Le monde recouvrait petit à petit ses couleurs, son âme printanière parvenant pas à pas à briser les songes hivernaux. La vie reprenait tranquillement ses droits sous les pâles rayons du soleil, encore trop timides pour se décider à reprendre vraiment sa course. C'est dans ce décor qu'allait se dérouler notre bien triste histoire … à croire que les dieux se jouaient réellement de leur protégés ces derniers temps !

L'Oblat en personne avait chargé la jeune Compagnon de cette mission, un honneur en soit suffisamment particulier pour être précisé. Déçue du manque de résultats de ses plus fidèles soldats sur l'affaire, Kriisten s'était alors tournée vers ceux en qui, quelques années encore auparavant, elle avait le plus confiance. La Trahison était encore ancrée dans sa mémoire mais peu importait, la belle avait décidé d'aller de l'avant et pour cela, chaque jour nouveau lui apprenait à respecter ses Compagnons un peu plus que la veille. Nombre étaient ceux qui avaient trahi mais aujourd'hui, force était de constater que Joris avait bien épuré les rangs des traitres. Ceux qui restaient étaient les meilleurs, les plus fidèles, les plus surs. Elle se devait d'avoir confiance en eux … La reine des neiges avait convoqué Annabeth pour lui confier une bien étrange mission. Si elle avait choisi la jeunette de la bande, c'était simplement parce qu'elle comptait sur l'intrépidité de la jeunesse pour régler cette histoire là où la force et l'expérience des anciens n'avaient fait que chou blanc. Les informations dont la demoiselle disposait ?
Peu.
Des gens qui disparaissent dans un petit village aux alentours de Storghein, une population effrayée par ces rapts étrangement sans lien les uns avec les autres. Des rumeurs de vieilles femmes aux ragots de soldats, encore fallait-il faire le tri ! L'aventure promettait d'être longue et fastidieuse …

Eybor quant à lui avait élu domicile momentanément dans l'auberge des lieux, sans même se douter certainement que des choses étranges se passaient dans la brave bourgade. Quoi qu'il en soit, ce fut dans l'auberge dans laquelle il avait élu domicile que les deux compères se rencontrèrent. Un peu d'aide ne serait sans doutes pas malvenue, à moins que la belle préfère faire cavalier seul ? Eybor serait forcément mis au courant de la rumeur tôt ou tard non ?

[ Je vous laisse un tour voir deux pour voir si vous échangez des informations ou pas et si Annabeth décide de convier Eybor à sa mission ^^ ]

La mission s'avérait des plus délicates plus que difficiles.
La peur emprisonnait les cœurs aussi sûrement que le gel emprisonnait les bourgeons une fois le printemps revenu. Dans les yeux des habitants se lisait très clairement la terreur que d'être enlevé le soir venu. Ces disparitions sans queue ni tête empêchaient les soldats de faire une enquête suffisante et, vu leur faible nombre, ils avaient clairement fait le choix de protéger la population et les faibles remparts de la petite bourgade plutôt que de chercher le coupable. Ton aide ne serait donc pas superflue bien qu'aucun ne soit capable de te donner une information suffisante. L'auberge dans laquelle séjournait Eybor était calme et plutôt accueillante si on oubliait l'odeur de ragoût qui flottait imperceptiblement dans l'air et l'odeur de bière qui s'y mêlait. Pour le reste, la patronne avait le sourire et ses deux marmots assumaient le service avec brio tandis que le patron s'occupait des cuisines et, de temps à autre, de lancer quelques bonnes blagues bien grasses pour le bonheur des habitués. Les questions posées au jeune homme éveillèrent sa curiosité certes, mais il ne fut pas le seul.
Tandis qu'il te répondait qu'il n'avait pas entendu parler de ces disparitions, l'aubergiste s'approchait de vous pour servir la commande de ton interlocuteur. Elle ne peut s'empêcher de vous entendre parler et de réagir :

« Encore cette histoire d'enlèvement ! » s'exclama-t-elle comme si cela ne l'étonnait même pas qu'on en parle mais qu'au contraire, elle estimait qu'il n'y avait pas de quoi en faire des montagnes.

