Cela faisait tout juste un an que Reyan était devenu officiellement prêtre d’Abyss. Il avait trouvé à Cydonia une certaine stabilité et surtout une liberté qu’il n’avait pas ressentie à Silmarie, oppressé qu’il était par le culte omniprésent de Silmaria. Il repensait souvent à Kidan, celui qui l’avait initié à la prêtrise entre les murs de Muria, sa cité d’origine, et qui l’avait indirectement guidé jusqu’à ce lieu où il passait désormais le plus clair de ses journées. La routine de ses premiers mois de profession avait vite laissé place à une vie où chaque jour apportait son lot de surprise. Ne faisant plus partie des « petits nouveaux », Reyan prenait plus d’importance au sein de l’ordre d’Abyss, et les grands prêtres lui accordaient désormais une nouvelle confiance. Si sa difficulté à engager de vraies conversations l’avait empêché de nouer ce qu’on pourrait appeler une véritable amitié, le Cydien entretenait tout de même des relations de sympathie avec les autres membres de son ordre, ou tout du moins ceux qui avaient fait l’effort de passer outre son visage de marbre et son apparente froideur.

Toutefois, depuis quelques semaines, de sombres événements étaient venus troubler cette quiétude retrouvée. Des disparitions, des meurtres, du sang mystérieusement envolé : autant d’horreurs que Reyan ne pouvait supporter. Cependant, à sa grande consternation, il semblait être le seul des prêtres hommes, certes peu nombreux, à vouloir vraiment changer les choses. Il ne supportait pas l’idée de rester là sans rien faire alors que des vies étaient prises chaque jour, et de quelle horrible façon… Les jours passaient, et Reyan commençait vraiment à se lasser de la passivité de ses collègues. Celui qui s’était improvisé scribe à ses débuts dans la prêtrise ne parvenait pas à rester insensible aux suppliques des fidèles qui venaient trouver en ce lieu saint qu’était le sanctuaire l’aide et la protection du Dieu des mers. Un soir, n’y tenant plus, il décida de mettre en œuvre ce qu’il n’avait fait que ruminer pendant plusieurs jours : il allait suivre Hannah, jeune et discrète prêtresse, potentielle nouvelle victime, et tenter d’en savoir plus.

Il ne mit pas les autres prêtres au courant de ses intentions, le Cydien savait que ce serait parfaitement inutile. D’une part, ils avaient très clairement exprimé leur envie de rester le plus à l’écart possible de cette histoire de meurtres, craignant qu’elle ne s’étende jusqu’aux membres masculins du culte abyssien. D’autre part, Hannah paraissait presque invisible aux yeux des autres, comme si elle cherchait sans cesse à se cacher. Mais Reyan, qui souvent voyait là où les autres se révélaient aveugles, l’avait toujours remarquée. Aussi c’était sans aucune hésitation qu’il commença sa filature. Caché par son habituelle cape, la capuche relevée sur sa tête, le jeune prêtre avait choisi de prendre avec lui quelques poèmes déjà écrits ainsi que des parchemins vierges, au cas où il aurait à mettre en œuvre ses talents magiques. Ne pouvant se permettre de charger son lourd volume ou encore son matériel d’écriture, il devait se restreindre au minimum. Sa fronde, arme peut-être la moins encombrante de toutes, était toujours accrochée à sa ceinture, Abyss veuille qu’il n’ait pas à s’en servir…

C’est non sans une certaine surprise que Reyan suivit Hannah jusqu’à l’intérieur d’une taverne des plus étranges, sur les docks. La présence proche de la mer rassurait l’adorateur du Dieu des Océans, et pas seulement parce que cela lui permettrait éventuellement d’en appeler à Ses pouvoirs. Tentant de garder une distance respectable de sa cible, le fils d’Amazone prit place au comptoir, de là où il pouvait observer la prêtresse. Il commanda un verre au tavernier. Etait-ce par timidité ou par prudence qu’il n’osait pas aborder la donzelle ? Son intuition lui intima d’attendre la suite des événements. Si Hannah avait choisi de venir en cet endroit si peu approprié pour quelqu’un de sa condition, c’était bien qu’il y avait une raison spéciale à cela. Gardant son visage caché par sa cape, Reyan attendit, buvant une gorgée de temps à autre, se promettant que si rien ne se passait il irait aborder la jeune Hannah.

Il semblerait que tu ais pris une sage décision. Tu m'as l'air d'être un homme prévoyant et en occurrence, tu n'auras pas besoin de te déplacer pour rejoindre la jeune femme. Bon c'est vrai que ce qui devait se passer a mis du temps à se produire mais ta patience fut récompensée. Alors qu'elle avait commandé un verre d'eau sous les rires du barman et des piliers de bars, un homme s'était précipité dans sa direction, avait saisi un tabouret pour s'asseoir à côté d'elle. Et part chance, tu étais assez proche pour pouvoir entendre ce qu'ils se disaient. C'est la jeune femme qui commença :

- On peut dire que vous aimez prendre votre temps, hein ?

- C'est vous Hannah ?

La prêtresse leva les yeux au ciel, regardant autour d'elle. Une sorte de paranoïa qu'elle avait développée ces dernières semaines semblait-il. Elle soupira alors avant de répondre :

- Bon écoute, qui veux-tu que je sois ? Bien sûr que c'est moi. Bon dis-moi ce que tu sais maintenant.

Cette fois, c'est l'homme qui semblait nerveux. Faut dire qu'il y avait de quoi mais ça c'est une autre partie de l'histoire. En tout cas, tu ne t'attendais pas vraiment au ton employé par la jeune femme. C'était comme s'il s'agissait d'une autre personne, une inconnue. Elle était très loin de celle que tu avais pu observer depuis qu'elle avait rejoint le lieu de culte. Même dans cette ambiance tendue, elle avait l'air d'être plus sûre d'elle. Envolée la jeune vierge effarouchée et timide. Bref inutile de te faire comprendre qu'une chose de bizarre était en train de se produire.
L'homme s'épongea le front mais il n'arrêta pas de suer pour autant. Il était hésitant sans aucun doute et même toi tu pouvais le remarquer. Quant à toi, ton instinct te parle-t-il ? Qu'est-ce qu'il te dit ton instinct ? Enfin pour le moment tu devrais lui dire de la mettre en veilleuse un petit moment parce que tu avais d'autres personnes à écouter, car ils semblaient prêts à se dire des choses intéressantes... ou pas :

- Pas ici... il y a trop de monde. Rendez-vous à l'orée de la forêt où on a trouvé les victimes à neuf heures ce soir. Et... ne vous faites pas suivre...

L'homme se leva brusquement et se dirigea vers la sortie d'un pas précipité. De plus en plus suspect n'est-ce pas ? Quant à Hannah, se gestes sentaient l'indécision. Elle ne savait pas quoi faire entre rester sur sa chaise ou se lever pour rattraper l'homme. Ce n'est que quand il passa la porte qu'elle se décida à se lever et à courir à sa poursuite. Tu ne pouvais malheureusement pas te permettre de la perdre. Il fallait que tu continues à la filer. La curiosité est vraiment un vilain défaut, hein ? En tout cas tu étais en train de te fourrer dans une sacrée histoire.
Tu la suivis au détour d'une ruelle mais tu t'étais fait avoir. Tu sentis une main te prendre par le col et te plaquer contre le mur. Tu penses que ta dernière heure est venue ? Non ne t'en fais pas... tu n'es pas en danger de mort...enfin pour l'instant. En revanche, les yeux bleus de la petite brunette te fixaient, plein de surprise. Elle avait le souffle court. Elle avait peur... enfin elle avait eu peur.

- Frère Reyan ? C'est vous ?

Bien sûr que c'était toi. Elle sembla se détendre l'espace d'une demi-seconde avant que sa paranoïa ne reprenne le dessus. Elle jeta des regards tout autour d'elle quand elle entendit un bruit plus loin. Deux colosse éméchés avaient déboulés dans la ruelle. Rien à craindre d'eux... enfin ce n'était pas vraiment l'avis d'Hannah qui s'était jeté sur tes lèvres, t'embrassant en te lançant un regard suppliant qui te demandais presque de jouer le jeu. Elle logea alors sa tête dans le creux de l'épaule avant de te murmurer silencieusement :

- Je suis désolé d'avoir été brusque mais j'ai eu peur d'être grillée. Surtout ne vous détacher par de moi, on ne sait jamais. Vous êtes dans une belle merde maintenant Reyan. J'imagine que vous avez entendu notre conversation avec l'autre ?

