence n'était plus de mise.

Sortant du couvert de l'ombre, Naraphel empoignait déjà son épée et se campait sur ses jambes.

Il sera bientôt là, j'aurais aimé éviter une confrontation, mais il semblerait que cela soit inévitable maintenant. Je vais le retenir ici au corps à corps. Il y a une corniche un peu plus loin, de là bas tu pourras ajuster ta flèche. Ne manque pas la cible car il pourrait te repérer.

Sans autre mot, il dégaina. L'épée noire sembla emplis d'une pulsation meurtrière tandis qu'elle s'adaptait à sa main. Le temps n'était plus à la discussion, la bête arrivait et elle avait soif de sang.

Encore déstabilisée par le silence brisé, ses oreilles perçurent un rugissement retentissant, qui aurait certainement fait fuir tous les oiseaux de la forêt s'ils n'étaient pas déjà partis. Son cœur commença à battre ; l'angoisse lui étreignait la poitrine, l'empêchant de respirer à un rythme normal. Elle ne se sentait pas prête. Cette créature hargneuse lui semblait impossible à capturer ; lorsqu'elle avait aperçu le cerbère, sa puissante musculature n'avait pas échappé à son regard, des muscles si puissants qu'ils pourraient sûrement stopper ses flèches.
Le jeune homme sortit du couvert des arbres où il se trouvait, et dégaina son arme. Il tenait en main une puissante épée bâtarde dont la lame luisait sous les rayons du soleil matinal. Sur ses gardes, le regard déterminé, il lui lança :

« Il sera bientôt là, j'aurais aimé éviter une confrontation, mais il semblerait que cela soit inévitable maintenant. Je vais le retenir ici au corps à corps. Il y a une corniche un peu plus loin, de là bas tu pourras ajuster ta flèche. Ne manque pas la cible car il pourrait te repérer. »

Elle ne savait rien de lui, ne le connaissait même pas ; pourtant elle hocha la tête et partit en courant, prête à se battre avec lui. Dans son esprit, les issues possibles étaient très claires : soit ils s'alliaient et avaient de minces chances de vaincre la bête, soit ils combattaient chacun de leur côté et finiraient inévitablement par se faire dépecer. Préférant sans hésiter vivre, elle consentit à s'allier avec cet étranger le temps d'un combat pour leur survie.
Ses oreilles habituées à percevoir les sons les plus étouffés, elle entendait le galop de l'animal se rapprocher inexorablement d'eux ; et elle pouvait deviner les babines suintantes de salive, attisées par l'appétit et par la perspective d'un repas plus consistant qu'une simple biche imprudente ou trop lente.
Faelin avisa un arbre aux branches basses qui lui permettraient d'être plus proche de l'inconnu que la corniche qu'il lui avait indiquée, pouvant ainsi mieux le couvrir ; même si elle pouvait tirer de n'importe quelle distance, de la plus grande à la plus raccourcie, être plus proche lui accordait une plus grande fiabilité. Elle ne tergiversa pas et sauta habilement de branche en branche jusqu'à atteindre une hauteur satisfaisante. Tout aussi rapidement, elle dégaina son arc et encocha une flèche.

La bête arriva.

Convaincue par la manière dont l'Astorg se tenait et empoignait son épée, ainsi que par ses muscles finement travaillés, elle devina un grand passé de guerrier, et décida de le laisser gérer la bête ; quant à elle, elle l'affaiblirait. Cachée dans les arbres par les feuillages, elle pouvait tirer une ou deux flèches avant de changer de refuge, ce qui perturberait inévitablement le cerbère, ne pouvant la localiser.
Avec un calme et une froideur digne d'un assassin, elle tendit sa corde, et lorsqu'elle eut en joue le ventre du monstre, elle tira. Un flot pourpre s'échappa de la plaie. Faelin savait cette partie peu musclée, elle avait donc attendu quelques instants afin de l'affaiblir. Elle ré-encocha deux flèches, et cette fois-ci, visa une patte avant. Le muscle était fin et musclé, et par conséquent difficile à atteindre et à transpercer, mais si elle touchait sa cible, elle réussirait à le faire boiter et à le ralentir.
Elle tira.
Contre toute attente, le monstre entendit l'air se fendre, et esquiva les deux flèches que la chasseuse avait décochées. Elle tourna ses trois têtes vers l'origine des deux traits qui auraient pu lui coûter son épaule, et un grognement sourd monta de sa gorge.