Elle posa sur la table les choppes de bière et le repas commandé avant de s’asseoir avec vous. Oui, cette auberge avec quelque chose de particulier visiblement. La patronne fit signe aux deux gamins d'assurer le reste des commandes, ce qu'ils s'empressèrent de faire, puis elle reposa ses yeux émeraudes sur les deux compères. Eybor engloutissait le menu du soir, visiblement affamé, tandis que tu semblais mal à l'aise de son intervention.

« T'inquiète petite, t'es trop maigre »

Sous entendu « je ne te mangerais pas ». La patronne avait parlé avec humour mais un certain sérieux flottait dans son regard. Eybor posa une ou deux questions auxquelles elle répondit et ce dernier prit congés. Décidément … Il s'excusa auprès de toi mais il devait partir à l'aube pour un rendez-vous de la plus haute importance et si ton enquête l'intéressait, il ne pouvait se soustraire à ce fameux rendez-vous. Une fois qu'il eut quitté la pièce, la patronne poursuivit comme si de rien n'était :

« Alors ma mignonne, qu'est-ce-qu'ils t'ont dit ces nigauds ? » demanda-t-elle avec beaucoup plus de sérieux cette fois-ci.

La jeune femme faisait clairement référence aux soldats ainsi qu'à la population et, de toute évidence, elle en savait plus qu'eux. Les aubergistes savaient toujours tout. Elle écouta en silence ce que tu avais à dire (je te laisse le choix pour lui donner les informations que tu veux) avant d'ajouter d'un ton calme :

« Des conneries tout ça ! Moi j'dis qu'ils ont tous un point commun, ils se sont tous fait chopper près de la maison des Stank mais ça nos soldats, s'en foutent ! Le malheur frappe cette maison et j'te le dis petite, il y a forcément un lien avec ces tordus ! »

Les paroles étaient certes dures mais sûrement intrigantes. La colère de la patronne se sentait dans sa voix et même si tout ce qu'elle disait semblait relever un peu du mythe, il y avait un petit quelque chose qui te poussait à croire que c'était vrai.

[ Ce post est du free style vu que le déroulement de la mission est sur mon pc à l'appart' ... Désolée ! ]

La patronne n'était visiblement pas le genre de personne à se laisser marcher sur les pieds, sans parler du fait qu'elle n'avait visiblement pas la langue dans sa poche et n'hésitait pas à dire ce qu'elle pensait haut et fort. Une mauvaise manie pour certain, un vilain défaut pour d'autre, la meilleure chose qui soit pour elle. Être gueularde dans son métier avait surtout des avantages car comme ça, aucun client ne lui cassait les pieds et si l'un d'entre eux se permettait un écart de conduite, elle le flanquait dehors sans que cela ne choque personne et que personne n'intervienne en faveur du malheureux. Ah ça pour être mystérieuses, elles l'étaient les disparitions ! Chaque semaine son mort et lorsque la Bête avait trop faim, on en retrouvait plusieurs dans la même semaine ! A croire que cette saloperie n'était jamais rassasiée ! Et les autres gardes qui pensaient que c'était un loup, un ours ou encore, une déglingué ... Non, c'était les Stank et elle allait bien arriver à le lui prouver ! Ces sales petits bourgeois de bas étages avaient refusés la demande de son fils en mariage, résultat ? Il en était venu à hanter les lieux comme une âme en peine pendant que la petite Stank se tapait tout ce qui bougeait sur ordre de son père. Enfin, jusqu'à ce qu'elle passe l'arme à gauche la môme, sans doutes poussée par le père d'ailleurs mais là, c'était regrettable, rien de plus. Quoi qu'il en soit, elle n'aurait pas été étonnée que le frère ou le père soit derrière tous ces meurtres, juste par vengeance pour avoir perdu leur poule aux œufs d'or. Une gamine aussi jolie suicidée, pour sur que ça devait pas leur plaire !