Qu'est-ce que tu allais bien pouvoir lui repondre... et lui demander aussi. Je me doute bien que tu t'interroges et que tu as besoin de réponses à certaines questions.

[HRP : petites explications pour que tu puisses faire ta réponse. Tu pourras manipuler Hannah juste dans le cadre question/réponse sans sortir du cadre de ce que je vais te donner comme renseignement ci-dessous.
Hannah fait en fait partie d'une section d'élite de l'armée de Cydonia... une sorte d'agent secret sous couverture. En fait ça fait un petit moment que l'armée est sur la trace d'une petite communauté de personne vénérant Azael et souhaitant son retour. Bref ils sont complètement fêlés et procède à des sacrifices humain pour célébré le dieu de la mort. Evidemment, Hannah s'est faite passer pour une prêtresse d'Abyss pour essayer de les coincer. Le type du bar est un témoin potentiel et Hannah s'est rendu dans le bar en croyant pouvoir obtenir de nouvelles informations car son investigation patauge. Voilà voilà ^^]

Quelques minutes, plusieurs heures… Même Reyan était incapable de dire combien de temps il avait attendu là, assis près d’un comptoir miteux à observer les rares faits et gestes de Sœur Hannah. Mais fort heureusement, l’impatience ne faisait pas partie de ses vices, et c’est sans se plaindre à qui que ce soit (de toutes façons cela aurait trahi les raisons de sa présence) qu’il resta immobile. Il avait vidé son premier verre et en avait commandé un deuxième lorsque, enfin, quelque chose se passa. Un homme venait de faire irruption dans la taverne. Il se jeta presque littéralement sur un tabouret et faillit renverser Reyan au passage. Une fois qu’il eut retrouvé son équilibre et ses esprits, le jeune prêtre prêta une oreille attentive à la conversation entre la pure Hannah et l’homme mystérieux. Aux premiers mots de l’allégorie de chasteté et de douceur, Reyan recracha le contenu de son verre sur le tavernier. Celui-ci, qui pour une étrange raison ne semblait pas ravi de la situation, commença à menacer le Cydien à grands cris, mais son jeu se calma immédiatement lorsqu’il se rendit compte que la potentielle victime de son divin courroux le regardait avec des yeux glacés. La surprise de Reyan passée, choqué qu’il avait été par le ton de voix à des années lumières de ce qu’il connaissait d’Hannah, le prêtre avait aussitôt repris contenance et était bien décidé à ne pas laisser une outre à vinasse le perturber dans son importante mission d’espionnage. Le tavernier eut un frisson et s’en retourna vers ses clients. La scène n’avait pas plus attiré l’attention que cela, tant elle passait inaperçue dans l’ambiance vivante de la salle.

Hannah fila à la suite de l’homme avec qui elle avait échangé quelques mots, et Reyan dut se dépêcher pour ne pas la perdre de vue. *J’ai comme un mauvais pressentiment* ne put-il s’empêcher de se dire lorsqu’il tournait au coin d’une rue. Une ruelle, mais personne en vue. Voilà qui sentait très mauvais…

Sans qu’il n’ait eu le temps de réagir, Reyan fut plaqué avec force contre le mur. Si son visage reflétait plus de la contrariété que de la peur, c’est pourtant bien cette dernière qui faillit submerger le cœur du serviteur d’Abyss : au corps à corps, sans possibilité quelconque d’utiliser la magie, il n’avait aucune chance de s’en tirer. Sous le choc, sa capuche était retombée, révélant son visage. La pression qui l’empêchait de bouger diminua alors qu’Hannah reconnaissait celui avec lequel elle avait exercé au temple.

« Frère Reyan? C’est vous?

– Bon sang Hannah, qu’est-ce qui… »

Mais Reyan n’eut pas le loisir de finir sa phrase, car déjà Hannah avait plaqué ses lèvres contre les siennes. Il en fallait beaucoup pour déstabiliser notre Cydien, et ce beaucoup, la jeune femme venait de le dépasser allègrement. Néanmoins, le prêtre était plutôt vif d’esprit, et s’il ne put s’empêcher d’ouvrir des yeux grands comme des soucoupes pendant une petite seconde, il finit par les refermer et alla même jusqu’à enlacer la jeune femme. Lui qui n’avait jamais vraiment connu d’expérience de ce genre se découvrait quelques instincts sortis Abyss sait d’où ! Toutefois, Reyan comme Hannah gardaient la tête froide, et la prétendue prêtresse ne tarda pas, en feignant se blottir contre son compagnon fictif, à éclaircir un peu la situation.

« Je suis désolée d'avoir été brusque mais j'ai eu peur d'être grillée. Surtout ne vous détachez par de moi, on ne sait jamais. Vous êtes dans une belle merde maintenant Reyan. J'imagine que vous avez entendu notre conversation avec l'autre ?

– En effet…ma sœur… Je ne pouvais pas rester plus longtemps inactif alors que chaque jour sont prises des vies innocentes. Je voyais en vous une victime potentielle…mais jamais je n’aurais cru que la limite entre victime et bourreau soit si mince…

Prenant le visage de sa fausse bien-aimée entre ses mains, à la fois pour continuer leur diversion et pour l’obliger à le regarder, Reyan lui décocha un regard noir, voyant en elle l’une des instigatrices des crimes. Mais il en fallait certainement bien plus pour désarçonner Hannah, qui non seulement sourit mais embrassa de nouveau le jeune prêtre, qui ne prenait réellement aucun plaisir à cette situation quelque peu dérangeante.

– Vous êtes plus sot que je ne le pensais Reyan. Si vous vous placez contre tous ces sombres événements, alors nous sommes dans le même camp. J’imagine que vous voulez en savoir plus, à présent ? A moins que votre pathétique curiosité n’ait déjà été satisfaite ?

– Il n’est pas question de curiosité et vous le savez bien, répliqua Reyan, piqué au vif. Mais oui, je serais curieux d’entendre ce qu’une innocente petite prêtresse vient faire dans toute cette histoire.

– L’innocente petite prêtresse comme vous l’appelez est au service de la ville. Je me suis infiltrée dans le temple d’Abyss pour venir au bout de cette affaire que vous savez : cela fait déjà un certain temps que l’armée pourchasse une communauté cachée qui pratique le sacrifice humain, une communauté d’adorateurs d’Azael.

Cette fois, le jeune prêtre ne put s’empêcher de montrer sa frayeur à l’évocation du Dieu des morts : Reyan avait bien sûr connaissance de la sombre histoire de ce Dieu, mais en tant que membre d’un ordre, il sentait d’autant plus la menace qu’évoquait ce simple nom.

– Azael…

– Vous comprenez vite. Marchons un peu, voulez-vous ?


Hannah prit alors le Cydien par la main, et l’entraîna dans les rues. Reyan ne savait pas trop bien où ils allaient, mais il se laissa guider par la jeune femme qui s’était accrochée à son bras dans une parfaite imitation de la jouvencelle transie d’amour.

– L’homme avec qui vous m’avez vu parler était un témoin potentiel, j’espérais pouvoir obtenir de lui des renseignements nous permettant de débusquer ces fanatiques. Nous avions pris rendez-vous dans cette taverne, et maintenant vous connaissez la suite. D’ailleurs, que vous le vouliez ou non, vous faites maintenant partie intégrante de l’histoire, j’espère que vous êtes fier de vous…

N’importe quel passant aurait pu prendre Reyan et Hannah comme un gentil couple se baladant au clair de lune, mais un examen plus attentif aurait révélé des airs sérieux et crispés, peu approprié à une promenade entre amoureux. Ce fut au tour du fils d’Amazone de coincer la prétendue prêtresse contre un mur, mais ce fut cette fois avec douceur, montrant que cette manœuvre n’avait pour unique but qu’attirer l’attention d’Hannah sur ce qu’allait dire Reyan.

– Comprenez-moi bien Reyan : je ne vous révèle tout cela que parce que dès à présent, votre vie ne tient plus qu'à un fil. En voulant jouer les justiciers, vous venez d'avancer très sérieusement la date de vos propres funérailles.

