[FINI][FlashBack 154 F-H][D-P]Quand le hasard fait bien les choses [Ithilion & Elly (k)]

Par une journée tout juste née, dans de hauts plateaux verdoyants, alors qu’un soleil doux caressait les pâturages bruissants, une panthère galopait, l’allure rapide et la foulée leste : c’était Elly Sora.
Son pelage jaune cendré ruisselait entre les hautes herbes ; les oreilles redressées, la queue ondulante, le regard alerte.
Le vent frais de la montagne d’à côté lui transperçait les poumons en la revigorant, remplissait son corps d’oxygène pur et d’adrénaline. L’animal courait, aussi vite que cela lui était possible, les yeux fixés devant lui, les muscles bandés. C’était comme une poursuite, sans cible. Une traque à l’infini. Une soif intarissable.
Elly ne s’était jamais sentie aussi bien de toute son existence. Pour la première fois, elle se sentait vraiment vivante, abandonnée au plaisir de l’instant présent. Loins étaient les préoccupations habituelles, les mécaniques compliquées, et les sentiments douteux qui avaient pu habiter quelquefois Elly Sora. A cet instant présent, la jeune femme se sentait pousser des ailes, des ailes qui semblaient pouvoir la soulever jusqu’à l’infini. Elly se voyait forte, déterminée, invincible déjà ; comme si rien ne pouvait l’arrêter.
Paradoxalement pourtant, si la jeune femme semblait courir après son destin, elle était aussi en train de fuir. Derrière elle, la Nùa laissait beaucoup. Quatre ans d’existence, quatre ans d’épreuves et de déboires ; de conflits, de rage, d’incompréhension et de désespoir ; de joie, de sentiments, d’amitié et de compassion. Tout cela, elle le laissait de côté, rangé dans un coin douillet de son esprit, où elle pourrait retourner s’abriter les jours maussades, si jamais elle se sentait seule…

Cette cadence effrénée, Elly la tenait depuis quatre jours. Son dévouement n’y était pas étranger. Elle s’arrêtait rarement, mangeait peu souvent mais abondamment, ne dormait quasiment pas. Elle faisait au plus vite, dopée par l’atmosphère épurée des plateaux qu’elle traversait.
Son objectif, elle l’avait bien en tête, écrit en grosses lettres d’or : La Troupe.
Elle avait réussi à savoir où sa Confrérie se dirigeait, et avait décidé en tout état de cause qu’il était temps que l’assassin qu’elle était reprenne les affaires. Consciencieusement elle avait préparé son départ, et Elly se démenait.
Que ses compagnons lui manquaient… en fin de compte ! Jamais Elly n’aurait pu croire s’être autant attachée à ces saltimbanques auxquels elle ne parlait quasiment pas. Comme il lui manquait de voir les petites Miki & Maya jouer entre les roulottes ! Elles devaient être si grandes aujourd’hui… Comment peuvent-elles bien être ? Et la cuisinière, et ces satanés nains, et Sam. Sam… Jillian.
Jillian, comment allait-elle réagir ? Elly avait tant à lui dire : elle aurait aimé qu’elle sache à quel point elle lui avait manqué ; combien elle était heureuse de la revoir, et toutes ces choses qui lui étaient arrivé. Et puis il faudrait lui raconter tout, dans le moindre détail, jusqu’aux phrases exactes de certaines conversations. La Nùa redoutait déjà de parler de certaines choses… mais elle ne mentirait pas à Jillian, son amie. Elle n’en était pas capable.

Un millier de pensées traversait la crâne de la féline, comme des éclairs trop rapides pour qu’on ait vraiment le temps de les contempler : à peine arrivés qu’ils sont déjà évanouis.

C’est durant ces quelques heures de frénésie qu’une rencontre foooorrtement fortuite eut lieu.
Au détour d’une petite colline toute recouverte de fleurs jaunes comme des soleils, tandis que l’épais pelage d’Elly resplendissait sous le soleil de onze heures, l’animal, grâce à sa vue, perçut au loin une silhouette qui la remplit de bonheur.
Son cœur faillit sortir de sa poitrine tellement la surprise était grande et bonne. Son pas s’accéléra encore : elle était encore très loin. Impossible que l’homme l’ait déjà aperçue.
Elly courut, courut, comme jamais elle ne l’avait encore fait. Mille autres questions avaient pénétré son esprit désormais : que faisait-il là ? Où allait-il ? Comme avait-il pu ? … Est-ce que le destin existe ?

Déjà, elle en était plus proche, encore quelques mètres, et il ne pouvait plus la manquer… Peut-être même l’avait-il déjà vue. Un amalgame de joie, d’appréhension, et de timidité commença alors à lui enserrer les poumons. « Mais qu’est-ce que tu es en train de faire ?», lui susurrait une petite voix. » A quoi penses-tu ? »
L’excitation qui lui avait embrasé le cœur était retombée précipitamment dans son estomac. Avec lenteur, Elly Sora reprit forme humaine. Une crinière noire lui poussa bientôt, et fut remplacée par une traînée de cheveux noir de jais qui virevoltaient. Ses pattes velues s’allongèrent et formèrent bientôt des pieds blancs et propres ; et maintenant, c’n’était déjà plus une bête, mais une femme, Elly, la peau hâlée et frissonnante dans le vent frais.
Le sprint du félin avait été progressivement remplacé par une foulée légère, puis par une marche et enfin par un état d’immobilité. Droite, le menton relevé, les yeux ouverts et les bras ballants se tenait Elly Sora, ahanante, athlétique et puissante, sur un fond de nature verte.

L’homme se tenait devant elle, immobile lui aussi, le regard dans le sien. Elly hésitait : fallait-il qu’elle s’écoute, courre vers son ami et le serrer sincèrement ? Ou montrer son bonheur avec politesse et réserve ? Avec honnêteté et sans emportement.
Le dilemme était de taille. Il y a quatre ans, le choix aurait été facile à faire. Pas de doute, pas d’hésitation. Mais qu’en était-il aujourd’hui ? La saltimbanque avait-elle suffisamment évolué pour passer d’un extrême à un autre ?

A peine quelques secondes passèrent avant qu’un des deux protagonistes ne bouge.
Elly fut la première à avancer, d’un pas. Les herbes lui arrivaient jusqu’aux genoux. Sans empressement, avec maîtrise d’elle-même, et malgré l’émotion qui l’étreignait, Elly fit un grand pas vers l’homme qui lui faisait face.
Et alors, tandis que son œil noisette brillait juste un peu, de la même voix suave et englobante qu’auparavant, Elly Sora, le pouls battant la chamade, prononça un mot qui lui fit plus que plaisir :
Ithilion.

Malgré le danger qui l'attendait ici, Ithilion ne résistait pas à cette force invisible qui le ramenait à chaque fois dans les environs de Cydonia. Pourtant, plus rien ne le retenait dans ces environs depuis l'affaire thémis. Sa tête était fichée un peu partout avec une jolie solde à celui qui la récupérera. Rien de bien inquiétant. Disparaitre sans laisser de trace était devenu une seconde nature chez lui. Le cydien espérait seulement trouver la raison de son retour dans ces lieux, peut être alors cessera son tourment intérieur avant qu'il ne soit trop tard.

Le début de printemps venait d'éclore. Des milliers de fleurs s'épanouissaient dans les prairies des campagnes cydiennes, cajolées par un magnifique soleil et la caresse presque sensuelle du vent. Assit parmi les hautes-herbes, Ithilion profitait de cette instant de calme pour manger les quelques pommes ramassées dans un verger à proximité. Un sourire s'étala sur son visage. Un fait bien rare ces derniers temps. Cette saison magnifique, cette ambiance apaisante et splendide, ce temps radieux, toutes les conditions étaient réunies aujourd'hui pour soulager son esprit. La nature semblait enfin se soucier de lui, comme si elle voulait se faire pardonner de toutes les épreuves qu'elle lui avait fait endurer jusqu'à maintenant.
Soudain, ses sens restés en alerte lui indiquèrent la présence d'un arrivant au loin. Le fugitif se leva et porta une main au dessus de ses yeux pour ne pas être gêné par le soleil. L'inconnu semblait s'être figé et regardait dans sa direction. Une nouvelle épreuve Si c'était le cas, la personne possédait une très bonne vue pour l'avoir reconnu de si loin. Le mieux était d'attendre sa réaction. Jamais il n'aurait parié sur ce qu'il se passa ensuite. A peine eut-il le temps de comprendre que la panthère noir se trouvait déjà à une dizaine de mètres.
Toute crainte s'évapora au même instant. Cela semblait plutôt paradoxale, mais ce n'était pas la première fois qu'il rencontrait cette animale. Aucune raison de s'en méfier. Toujours immobile, son regard restait bloqué sur le félin en train de reprendre forme humaine. En face de lui se tenait à présent une jolie femme à la crinière noir jais et aux yeux noisettes pétillants de bonheur. Elly Sora. Tout son être explosait de joie devant cette rencontre plus qu' inattendue. Malheureusement, aucune expression n'arrivait à s'afficher, tout s'échouait pitoyablement contre l'immense voile noir immiscé en lui. Alors il resta la, immobile. Et attendit qu'elle s'avance.