« En voilà au moins une qui est censée dans ce foutu patelin ! » s'exclama-t-elle, visiblement ravie que tu veuilles bien croire à ses dires.

Elle fit mine de réfléchir un instant, jeta un coup d'oeil tout de même autour d'elle comme pour vérifier que personne n'écoutait, ce qui était le cas en l'occurrence et poursuivit d'un ton tout aussi enflammé mais néanmoins plus bas :

« Les gardes sont des crétins petite, ils pensent que c'est un loup ou un ours ... t'as déjà vu un ours ou un loup qui bouffe pas sa proie toi ? Moi pas, z'ont juste envie de se trouver un coupable vite fait bien fait pour plus en entendre parler ! Ils flippent voilà tout ! Des gosses en culotte, voilà ce qu'ils sont ! »

Non, elle ne les portait pas dans son coeur et pourtant, l'un d'eux était son propre fils, l'ainé, pas celui qui s'était fait repousser par les Stank. Mais ce crétin, à peine âgé de vingt ans, avait décidé que l'avis de sa pauvre mère ne valait pas plus que la soupe qu'elle lui servait et au lieu de l'écouter, il avait claqué la porte, vexé qu'elle n'en démorde pas et surtout vexé qu'elle voit des choses qu'il ne voyait pas lui-même.

« Le fils du boulanger qu'ils ont trouvé mort, c'était un prétendant de la gamine Stank, pareil pour l'apprenti du forgeron ou encore pour cet idiot de meunier ! Trois morts qu'ont été un jour où l'autre dans leur foutu manoir demander la main de la gosse et ils trouvent pas ça louche ? Moi j'trouve ça plus que louche ma mignonne, et j'aurais fouré mon nez d'dans. »

La patronne sourit imperceptiblement, visiblement, ta réaction lui faisant plaisir et la rassurant aussi quelque part. Si elle n'avait pas l'habitude de s'en faire pour ses propos, encore moins pour les ennuis qu'ils pouvaient lui emmener, la jeune femme en avait cependant marre de prêcher dans le vent. Se sentir écoutée lui faisait du bien et la confortait dans l'idée que les gardes n'étaient que des crétins à s'entêter et surtout, à ne rien vouloir entendre. Si seulement son fils pouvait avoir autant de jugeote ! Des crimes en moins, il y en aurait à la pelle mais cet idiot était borné, presque aussi buté que son père et aussi sot en tout cas que le chien de la famille.

« Au fait, moi c'est Lisbeth, appelle moi Lisy » le ton était posé mais la phrase faisait un peu cheveu sur la soupe.

Quelque part, c'était la façon qu'avait la gérante de t'assurer de son soutient et de te remercier car dans cette maudite cité, tu étais bien la première à croire à ce qu'elle disait. Pourtant, elle les avait prévenu, limite aurait-elle pu dire qui serait la prochaine victime mais non, ces bougres de canassons n'écoutaient rien ! Aussi l'Astorg prit-elle quelques secondes pour bien rassembler ses idées avant de répondre :

« Les Stank était la plus vieille et la plus riche famille de la région avant la mort de la gamine y'a cinq ans. Un couple sans histoire, deux gamins, mâle et femelle, tout allait bien pour eux mais v'la t'y pas que le père se décide à marier la gosse. Seize ans à peine la gamine ! C'est la Lyanna qui n'était pas contente mais quoi qu'elle en eut dit, son crétin de mari proposa en mariage la p'tite, Lisa qu'elle s'appelait, au plus offrant. La gosse était magnifique, comme sa mère. Petite roussette aux yeux verts, elle attirait tous les regards alors tu parles qu'elle en a eut des prétendants. Mais rien à foutre, y'en a qui disent qu'elle aimait son frère, quoi qu'il en soit, elle a refusé tous les prétendants les uns après les autres, son père aussi pas'que trop pauvres. Au bout de huit, elle s'est pendue. Z'ont envoyé le frère à la guerre et le p'tit a pas survécu. La Lyanna est devenue complètement folle et le père, aucune idée, il vit cloitré chez lui depuis. Doit faire au moins un mois que je l'ai pas vu sortir. »