– Eh bien alors, que faisons-nous maintenant ? Vous avez entendu cet homme aussi bien que moi, il ne faut pas que vous soyez suivie si vous voulez obtenir ce que vous voulez. Pour autant comme vous le soulignez si finement, je ne peux plus me sortir de ce pétrin. Il faudra donc faire avec moi désormais, ma sœur…enfin si je peux encore vous appeler ainsi. Et puisque je ne peux ni rester là à attendre sagement qu’on vienne me tuer dans mon sommeil ni être un frein en restant dans vos pattes pendant vos combats…il va vous falloir accepter mon aide. Il est inutile de discuter, vous savez aussi bien que moi qu’il est préférable que je vous aide à ce que je vous gêne…n’est-ce pas, Hannah ? »

- Fait chier !

Vulgaire façon de se résigner n'est-ce pas ? Surtout dans la bouche d'une jeune femme. Mais bon, elle n'avait pas vraiment le choix en voyant ton air résolu. Normalement, il lui en aurait fallu plus pour accepter ta "compagnie". Seulement elle était pressée et n'avait pas le temps de jouer à celui qui était le plus obstiné des deux même s'il ne faisait aucun doute que c'était toi.

- Mais au moindre écart... vous dégagez.

Tu pouvais sentir qu'elle n'aimerait pas en venir à cette solution car tu savais qui elle était vraiment et si l'enquête devait se poursuivre, sa couverture serait mise en péril. Non il fallait que tout se termine ce soir et elle espérait vraiment que ce témoin valait le coup. Enfin surtout ce qu'il avait à lui dire.
Malheureusement pour elle - et pour toi - les choses allaient se passer autrement. Décidément, les dieux n'étaient pas très clément ce soir. Un cri avait retenti plus loin. Une femme sans aucun doute. Après un regard entendu, Hannah te prit par le bras, t'entrainant avec elle jusqu'à la ruelle d'où venait l'alerte. La pauvre petite s'était réfugié dans les bras de son fiancé qui lui disait de ne pas s'inquiéter, que ce n'était rien... des paroles auxquelles il ne croyait pas lui-même, lui aussi sous le choc de voir un cadavre épingler à une bicoque en bois par trois carreaux planté dans le corps.
Hannah serra ta main avec force. Ce n'était pas vraiment qu'elle était effrayé par l'idée d'avoir un cadavre en face d'elle. A vrai dire, des cadavres, elle avait l'habitude d'en voir. Seulement, elle n'était pas habitué à ce que le cadavre soit une personne qu'elle ait vu quelques minutes avant, assis au comptoir d'un bar. Elle n'avait plus de témoin désormais, et ça s'était un gros problème. La seule piste qu'elle avait venait de s'évaporer.

- Partons d'ici... je... Fait chier !

Peut-être avais-tu rêvé mais des larmes roulaient sur ses joues et il y avait une vive émotion dans sa voix. Des remords sans doute ? A moins que ce ne soit encore autre chose ?

- Allons fouiller son appartement... peut-être a-t-il laissé quelque chose derrière lui ? Enfin je l'espère... fait chier...

C'était peut-être une bonne solution. Mais il pouvait exister une autre piste. Après tout, s'il avait choisi les abords d'une scène de crime comme lieu de rendez-vous, il devait sans doute y avoir une raison non ? Elle, en revanche, était trop perdue pour y penser. Que devais-tu faire ? Devais-tu la soutenir dans son idée qui était loin d'être mauvaise ou devais-tu lui éclairer d'autres chemins à emprunter ? C'était à toi de faire ce choix.

[HRP : si tu choisi la première solution, stop ton RP quand tu arriveras devant l'appartement du témoin. N'oublie pas de dire qu'Hannah avait retrouvé ses habitudes paranoïaques. Bref elle se sent mal à l'aise.
Si tu tentes de lui apporter tes lumières, tu devras avancer des argument visant à la convaincre de suivre ton idée plutôt que la sienne. Arrête-toi au moment où elle prendra sa décision]

Reyan ne put s’empêcher d’avoir un sourire en coin : même s’il ne cherchait pas vraiment à convaincre, plus à planter la situation telle qu’elle était réellement, Hannah avait tout de même pris conscience de la véracité de ses dires. D’ailleurs, elle ne semblait pas ravie… Le Cydien n’était pas surpris : il n’avait pas le physique d’un guerrier, et rien en lui ne laissait soupçonner qu’il puisse être doué en quoique ce soit qui ait un rapport avec des missions de ce genre. Pour autant, il ne pouvait s’empêcher, tout au fond de lui, de ressentir comme une certaine excitation. Il se rappela une conversation qu’il avait eue avec un guerrier Nua, Vaykalan, qui avait également évoqué « l’aventure ». Etait-ce ce que le jeune prêtre était en train de vivre ? La réponse à cette question n’était pas la plus importante. L’excitation n’était en effet rien à côté des autres émotions ressenties par Reyan : incertitude, un peu d’énervement face au sale caractère de Sœur Hannah, et surtout la peur face à l’inconnu. Comment pourrait-il survivre avec seulement quelques feuilles pour se défendre ? Il n’avait encore jamais eu à utiliser ses pouvoirs contre une personne, et espérait ne pas avoir à le faire. Après tout, en serait-il seulement capable ?

Un cri se fit entendre. Hannah et Reyan se précipitèrent vers sa source, et le fils d’Amazone ne put s’empêcher de laisser une nouvelle fois tomber son masque de marbre pour révéler ce qui ressemblait de près comme de loin à de l’horreur. Contrairement à sa collègue d’un soir, Reyan n’avait pas l’habitude de regarder la mort de façon aussi directe. Les seuls cadavres qu’il avait eu l’occasion de voir étaient prêts à être enterrés ou incinérés, rien à voir avec un corps recouvert de sang frais et qui était habité par la vie encore quelques minutes auparavant. Il sentit à peine la main d’Hannah se refermer plus fortement sur la sienne, et sitôt qu’ils se furent arrêtés au détour d’une ruelle, le jeune Cydien rendit son dîner derrière une vieille caisse, écœuré et surtout bouleversé par ce qu’il venait de voir. Comment lui, un prêtre du Dieu le plus pacifique qui soit, avait pu se retrouver ainsi embarqué dans une histoire qui le dépassait complètement ? Pourquoi les livres d’histoire qu’il avait lus toute sa vie ne parlaient-ils pas des abominations que devaient supporter les héros ? Tout semblait si simple lorsque tout était encore gravé sur du papier…

Reyan reprit peu à peu ses esprits, le souffle un peu court et surtout ayant perdu son visage inexpressif habituel : ses yeux étaient grands ouverts, regardant le vide, et reflétant encore ce cadavre sanglant transpercé en plusieurs endroits. Qu’importait ce que penserait Hannah de la flagrante faiblesse du jeune homme : il ne savait plus où il en était, déchiré entre l’envie de fuir le plus loin possible de cette histoire et cette résolution sincère qu’il avait toujours eue de mettre fin à ces atrocités. Ce furent les larmes d’Hannah, mal cachées, qui le firent redescendre sur terre. Se passant une main sur le front pour essuyer la sueur froide, il releva la tête vers celle dont il était vraiment le devoir d’arrêter tout ceci, et qui paraissait elle aussi dépassée. Reyan ne pensa même pas aux éventuels motifs de cette perte de contenance, il se rapprocha de la fausse prêtresse et la prit par les épaules pour la forcer une nouvelle fois à le regarder.

« Il faut continuer. C’est notre devoir. Des gens comptent sur nous. Il faut continuer. »

Par ces quelques mots, prononcés avec une infinie douceur teintée de fermeté, Reyan tentait tout aussi bien de convaincre Hannah que lui-même : malgré sa totale inexpérience en matière de furtivité ou de connaissance des champs de bataille, il ne pouvait pas laisser tomber les nombreux fidèles qui étaient venus chercher l’aide du Dieu des mers dans son sanctuaire. En tant que prêtre et favori d’Abyss, il se devait d’accomplir sa volonté et d’agir sur le monde là où le Dieu ne le pouvait pas. Reyan ne poussa pas plus loin le réconfort qu’il tentait d’apporter à Hannah, il sentait bien que celle-ci ne devait déjà pas être fière d’avoir montré ses larmes, inutile d’en rajouter une couche en la prenant à tort pour une femme fragile et incapable. Profitant de la prise solide qu’avait la jeune femme sur sa main, Reyan la tira doucement en avant pour la pousser à se mettre en marche. Lorsqu’elle évoqua l’appartement du témoin, il hocha la tête, et la laissa le guider. Au bout de quelques pas, Hannah s’arrêta, stoppant de ce fait l’avancée du jeune prêtre.