Ithilion.

Lorsqu'elle prononça son nom, un déclic étrange se fit en lui. La voix d'Elly était chargée d'une telle intensité de plaisir, de joie, qu'elle remua toute la noirceur souillant l'âme du Cydien. A tel point, qu'une brèche s'ouvrit enfin dans ce voile infernale. Une larme perla au coin de l'oeil d'Ithilion. Rencontrant sa fausse jumelle peinte , elle dégringola lentement le long de sa joue. Bientôt suivit par d'autre. Ithilion ne réussit à refouler cette douleur interne qui le prenait soudainement et un flot de larmes coulaient de part et d'autre de son visage. L'homme fit un pas vers son amie et la prit, à sa grande surprise, dans ses bras à la recherche de réconfort. Aucune personne au monde ne l'avait un jour vu dans cet état. La folie le détruisait de l'intérieur. Il avait perdu son chemin, complètement perdu au milieu des ténèbres. Quelques mots de détresse quittèrent enfin sa bouche, dans un souffle de désespoirs :

-S'il te plait, aides moi !

Le temps semblait complètement suspendu. L'espace ne s'était restreint qu'a ces deux personnes enlacées l'une contre l'autre. Ithilion pleurait. Les larmes contenues en lui depuis des dizaines d'années trouvaient enfin la sortie. Mais surtout, ithilion pleurait car il savait qu'à cette vitesse, il ne lui resterait plus rien d'un moment à l'autre. Tout ce qu'il avait fait ces derniers mois ne lui ressemblait pas. Lui même se haïssait, et pourtant, il ne pouvait pas mourir. Pas avant d'avoir payé sa dette.
Si cette femme qu'il tenait dans ses bras arrivait à percer les murs érigés dans son esprit , peut être arriverait-elle à le guider sur son ancienne voie. C'était la raison pour laquelle il se confiait pleinement, confiant son sort à cette être qu'il adorait au plus profond de lui même.

Elly écarta les bras et Ithilion vint s'y engouffrer.
Tout s'était passé vite, sans trop de réflexion, et l'étreinte que les deux personnages échangeaient était profonde et sincère.
Pour Elly, c'était une première fois. Jamais elle n'avait enlacé qui que ce soit, et au départ la jeune femme était un peu crispée.

La tête d'Ithilion reposait au creux de sa nuque, la jeune femme sentait le souffle chaud de ses sanglots pénétrer son vêtement, et les larmes, comme des gouttes de pluie, tombaient du nez fin de l'homme en s'écrasant sur sa peau dont une odeur sucrée s'échappait.
Les deux bras de son ami l'enserraient de part et d'autre des flancs, ses mains, dont les doigts étaient écartés, exerçaient une pression sur le dos de la Nùa. Le torse d'Ithilion était agité de tremblements incontrôlés qui s'échouaient sur la poitrine d'Elly, laquelle était dans un état qu'elle ne connaissait pas.

C'était une chaleur, un feu intérieur qui envahissait la Nùa. Comme si, bien cachée depuis des années, une braise avait croît dans son bas-ventre, et qu'aujourd'hui elle s'enflammait, attisée par le geste d'Ithilion envers elle.
Un séisme d'émotions l'avait secouée, détruisant tout d'un coup toutes les protections dont Elly s'était parées jusqu'à présent. Bouleversée, surprise, émue, touchée, l'assassin lâcha prise et rendit avec autant d'intensité l'étreinte à Ithilion.

Ces dernières années avaient été éprouvantes. Tous les jours il avait fallu se battre, tous les jours il avait fallu s'accrocher, lutter contre soi-même, pour l'avenir. Fatigue, frustration, découragement avaient été lots quotidien; mais la solitude, l'acharnement, la difficulté, tout ce qui l'avait travaillée pendant des mois, à cet instant, Elly Sora les mettait de côté.
Elle fit tomber son masque de froideur habituel, et c'était comme si elle renaissait vraiment.

Elly pressa un peu plus Ithilion contre elle, posa ses petites mains aux ongles opales dans le dos de l'homme, et enfouit son visage dans la crinière bleue qui se présentait devant elle.
Ithilion avait un parfum étonnamment subtil qui l'engloba instantanément: il sentait la nature, la terre, la pierre et le bois. Il sentait le vivant, il sentait l'homme. Cette odeur délicate et unique, Elly en garda une petite fiole dans un coin de son esprit, pour s'y ressourcer de temps en temps.

Étrangement, c'était comme si leur enlacement était hors du temps et de l'espace. Comme si ces deux êtres, à ce moment-là, étaient en-dehors du monde qui les entourait, dans une sphère hermétique et indéfinissable qui les extrayait de la réalité.
Mentalement, Elly et Ithilion était loin de ce champ de fleurs jaunes, loin de ce paysage fantastique que la nature avait construit. Ils étaient ensemble, en symbiose, immobiles et ouverts.

L'homme lui avait demandé de l'aider, et Elly sans le savoir, en offrant tant d'elle-même à Ithilion, n'aurait pas pu faire mieux.
Leur échange était le scellement de leur amitié, la réunion de deux êtres différents mais qui, ensemble, s'unissaient parfaitement.
Les sanglots qui soulevaient par à-coups le torse du conteur se firent plus espacés, et une respiration lente et profonde remplaça bientôt les reniflements. On sentait Ithilion plus calme, apaisé et déchargé de ses angoisses.

Elly, blottie contre son ami, se ressourçait elle aussi. Ce n'était pas seulement Ithilion qui l'enlaçait, c'était un homme, une figure masculine qu'elle n'avait jamais connue. Paradoxalement, Elly se sentait fragile et vulnérable. Cela ne la dérangeait pas, car elle avait confiance en cet homme-là, mais la situation était inédite.

Sans qu'elle en prenne vraiment conscience, les doigts d'Elly pianotèrent le long de la colonne vertébrale du Cydien et vinrent s'arrêter au niveau des hanches de ce-dernier. La joue d'Elly se plaça au creux du cou d'Ithilion, ses cils papillonnaient dans la nuque masculine. Elle se pressa un peu plus contre ce corps d'homme qu'elle ne connaissait pas, invitant Ithilion à l'étreindre un peu plus encore.

Que se passait-il? Elly n'en avait pas la moindre idée.
Tous ses sens étaient troublés, emportés dans un tourbillonnement d'exaltation incompréhensible et délirant.
Une chaleur ardente l'habitait tout entière. Fougue, frénésie, feu et foudre l'assaillaient. L'esprit embrouillé, le coeur emballé aussi, Elly se sentait vivre dans cette embrassade, elle se sentait vivante et elle se sentait femme.
Gouvernée par ses envies, la jeune femme se laissa aller à tourner les yeux vers Ithilion.
Les yeux noisette de la Nùa plongèrent dans le regard bleu et infini du Cydien, dont l'expression traduisait l'état de griserie dans lequel lui aussi se trouvait.
Elly regarda attentivement son ami: son front lisse, sa peau blanche et laiteuse, ses cils encore humides, cette petite larme tatouée sous l'oeil, ses lèvres roses... Les quatre dernières années avaient laissé des traces sur ce visage, l'avaient doté d'une expression un peu lasse et impénétrable. Mais qui était-il en réalité? L'azur des yeux d'Ithilion était au moins aussi profond que l'océan de mystères qu'il recelait.

Sans que cette oeillade s'interrompe, la main d'Elly vint trouver celle d'Ithilion. Les doigts fins de la jeune femme se posèrent sur les paumes douces de l'homme, avant de s'immiscer entre ses phalanges. Elle attira cette main vers elle, la posa sur son épaule. Quelle drôle de sensation que celle d'une autre main que la sienne sur son corps. Une vague déferlant de l'épicentre jusqu'au coeur.
Elly ferma les paupières, rompant ainsi la connexion qui s'était installée entre les deux êtres, pencha la tête, et l'approcha doucement de celle d'Ithilion.
La respiration retenue, Elly s'approcha encore un peu plus, doucement, dans un temps qui semblait suspendu.

Tandis que sa bouche ronde et sucrée entrait en contact avec les lèvres salées du conteur, la main de celui-ci descendit voluptueusement le long du bras d'Elly Sora, qui, pour l'heure, n'était plus qu'une femme...