Elle se tut une seconde avant de reprendre comme si de rien n'était :

« Triste histoire hein ? Bref, le manoir et aux portes du village, tu peux pas le louper ! »

Elle se leva, fit quelques pas en direction du bar et se ravisa. Sans rien dire, elle murmura quelque chose à l'oreille d'un de ses enfants qui disparu. La minute suivante, il revint, une lettre à la main, lettre qu'elle te confia sans rien de plus que « lit ça ». Sur ce, comme si elle était persuadée de t'avoir tout dit, elle s'en retourna à son travail. Le reste te revenait.

Tout dans le papier de cette lettre indiquait que les quelques lignes qui le parcourait étaient écrite avec le cœur. La lettre était en réalité une demande de pardon, un certain Robbin demandait pardon à Lisa de l'avoir laissée partir sans voler à son secours. Il ne fallait pas être bien malin pour comprendre que ce « Robbin » était amoureux de « Lisa ». Non, vraiment pas bien malin mais pourquoi la patronne te l'avait donné ? Bonne question. Une chose était sure, elle voulait surement que tu ailles au devant des questions. Seulement, il fallait savoir vers qui chercher les réponses, elle, simple gérante, ou eux, Stank bien cachés dans leur manoir ?

« Au fait, moi c'est Lisbeth, appelle moi Lisy »

Annabeth sursauta en entendant le nom de la gérante. LISBETH ?! Était-ce un fait exprès du destin ? Son ancienne et première apprentie s'appelait ainsi, elle aussi. Et elle était morte, lors de la bataille contre les Erathiens. L'Elfe essayait toujours d'éviter d'y penser, car à chaque fois, elle était prise de remords, et de doutes. Du genre, était-ce sa faute si la jeune Astorg était morte ? Aurait-elle dû rester avec elle ? Ses entraînements étaient-ils incomplets ? Lisbeth n'était-elle pas assez prête ? Ou avait-elle était submergée ?
L'Elfe repensa à sa fierté le jour où on lui avait confié la formation de cette jeune fille (pas si jeune que ça par rapport à elle, m'enfin, passons). Sa joie à chaque fois qu'elle entraînait l'Astorg. Son intérêt devant les différences entre l'archère et Lisbeth, qui maniait la hache. Elle se rappela ses premières leçons avec l'Astorg, où elle avait mis un point d'honneur à se faire reconnaître comme parfaitement capable de s'occuper de la formation de l'Astorg. Son désespoir, ses doutes quand elle apprit la mort de cette élève. Et voilà que son interlocutrice qui l'aidait pour une mission confiée par l'Oblat portait le même nom qu'elle...

« Les Stank était la plus vieille et la plus riche famille de la région avant la mort de la gamine y'a cinq ans. Un couple sans histoire, deux gamins, mâle et femelle, tout allait bien pour eux mais v'la t'y pas que le père se décide à marier la gosse. Seize ans à peine la gamine ! C'est la Lyanna qui n'était pas contente mais quoi qu'elle en eut dit, son crétin de mari proposa en mariage la p'tite, Lisa qu'elle s'appelait, au plus offrant. La gosse était magnifique, comme sa mère. Petite roussette aux yeux verts, elle attirait tous les regards alors tu parles qu'elle en a eut des prétendants. Mais rien à foutre, y'en a qui disent qu'elle aimait son frère, quoi qu'il en soit, elle a refusé tous les prétendants les uns après les autres, son père aussi pas'que trop pauvres. Au bout de huit, elle s'est pendue. Z'ont envoyé le frère à la guerre et le p'tit a pas survécu. La Lyanna est devenue complètement folle et le père, aucune idée, il vit cloitré chez lui depuis. Doit faire au moins un mois que je l'ai pas vu sortir. »