« On nous observe, j’en suis sure… Prenez-moi dans vos bras. »

Ne cherchant pas à savoir si c’était plus pour continuer ce jeu du couple au clair de lune ou pour se rassurer elle-même, Reyan s’exécuta. Il était cependant presque sûr que personne ne les observait. Hannah l’embrassa une nouvelle fois, moins brusquement que la première fois : ses lèvres avaient le goût des larmes, et le fils d’Amazone dut se retenir à grand peine de ne pas lever les yeux au ciel. Ce petit manège devenait exagéré et presque ridicule. Passant une main dans les cheveux de la vraie fausse prêtresse, il en profita pour lui lancer un regard insistant vers la rue pour lui signifier qu’il serait peut-être bon de continuer. Prenant tout de même le soin de s’accrocher le plus possible au bras de Reyan, Hannah l’entraîna vers l’appartement.

Cependant, alors qu’ils allaient tourner au dernier coin de rue, d’après Hannah, le prêtre la força à s’arrêter. Il avait désormais les idées claires, même si l’image du cadavre résonnait encore dans son esprit, et il put raisonner sans problème sur la suite des événements.

« N’y allons pas. Pas tout de suite.

– Reyan, vous vous foutez de moi ? dit une Hannah qui décidément se plaisait dans la vulgarité. Et peut-on savoir d’où vous vient cette soudaine envie ? Vous voulez faire une pause pipi ? A moins que vous ne souhaitiez encore soulager votre estomac de quelque poids ?

– Hannah, je suis prêt à parier mon recueil de poèmes qu’il y a des gens là-bas, et pas des plus fréquentables.

L’agent secret lui lança un regard mi courroucé, mi médusé : était-ce parce qu’elle se demandait bien d’où venait cette nouvelle intuition au jeune prêtre, ou parce qu’elle ne comprenait pas comment on pouvait parler poésie dans un moment pareil ?

– Réfléchissez : si ce témoin a été tué, je doute que ce soit par hasard. Ceux que vous cherchez savaient qu’il pouvait les confondre. Nous devons donc partir du principe que vos adversaires…je veux dire NOS adversaires cherchent, ou plutôt cherchaient, à éliminer cet homme. Ils ont donc dû poster plusieurs de leurs membres aux endroits où il était le plus susceptible de se rendre. Ne pensez-vous pas que l’appartement de ce brave homme en fasse partie ? Notre témoin a été tué il y a peu de temps, je pense donc que ses meurtriers n’ont pas encore fait part de sa mort aux autres membres du culte. Ils vont probablement venir ici pour leur annoncer la bonne nouvelle, et je ne pense pas qu’il soit très judicieux de se trouver sur place à ce moment-là.

– Tiens donc ? dit Hannah en soulevant un sourcil, l’air sceptique. Et puis-je savoir ce que vous suggérez dans ce cas ?

– Je vous suggère…non…je vous SUPPLIE d’attendre un peu, au moins le temps de voir ce qu’il peut se passer. J’ai…déjà vu trop de morts cette nuit, je ne supporterais pas d’en voir plus. Si je me suis fait des idées, alors vous avez ma parole que nous ferons comme vous le direz. A moins que…

Le regard de Reyan quitta celui d’Hannah pour se perdre sur le bout de la rue où était l’appartement tant convoité. Une idée terrible venait de germer dans son esprit, il se demandait lui-même comment il pouvait penser une chose pareille et en venait presque à se dégouter. Mais après tout : à situation désespérée, mesures désespérées ? Sa main libre vint malgré lui se ranger dans sa poche, où il sentit les parchemins qu’il avait pris avec lui. Reyan réfléchit alors à voix haute, se parlant plus à lui-même qu’à Hannah.

– A moins que je ne fasse tout brûler ? »

[HJ: Je tiens à dire que je n'avais encore jamais joué avec un MJ, et que c'est une très bonne expérience, je m'amuse beaucoup! Donc sincèrement: merci beaucoup!]

Sans le savoir, tu venais d'offrir à Hannah le moyen d'agir. Le fanatique était maintenant agenouillé au bord du quai, inspectant avec prudence les alentour. Hannah s'était rapprochée habillement et silencieusement derrière lui, sortant une dague de son vêtement. Si elle le neutralisait maintenant, vous auriez une chance de rattraper les deux autres. Seulement, s'ils ne se rendaient pas à leur lieu de culte, l'opération serait un échec et ça elle ne pouvait pas se le permettre, lui interdisant d'en prendre le risque. Il fallait donc faire du troisième individu un prisonnier pour l'heure. Elle s'occuperait de le faire parler plus tard quand elle aura trouvé un endroit sûr.
Elle le saisi alors par l'épaule, posant la lame aiguisée sous sa pomme d'Adam avant de lui murmurer :

- Si tu bouge ne serait-ce qu'une oreille, je t'expédie droit dans l'autre-monde, c'est clair ?

Comme de l'eau de roche apparemment, car l'homme ne tenta rien. Quand tu approchas de la jeunes femme, elle te demanda de saisir la corde qu'elle transportait dans son sac et de l'utiliser pour lier les mains de votre nouvel ami. Une fois que ce fut fait, c'est elle qui ouvrit la marche, gardant un oeil attentif sur votre prisonnier. Une jolie prise d'ailleurs. Jusqu'à maintenant, personne n'avait pu attraper l'un des leur vivant. Un progrès significatif qui allait sans doute vous permettre de mettre fin à ce sombre épisode de l'histoire criminelle de Cydonia.

- Nous avons quelques planques sur les docks, explica-t-elle. Nous nous chargeons aussi de certaines opérations contre la contrebande. Autant dire que c'est sacrément utile pour piéger nos suspects. On va aller là-bas. A ma connaissance, aucune opération n'est en cours.

Il ne vous fallut pas plus de deux minutes avant de vous retrouver à l'abri des regards, dans un entrepôt factice. Hannah installa votre invité sur une chaise, prenant soin de vérifier qu'il ne pourrait pas s'en lever. Elle lança un regard un peu craintif vers toi. En fait c'était ta réaction qu'elle craignait car ce qu'elle allait faire maintenant n'était pas vraiment le genre de chose qu'un prêtre permettrait qu'on fasse à un homme. Cela-dit, il ne faut pas oublier qu'il s'agit d'un meurtrier. L'éthique s'applique-t-elle à ce genre de personne ?

- Reyan, vous devriez sortir un moment... le temps que je lui délie la langue si vous voyez ce que je veux dire. Vous n'êtes pas obligé d'assister à ça...

Quoi qu'il en soit, tu ne pouvais pas lui faire changer de méthode et si tu essayais, inutile de dire que tu finirais ligoté un moment plus loin. Tu n'avais donc pas d'autre choix que de l'accepter. Néanmoins, si tu te sentais le courage de rester, elle n'y verrait sans doute pas d'objection. Elle s'en fichait pas mal au final, tant qu'elle obtenait les informations qu'il lui fallait.
C'est donc après une demi-heure de cris et de douleur que ce lâche vint à cracher le morceau. Il y avait une grotte à une lieue au nord de l'endroit où on avait retrouvé les corps. L'entrée est camouflée par la végétation et les fidèle d'Azael s'y réunissent à chaque fin de semaines pour effectuer le rituel, et c'était ce que redoutait Hannah. Ce soir, une nouvelle jeune femme allait être sacrifiée pour la gloire du dieu impie et elle n'avait plus le temps de faire un rapport à ses supérieurs pour effectuer une descente ce soir. Il n'y avait que vous deux et vous n'aviez plus de temps à perdre. Il fallait que vous les arrêtiez avant l'accomplissement morbide de la cérémonie de ce soir et vous aviez juste le temps de le faire.
En route pour sortir de la cité, vous aviez abandonné l'autre cinglé dans l'entrepôt. Son sort importait peu à Hannah, contrairement à celui de la femme qui allait se faire tuer. Il fallait vous y rendre rapidement et Hannah y mettrait les moyens.