Son coeur battait si vite et si fort,qu'Ithilion eut l'impression qu'il allait sortir de sa poitrine.Jamais au cours de toute son existence, il n'avait ressenti une vibration aussi violente se saisir de lui. Et pourtant,cela ne lui faisait pas mal, au contraire, il avait l'impression que plus rien ne pouvait l'atteindre. Le temps, l'espace, l'univers entier s'étaient figés pour contempler ces deux corps enlacés.

Une étreinte silencieuse, mais un échange si intense se dégageait des deux personnages. Sa tête enfouie dans la longue crinière noir de la Nua, Ithilion vidait à travers chaque larmes toute sa rancoeur, toute sa fureur, ses remords. Les bras d'Elly se resserrèrent un peu plus autour de son dos, cette simple pression ébranla toutes ses émotions. Le contact de ses doigts fins mais puissants sous ses omoplates créa un frisson le long de son échine.

Jamais il n'avait ressenti une sensation aussi forte au près d'une femme. Pourtant, depuis sa première rencontre, l'aura d'elly n'avait cessé de l'envouter à chacune de leurs altercations. Sa personnalité si paradoxale, si énigmatique attisait en lui un désir non explicable par de simples mots. Mais à l'instant présent, serré l'un contre l'autre, toute la considération qu'il portait à la nua se retranscrivait par ces simples gestes tendres, par cet simple accord de confiance offert sans hésitation.
Les mains d'elly glissèrent malicieusement le long de son dos pour s'arrêter au niveau de ses hanches. Son menton vint se loger délicatement sur son épaule. Son souffle chaud caressa la peau de son cou avec douceur. Une odeur fraiche, mélange de menthe et de forêt, envahit subitement ses narines enivrant son esprit sur le champs.
Son regard noyé de chagrin se perdit dans le tourbillon de bonheur couleur noisette qu'elle lui offrait avec plaisir . Comme si elle était prête à l'accueillir au plus profond d'elle même pour qu'il puisse y soigner ses douleurs, épurer son esprit noirci par la folie, pour l'avoir au plus prêt d'elle jusqu'au bout des temps.
Les lèvres de la nua frôlèrent les siennes. Ne bronchant pas, il ferma les yeux pour graver dans sa mémoire de manière indélébile ce moment inoubliable.

Ses lèvres se plaquèrent contre les siennes, scellant définitivement l'union entre ces deux êtres. Sa main droite descendit le long du bras de la saltimbanque, puis se logea à sa taille pour la déposer délicatement sur le confortable lit de fleurs jaunes et d'herbes fraiches. Son autre main jouait avec la longue crinière noir avant de glisser sensuelle jusqu'à son cou. Le baisé était interminable. Passionné. Le coeur d'Ithilion cognait de plus en plus fort. L'image d'elly et la passion qu'il éprouvait pour elle occupaient toutes ses pensées. L'air qu'il respirait sentait Elly, ses yeux ne voyaient qu'Elly, son âme vibrait Elly.
Soudain, un nouveau désir s'immisça en lui. Plus intense. Plus exaltant. Il revit en souvenir le dos pâle de la Nua dans lequel un éclat lumineux se reflétaient dans ses yeux. Ses doigts eurent soif de plus de sensations, de sentir à quel point la peau de cette femme était si douce. Ce désir s'embrasa, devenant plus pressant. Il voulait sentir la chaleur de ce corps parfait contre lui sans aucun obstacle.
Alors que sa main commençait à dégrafer avec ardeur les premiers boutons du veston de sa moitié, l'embrassade devenait de plus en plus endiablé. Elly tenta de le repousser gentiment pour calmer le jeu, mais le cydien la plaqua fermement au niveau du haut de la poitrine tandis qu'il se dévêtait pour se retrouver torse nu. Ses mouvements étaient sortie de la simple passion, plus bestiaux, brutaux, son esprit bouillonnait d'une hystérie qui n'attendait qu'une seule chose : se satisfaire avec une relation plus charnel. Et plus sa proie se débattait, plus cela l’excitait terriblement. L'entendre hurler serait une agréable symphonie, presque jouissif à ses oreilles. Prise à la gorge, la pauvre Elly commençait à suffoquer par la poigne de fer qui l'entravait. Malgré sa force, sa position ne lui permettait pas de se débattre suffisamment pour pouvoir se défaire de son assaillant. Le veston se retrouva à voltiger à une dizaine de mètres, laissant apparaitre la généreuse poitrine nue de cette sublime vénus.

-ASSEZ !!

Le cri déchira l'air dans un immense désespoir. Au milieu du tumulte chaotique régnant à l'intérieur de lui, Ithilion avait réussi à repousser cette bête immonde avant qu'elle ne cause trop de ravage. Cette explosion d'émotions avait réduit toutes ses résistances à néant, le barbarisme sommeillant en lui venait à nouveau de prendre le déçu à son insu.
Dégoutée par l'attitude qu'il venait d'adopter, il s'éloigna d'Elly de quelques bons mètre en la fixant avec un regard abattu, à la limite de la terreur. Un son rocailleux s’échappa de ses lèvres lorsqu'il voulut s'excuser :

-Pardonnes moi elly ! Vraiment pardonnes moi ! Je...C'est ce que j'essayais de t'expliquer tout à l heure. J’aurais du te prévenir, t'empêcher de...ces derniers temps, je ne suis plus moi. Pardonnes moi..

A chaque crise, son âme se retrouvait détruite, émiettée. Personne n'aurait pu reconnaitre Ithilion dans un tel état. Totalement effrayé, ayant perdu toute confiance en lui, les émotions qu'il ressentait se lisaient sur son visage comme dans un livre ouvert. Alors que sa vie venait de prendre un des tournants les plus importants, voici que le destin lui pourrissait misérablement toute chance de salut. A cause de ce mal, il risquait de perdre la personne sans doute la plus importante pour lui à présent. Au file du temps, la situation lui échappait d'avantage.
Soucieux de l'état d'Elly, il se précipita pour la recouvrir de son manteau, tout en étant conscient qu'elle pouvait le tuer à tout moment. Ithilion préféra prendre le risque car il tenait à se faire pardonner. Et par dessus tout, il refusait de la perdre. Pas elle.

Elly Sora se laissa aller à la volupté de l'instant présent, à cet étrange plaisir, si différent de ce qu'elle en connaissait jusqu'alors.
Comment un baiser pouvait-il faire chavirer un coeur aussi endurci que celui de la Nùa? La réponse n'est pas simple... mais ce baiser, dans tous les cas, fut pour Elly une révélation.

C'était une autre dimension qu'elle entrevoyait par cet échange si intime: sa vie d'avant, sa convalescence, sa solitude... Elly se dit qu'elle aurait pu les vivre autrement si elle avait su ce qu'était le réel plaisir.
L'assassin ne connaissait que la jouissance par le meurtre, le sang, les cris et la torture. L'exaltation qu'elle en retirait lui avait toujours paru normale et exceptionnellement satisfaisante... Mais ça, le désir, c'était tout autre chose.
Le désir prenait aux tripes, tordait l'estomac, accélérait le coeur, dévissait la tête; il faisait naître chez les individus un tout autre instinct, bien moins criminel que les autres, mais tout aussi bestial.
Les mains d'Ithilion exploraient son corps avec douceur, et le coeur d'Elly était sur le point d'exploser de tant de caresses mais pourtant, il en voulait plus.
Elly vint saisir le visage de son amant, comme pour le posséder un peu plus. Elle fit glisser ses ongles pointus sur la nuque de l'homme, et sentir la peau de ce-dernier qui frémissait la rendait plus joyeuse encore. Ses mains descendirent dans son cou, puis son torse et, coquines, elles se glissèrent sous le justaucorps.
La dernière fois qu'Ithilion et Elly s'étaient vus, la Nùa était alitée, tout juste sortie des abysses de l'inconscience, affaiblie physiquement et psychiquement. Depuis, tant de choses avaient passé... Tant d'épreuves avaient dû être surmontées, et ils avaient été seuls, toujours seuls. Aujourd'hui, par cette étreinte, les deux amis -devenus amants- extériorisaient tout ce qu'ils avaient accumulé de frustration et de privations. Ils étaient deux, ils étaient autres.

La ronde dans laquelle ils étaient entrés s'accéléra un peu plus. Les baisers d'Ithilion se firent plus vifs, ses gestes moins doux, sa respiration se saccada.
Elly, emportée par tant de langueur, ne s'aperçut d'abord pas du changement d'attitude de son partenaire. Mais bientôt, la jeune femme se sentit un peu brusquée par tant d'impétuosité. Elle essaya de calmer un peu les ardeurs de son amant, mais ce-dernier devint plus rude. Il dégrafait avec empressement le vêtement d'Elly qui, à présent, sentait son plaisir se glacer.
Elle décolla sa bouche de celle d'Ithilion, et elle vit dans les yeux de l'homme une expression qu'elle ne lui connaissait pas. Son iris ne pétillait plus et paraissait froid. Son attitude n'était plus celle de l'homme passionné, prêt à se donner, mais celui d'une homme ferme, prêt à prendre.