Mince, dans les dernières paroles de... Lisy, elle avait cru comprendre que le manoir était abandonné. Si il restait les deux parents, et qui en plus ne sortent plus, ça posait quelques problèmes.

« Triste histoire hein ? Bref, le manoir est aux portes du village, tu peux pas le louper ! »

Oui, très triste, en effet. Mais elle fait avancer mon enquête, et si comme vous le dites, les gardes ne réagissent pas, quelqu'un doit s'en charger. Et grâce à vous, je pense pouvoir dire que ce quelqu'un, ça risque d'être moi. Merci beaucoup de tous vos renseignements... Lisy.

La barmaid était déjà levée, comme pour clore la conversation. Mais après une hésitation, elle parla à un garçon, qui lui apporta quelque chose. La patronne remit le quelque chose dans les mains de l'Elfe avec un simple « Lit ça ». Etonnée, Annabeth lui jeta un regard interrogateur. Peine perdue. L'Elfe reporta son attention sur la lettre qu'elle déchiqueta et lut. C'était seulement une demande de pardon d'un jeune garçon, à Lisa, dont il semblait être amoureux. Lisa était-elle la fameuse Stank ? Si oui, son suicide avait-il quelque chose à voir avec ce Robbin, et cette lettre ? Pourquoi la patronne lui avait-elle confiée ? Pourquoi c'était elle qui l'avait ?
Annabeth remit le beau papier dans la lettre et la rangea soigneusement dans son sac en bandoulière. Si la patronne lui avait donné, elle avait ses raisons. En tous cas, grâce à cette mystérieuse Lisbeth, elle connaissait sa prochaine destination. Le manoir des Stank, aux portes du village. Elle était impatiente de voir ce qu'elle allait y découvrir. Mais en même temps, elle s'interrogeait sur cette Lisbeth, qui lui avait donné tous ces renseignements, sans rien lui demander en échange. Que pouvait-elle bien y gagner ?
Annabeth se leva et attrapa la manche de la barmaid en lui chuchotant :

[color=red]Pourquoi m'aidez-vous ?[/color

La barmaid ne se rendit même pas compte du trouble qu'avait provoqué son prénom chez la jeune Elfe. Le prénom de Lisbeth n'était pas chose rare dans les contrées Astorg et le diminutif « Lisy » n'était pas non plus rare aussi ne se formalisa-t-elle pas du tout de la réaction de son interlocutrice. Le destin avait mis sur le chemin de la Compagnon cette femme, peu important son prénom, quoi que, peut-être que le destin avait tout simplement envie se moquer de toi ma chère Annabeth. Qui sait … le Mj est cruel, oui, il paraît ! Brefle, passons.

Les Stank, la petite dame les connaissait plus que bien mais cela, tu n'étais pas obligée de le savoir. Lisbeth ne tenait pas plus que ça à t'expliquer pourquoi elle t'aidait ni quelles étaient ses motivations exactes. En réalité, elle était une femme endeuillée que la mort prématurée d'un de ses enfants avait rendu aigrie sur certains points. Pour l'heure, elle appelait à la vengeance silencieusement depuis que son ainé l'avait gentiment invitée à se taire concernant les meurtres qui, à ses yeux, n'étaient que de simples accidents. Chaque personne dans ce foutu village avait subi une perte, un être cher, un ami, un cousin, un voisin, peu importait, personne n'était épargné. De toute façon, tu devais bien avoir la liste des disparus quelque part avec toi non ?
Son récit terminé, la barmaid ne comptait pas s'attarder. Tous ses espoirs de sourde vengeance reposait sur les épaules de cette gamine et, faute de pouvoir faire mieux elle-même, elle venait de tout lui déballer ou presque. Ce que la Compagnon ferait de ces informations, elle ne pouvait pas le savoir et s'en foutait un peu aussi. C'est pas comme si elle pouvait l'obliger à agir, couteau sous la gorge … Elle dénota néanmoins que tu étais réticente à l'appeler par son prénom. Une seconde, elle se demanda pourquoi mais se ravisa, tes histoires ne la regardait pas. Sa curiosité avait pour limite ton libre arbitre et tes propres secrets, telle était sa philosophie.