******

Vous aviez enfin découvert cette foutue grotte, ou du moins l'entrée. Heureusement pour vous, elle n'était pas gardée, mais à l'intérieur se trouvait vos hommes. D'après ce qu'elle avait pu obtenir comme informations, ils étaient une douzaines. Autant dire qu'à deux, ça allait être dur de les éliminer dans un combat direct, d'autant plus que tu n'avais encore jamais combattu. Mais tu avais encore le temps d'y réfléchir pendant que vous passeriez dans les couloirs de pierre. En fait, il y en avait deux principaux. En effet, une quarantaine de mètres après l'entrée se trouvait une séparation en patte d'oie. Le couloir de droite menait au lieu de de culte tandis que le couloir de gauche menait jusqu'aux "geôles", là où la jeune femme était surement retenue prisonnière. Décidément, les informations qu'avait recueillies Hannah étaient vraiment utiles. Il faut dire aussi que faire parler un lâche n'est pas très difficile non plus.
Il fallait mettre une stratégie au point. Mais laquelle ?

[HRP : ta réponse ne devra pas s'étendre au-delà de la planification de vos futures actions.
Désolé pour le temps que j'ai mis à répondre mais petite panne d'inspiration et mauvaises nouvelles ne font pas franchement un cocktail efficace pour le RP :/ ]

Reyan se retint de ne pas pousser un immense soupir de soulagement lorsqu’il aperçut dans la pénombre la silhouette du fanatique s’approcher de l’endroit où son caillou était tombé à l’eau. Cela aurait été une belle boulette, puisqu’il se serait fait instantanément repérer, ruinant ainsi sa propre diversion. Hannah, qui devait avoir l’habitude d’analyser très vite n’importe quelle situation, profita du moment pour capturer l’acolyte. Lorsqu’il la vit sortir un poignard, Reyan pensa qu’elle allait tuer leur cible et faillit intervenir, mais force était de constater que la jeune femme avait de la suite dans les idées. Lorsqu’elle interpela le jeune prêtre, celui-ci sortit du sac une corde solide avec laquelle il tenta de faire le nœud le plus serré possible. Fort heureusement, le fait d’adorer le Dieu des Mers l’avait obligé à apprendre des rudiments de navigation qu’il avait presque aussitôt oubliés…sauf comment faire de bons nœuds. Sa tâche achevée, Reyan se redressa et préféra garder silence. Lui n’avait pas très bien saisi le but de la capture du fanatique et pensait qu’ils étaient en train de perdre du temps pendant que ses deux compagnons avaient déjà filé dans la nature. Mais visiblement, Hannah avait tout prévu. Toujours sans très bien comprendre, le Cydien la suivit docilement jusqu’à un entrepôt abandonné, ou tout du moins à ce qui y ressemblait.

Une fois tout ce beau monde bien installé, Reyan s’apprêta à demander à la jeune femme ce qu’elle avait derrière la tête, ne comprenant toujours pas pourquoi ils avaient laissé filer les deux autres. Hannah eut l’air gêné, et sa réponse, pourtant on ne peut plus claire, mit du temps à être totalement intégrée par Reyan. Il jeta un œil au prisonnier, puis ses yeux s’agrandirent un instant avant de se figer en un regard des plus glacials qu’il décocha à Hannah. Evidemment, la torture semblait le meilleur moyen pour « délier les langues ».

« Non, vous ne pouvez pas… » commença Reyan, mais Hannah le fit taire d’un geste. Visiblement, même les talents diplomatiques du prêtre d’Abyss ne pourraient venir à bout de sa détermination. Quels autres moyens avaient-ils après tout ?

« Vous êtes méprisable… » ne put-il s’empêcher de cracher avant de tourner les talons et de sortir de l’entrepôt.

Pendant la trop longue demi-heure que dura l’interrogatoire, Reyan ne put s’empêcher, assis sur le sol humide des docks, de verser quelques larmes.

******

Voilà qu’à présent le jeune prêtre devait jouer les super-héros. Après tout, c’était peut-être ce qu’il avait cherché : n’était-il pas déterminé depuis le début de cette soirée à en finir avec tous ces assassinats ? Mais malgré sa sincère détermination, Reyan ne pouvait s’empêcher de songer que jamais il n’aurait imaginé se retrouver au cœur même de l’histoire, en tant qu’acteur principal, pas plus qu’il ne se serait attendu à voir tant d’horreurs en si peu de temps. Sur le trajet qui les avait menés à la grotte, Reyan n’avait pas décoché un mot à Hannah, et elle le lui rendit bien. Mais ce silence ne pouvait pas durer plus longtemps. Pas que le Cydien ait pardonné à sa collaboratrice ses méthodes fort peu orthodoxes, mais il leur fallait planifier leurs actions futures, car jamais ils ne pourraient l’emporter à deux contre douze sans une bonne stratégie. Devant la grotte, cachés dans un buisson, les deux jeunes gens purent s’apercevoir avec soulagement que l’entrée n’était pas surveillée, ils pourraient donc pénétrer à loisir à l’intérieur.

« Bon, et maintenant ?

– Tiens ? Vous avez retrouvé votre langue.

– Hannah, je vous en prie, ne faites pas l’enfant. Ce n’est quand même pas à moi de vous expliquer qu’à deux nous avons peu de chances de survivre à un combat direct !

– Au vu de vos évidentes compétences martiales, cela ne fait aucun doute.

La pique ne plut pas beaucoup à Reyan qui avait du mal à assumer sa propre faiblesse, et aimait d’autant moins qu’on la lui fasse remarquer. Néanmoins, il prit sur lui et décida de reporter son inévitable querelle avec Hannah à plus tard.

– Bon. Que proposez-vous ?

– La priorité va évidemment au sauvetage de cette fille, même si j’aurais adoré régler leur compte à ces salauds de fanatique.

– Cela ne nous dit pas vraiment comment nous allons nous y prendre pour passer les gardes, dit Reyan d’un ton légèrement cynique.

– Et si vous me disiez plutôt à quoi un bon à rien comme vous pourrait me servir dans cette opération, mon cher Reyan ?

– J’ai pris quelques poèmes avec moi, et…

– Oh, formidable ! Vous pensez endormir nos cibles en leur récitant des vers ?

– Je suis magicien, Hannah, révéla Reyan cédant à son agacement. Ma poésie n’a rien de soporifique, c’est grâce à elle que je peux canaliser mes pouvoirs.

Pendant un instant, la jeune espionne parut surprise. Elle avait semblé tellement convaincue de l’inutilité du jeune prêtre qu’il ne lui était probablement même pas venu à l’esprit qu’il puisse disposer d’un quelconque talent.

– Vous…vous pouvez utiliser la magie ?

– Puisque je vous le dis…

– Mais alors… Que pouvez-vous faire ? Enfin je veux dire…

– J’ai très bien compris. Eh bien…

Reyan sortit de sa poche les quelques poèmes qu’il avait pris avec lui. Ils étaient tous de longueurs très variables, ce qui impliquait aussi des sortilèges de différentes puissances. Le prêtre eut un sérieux moment de doute : jamais il n’avait eu à utiliser ses pouvoirs pour servir une cause quelconque. D’ailleurs, il ne s’en servait presque jamais, seulement de temps à autre à l’abri des regards pour vérifier que son pouvoir n’était pas parti. Serait-il seulement capable de lancer le moindre sort ? Il n’avait même jamais récité certains poèmes, et ne savait pas du tout quels effets leur incantation produirait. Découragé avant même d’avoir tenté quoique ce soit, Reyan baissa les yeux.

– Je… Je ne suis pas sûr d’en être capable…

– Et voilà, encore à pleurnicher… Nous avons la vie d’une jeune fille entre les mains je vous rappelle.

L’infinie délicatesse d’Hannah finit par obliger Reyan à mettre ses doutes de côté. Préférant rester sur des valeurs sures, il montra à sa camarade l’un de ses poèmes qui avait pour thème la terre.