Faelin le remarqua, et la boule d'angoisse qui s'était logée dans son ventre revint, encore plus grosse et encore plus douloureuse. Elle changea immédiatement d'abri, ne voulant absolument pas se faire tailler en pièce. Elle voulut tirer un autre trait, mais ses mains tremblaient de peur, et elle ne parvenait plus à retrouver le calme dont elle faisait preuve en toute circonstance.

Cette bête l'effrayait.

La bête était arrivée, charge furieuse et primitive. Le premier choc fut assourdissant. Naraphel fut projeté plusieurs pas en arrière mais il conserva tant bien que mal son équilibre. Le combat s'engagea et la furie s'empara des deux protagonistes. L'albinos le savait, celui qui gagnerait serait le plus assoiffé de sang. Il devait cependant garder la tête froide. Il esquiva une des trois mâchoires et put apercevoir des dents immenses et affûtées comme la lame d'une dague. Resserrant l'étreinte sur son arme, il frappa le museau de la bête qui recula en grognant. Son cou se détendit d'un bruit sec et une autre mâchoire tenta d'attraper son bras, mais Naraphel esquiva à nouveau.

La bête frappait des crocs, des griffes et fendait parfois l'air avec sa queue pour mettre le guerrier à terre. Il para un coup de griffe qui lui érafla le bras faisant gicler un peu de sang sur l'herbe. Il essayait de reculer face à la bête quand la première flèche lui creva un flanc. Un liquide poisseux s'échappa de la plaie. Plus épais que le sang humain et plus sombre. La blessure sembla réveiller la bête. Sa fureur redoubla et ses assauts se firent plus menaçant encore. Deux autres flèches sifflèrent vers le monstre mais il les esquiva adroitement, mettant fin au corps à corps par la même occasion. Naraphel prit quelques secondes pour souffler. Son corps était en nage, pourtant, intérieurement un feu brûlait en lui. Depuis combien de temps ne s'était il pas battu face à une telle force ? Une telle sauvagerie ne pouvait qu'éveiller la sienne. Si quiconque avait été près de lui, il aurait aperçut les yeux rouges de l'albinos, flamboyant comme ils ne l'avaient plus fait depuis longtemps. La bête semblait hésiter entre lui, blessé et une autre proie gênante cachée au loin. Aucune flèche supplémentaire ne vint le frapper mais Naraphel décida de ne pas lui laisser de choix. faisant appel à ses pouvoirs, il braqua sa main inoccupée sur le monstre et tout le lierre, les ronces, les racines qui étaient à proximités vinrent s'enrouler autour des pattes griffues. Pour un moment la bête tenta de bouger et parut étonnée de la gêne. Profitant de cet instant, Naraphel frappa, abattant une des têtes qui roula dans l'herbe. La chose s'écroula, sans bouger.

Il allait retirer les plantes du cadavre quand ce dernier se releva, déchirant la barrière végétale qui le recouvrait presque à présent. Naraphel, prit à dépourvu, reçut un violent coup de queue qui le propulsa droit contre un arbre. Le choc lui coupa le souffle et brouilla sa vue un court instant. Le monstre était face à lui, ses deux gueules écumant d'une rage presque intelligente tandis que le moignon où se trouvait l'autre tête crachait du sang par flot, près à lui sauter dessus. Il s'apprêta à parer et comprit qu'il ne tenait plus son épée. Elle gisait à quelques pas, sans doute lâchée durant l'impact contre le bois...

