Le port s'éveillait tranquillement au rythme des allés et venu du personnel chargé de convoyer les marchandises affrétées aux navires. L'agitation gagnait en intensité à mesure que le soleil montait dans le ciel, ce fût en début de mâtiné que Searan décida de se rendre au port de Tamawa. Lorsqu'il quitta son domicile Cléa dormait encore, il n'allait pas la réveiller, une petite balade en tête-à-tête avec lui-même était loin de lui déranger. Le colosse chemina jusqu'à sa destination. Il s'accouda sur un garde-fou qui bordait un promontoire, de là il avait une vue magnifique sur le port en effervescence ainsi que sur le Baume qui serpentait dans le paysage pour aller se jeter dans la mer. Le géant laissa échapper un profond soupir d'aise. Lorsque le soleil fit son entrée rayonnante, il nimba de flamme la surface du fleuve qui, l'espace d'un instant, fut semblable à l'un de ces fleuves démoniaques que l'on dépeint dans les histoires manichéennes. C'était ces rares instants, presque éphémères, qu'il affectionnait, cette impression d'être le témoin d'une chose unique, cela le grisait. Searan passa une main dans la barbe couleur sable qui mangeait ses joues, il avait tiré ses cheveux en arrières et un bandeau de cuir rouge les retenaient et ceinturait son front. Il se perdit dans le flot tumultueux de ses pensées et dans la contemplation du port. La vie qui l'animait lui faisait l'effet d'un baume au coeur. Les stigmates de la Guerre d'Erathia ne s'étaient pas encore totalement effacés, du fait de son empathie prononcée il avait souffert le martyr durant ce conflit, lui le colosse tout en muscle et en tendon ne s'attendait pas à se retrouver si attentif à la souffrance d'autrui.
Un sourire mince étira la bouche du templier tendis qu'il récitait à mi-voix un vieux poème que son mentor avait l'habitude de réciter lorsqu'ils attendaient tous deux le lever du soleil à Muria la Belle.
"Vois sur ces canaux
Dormir ces vaisseaux
Dont l'humeur est vagabonde ;
C'est pour assouvir
Ton moindre désir
Qu'ils viennent du bout du monde.
- Les soleils couchants
Revêtent les champs,
Les canaux, la ville entière,
D'hyacinthe et d'or ;
Le monde s'endort
Dans une chaude lumière.
Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté."
Un nouveau soupir vin achevé le récit du colosse qui sorti de sa sacoche sa pipe en bois qu'il fourra de tabac avant de l'allumer. Bien que Muria lui manquait, il savait qu'à présent sa place était à Tamawa, en devenant templier avait réussi une partie importante de l'aventure de sa vie, il le savait, non il en était certain. Searan s'appuya lourdement sur le garde-fou et prit quelques bouffées de tabac, indifférent à ce qui pouvait se passer derrière lui.