– Avec celui-ci, j’ai déjà réussi à invoquer un mur de terre. Peut-être que si je me concentre assez je parviendrais à en créer un assez grand pour boucher complètement un couloir de la grotte. Vous m’aviez dit qu’à droite de l’intersection il y avait une salle de culte, pas vrai ? Je pense que si nous parvenons à attirer tous les fanatiques dans cette salle et que je parviens à les y enfermer, cela nous laissera assez de temps pour fuir avec la victime de ce soir. Comme vous l’avez dit très justement, elle doit demeurer notre priorité et le culte d’Azael devra attendre un temps avant d’être démantelé. Cela dit, si vous avez une meilleure idée… »

Cette dernière phrase laissait transparaître le doute qui habitait le fils d’Amazone. Quelle aventure, décidément… Il n’aurait jamais dû révéler ses talents magiques, après tout rien ne disait qu’il serait capable de réaliser ce qu’il avait prédit ! Et s’il s’emmêlait les pinceaux ? Si sa langue fourchait et que le sortilège demeurait inefficace ? Reyan n’était pas soldat, mais malgré ses affinités avec la magie il n’était pas plus Elémentaire et n’était pas habitué à combattre de quelque façon que ce soit. La simple idée le faisait frémir : tout cela était si différent de ses tâches habituelles, bien à l’abri entre les murs du temple… La pensée qu’il pourrait sauver une vie et peut-être arrêter un dangereux culte devraient cependant suffire pour balayer ses appréhensions, au moins le temps de sauver l’innocente victime. Hannah finit par couper court aux interrogations du jeune prêtre.

[HJ: Ne t'inquiète pas, j'espère que tes problèmes s'arrangeront! Quant à moi, j'espère que les libertés que je prends avec le personnage d'Hannah ne te dérangent pas trop, sinon n'hésite pas à me le dire.]

Hannah n'était pas franchement convaincu qu'il s'agissait forcément de la meilleure solution possible. Seulement, elle n'en avait pas d'autre et la situation ne lui laissait pas le temps de tergiverser sur un autre plan. Au moins, celui-ci avait le mérite de régler un problème non négligeable, même si un autre se posait : elle ne pouvait pas laisser s'enfuir l'un de ses enfoirés. Si elle devait avoir un seul de ces salopards, c'était bien lui : son propre frère. Mais c'était une longue histoire dont elle aurait le loisir de te parler après tout ça.

- Je n'en ai pas de meilleure non... mais je vous demanderai une seule chose. Avant de les enfermer, j'ai besoin de faire quelque chose. Il ne me faudra que quelques secondes même si j'aurais aimé en avoir un peu plus pour cette tâche. Mais qu'importe. Ca ne changera pas grand chose au final.

Elle avait été très évasive encore une fois. Hélas tu n'avais pas vraiment le temps de la questionner... et elle ne t'en aurai pas laissé de toutes manières, ouvrant la marche dans le corridors de granit. Des torches fixées au mur vous guidaient, éloignant la moindre parcelle de ténèbres bien que vous sachiez tous les deux quels genre d'actes étaient commis dans ce genre d'église de fortune.
Hannah faisait preuve d'une discrétion irréprochable, avançant à pas de loup, cherchant les petits coin d'ombre pour les mettre à profit au cas où une rencontre impromptue devait se dérouler.
Par chance, rien ne vint perturber votre ballade en territoire hostile si ce n'était les rats... du moins jusqu'à quelques mètres de l'embranchement. Les choses commençaient à se compliquer avec les allées et venues des membres de la secte, qui se saluaient avec une excitation oppressante pour ta compagne de galère qui les entendait parler en toute impunité. Ces types n'étaient que des monstres qu'elle aurait voulu réduire au silence. Mais elle ne pouvait pas le faire tout de suite de peur de tout faire capoter. Elle tenta de renfermer son agressivité au plus profond de ses tripes mais quand elle fut sur le point de retrouver son calme, elle se figea à l'entente d'une voix qu'elle n'oublierai jamais.
A l'embranchement, les deux fanatiques qui étaient resté avaient accueillit dans leur discussion un troisième interlocuteur à la voix suave où pointait un mépris évident pour les autres. C'était comme si cette fois hurlait "Moi ! Moi ! Moi !".
Hannah sentait cette pulsion remonter en elle plus vite qu'elle n'avait réussit à la contenir puis elle te chuchota :

- Prépare-toi à user de tes pouvoirs. On va agir maintenant.

Encore une fois, impossible de discuter avec elle. Elle s'était déjà élancé avec une agilité féline, une dague dans une main, un couteau de lancer dans l'autre. Ce dernier vint se figer dans l'oeil d'un des fanatiques tandis que les deux autres se retournèrent avec surprise. Pour l'un d'entre eux, elle fut encore plus surprenante lorsqu'il senti un liquide chaud couler le long de sa gorge et quand il tenta de crier, aucun son ne sorti si ce n'était un gargouillis. La gorge tranchée, il tomba au sol. Le dernier homme tenta de se défendre en donnant un coup de poing à la fausse-prêtresse qui esquiva sans mal avant de l'envoyer au sol. Elle l'y maintint en te demandant du regard de boucher l'entrée du lieu de culte, duquel on entendait la rumeur des voix des autres fanatiques. Puis elle se tourna vers sa proie tout en murmurant.

- Si tu savais combien j'ai attendu ce moment...

L'homme fut pris de panique, comme s'il avait reconnu la mort en la personne d'Hannah. Et il avait de quoi être terrifié quand on connaissait le fin mot de l'histoire. Cela dit, il te faudra encore patienter un moment. Pour l'instant, elle était trop occupée avec cet homme :

- Deux ans. Ca fait deux ans que je rêve chaque soir de tout ce que je pourrais te faire subir quand je t'aurais sous ma main. Deux longues années de traque et tu sais quoi ? Maintenant que je te tiens, que je pourrais te tuer de n'importe quelle manière, je ne sais pas quoi faire.

Hannah s'était mise à pleurer. Encore une fois, ses émotions trahissaient le mystère qu'elle voulait garder sur une partie de cette histoire. Elle en faisait une affaire personnelle mais pourquoi ? Oui "Pourquoi ?" C'était la question qu'elle s'était posée pendant ces deux années. Et maintenant qu'elle avait la réponse sous la main, elle avait peur de savoir, peur que ce qu'elle pensait faire, que ce pour quoi elle avait pratiquement vendue son âme n'eut été qu'une illusion. Elle avait peur que tout ce qu'elle avait fait n'avais plus de sens.
L'homme qui semblait avoir vingt-cinq ans tout au plus avait un sourire d'incompréhension, mais teinté de l'espoir de ressortir de cette grotte vivant, alors que quelques secondes auparavant, il était certains d'y mourir.

- Je savais que tu ne le ferais pas... tu ne me tuera pas hein ? Après tout, tu es ma soeur, tu me comprends ?

- LA FERME !

Il avait manqué une occasion de se taire. En une seconde, la lame de la dague s'était enfoncé en plein coeur, mettant fin à sa vie, rapidement, brusquement.

- Je t'interdis de dire ça... je te l'interdis. J'ai arrêté d'être ta soeur quand tu as tué la notre. Jamais je ne te comprendrais. Jamais.

La jeune femme se releva après avoir arraché son arme de la poitrine de celui qui avait été son frère puis elle se tourna vers toi en murmurant des mots d'excuses. Elle s'en voulait de t'avoir entrainer là-dedans. Elle se sentit égoïste, l'espace d'un instant. Elle te laissa dire ce que tu avais à dire, même si ce n'était pas le cas d'ailleurs. Mais elle pris la direction des geôles. Vous aviez encore une femme à sortir de là.

[HRP : je te laisse improviser jusqu'à ce que vous rentriez à Cydonia, devant le Monastère Zélote. Tu t'arrêteras là avant que je ne fasse ma dernière réponse. Tu pourras y répondre après quoi je clôturerai cette mission. J'espère que le déroulement t'auras plu même si tu ne sais pas encore tout dans les détails =)]

Reyan dut bien reconnaître qu’il était quelque peu surpris par la réponse d’Hannah. D’abord parce qu’elle ne proposait pas de meilleure solution, ce qui traduisait un certain empressement, voire un empressement certain. Et cette hâte d’en finir n’avait visiblement pas grand-chose à voir avec la victime de la secte… Le prêtre aurait volontiers creusé la question, mais il n’en eut pas le temps, et il fut entraîné par sa congénère jusqu’à l’intérieur de la grotte.