Avant même qu'Elly n'ait pu se rendre compte du changement qui s'était opéré chez son ami, qu'elle se retrouvait déjà poitrine nue, dos contre terre. Il n'était plus question d'amour, il n'était plus question de passion. Ithilion la surplombait, assis à califourchon sur elle et il l'étranglait.
Désappointée, la jeune femme ne pouvait rien faire. Quelques secondes auparavant, elle avait la tête dans les étoiles, et maintenant, la réalité l'aurait fait cauchemarder.
Ithilion affichait une expression de démence, il ne semblait même pas reconnaître Elly, qui agitait les bras sans grande force.
Pourquoi n'arrivait-elle pas à se défendre? Et quelle était cette peur qu'elle ressentait, cette honte, cette impression de déjà-vu?
La jeune femme gémissait tandis qu'elle tentait vainement de bouger. Normalement, elle aurait dû se débarrasser facilement d'un homme de la corpulence d'Ithilion. Mais elle était paralysée, complètement déstabilisée par ce qu'il se passait.
Elle ferma les yeux très fort pour ne pas voir et à ce moment-là revinrent à son esprit des souvenirs qu'elle avait depuis longtemps refoulés...

Elle revit un décor sombre et silencieux, une petite salle étroite tout dallée de pierres grises. Elle sentit une odeur gravée dans sa mémoire, mélange de moisi, de nourriture et d'humidité. Elle ressentait l'angoisse qui l'étreignait à l'époque, cette peur de tout, cette fragilité dont elle était victime. Et puis, elle revit cet homme, grand, barbu, bronzé, gros et dégoûtant; elle entendit presque son rire explosif qui rebondissait sur les murs de la pièce. Depuis combien de temps n'y avait-elle pas songé? Depuis combien de temps ne s'était-elle pas souvenu de son maître?

Elly avait été enlevée tandis qu'elle était enfant, et vendue à une riche famille Almer qui possédait une propriété immense dans Ptot Tàh. De sa captivité, la jeune femme ne conservait pas de souvenirs, si ce n'est de brefs aperçus estompés par les annés.
Mais les agissements d'Ithilion avaient changé la donne: elle se rappelait de son histoire, elle se rappelait d'où venait cette haine empoisonnée qui emplissait son coeur.

ASSEZ !! Elly rouvrit les yeux, et regarda l'homme aux cheveux bleus prendre de la distance.
Toute trace de désir s'était évanouie par cet incident, remplacée par une frustration innommable. Les larmes coulaient abondamment des yeux noisette de la Nùa qui, comme l'enfant qu'elle avait jadis été, se tenait recroquevillée, la tête enfouie entre ses genoux qui cachaient ses deux seins ronds. Elle ne regardait pas Ithilion, elle n'osait plus, obnubilée et choquée par les réminiscences qui s'étaient imposés à elle. C'était comme si elle revivait l'un des pires moments de son existence. La peur, la honte, le dénuement, l'incompréhension ébranlaient l'âme d'Elly.

Pardonne-moi Elly! Vraiment, pardonne-moi! Je... C'est ce que j'essayais de t'expliquer tout à l'heure. J'aurais dû te prévenir, t'empêcher de... ces derniers temps, je ne suis plus moi. Pardonne-moi..

Elly ne répondit rien. Immobile, le vent agitait ses cheveux noirs et rencontraient sa peau nue qui frémissait.
Que dire? Un dégoût l'envahissait... Un dégoût d'elle-même. Pour l'heure, Elly se sentait sale, comme si tout ce qu'elle avait subi enfant resurgissait et l'engloutissait. Petite, faible et à nouveau seule... Voilà comment elle se percevait pour l’heure.

Pardonne-moi… La voix d’Ithilion résonna dans la tête d’Elly, quelques minutes après que l’homme eut prononcé ces mots.
Pardonner… Quelle idée ! Comment pardonner pareille ignominie ? Le dégoût, aussi vite qu’il était apparu, se mua en rage. Une rage bouillonnante, sans but, qui lui serrait le cœur et les intestins comme dans un étau. Son ressentiment enflait, enflait, tant et si bien que les mains d’Elly ne mirent à trembler.
Elle entendit Ithilion avancer vers elle, et automatiquement, sans même réfléchir, alors que l’homme n’allait en réalité que lui tendre de quoi se couvrir, Elly Sora le regard animal, pupille rétractée, se dégagea de sa portée, mit Ithilion à terre et se plaça à califourchon sur lui, comme lui-même l’avait fait quelques instants plus tôt. Sous la gorge de son ami, l’assassin avait placé le poignard rubicond dont elle ne se séparait jamais.
Les larmes ne coulaient plus de son regard noisette, et son œil avait retrouvé la froideur de tous les jours.
Ithilion n’essaya pas de bouger, de toute manière il n’en avait pas les moyens. Elly, poitrine découverte toujours, se pencha à l’oreille du Cydien et articula, la voix tremblante de colère:
Sais-tu où j’ai eu ce poignard ? Je ne pense pas te l’avoir déjà dit… Elle marqua une pause ; le torse nu d’Ithilion touchait sa poitrine nue elle aussi, leurs cœurs battant se touchaient presque. J’ai pris cette arme dans la maison où je servais étant jeune. J’étais esclave, j’étais enfant ! … Et j’étais abusée ! Les larmes recommencèrent à rouler des yeux d’Elly, parler de ces évènements était une épreuve de taille. J’étais enfant ! Ithilion !, reprit-elle, la voix cassée par les sanglots. La tension de l’arme sur la gorge du conteur se relâcha très légèrement. Sais-tu ce que j’ai fais pour m’échapper de cet enfer ?! Je les ai tués ! J’ai tué ce porc d’Almer, sa femme, et ses enfants aussi ! Tandis qu’elle parlait, Elly sentait un poids se détacher d’elle. Le poignard rouge pendait dans sa main, et Ithilion –hors de danger- ne bougeait pas. Pourquoi, Ithilion ? Pourquoi as-tu fait ça ? Je... j'ai tellement honte! Elly s'affaissa leur le corps du Cydien. On eût dit une étreinte charnelle, celle de deux amants assouvis, et pourtant...
Ithilion... chuchota la demoiselle avant de se redresser. Elle riva son regard sur son ami, et le regarda.
Il la regardait aussi, et les larmes coulaient des yeux du conteur, tout comme elles coulaient de ceux de la saltimbanque.
Il semblait si fatigué, si triste... Il y avait tellement d'émotions dans cet échange que les deux personnages n'avaient pas besoin de parler pour comprendre qu'ils étaient unis au-delà de ce qu'ils pensaient. Chacun d'eux songeait aux années passées, à ce qu'ils avaient fait et ce qu'ils auraient dû faire... et à ce qui les attendait encore...

Parle-moi. Ces deux mots qu'Elly adressait à Ithilion étaient chargés de sens. Non seulement c'était comme accepter les excuses du Cydien, mais c'était aussi l'inviter à se confier.
Ithilion en avait vraiment besoin.

Avant même qu'il ait pu justifier son action, prise de panique, Elly prit les devant et se jeta sur lui pour le clouer sur le sol. Contre sa gorge, il sentit le fil tranchant du poignard de son amie, aussi froid que le regard assassin qu'elle lui portait. A cet instant, Ithilion comprit deux choses : D'une, sa vie ne tenait maintenant plus que de la raison de la saltimbanque. Deux, il venait de perdre une personne très importante pour lui et c'était surement ce qui lui faisait le plus mal. Mourir ne le gênait pas, cela pouvait même être la solution à ses problèmes après tout. Ainsi, son mal ne pourrait plus perpétrer des actions aussi horrible à l'aide de son propre corps. Il n'aurait plus à souffrir de se réveiller avec les mains rouges de sang, fixés par des regards chargés de haine, de tristesse ou de peur.
Le visage d'Elly se crispa soudainement, elle se pencha au niveau de son oreille et lui demanda d'une voix tremblante de colère :

Sais-tu où j’ai eu ce poignard ? Je ne pense pas te l’avoir déjà dit…

Ithilion ne répondit rien. Son esprit se perdait dans l'immense océan bleu au dessus de lui, tenu en laisse par les paroles tranchante de son amie.

J’ai pris cette arme dans la maison où je servais étant jeune. J’étais esclave, j’étais enfant ! … Et j’étais abusée !