Au bout de plusieurs inspirations et expirations difficiles, Faelin reprit son calme. Garder la tête froide était vital en de telles circonstances, et si elle perdait son calme, la seule issue qui s'offrirait à eux serait la mort.
Son regard vint se poser sur l'Astorg. Il se trouvait seul face une bête sauvage et sanguinaire ; pourtant, il semblait doté d'un contrôle de lui impressionnant. Un côté bestial se dégageait de chacun de ses mouvements ; le combat réveillait en lui ses instincts sauvages, et lui conférait une aura impériale, qui dissuaderait le plus téméraire des combattants de tenter quoi que ce soit.
Le manque de réactivité de Faelin se fit sentir ; alors qu'elle s'apprêtait à tirer une autre flèche, le jeune homme fut contraint d'user de ses pouvoirs. D'un geste de la main, toutes les broussailles ainsi que les plantes grimpantes à proximité s'enroulèrent autour de la bête, entravant chacun de ses mouvements et le contraignant à l'immobilité. Le monstre fut déstabilisé par ces entraves naturelles qui se saisissaient de ses membres ; le jeune homme saisit sa chance et trancha sans la moindre once d'hésitation une des trois têtes baveuses. Le corps s'affaissa au sol, cessant définitivement de bouger. Un sang poisseux et épais, d'un pourpre tirant sur le brun, coula du moignon et se répandit sur le sol tel un venin.
Faelin soupira de soulagement.
Enfin, le combat était terminé. Enfin, cette horreur était morte. Enfin, la peur l'avait quittée. Une délivrance sans précédent l'emplit alors, débarrassée de l'angoisse qui l'étreignait. Elle rangea son arc, dont elle ne s'était finalement pas beaucoup servi, et descendit doucement de son perchoir.
Du coin de l'œil, elle aperçut l'Astorg tendre un bras vers le cadavre afin d'en retirer la végétation qui s'y était enroulée.
Enfin, tout était fini.
Du moins le croyait-elle.

Mais soudain, elle vit avec horreur la bête de se relever, déchirant le lierre qui l'entravait avec une haineuse sauvagerie que personne n'aurait soupçonnée ; et chargeant à une vitesse folle elle projeta contre un chêne le jeune homme. Le choc fut si violent et la surprise si grande qu'il en lâcha son épée, et cette dernière alla se ficher quelques mètres plus loin. La bête se planta juste devant lui ; les deux gueules béantes grognaient leur fureur, animées d'une violence sans pareil.
L'horreur s'empara de la jeune chasseresse. Prise de court, et n'ayant pas d'autre option sous la main, elle courut aussi rapidement qu'elle put et éloigna le monstre d'un revers du pied qui le repoussa de plusieurs mètres. Désormais cible du cerbère, elle repartit à toute allure, accélérant autant que le lui permettaient ses jambes, luttant pour sa vie.
C'était un geste totalement irréfléchi qu'elle venait de faire, elle en était consciente ; cependant, pour sauver la vie du jeune homme, elle n'avait guère eu d'autre choix possible. Elle espérait qu'elle pourrait faire diversion assez longtemps pour permettre à l'Astorg de se relever et de récupérer son épée.

Le bruit de la course de la bête derrière elle ne s'atténuait malheureusement pas ; la peur au ventre, elle continuait de fuir. L'Astorg avait-il pu se relever et les suivre ? Elle ne parvenait pas à entendre ses pas ; les grognements sourds du cerbère faisaient bourdonner ses oreilles. De plus, elle ne pouvait se réfugier dans un arbre ; autour d'elle ne se trouvaient que de jeunes scions. Elle ne pouvait donc compter que sur le jeune homme pour sa survie, et prier pour qu'il puisse les rattraper.

[HRP : Je ne vais pas pouvoir répondre avant vendredi ou le WE, alors prends ton temps ^^]

Naraphel se releva lentement, encore sous le choc. Son épée gisait à quelques pas de là, fichée dans la terre comme dans les anciennes légendes de son peuple. Il sourit fugitivement à cette idée avant de s'en saisir. Les bruits de poursuite s'éloignait de lui et partait vers le Nord, s'enfonçant toujours plus profondément dans la forêt. Il se mit à courir dans la direction des deux autres protagoniste de ce qui serait peut être plus tard, le récit d'une ballade contée par les ménestrels. Après tout l'animal était rare, et la situation plutôt désespérée. Les clients aimaient les situations désespérées.