A plusieurs moments, Reyan crut que son cœur allait exploser tellement il était tendu. C’était ce même frisson qu’il avait ressenti quelques heures auparavant dans les rues de Cydonia, ce sentiment que vous n’étiez pas dans un livre d’histoire, mais dans la réalité, et que chaque erreur que vous faisiez pouvait vous coûter la vie. Sauf que cette fois, les deux jeunes gens n’étaient pas vraiment en position favorable à la fuite, dans un endroit clôt comme celui-ci. Essayant de ne pas trop réfléchir et restant le plus attentif possible à ce qui se passait autour de lui, Reyan ne quittait pas Hannah des yeux et ne la lâchait pas d’une semelle. La principale raison était bien sûr qu’il comptait sur son expérience pour les guider, mais au fond de lui il se demandait s’il n’était pas de son devoir de la surveiller au cas où elle veuille faire une grosse bêtise. Lorsqu’elle avait voulu pénétrer dans l’appartement du témoin, Hannah n’avait-elle pas prouvé que son impulsivité la rendait prompte à faire des erreurs ?

« Prépare-toi à user de tes pouvoirs. On va agir maintenant.

– Quoi ?? Mais… »

Soudain pris de court, Reyan ne put que regarder Hannah effectuer d’impressionnantes acrobaties et lancers de grande précision qui vinrent sans peine à bout de deux hommes. Comme souvent depuis le début de cette soirée qui resterait gravée dans sa mémoire, le masque de marbre du Cydien tomba pour laisser place à une parfaite horreur due à la fois à la vue de tout ce sang, mais surtout à la pensée que c’était désormais des cadavres qu’il avait face à lui. C’était à peine s’il remarqua le regard que lui lança la prétendue prêtresse, qui lui intimait d’en appeler à la magie pour empêcher les autres fanatiques de les rejoindre. Il ne fallait pas être doué d’une audition hors du commun pour entendre les cris agités qui commençaient à naître dans la salle de culte. Reyan dut prendre sur lui, mais il se redressa et passa à côté d’Hannah qui semblait en grande conversation avec le troisième homme pour se placer devant le couloir de roche. La rumeur de voix se faisait plus pressante et semblait se rapprocher : il devait faire vite. Et pourtant quelque chose le retenait. Son oreille était comme retenue par ce que disait Hannah à l’homme qu’elle était sur le point de tuer. Son cœur fit un bond lorsqu’il entendit le mot « sœur ».

« LA FERME !

– Hannah, non!! »

Mais trop tard : l’homme était passé à meilleure vie. Restant encore paralysé, ce n’est que lorsque la jeune femme lui envoya un ultime regard que Reyan réalisa avec horreur que les autres fanatiques n’allaient pas tarder à arriver en masse…à moins qu’il ne les en empêche. Saisissant le parchemin qu’il avait sorti devant la grotte, le prêtre d’Abyss regarda le couloir de pierre qui lui faisait face, souhaitant de son cœur qu’il parvienne à le boucher au moins partiellement. L’heure était venue de mettre sa magie au service d’une juste cause. Mettant tous ses doutes de côté, Reyan récita son poème d’une voix assurée, teintée d’un léger écho surnaturel.

« D’une simple poussière on peut bâtir des murs
Un rien est nécessaire pour forger un tout
Telles sont ses règles, craignez Mère Nature
Et souffrez de l’abîme le divin courroux »

Le parchemin s’illumina en flottant un instant dans les airs avant de plonger dans le sol : le sortilège avait fonctionné. Confiant en le fait que les alexandrins étaient d’après lui les vers les plus puissants, Reyan se concentra le plus possible, oubliant toutes les horreurs qu’il avait vues ce soir-là pour ne plus penser qu’à ce mur de terre qui devait s’élever devant lui. Il ne voyait même plus Hannah qui avait disparu derrière lui. Il y eut un nouvel éclat de lumière et un énorme bloc de terre jaillit du sol pour boucher entièrement le tunnel de roche. Reyan avait réussi. Il tomba en arrière tant ses jambes flageolaient, pas à cause de l’effort qu’il venait de fournir, mais parce qu’il avait eu une peur sans nom que le parchemin ne remplisse pas sa fonction. Remerciant Abyss, le fils d’Amazone se releva, et courut tant qu’il put dans l’autre couloir vers les geôles, évitant de porter le moindre regard aux cadavres ensanglantés. Lorsqu’il parvint enfin à destination, Hannah avait déjà délivré une tout jeune fille qui semblait pétrifiée. Bien sûr : si Reyan avait eu peur, que dire de celle qui avait failli perdre la vie cette nuit-là. Le prêtre passa une main rassurante sur l’épaule de la demoiselle en détresse : il ne se rappelait pas l’avoir déjà vue au temple, mais peut-être était-elle fraîchement arrivée ou pas encore confirmée. Le regard du Cydien se durcit lorsqu’il tourna la tête vers Hannah. Dire que ce matin encore il la prenait pour une figure de pureté et d’innocence, une victime parfaite pour un culte d’assassins, et qu’à présent sa propre dague était teintée du sang de nombreux hommes, dont celui de son propre frère. Les quelques secondes où leurs regards se croisèrent, Reyan et Hannah demeurèrent silencieux, même si la seconde paraissait infiniment triste.

« Partons à présent » dit-il d’une voix plus assurée qu’elle ne l’avait jamais été ce soir.

Les trois jeunes gens se précipitèrent au dehors, ignorant les cris des fanatiques qui tentaient de défoncer le mur de terre dressé par magie. Nul doute qu’ils y arriveraient à un moment ou un autre, mais alors, Reyan, Hannah et la jeune fille seraient déjà loin.

Hasard ou pas, les trois jeunes gens finirent par ralentir leur cadence une fois dans le district religieux, près du temple d’Abyss, du domicile de Reyan et du Monastère des Zélotes. Aucun n’avait dit le moindre mot pendant leur course. La jeune fille était encore sous le choc de ce qu’elle avait vécu et semblait avoir perdu l’usage de ses cordes vocales. Hannah devait ruminer de bien sombres pensées car elle avait perdu son habitude de lancer des piques au jeune Cydien et gardais les yeux bas. Quant à Reyan, dans sa tête tournaient plusieurs choses, dont un léger sentiment d’avoir été manipulé. Cela allait bien sûr à l’encontre de toute logique, puisque c’était lui qui avait choisi de se joindre à l’agent sous couverture, même si c’était un peu par défaut. C’était encore lui qui souhaitait de tout cœur mettre fin à ces terribles assassinats, ou en tout cas éviter au moins la mort de la victime de ce soir. Et à aucun moment Hannah n’avait vraiment menti pour le pousser à venir avec elle, au contraire : elle ne voulait pas que le prêtre l’accompagne, soi-disant parce qu’il ne lui serait d’aucune utilité. Réfléchir à tout cela finit par rasséréner Reyan, sans que cela se voie car il avait repris son habituel visage inexpressif. Devant le monastère Zélote, il s’arrêta de marcher, stoppant du même coup les deux femmes qui l’accompagnaient. Hannah lui jeta un regard interrogateur.

« Je ne t’en veux pas, tu sais. »

La jeune victime crut d’abord que le message s’adressait à elle, mais elle comprit en voyant les beaux yeux marron de son sauveur se poser sur Hannah qu’elle n’avait rien à voir dans cette conversation. La fausse prêtresse quant à elle parut surprise : était-ce parce que Reyan venait soudainement de la tutoyer ou parce qu’elle ne s’attendait pas à une telle déclaration ?

« C’est moi qui ai choisi de t’accompagner, et puis même au tout départ c’est moi qui ai choisi de te suivre pour mettre fin à…tout ça… » Il jeta un œil à l’ex-sacrifiée qui baissa les yeux en rougissant. « Et je ne voudrais pas te forcer à parler. Je pourrais très bien survivre sans explication, l’essentiel est que nous ayons pu sauver une vie ce soir. Mais sache qu’en tant que prêtre je suis prêt à entendre tout type de confession...ou à prier pour le salut de...n'importe quelle âme... »

[HJ: Comme je l'ai dit j'ai beaucoup apprécié cette première expérience avec un MJ, merci beaucoup, je me suis bien amusé! J'espère moi aussi avoir été plus ou moins à la hauteur de tes attentes^^]

- Je ne t’en veux pas, tu sais.