Sur son torse nu, il sentit deux gouttes humides s'échouer sur sa peau. La voix d'Elly venait de tressaillir au rappel de ces durs souvenirs. Comme un appel irrésistible, Ithilion aurait voulu la prendre dans ses bras, la consoler, lui chasser tout ces souvenirs qui la torturait, toutefois à cause de sa folie, il ne pouvait maintenant plus que jouer le rôle d'un simple spectateur impuissant.

J’étais enfant ! Ithilion !, Sais-tu ce que j’ai fais pour m’échapper de cet enfer ?! Je les ai tués ! J’ai tué ce porc d’Almer, sa femme, et ses enfants aussi ! !

La pression de l'arme se relâcha petit à petit pour n'être plus qu'un mauvais souvenir. Mais les prochains mots d'Elly se fichèrent dans son coeur aussi impitoyablement que l'aurait fait son poignard rouge.

Pourquoi, Ithilion ? Pourquoi as-tu fait ça ? Je... j'ai tellement honte!

Fatiguée, elle s'écroula sur lui en sanglots. Leur deux corps et leur deux esprits ne formaient presque plus qu'un seul et même être. Deux moitiés dépendantes l'une de l'autre pour pouvoir tenir le coup sur les sentiers difficiles et étroits de ce monde.

Ithilion...L'appela t-elle dans un souffle.

Elly se redressa délicatement puis plongea à nous son regard noisette dans le sien :

Parle-moi

Ces deux mots déferlèrent en lui en un frisson embaumant. La jeune femme venait à la fois de lui donner une occasion de se racheter et de regagner sa confiance en ce livrant à elle, comme elle venait de se livrer à lui.
Toutefois comment lui expliquer ? Cette chose en lui s'était incrustée sans raison, et pourtant elle était la, Impitoyable, pernicieuse, destructrice.

-Je...peina t-il a commencer à cause de la déferlante d'émotions formé dans son esprit. C'est ce que j'ai essayé de te dire. Depuis quelques temps, je ne suis plus moi même.

Phrase complètement inutile, surtout aux yeux de son amie qui s'en était bien rendu compte par elle même, mais Ithilion ne savait pas par quel point démarrer sa longue explication.

-La dernière fois que je t'avais vu, reprit-il avec un peu plus de confiance dans ses mots. C'était à Tamawa, le jour de ta renaissance suite à ta grave blessure. Juste après, je suis partie en Silmarie.

Tout en se confiant, le Cydien sentit le besoin irrésistible de sentir à nouveau la peau chaude d'Elly contre la sienne, il l'enveloppa de ses bras pour l'attirer doucement contre lui. Le souffle chaud de la saltimbanque contre son cou le rassura et lui permit de s'ouvrir complètement :

- Pour ça...

D'un simple claquement de doigt, il fit naitre l'illusion porté par le son. Sous les yeux de son amie, une farandole de feu-follets sortis de nulle part dansèrent dans un ballet complètement anarchique.

-Ceci n'est qu'une infime possibilité de ce que j'ai découvert en m'enfermant dans une grotte des collines brumeuses, lui expliqua l'illusionniste. J y ai passé trois ans de ma vie, sans presque sortir, à fouiller les fins fonds de l'esprit pour en sortir les arcanes de la frontière entre le réel et l'imaginaire.

Le ton de sa voix était chargé à la fois de bonheur et de regret. Les centaines de petits ectoplasmes commencèrent à se rapprocher pour former un tourbillon de lumières multicolores.

-Trois de ma vie pour atteindre mon rêve le plus fou. L'art nait du génie, du travail et de l'imagination. Je voulais pousser mon art au plus haut niveau. Malheureusement, en voulant voler trop haut, je me suis brulé les ailes...

A l'évocation de ce moment sombre de sa vie, son coeur se remit à cogner de plus en plus fort. Une sensation plutot étrange le saisit violemment aux tripes. Une image resurgit des limbes de son esprit; le corps d'Elionne, inerte, baignant dans une flaque à la couleur sombre. Sa main droite fut prit d'un spasme.

-"Quelquechose"...c'est immiscé en moi. Ces paroles n'étaient plus qu'un murmure dépourvu de toute chaleur. Je ne sais pas quoi exactement. Un grain de folie qui m'a contaminé et que je n'arrive pas à détruire. Cela peut se déclencher à tout moment comme tu as pu le constaté. Et moi je suis la, impuissante, je me réveille seulement pour constater l'étendu des dégâts. Et pourtant, ce sont bien mes mains qui ont agis, ma tête qui a réfléchit, mes pieds qui se sont déplacés jusqu'au lieu du crime....

Au même moment, toutes les lueurs flottantes s’estompèrent subitement dans une mystérieuse lueur rouge.

-Malheureusement c'est tout ce que j'ai à t'offrir comme explication. Tout simplement car il y en a pas d'autre...Tu n'imagines pas combien c'est dur pour moi de vivre une telle situation. L'homme ne se rend t compte de quelquechose qu' une fois qu'il l'a perdu....Cela faillit être mon cas aujourd’hui hui. Tu es sans doute l'une des personnes qui m'est le plus cher, Elly. Je t'en supplie, ne me lâche pas...

Les mains d'ithilion se resserrèrent autour des hanches de la jeune femme. Il s'accrochait à elle, comme il tenait de se raccrocher à la vie. De ne pas se laisser engloutir par les eaux sombres qui montaient à l'intérieur de lui. Elle était à présent sa bouée de sauvetage, si elle décidait de l abandonner ( à juste titre), alors il ne lui resterait plus qu'à sombrer...

C'était une étrange impression que celle qui habitait Elly Sora à cet instant.
Elle ne se reconnaissait pas: d'ordinaire si indifférente, si circonspecte, voilà qu'à présent elle ne savait plus ce qu'elle voulait, qui elle était, ce qu'elle faisait, et qu'en un laps de temps record, elle avait découvert une palette de sentiments jusqu'alors insoupçonnés.

Parle-moi, avait-elle dit. La confusion dans laquelle elle se trouvait était telle qu'il fallait qu'Ithilion prenne la parole, qu'il l'éclaircisse. La jeune femme n'avait pas l'habitude des longs discours, des explications sans fin, des plaidoyers interminables: elle, elle agissait, c'était tout; et elle avait l'impression de se noyer dans un épais flot d'incompréhension qui la submergeait.

Je..., commença le Cydien après quelques secondes de silence.
Lui aussi avait du mal à comprendre ce qu'il se passait, cela se voyait dans ses yeux qui évitaient ceux de la Nùa. C'est ce que j'essayais de dire. Ces derniers temps, je ne suis plus moi-même. Sa voix, habituellement claire et chantante, paraissait faiblarde, incertaine. Elly scrutait les traits de son visage, et elle y vit la fatigue, la morosité. Son teint semblait plus gris, son oeil avait perdu la lueur taquine qui faisait autrefois flamboyer l'iris bleu. Mais qu'était-il arrivé au bel anecdotier ces dernières années?

Les mains d'Ithilion reposaient sur les hanches nues de la Saltimbanque, et tandis que ce dernier reprenait sa narration, Elly sentit qu'elles glissaient vers le haut, l'invitant à une embrassade. Pas de résistance de la part de la jeune femme: elle avait au moins autant besoin de cette étreinte que le Cydien.
Le contact de leurs peaux la fit frissonner à nouveau, une vague diffuse de bien-être la traversa. Elle ferma les yeux, se concentra sur la prosodie devenue plus assurée de son ami, sur ses mains qui la touchaient, sur le va-et-vient régulier de sa respiration. Les doigts du conteur vint effleurer la plaque de métal incrustée dans le dos de la jeune femme, mais l'homme ne parut pas y prêter attention, et Elly sourit intérieurement.

Pour ça... Une des mains de l'ami quitta le dos de la Nùa, et vint claquer des doigts tout près du visage de la jeune femme. Ce qui se passa lui fit tout oublier pendant une seconde.
C'étaient des petites flammes qui flottaient devant son regard. Elles flottaient. Dans les airs. Vraiment.

Comment?... Elly ne put en dire plus, elle restait coite devant ce sortilège, né des doigts de celui qu'elle avait entre les jambes.
Ithilion reprit la parole, et tandis qu'il expliquait ce à quoi il avait employé les trois dernières années de son existence, Elly ne pouvait quitter du regard les flammèches virevoltantes, qui s'animaient au rythme de la voix de leur créateur. Ainsi, il était resté 3 ans tapis, occupé à repousser les limites du possible.
Elly connaissait la faculté d'illusion de son amie pour avoir pu constater son efficacité lors d'une bagarre à Ptot Tàh mais... ça? C'était invraisemblable.
La saltimbanque ne soupçonnait pas son étendue, mais elle comprenait comme ce pouvoir pouvait susciter l'exaltation, et l'obnubilation. Cette capacité ouvrait mille et une porte jusqu'alors verrouillées à double-tour. Manipulation, mensonge, création... Ithilion, doté de ces capacités, devenait presque un dieu.