La barmaid fut surprise de ta réaction. En général, seuls ses rejetons se permettaient encore de la contredire ou encore, de chercher des explications même lorsqu'elle avait clairement fait comprendre qu'elle ne tenait plus à en donner. Alors une petite étrangère qui se permettait de faire pareil, pour sur, c'était surprenant. D'ordinaire, elle aurait envoyer balader le malotru qui se serait permis une telle liberté mais tu lui plaisais bien visiblement aussi, elle se contenta de sourire en attendant ce que tu avais à lui dire, car visiblement, tu ne l'avais pas retenue pour rien.
La question ne la surprit pas plus que ça, en réalité, elle se doutait que tu devais te la poser mais en aucun cas elle n'aurait pensé que tu aurais osé la lui poser. Dans tous les cas, elle n'avait aucune obligation de te répondre et sans doutes ne comptait-elle pas le faire avant de se rendre compte que tu étais quelque part son dernier espoir de vengeance ou plutôt de justice. Car au fond, elle n'aspirait qu'à la justice que les hommes ne semblaient pas à même de rendre dans ce petit village.

« Tu t'demandes pourquoi je t'aide hein ? » riposta-t-elle avec un ton moqueur avant de t'entrainer à l'écart pour reprendre, loin des oreilles indiscrètes, « Tu vois ces trois gosses là-bas ? », elle désigna une jeune fille âgée de treize ou quatorze ans, un adolescent d'une quinzaine d'années et un petit garçon tout au plus âgé de huit ou neuf ans, la première en train de manger au bar avec le plus jeune et l'adolescent attendant à leur côtés que quelqu'un réclame ses services, « Ce sont les miens. Tu sais ce que fais une mère quand on touche à ses enfants ? », son regard se perdit, passant d'un enfant à l'autre comme si elle cherchait quelqu'un avant de retomber lourdement sur toi, « Elle tue. »

Le ton était lourd de sens mais visiblement, elle n'avait pas fini. Marquant une petite pause, elle reprit néanmoins juste après :

« L'un des huit était l'un de mes fils. Son frère a décidé de ne pas enquêter, moi, j'veux la vérité et la justice. Si elle doit passer par toi, c'est pas mon problème, mais j'veux pas que mon gamin soit mort comme un chien. »

Sa réponse expliquait bien des choses, notamment par exemple comment elle avait obtenu la lettre qu'elle t'avait confié, surement volée par son fils ou encore, comment elle savait autant de choses sur les Stank et enfin, pourquoi elle t'avait aidé sans rien demander en retour. Car au fond, tu allais lui offrir la justice qu'elle ne pouvait obtenir toute seule.

« Alors gamine, tu comptes rendre la justice ? »demanda-t-elle enfin.

Ce choix t'appartenait, tout comme celui de te rendre au manoir dont elle t'avait indiqué l'adresse précédemment.