il courait depuis un moment à toute vitesse lorsqu'enfin il les aperçut sous le couvert des arbres. Tout d'abord il avait chancelé mais très vite ses forces lui étaient revenues. IL ne les voyaient pas encore distinctement, jeu d'ombres se déplaçant à toute vitesse à travers les fourrés. Il persista et peu à peu distingua le cerbère. La fille commençait à faiblir dans sa course et si il n'agissait pas rapidement, le monstre serait bientôt sur elle. Joignant les mains il entonna à nouveau quelques paroles de pouvoirs afin d'appeler la nature à son aide. Très vite, les arbres semblèrent se rapprocher et s'interposer entre la proie et la bête. Là où passait à toute vitesse la chasseresse, le monstre était ralenti par des racines, des branches, de maigres troncs d'arbres. Et enfin, l'écart se creusa à nouveau. Le chien à deux têtes dut, cependant, sentir que la chose n'était pas naturelle car elle se retourna à nouveau pour faire face à l'Astorg, essoufflé par la course qu'il venait d'entreprendre. Se mettant en garde, Naraphel attendit un nouvel assaut.

L'homme n'était pas le seul à fatiguer, l'animal était plus prudent dans ses attaques et ces dernières étaient maintenant moins puissantes, plus réfléchies.

*C'est la première fois que je vois un être perdre une tête pour mieux réfléchir*

La bête n'était plus la masse rageuse projetée à toute puissance sur l'ennemi, elle montrait une ruse et une fourberie étonnante. Plusieurs fois elle tenta de détourner les parades du Guide pour passer sous sa garde. Soudain, la créature fit un pas de côté et frappa avec ses crocs, Naraphel eut à peine le temps de parer que la queue revenait faucher ses jambes. Exerçant une roulade, il ne tomba pas à terre mais un troisième assaut lui fit ployer le genoux. La chasseresse n'était toujours pas revenue et cela commençait à l'inquiéter.