Malheureusement, en voulant voler trop haut, je me suis brulé les ailes...

Rien d'étonnant à cela: jamais la Nature ne donnait sans retour.
Elly sentit le corps d'Ithilion se raidir un peu, et tandis qu'un tourbillon de bluettes se formait et s’accélérait dans une ronde insensée, le ton du conteur se teinta de sérieux. Elly se blottit un peu plus contre Ithilion.
La folie?
En allant chercher trop loin, c'était elle que l'illusionniste avait trouvée. Avec ce mobile, tout s'expliquait. L'agressivité subite, cette non-reconnaissance de la jeune femme, ce repenti aussi subit, cet appel de détresse qui émanait du Cydien.

Elly comprenait Ithilion maintenant, pour avoir eu elle-même des crises, ou une irrépressible envie de violence la prenait. Combien de fois ne lui était-il pas arrivé de tuer alors que cela n'était pas nécessaire, de mutiler pour le plaisir ou de torturer plus que de raison? Ne s'était-elle pas déjà réveillée, après des nuits entières passées à boire, avec un âcre goût de sang dans la bouche et des chairs sous les ongles?

La magie de l'illusion s'éteignit, et Elly eu un pincement au coeur: cette fichue maladie était tenace... et contrairement à ce que croyait Ithilion, elle comprenait si bien quel était ce "quelque chose" dont son ami parlait.
La Nùa avait toujours vécu avec cette part un peu folle d'elle-même. Parfois, elle lui avait permis de survivre; parfois, elle l'avait plus que desservie. Après son affranchissement, les épisodes de délire avaient été fréquents. Quand elle entra au service de Jillian, ceux-ci commencèrent à s'espacer, resurgissant parfois aux moments les plus critiques. Maintenant qu'elle y repensait, elle ne croyait pas avoir eu à nouveau de perte de contrôle depuis qu'elle avait retrouvé Sfriedwick dans un piteux état... et encore moins depuis la mort du clown.

Tu es sans doute l'une des personnes qui m'est le plus cher, Elly. Je t'en supplie, ne me lâche pas...

Le silence s'installa à nouveau entre les deux personnages. Elly regarda devant elle quelques secondes, le champ de fleurs jaunes les entourait toujours, faisant une ceinture embaumante et protectrice.
Au bout d'une minute peut-être, la Nùa redressa un peu la tête, cambra le dos, et vint ficher ses yeux dans ceux de son ami, sans que le fait d'être à moitié nue semblât gêner la dame.
A l'exception des épaules, tout son buste reposait sur Ithilion, dont le regard resta fixe, malgré le décolleté plongeant qui s'offraient à sa vue. Il serrait la taille de son amie avec ferveur.

Elly voyait la détresse émaner de la pupille bleu océan. A quoi pensait-elle? Peut-être la Nùa ressentait avec exactitude le trouble qui agitait son ami, qu'elle voulait, d'une manière ou d'une autre, apaiser ses angoisses.
Doucement, la jeune femme approcha sa main du visage d'Ithilion. Sa paume vint effleurer la joue pâle du Cydien dans un lent mouvement d'aller et retour. Elle laissa ensuite ses doigts se promener sur la figure masculine: c'était comme si elle suivait un sentier qui serpentait en passant par les tempes, le front, le nez, les sourcils, le menton.
Ce faisant, Elly sentait les membres d'Ithilion se détendre, sa respiration se faisait plus profonde, il paraissait plus apaisé.

Regarde-toi... Penses-tu vraiment que je pourrais t'abandonner? chuchota Elly, en reposant sa main baladeuse sur l'épaule de son ami.
Et à cet instant, pour la première fois depuis des lunes, un sourire tendre et sincère éclaira la face de la Nùa.
Lorsqu'elle souriait, c'était toute sa physionomie qui changeait: on eût dit une autre personne. Ses yeux pétillaient, des fossettes creusaient le haut de ses joues, et son teint hâlé resplendissait, comme éclairé de mille feux.

Sans plus réfléchir, elle vint déposer sur les lèvres d'Ithilion un baiser d'une infinie tendresse. Elle se redressa ensuite, reprenant sa position à califourchon initiale, avant de saisir son justaucorps à bout de bras et de l'enfiler habilement.
Et maintenant, qu'allaient-ils faire?

Les douces caresses glissant le long de son visage eurent un effet apaisant sur le Cydien. Tout ses muscles se détendirent, obéissant docilement aux ordres des doigts délicats d'Elly à leurs passages. Un murmure s'échappa de la bouche de son amie pour s'envoler jusqu’à lui, un message remplie de sentiments, porteur d'une promesse entre ces deux êtres :

Regarde-toi... Penses-tu vraiment que je pourrais t'abandonner ?

Le sourire qui illumina ensuite son visage valait aux yeux d'Ithilion tout l'or du monde. Une toute autre personne se tenait à présent dans ses bras, pas la Elly froide et calculatrice dont il avait l'habitude, mais une femme aux anges qui profitait enfin des véritables arcanes de la vie.
Les lèvres d'Elly se plaquèrent fougueusement contre les siennes pour un long baiser chargé de toutes les émotions pétillantes qui la traversaient en ce moment même.
Puis elle se redressa, toujours assise à califourchon sur son torse, sans se détacher de son regard, elle attendait la suite. Quelle suite ? Tandis que la Saltimbanque renfila rapidement son justaucorps, Ithilion se redressa doucement pour se mettre à hauteur. L'envi irrésistible de l'embrasser à nouveau lui brula les lèvres, mais la peur de perdre une nouvelle fois le contrôle le retint aussi surement qu'une laisse.

-Ecoute elly...commença t-il sur un ton mal assuré. Pour le moment, j'ai une affaire urgente à régler....Et je sais que tu tiens à ta liberté plus que tout. C'est pour ça que je ne te suivrais pas ce soir... Mais je viens de me rendre compte que j'avais besoin de te voir et besoin de ta présence pour pouvoir vivre pleinement. Que dirais-tu de se retrouver une fois mon affaire terminé ? Et peut etre envisager...un futur ..à deux ?

Pour la premiere fois de son existence, Ithilion se lançait dans une voie jamais explorée, tête baissée sans avoir tâté le terrain. L'idée de vivre au dépend d'une personne le répugnait encore le matin même, et pourtant maintenant, il n'avait plus qu'une seule envie : partager sa vie avec cette femme qui le comprenait mieux que quiconque. Malgré le peu de temps passé ensemble. Bien qu'il ne pouvait pas tout lacher pour l'instant, il voulait s'assurer des intentions d'Elly, afin d'éviter tout faux espoirs. Son coeur s'emballait à toute allure en attendant la réponse décisive de la part de son amie.

Quel merveilleux hasard que d'avoir croisé Ithilion dans cette campagne sereine. Finalement la destinée devait exister, et chaque être avait un chemin qui lui fallait prendre et poursuivre jusqu'au bout, malgré les pièges.
Celui d'Elly avait croisé celui d'Ithilion, et désormais ils emprunteraient le même, côte à côte.

Le soleil avait monté dans le ciel: il réchauffait l'air et faisait briller les fleurs jaunes tout autour, libérant dans l'air un milliard d'odeurs délicieuses. Il n'y avait rien, personne aux alentours, et les deux êtres étaient comme seuls au monde dans une prairie infinie, dans une parenthèse de félicité.
Elly ne pensait plus à rejoindre La Troupe; tous les kilomètres qu'elle avait parcourus ces quatre derniers jours lui semblait être un lointain souvenir et pour l'heure, elle n'avait dans la tête et le coeur qu'une vague de béatitude.