[ Tu peux conclure sur ton passage au bar et embrayer directement sur l'arrivée devant le manoir, arrête-toi juste avant d'entrer dans ce dernier et de voir qui que ce soit ]

[ Attention miss, nous t'avions précisé que ta tigresse ne pouvait pas te suivre à l'intérieur des cités ]

La mère de famille ne réagit pas. Son fils était mort, peu importait ce qu'il adviendrait de l'affaire, cela ne le ramènerai pas. Mort en vain … dans tous les cas, il le serait mais pour autant, elle excusait la maladresse de la formule du fait de ton jeune âge. Se contentant de se lever de nouveau pour reprendre ses occupations, tout en attendant néanmoins ta réponse concernant le devenir de cette affaire. Si tu agissais, bien que tu sois jeune, Lisbeth ne doutait pas de ta capacité à trouver la vérité, de toute façon, ce n'était pas comme si elle avait le choix … Et puis son fils aîné était tellement idiot et borné qu'elle n'avait aucune autre chance de connaître les raisons de la mort de son fils.
Alors forcément, quand tu pris la décision de résoudre au mieux et au plus vite cette histoire, elle ne put s'empêcher de soupirer, visiblement soulagée. Peu importait le temps tant qu'elle avait la vérité. Sa vengeance ? Il y avait bien longtemps qu'elle l'avait oublié, tout ce qu'elle voulait, c'était savoir les raisons de la disparition de son enfant. En tant que parent, jamais on ne se remettait de la mort de sa descendance, pire que tout, on finissait par se demander ce qu'on avait bien pu faire au destin pour en arriver là … Lisbeth ne maudissait pas le destin, il n'avait rien à voir là dedans, elle maudissait simplement sa bêtise que de n'avoir pas vu l'amour aveugle que portait son rejeton à la petite Stank. Pour sur, elle l'aurait mis à l'abri sinon !

Ce fut sans un mot qu'elle te laissa sortir, consciente qu'elle t'avait déjà tout dit et qu'elle ne pouvait plus que s'en remettre à toi. A ton bon sens et surtout, à ta volonté de résoudre tout cela. Que Kriisten elle même t'ai envoyé, cela ne l'effleurait même pas.

Le manoir se trouvait aux abords des portes de la petite bourgade. Etrangement, personne ne semblait à même de vouloir vivre aux alentours, comme si la famille avait été isolée ou plutôt, comme si elle n'avait pas souhaité se mélanger aux autres. Cette hypothèse semblait plus logique finalement vu ce que tu savais de ces derniers mais au fond, cela importait peu, le principal étant de te faire une idée de ce qu'il se passait là dedans et éventuellement mettre un terme à cette série de meurtres. Seulement voilà, tu ne pouvais pas débarquer devant ces gens, les accuser sous prétexte qu'une barmaid t'avait dit qu'ils étaient coupables ou tout du moins, te l'avait bien fait sentir, et les arrêter, le tout sans procès. Non. Tu ne pouvais pas venir comme une fleur détruire leur quotidien sur le seul fondement des dires d'une mère triste et en quête de réponses. Alors forcément, tu te posais des questions et c'était bien légitime …
Sans doutes un petit coup de pouce du destin était-il nécessaire non ? Le Mj est là pour ça voyons !

La porte s'ouvrit sur un éclat de voix. Une femme, dont la voix était sans doutes étouffée par les murs et la porte, semblait s'énerver sur l'homme qui venait d'ouvrir la porte et qui, la tête tournée vers l'intérieur de la demeure, répondait à cette dernière d'un ton agacé mêlé d'un tout autre sentiment plus étrange, la peur, quelque chose comme « Oui oui ma chérie ». Il se tourna ensuite, prêt à sortir, lorsqu'il tomba nez à nez avec toi. Sa réaction ne se fit pas attendre, son humeur passant du trouble passager à la colère.

« Qu'est ce que vous foutez là vous ? »

Visiblement, tu ne tombais pas au bon moment, pour peu qu'il y en ai eut un bien entendu mais ceci est une autre histoire. Il reprit de plus belle, poussant la porte derrière lui comme pour cacher les lourds secrets pesant dans sa demeure.