Elles les entendaient. Enfin, elle entendait les pas de son allié se rapprocher ! La course n'en finissait plus, et Faelin sentait ses jambes faiblir ; mais elle était rassurée : bientôt, une aide inestimable viendrait la rejoindre. Le bruit sourd de la course de l'Astorg devenait de plus en proche, amenant encore et toujours plus près le jeune homme qui l'aiderait.
Lorsque les pas furent proches, Faelin jeta furtivement un coup d'œil derrière elle : la bête continuait de la suivre, la bouche écumante, mais le jeune Astorg, épée solidement empoignée à la main, les avait rattrapés. Ce dernier joignit ses deux mains, et une étrange mélopée s'éleva de sa bouche. Les sons mélodieux qui s'en échappaient rappelaient à Faelin des bribes oubliées de son enfance : sa mère, à côté d'un fossé, où un jeune daim s'était enfoncé, et dont il ne pouvait plus en remonter. Elle se rappela son inquiétude enfantine à l'idée qu'il ne puisse plus en sortir et y reste bloqué ; le bras réconfortant de sa mère la rassurant ; les mêmes étranges paroles commandant la nature ; son expression intriguée devant la charmante mélodie entonnée par sa mère. Rameaux de lierres et racines avaient alors saisi les membres du jeune cervidé, et l'avait délicatement ramené à la surface ; il s'était ébroué, et, sans un regard, il avait détalé dans la forêt, rejoignant son troupeau.
Le ton de l'Astorg était plus brut, plus sec, plus violent ; les branchages auréolés de rassurement s'étaient mus en solides entraves, aussi inattendues que fatales. Ainsi, peu à peu retenu, le cerbère étêté se voyait ôté de son habituelle rapidité ; lorsque la végétation devint trop ardue à affronter pour lui, il fit volte face et, d'une stature qu'il voulait imposante, fit face à l'adversaire tenace de cette chasse : l'Astorg. Contrairement au précédent affrontement, sa gorge retenait les grognements sourds dont il avait fait preuve ; il réfrénait ses mouvements désordonnés commandés par sa bestialité ; il se mettait à réfléchir. Jamais Faelin n'avait vu pareille bête ; il ne lui avait encore jamais été donné d'assister à la réflexion d'un animal chargé de sauvagerie. Jusqu'à présent, ces deux termes lui avaient toujours semblé antinomiques, et pourtant cette créature en était le parfait contre-exemple.
Mais le jeune homme n'en était pas pris au dépourvu pour autant. Sans attendre, il avait ressorti son épée, dont il tenait la poignée d'une main qui se voulait ferme et sans pitié. Solidement enfoncé sur ses deux appuis, il se tenait prêt. D'une certaine manière, lui incarnait également la bestialité, mais sous une forme beaucoup moins prononcée, plus atténuée. Un corps empli de contrôle, avec un soupçon de sauvagerie savamment dosée, qui ajoutait ce côté si intriguant et si paradoxal qui se dégageait de l'Astorg.
Pendant ce temps, Faelin n'avait pas perdu de temps et, rapidement et avec discrétion, leurrant même les yeux de l'Astorg, s'était logée dans les maigres branches d'un scion ; ce dernier lui constituait un abri qui ne résisterait guère longtemps si la bête venait à charger, mais l'épais feuillage pourrait tout de même la dissimuler un temps. D'un pas léger et furtif, elle avait escaladé le fin tronc de l'arbre, prenant garde à n'émettre aucun son. Accroupie, elle encocha une flèche, et visa.
L'Astorg, quant à lui, faisait face à la mesquinerie de la bête. Cette dernière enchaînait les feintes dans le but de déstabiliser son adversaire, et d'exploiter les failles de ses mouvements, qu'elle parvenait à débusquer sans trop de peine.
Soudain, alors que le jeune homme ne semblait s'y attendre, la créature fit claquer ses puissantes mâchoires dans l'air avant de faucher ses jambes avant qu'il ait eu le temps de réagir. Il roula sur le sol et se releva immédiatement ; seulement, une ultime attaque le contraignit à mettre un genou à terre sous le poids de l'adversaire.
Ce fut à ce moment que Faelin tira. Cette flèche n'était pas destinée à blesser ; ce n'était qu'un maigre coup de sommation visant à détourner l'attention de la bête du jeune homme. Et la réaction ne se fit pas attendre : les deux têtes toujours suintantes de bave malgré leur capacité nouvelle à réfléchir se tournèrent vers elle, les yeux emplis de fureur, révélant par la même occasion le poitrail au poil dégarni. La chasseresse ne cogita pas des heures durant, et instantanément décocha une nouvelle flèche entre les deux pattes avant, touchant au passage le cœur.
La bête tituba, fit quelques pas en agitant ses mâchoires baveuses, et s'écroula à terre. Quelques spasmes l'agitèrent, puis elle finit par s'immobiliser complètement. Un flot poisseux s'écoulait au sol, à l'instar de la rivière de sang qu'avait produit la tête tranchée. Cette fois, l'animal semblait bel et bien mort. L'Astorg, durant ses affrontements avec le monstre, l'avait écorché, tranché, percé, maintes et maintes fois ; son agonie en avait été écourtée.
Cependant, Faelin n'osait pas s'en approcher ; le souvenir du monstre se relevant contre toute attente était encore frais dans son esprit. Elle ne voulait même pas le tâter de loin de la pointe de son arc.
Elle regarda du coin de l'œil le jeune homme aux côtés de qui elle avait mené cette lutte éprouvante, puis se tourna vers lui et lança :

« Il doit être vraiment mort cette fois-ci, du moins je l'espère. »

Après un temps d'arrêt, elle ajouta :

« Merci, sans toi elle m'aurait sûrement déchiqueté le corps comme un fauve. Je n'aurais jamais pu abattre une bête de cette envergure seule. »

Le temps passe et jamais ne s'arrête.

Le changement de saison s'annonce et bientôt, le blanc manteau de l'hiver qui recouvrait ce monde laissera place à l'herbe grasse et aux timides rayons du soleil. Le silence cédera sa place au chant des oiseaux et le monde s'éveillera petit à petit, sortant lentement de son cocon de glace. Dans ce décor que le temps semblait avoir figé, le moment est venu de s'éclipser, de laisser la nature reprendre ses droits et le cours des choses se faire.

[ Désengagés : Faelin, Naraphel ]

Contenu sponsorisé

» [152 DH]Le retour du touriste [Mission Naraphel] (fini)
» [DP 151] Promenons nous dans les bois. (Naraphel) (fini)
» [153][Début-Hiver]Après être allée voir Môman, une rencontre étrange ![PV Naraphel] (fini)
» Naraphel
» Dossier de Naraphel

[152 - DA] Sur la piste d'une dangereuse créature [Naraphel] (fini)

[152 - DA] Sur la piste d'une dangereuse créature [Naraphel] (fini)

Sujets similaires

Sujets similaires