Ithilion se redressa, la Nùa était assise sur le haut de ses cuisses. Leurs têtes étaient à la même hauteur, et si ni l'un ni l'autre ne disait mot, c'était que l'instant était trop intense pour qu'une parole vienne s'y glisser.
La saltimbanque ramassa la chemise de sa moitié, et lui mit sur les épaules: il frissonnait.
Elly se posait tellement de questions sur Ithilion désormais. Ce conteur qui n'en était pas un avait su s'entourer d'un épais voile de mystère qui attisait la curiosité de l'assassin. Trois ans de sa vie dans une grotte des collines brumeuses? et cette magie dont il était capable... Les réponses que la jeune femme espérait devraient attendre, car Ithilion prenait la parole:

Ecoute Elly... Pour le moment, j'ai une affaire urgente à régler.... Et je sais que tu tiens à ta liberté plus que tout. C'est pour ça que je ne te suivrais pas ce soir... une boule se nicha au creux de l'estomac de la saltimbanque. Alors? C'était ainsi? Ils allaient s'embrasser une dernière fois et partir sans être sûrs de se revoir un jour? Elly s'imaginait déjà repartir rejoindre Jillian: la fatigue planait au-dessus d'elle comme une épée de Damoclès qui s'abattrait sans crier gare. Non... ils ne pouvaient pas se séparer sur cet échange, pas maintenant du moins.
Heureusement Ithilion reprenait son discours: Mais je viens de me rendre compte que j'avais besoin de te voir et besoin de ta présence pour pouvoir vivre pleinement. Le sang monta au visage d'Elly qui faisait des efforts pour rester tranquille devant cette déclaration mais qui, au fond d'elle, aurait désiré rugir de joie. Que dirais-tu de se retrouver une fois mon affaire terminée ? Et peut-être envisager...un futur ..à deux?

Cette annonce-là, Elly ne l'attendait pas. Elle sentit à nouveau se loger une angoisse dans sa poitrine, laquelle lui coupa la parole tout net.

Un futur... à deux?
Elly Sora vivait à court terme, jamais ne lui avait traversé l'esprit d'un avenir différent de son présent. Elle ne se voyait pas vieillir, ne sentait pas le temps s'abattre sur elle, et c'est pour cette raison qu'elle s'était toujours imaginée au sein de La Troupe, amie et assassin de Jillian la meneuse.
La Troupe était la famille d'Elly, elle y avait évolué, dans un contexte particulier, certes, mais elle s'était fait une place, avait creusé son trou petit à petit. Séparée du groupe depuis la Bataille des Rois, la jeune femme sentait que sans son groupe, sa raison d'exister ne serait pas et elle voulait revoir ces personnes qui tenaient tant pour elle, recommencer à vivre.
Malgré tout, Elly avait 32 ans, et cela faisait tellement d'années qu'elle était avec les saltimbanques qu'elle ne les comptait plus. Combien de temps encore cela pouvait-il durer? On ne peut pas être artiste toute sa vie... le pauvre Sfriedwick en était l'exemple même: on mourrait seul et malade dans une chambre de misère, parce qu'à force de bouger toujours on ne s'attache à rien.
La Nùa ne voulait pas finir comme le vieux clown, avec lequel elle avait partagé le dernier instant. Elle prenait conscience qu'elle avait besoin de quelqu'un, que ce quelqu'un avait été jusqu'à présent Jillian, à laquelle elle obéissait aveuglément dans l'espoir de lui plaire. Aujourd'hui, ce qu'Ithilion proposait à Elly, c'était de partager leurs vies, c'était le changement, et c'était tant effrayant que tentant.

Le Cydien attendait la réponse de la Nùa, qui le regardait sans répondre. Dans le regard de l'homme, Elly voyait de l'attente, de l'espoir, de l'appréhension, du courage aussi. Que voyait-on dans le regard d'Elly? Qu'y voyait Ithilion? Sûrement de la peur, de la surprise, de l'hésitation. Et puis, la voix un peu tremblotante:

Un futur.. à deux? Le coeur d'Elly s'accélérait comme jamais, en dépit de tout le sang-froid qui était le sien. Tu.. je.. Je suis.. Ithilion... Le rose qu'elle avait aux joues se voyait était maintenant flagrant. Elle avait l'esprit confus, et ce qu'elle aurait aimé dire à Ithilion c'était qu'elle ne pouvait rien espérer de mieux que de vivre avec lui, de lui raconter son histoire et d'entendre la sienne, et d'être ensemble toute la vie, amoureux et heureux, en laissant leur passé douloureux derrière eux. Je ne sais pas ce qu'il m'arrive, reprit-elle en laissant s'échapper un rire gêné. Elly avait l'oeil humide et sa voix se nasonnait. C'est la première fois, enfin, tu comprends je.. ah! Décidément, les mots avaient du mal à passer aujourd'hui, Ithilion pour la calmer posa sa main sur la cuisse de la Nùa, qui se ressaisit: J'aimerais.. j'aimerais tellement partager ta vie Ithilion. Les traits tirés du Cydien se déridèrent un peu, et son oeil éteint et rougi s'éclaircit lui aussi. Mais... je suis saltimbanque, et.. La Troupe.. Enfin.. tu comprends, il y a Jillian, elle a besoin de moi... La voix d'Elly se faisait toute légère, elle peinait à affronter le regard d'Ithilion, qui, elle en était sûre, devait à ce moment venait de se briser un peu plus. Tu sais.. reprit-elle tout de suite Je n'ai jamais connu autant d'émotions qu'aujourd'hui. Je m'aperçois que c'est toi, et uniquement toi, qui est capable de cela et... tu m'es... tellement... elle caressa les cheveux bleus de l'homme qui lui faisait face, tellement précieux...
Oh!!! s'exclama alors Elly d'une voix plus forte, lassée de ne pas parvenir à exprimer sa pensée Je veux un futur avec toi Ithilion, et je ne veux de futur qu'avec toi!
L'émotion l'emportait sur la raison. Jillian, la Troupe, les assassinats et les voyages de nuit... Elly avait passé la moitié de son existence à trimer. Esclave d'abord, assassin ensuite, il était temps qu'elle prenne son histoire en main, qu'elle change et que sa vie prenne un tournant.
J'irai voir Jillian, mais il me faut un peu de temps... Fais ce que tu as à faire, règle ce que tu dois régler, et ensuite, une fois que nous pourrons enfin dire que le passé est révolu, alors le moment sera venu de commencer une vie... à deux.

Elly leva alors les yeux dans ceux d'Ithilion, pleine d'espoir et d'appréhension. La Nùa saisit son poignard rouge qui traînait sur le tapis d'herbe à côté d'eux, et d'un geste rapide et précis, qui trahissait le surentraînement de l'assassin, elle trancha à la racine une longue mèche noire de jais qui brillait comme de l'obsidienne au soleil. Et sans quitter l'illusionniste du regard, elle vint déposer délicatement le présent au creux de la paume d'Ithilion qui serra le poing, emprisonnant la mèche.
Ce n'était pas grand chose, peut-être, mais Elly se dit qu'il avait un petit bout d'elle avec lui, et que c'était le premier et le plus précieux des cadeaux qu'elle pouvait lui faire.

La réponse se fit attendre. Rien d'anormal lorsqu' un carrefour important de notre vie se dressait sur le chemin. Surtout une telle possibilité pour une femme aussi indépendante qu'Elly devait être un choix cornélien.
Enfin les lèvres de son amie frémirent, derrière s'apprêtait à sortir les mots qui dans tout les cas auraient une influence sur son futur.

Un futur.. à deux? Tu.. je.. Je suis.. Ithilion...

Jamais Ithilion n'avait imaginé voir la saltimbanque dans un tel état. Tout son sang froid semblait se fissurer de toute part. Les mots, qu'elle maniait d'habitude comme son poignard, hésitaient à sortir de peur d'engendrer la mauvaise décision.
Pour la rassurer, il posa instinctivement sa main sur la cuisse d'Elly et planta à nouveau son regard dans le sien. Ce geste eut l'effet escompté, et la parole de son amie redevint aussi fluide qu'avant.
J'aimerais.. j'aimerais tellement partager ta vie Ithilion. Mais... je suis saltimbanque, et.. La Troupe.. Enfin.. tu comprends, il y a Jillian, elle a besoin de moi.

Un méchant pincement au coeur le saisit tout à coup. Son moral chuta, l'illusionniste eut l'impression que tout allait s'arrêter sur le champs. Que tout le bonheur s'échappait à grand flots de son corps.

Tu sais..Je n'ai jamais connu
autant d'émotions qu'aujourd'hui. Je m'aperçois que c'est toi, et
uniquement toi, qui est capable de cela et... tu m'es... tellement...Les doigts de la Nua vinrent s’emmêler délicatement dans ses cheveux. Déclenchant un nouveau frisson le long de son échine. tellement précieux...

Le sentiment d'anéantissement s'amplifia à l'entente de ces mots chargés d'émotions. Elly était devenu une clé pour lui, la seule clé qui aurait pu lui ouvrir la chambre de la raison. D'un retour en arrière, afin de pouvoir enfin jouir d'un bonheur plus que mérité.

Oh!!!Je veux un futur avec toi Ithilion, et je ne veux de futur qu'avec toi!

Ce retournement de situation eut l'effet d'un véritable big bang à l'intérieur d'Ithilion. Comme assommé par cette annonce, le reste de la déclaration d'Elly lui parvint aussi légèrement que le souffle d'une brise.