En entendant sortir ces mots de ta bouche, elle fut surprise. Il faut dire qu'elle ne s'attendait franchement pas à ce que tu sois compréhensif. Même si elle ne pensais pas t'avoir manipulé, elle imaginait bien que tu ressentirais ça de cette manière, et elle s'attendait à ce que tu la détestes. Elle continua de t'écouter pour comprendre un peu ce que tu entendais par là. Une confession ? Au début, elle pensait à une blague mais le nœud qui nouait son ventre et sa gorge exprimait qu'elle voulait vraiment t'expliquer. Elle avait gardé ses problèmes trop longtemps pour elle. Il fallait qu'elle s'en débarrasse maintenant, même s'il s'agissait de la dernière chose qui avait prouvé que sa soeur avait existé.
Ce n'est qu'après une longue minute de silence à échanger quelques regards qu'elle se décida :

- Tout à commencé il y a deux ans. Notre mère avait toujours vécue seule avec ma soeur, moi et... mon frère. Nous habitions à Varath et mon rêve était d'entrer dans l'armée. Le jour de mes dix-sept ans, j'ai décidé d'entrée à l'école militaire à Cydonia, quittant ainsi mon foyer. Ma mère tomba malade et fini par mourir, et Charles... mon frère, commença à sombrer dans la folie. Ses fréquentations se firent de plus en plus mauvaise. Je n'étais pas là pour le voir mais, chaque jour, il revenait défoncé au Riff et il battait notre soeur. Quand je revins à la maison, j'étais enfin un soldat... mais en arrivant, on m'annonça que ma soeur avait été retrouvée dans la forêt, égorgée. On me raconta aussi ce qu'il s'était passé en mon absence et après avoir mené ma propre enquête, j'ai découvert que mon frère l'avait...

Elle ne put terminer sa phrase mais tu devinais bien ce qu'il s'était passé. Elle tentait de réprimer un sanglot qu'elle ne parvint pas à retenir bien longtemps. Ce n'était pas vraiment la première fois que tu la voyais dans un tel état de fébrilité, mais sans doute en comprenais-tu le sens maintenant. Elle se mettait à nu devant toi et étrangement, elle s'en sentit soulagée, comme si elle avait attendu ce moment depuis trop longtemps.

- J'ai alors suivi une piste au hasard mais je n'ai pas pu le retrouver tout de suite. Un an plus tard, je rentrai dans les forces spéciales... et quand les premiers cadavres de jeunes femmes firent leur apparition, je fis le lien entre le mode opératoire des meurtriers et l'état dans lequel on avait retrouvé ma soeur. J'ai donc demandé à ce que l'enquête me soit confiée et...

Et elle l'avait retrouvé. Celui qui avait tué sa tendre soeur, celui qui ne méritait pas de vivre. Elle avait rempli la promesse qu'elle avait faite sur la tombe des deux seules femme qu'elle ait jamais aimé et elle était persuadée que leurs âmes pouvaient reposer en paix désormais. Le culte d'Azael ne serait bientôt qu'un malheureux souvenir, disparaissant dans les limbes de l'histoire, tout comme son frère qu'elle venait sauvagement d'assassiner par vengeance, par amour. Il n'y avait rien de glorieux et c'est pour ça qu'elle se tournait vers le prêtre maintenant. Elle voulait trouver le pardon d'Abyss à travers lui.

- Reyan... merci. Sans toi, je pense que nous n'aurions pas pu sauver cette fille aujourd'hui. Elle ne méritait pas le même sort que ma soeur. Aucune de ces filles ne le méritait.

Elle détacha le fourreau qui contenait sa dague avant de te le tendre en ajoutant :

- Je voudrai te la confier. Elle a été le dernier cadeau de ma soeur... je ne veux plus qu'elle serve à tuer... je veux juste qu'elle défende ceux qui en ont besoin... et je sais que dans tes mains, elle n'aura pas d'autre destin. Et puis, c'est pour te souvenir de moi. Je crois, qu'on ne se reverra pas.

Elle s'était mise à rougir comme une adolescente avouant ses sentiments au garçon qu'elle aimait. Elle ne voulait pas l'admettre, mais elle t'appréciait plus qu'elle ne voulait véritablement te le montrer. Non pas qu'elle était amoureuse de toi hein ? Il ne faut pas pousser non plus. Mais elle te voyait maintenant comme quelqu'un de spécial, comme... un ami.
Cette pensé lui réchauffa le coeur. Depuis la mort de ses proches, elle n'avait personne sur qui compter réellement. Elle était heureuse d'avoir trouver une personne en qui elle pouvait faire confiance. Et une chose était sûre : quand vous repartirez chacun de votre côté, elle ne t'oublierait pas.

[HRP : si tu ne souhaite pas répondre, tu peux te considérer comme désengagé. Récompense : la dague d'Hannah]

Reyan écouta attentivement Hannah sans l’interrompre une seule fois. A vrai dire, il ne pensait pas que la jeune femme viderait son sac aussi facilement, elle ne semblait pas particulièrement faire confiance à son camarade prêtre. Mais trucider deux ou trois fanatiques créé forcément un lien particulier. Lorsqu’elle eut fini son récit, sanglotant et toute tremblante, Reyan ne cilla pas. Tant par sa profession que par son caractère, il avait appris à ne porter aucun jugement sur les choses qu’il voyait ou entendait, et ce ne serait certainement pas lui qui condamnerait Hannah pour ce qu’elle avait fait. De toutes façons, ce qui était fait était fait, et même Abyss ne pouvait rien contre ce fait. Cela lui rappela une de ses dernières entrevues avec le Père Kidan, à Muria, qui portait, à la grande surprise de Reyan à l’époque, sur le fait que même les Dieux n’étaient pas tout puissants. « Rappelle-toi toujours, lui disait le vieil homme, que même Abyss n’a aucun pouvoir face au temps. La puissance des Dieux est infinie, d’un soupir ils peuvent détruire une ville ou noyer un continent. Mais retiens bien ceci : si Abyss peut ressusciter un homme, s’il peut le faire des dizaines et des dizaines de fois de telle sorte qu’on croit l’homme immortel, rien, jamais rien ne pourra changer le fait que cet homme est mort par le passé. Tu comprends ? Un Dieu peut contrecarrer les caprices du Destin, mais ne pourra jamais réécrire ce qui a été fait. » Cette réflexion avait profondément choqué Reyan dans un premier temps, mais elle lui avait finalement permis de prendre un grand recul sur les choses, un recul dont certains grands prêtres semblaient cruellement manquer d’après le jeune Cydien. Sans prévenir, il toucha des doigts de sa main gauche (Reyan était gaucher) le front d’Hannah.

« Les larmes retournent à la mer, les erreurs retournent à l’amer, et tu retournes sur ta route en paix. Telle est la volonté d’Abyss. »

Il avait prononcé ces paroles de nombreuses fois depuis qu’il exerçait au temple, c’était le très joli verset qui devait clore chaque confession des fidèles. Par ces mots, Reyan était censé transmettre le pardon du Dieu des Mers, serviteur de la paix. Le fils d’Amazone se demanda si Hannah connaissait cette phrase, après tout elle avait bien fait semblant d’être une prêtresse pendant un temps.

Un sourire naquit au coin des lèvres de Reyan, un sourire très doux, lorsque la femme soldat le remercia. Le compliment lui allait droit au cœur, d’autant plus qu’il avait eu peur au début d’être un fardeau pour Hannah, plus expérimentée en matière de combat et de filatures en tout genre. Finalement, ils s’en étaient sortis et avaient atteint leur objectif. En revanche, le visage du prêtre afficha une certaine surprise à la réception de la dague ensanglantée dans son fourreau.

« Hannah, je ne peux pas… »

Mais elle semblait résolue. Extrêmement touché par le geste, Reyan ne put s’empêcher de serrer la jeune femme dans ses bras. Cela n’avait rien à voir avec leurs caresses feintes du début de la soirée, c’était cette fois une embrassade sincère où le Cydien tentait de véhiculer toute sa reconnaissance et, il fallait bien le dire, toute sa tendresse. Lorsqu’il l’eut relâchée, Reyan arborait de nouveau son air neutre, marqué toutefois par une certaine douceur.

« Tu trouveras toujours chez Abyss une personne à qui te confier. »

Habituellement, ce genre de phrase servait de publicité pour pousser les foules à rejoindre le culte d’Abyss. Mais Hannah saurait comprendre le véritable sens de ces paroles. Après un dernier regard entendu, le prêtre et le soldat surent qu’ils ne s’oublieraient pas. Reyan se tourna alors vers la jeune victime qui n’avait rien dit et n’avait fait qu’assister à l’échange. Elle lança au prêtre un regard presque craintif, avant de se laisser guider par celui-ci lorsqu’il proposa de la guider jusqu’à chez elle.

[HJ : Terminé pour moi. Merci encore pour cette mission !]