J'irai voir Jillian,
mais il me faut un peu de temps... Fais ce que tu as à faire, règle ce
que tu dois régler, et ensuite, une fois que nous pourrons enfin dire
que le passé est révolu, alors le moment sera venu de commencer une
vie... à deux.

Puis elle se saisit de son poignard rouge. Le fil de la lame chanta d'un suintement clair. A présent, Elly lui présentait une longue mèche noir qu'elle venait de retirer de sa propre chevelure. Un cadeau qu'ithilion savait au combien représentatif de l'amour qu'elle lui portait.
En prenant soin de ne pas les faire tomber, il s'en saisit et les déposa dans sa bourse avant de la fermer correctement. Irrésistiblement, une force le poussa dans les bras de celle qu'il aimait pour une étreinte encore plus passionnée.

-Dans deux mois, jour pour jour, retrouvons nous ici alors. Le temps de tout régler et de nous préparer à notre nouvelle vie. Cela te va ?

Partir lui semblait presque une trahison. Et rien que le fait d'imaginer qu'il allait devoir se séparer d'Elly pour deux mois le rebutait. ALors qu'il y avait à peine quelques heures, il aurait trouvé complètement stupide d'éprouver un tel sentiment.
Cette femme avait le pouvoir de le changer complètement. Tellement de chose l'attirait vers elle, c'était pour toutes ces choses qu'il souhaitait à présent partager sa vie à ses cotés. Le Cydien ne voulait pas non plus la laisser sans lui laisser un souvenir.
L'idée naquit rapidement dans son esprit.

-Attends. lui murmura Ithilion en se dégageant délicatement de ses bras.

Le visage tout sourire, il sortit sa plume et son encrier. Il trempa la pointe dans l'encre noir et l'amena au niveau de la pommette mate de la Nua. Une larme noir identique à la sienne s'encra dans sa peau.

-Surtout fait attention ! Attends que ça sèche et évite de pleurer avant une bonne heure. lui lança le cydien avec humour.

Vraiment, le départ allait être un moment trop difficile. Autant ne pas le faire durer. Ithilion se releva tout en aidant elly à se mettre à hauteur. Ses mains se posèrent sur ses hanches et il lui déposa un autre baiser . Le dernier avant un long moment.

-N'oublies pas...lui rappela t'il d'une voix douce. Dans deux mois jour pour jour ici.

Sur ces dernières paroles, il se retourna pour se remettre en marche. Surtout ne pas se retourner pour ne pas craquer. Ithilion se connaissait, sa volonté d'habitude infaillible n'était plus qu'un ensemble fragile , prêt à rompre tout instant.
Une brise traversant la campagne cydienne emporta la perle apparut au bord d'un océan bleu. Quelques secondes pourtant et déjà le temps passait trop lentement...

[ désengagé]

Toutes les bonnes choses ont une fin; et Elly sentait que le moment de se quitter approchait à grands pas.
L'instant était inéluctable, et la Nùa ne cherchait pas à le retarder; en revanche, la jeune femme ne détachait pas ses yeux noisette de l'homme qui lui faisait face. Elle voulait graver son image définitivement dans son esprit, en retenir le moindre détail, même le plus anodin.
L'attraction qui opérait entre les deux personnages était presque palpable, l'étreinte qu'ils échangèrent était emplie de passion, de sentiments sincères. Aucun d'entre eux ne voulait continuer leur route sur des chemins opposés. Elly, qui était si pressée quelques heures auparavant de rejoindre sa Meneuse, aurait tout donné en cet instant pour s'arrêter ici et n'en plus bouger jamais, prisonnière des bras d'Ithilion, de son odeur, de son amour.

Pourtant, après de longues minutes qui semblèrent n'avoir duré que quelques secondes, l'embrassade s'interrompit, et la saltimbanque et l'illusionniste se turent, les mains l'une dans l'autre, sachant l'un l'autre que le temps des adieux était arrivé.
Elly Sora en était tout émue, et les mots peinaient à sortir de l'enclos de ses dents. Que dire en de tels instants? Comment fallait-il qu'elle s'y prenne? En l'espace de quelques heures, l'assassin avait dû faire face à tant de situations inédites qu'elle avait l'impression d'être une autre personne. Quel don possédait cet homme pour réveiller en elle ces émotions inconnues? L'incompréhension imprégnait la jeune femme jusqu'au plus profond de son âme, elle avait tellement de questions, d'envies jusqu'à présent insoupçonnées qui germaient sur la terre devenue meuble de son coeur.
Dans deux mois, jour pour jour, retrouvons nous ici alors. Le temps de tout régler et de nous préparer à notre nouvelle vie. Cela te va ?

Quelque chose en Elly se serra subitement, pour une raison inconnue de la damoiselle. Deux mois, cela passait si vite deux mois! Mais alors, pourquoi cet étau qui lui compressait la poitrine? Pourquoi, après avoir avoir passé de longues années sans voir le Cydien, la perspective aujourd'hui de le quitter pour deux mois seulement lui était presque physiquement douloureuse.
Elly baissa les yeux qui allèrent se poser sur la sacoche qui servirait désormais d'écrin à sa mèche de cheveux. A sa vue, la tristesse qui lentement se répandait en elle s'amenuisa: au moins, il penserait à elle, il pourrait se rappeler que leur rencontre n'était pas qu'un rêve, ce qui aurait très bien pu être le cas.
Attends, dit soudain Ithilion en cherchant quelque chose dans sa besace colorée. Il fouilla une ou deux secondes, pendant lesquelles la curiosité d'Elly était piquée au vif, avant d'en sortir, sous le regard ébaubi de la demoiselle, une plume et un encrier.
Tandis que le Cydien lui imprimait sous l'oeil une larme semblable à la sienne, Elly Sora ne cilla pas, son corps d'athlète entraîné ne bougea pas d'un millimètre. Il n'en était pourtant pas de même à l'intérieur: toute son âme vibrait, marquée au fer blanc par la plume de cet homme, qui scellait l'engagement qu'ils avaient conclu.

Surtout fait attention! Attends que ça sèche et évite de pleurer avant une bonne heure. A cette remarque, Elly sourit d'un air complice. Si cette boutade aurait semblé absurde le matin même, elle était désormais tout appropriée, puisque la jeune femme avait versé plus de larmes depuis l'aurore qu'au cours des 10 dernières années. Même la mort de Sfriedwick ne lui avait arraché aucun pleurs.

Et puis les mains d'Ithilion se posèrent une fois encore sur les hanches d'Elly, et Elly, une fois encore échangea un baiser avec cet homme qui lui faisait chavirer l'esprit.N'oublies pas... Dans deux mois jour pour jour ici. Leurs corps se désunir, ils firent un pas en arrière qui les éloigna de quelques décimètres seulement et pourtant, c'était déjà trop.
Deux mois... répéta la Nùa, d'une voix dont les tonalités suaves et englobantes faisaient comme des bulles qui restaient en suspend, tandis qu'Ithilion reprenait la route, coupant le contact visuel une fois pour toute.

Elly resta immobile dans la brise quelques secondes, en regardant l'homme qu'elle aimait s'en aller là où il lui fallait se rendre, traversant un champ de fleurs jaunes qui n'en finissait plus.
Il ne se retourna pas, même si la saltimbanque sentait que chaque pas lui causait une tristesse immense. Elle aurait aimé le poursuivre, le saisir encore une fois, une toute dernière... Mais Elly le savait: il ne lui fallait pas flancher. C'était suffisamment difficile.
Si elle en avait envie, Elly ne versa pas une larme, peut-être parce qu'elle en avait une inscrite toujours sur sa pommette, peut-être aussi parce qu'elle n'en avait plus. Quoi qu'il en soit, une fois la silhouette du conteur estompée dans la campagne printanière, la Nùa se retourna enfin, regardant l'horizon où l'attendait Jillian.
Elle savait ce qui l'attendait désormais, et elle appréhendait maintenant autant qu'elle l'espérait les retrouvailles avec la Meneuse. Elle ne comprendrait pas... Elly le savait, Elly la connaissait... Et pourtant, sa décision était prise:

Deux mois, pas un jour de plus... Sur ces dernières paroles, et après avoir pris une inspiration profonde qui lui insuffla un peu d'entrain, l'assassin reprit forme animale et se remit la route, en laissant une partie d'elle-même dans ce coin de campagne...

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» [FA - 155] Le hasard fait parfois bien les choses. [PV' Lunielle][Terminé]
» [FP] Quand le hasard se mêle à l'imprévu (priorité Danäe, libre) (fini)
» [Flasback FE 133] Le destin fait parfois bien les choses (Solo) [Terminé]
» [151][F-A] La renaissance [Elly, Sfriedwick, Ithilion][FINI]
» [D-H]En route pour l'aventure ?... (pv Ithilion, Elly) (fini)

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