« Qui êtes-vous ? Que venez-vous faire ici ? »

« Qu'est ce que vous foutez là vous ?Qui êtes-vous ? Que venez-vous faire ici ? »

Annabeth sursauta violemment quand l'inconnu apparu devant elle.

« Qu'est ce que vous foutez là vous ? »

Bon, la question ne se posait plus. Impossible de passer par une fenêtre, et plus besoin de toquer pour montrer sa présence. D'ailleurs, maintenant qu'elle voyait le maître de maison pousser sa gueulante, elle se demanda si l'option entrée par effraction n'était pas une bonne idée après tout... Fallait dire la vérité véridique, le type en face n'avait pas vraiment l'air chaleureux. Et sa voix faisait penser au barrissement d'un éléphant. Version en colère. Un peu comme la voix de son père quand il était en colère. Annabeth se rappelait avec un sourire intérieur que son cher papounet était réellement terrifiant quand il lui criait dessus. Même l'Elfe, qui n'était pas du genre à la boucler facilement, se taisait dès qu'il faisait mine de la gronder. Le genre terrifiant qu'on doit pas contredire. Flowène comme elle redoutait grandement les fureurs paternelles.
… Annabeth se demanda un instant comment elle pouvait repenser à sa vie antérieure dans un moment pareil. Elle avait en face d'elle en gueulard menaçant qui l'invectivait, et son cerveau divergeait vers sa famille... Moyen bof, le moment choisi.

« Qui êtes-vous ? Que venez-vous faire ici ? »

Bon, se serait peut-être le moment de répondre, non ? Mais que répondre, telle était la question...Le ton du mec lui plaisait moyen moyen. D'accord, elle était devant la porte, avec des bestioles peu engageantes autour. Mais pas de quoi en faire un drame, la politesse ça existe mon bon monsieur !

« Je suis Annabeth et je viens de Storghein. J'ai eu vent de mystérieuse disparitions dans cette petite bourgade. Je mène l'enquête. Et je me demandais si vous aviez des informations à me donner. »

L'Elfe espérait que cet abruti allait montrer un peu plus d'amabilité que précédemment. Là, elle avait été polie, mais fallait pas abuser.

Puis-je... Entrer ?

L'homme te dévisageait cruellement, son expression de colère ne témoignant que d'une chose : tu n'étais pas au bon endroit au bon moment. Cet homme visiblement stressé venait de reporter sur ta petite personne une attention plutôt mécontente. Visiblement mécontent de voir ton manque de réaction, il referma non sans violence la porte derrière lui. Il te héla une nouvelle fois, te demandant qui tu étais. Il fit un va et vient visuel, sautant d'un animal à l'autre pour finir par poser son regard sur toi. Perçant, comme s'il cherchait à deviner par tous les moyens ce qu'il se passait dans ta tête, comme s'il en était capable, il ne reprit pas la parole, attendant que tu répondes. Et tu avais intérêt à répondre si tu ne souhaitais pas attiser un peu plus sa colère …

L'homme te dévisagea, incrédule.
« De mystérieuses disparitions » … Il avait entendu ça tellement de fois qu'il commençait à se demander pourquoi tout le monde s'évertuait à passer chez lui pour lui demander ce qu'il savait. A croire que tous le soupçonnaient dans cette foutue cité ! Sa femme à peine en terre avec son fils et sa fille, tout le monde le prenait pour fou et capable de tuer. Elle allait pas s'y mettre elle aussi non ?
Si l'homme fulminait intérieurement, c'était uniquement parce qu'il se sentait pris au piège.
Pire, il sentait que tout le monde lui en voulait, que tout le monde était contre lui malgré sa peine. Tous autant qu'ils étaient avaient trouvés en lui le coupable idéal avant que le sale gamin de la folle se décide à classer l'affaire, prétextant que des animaux avaient fait le travail. On lui avait enfin foutu la paix, on lui avait enfin lâché les basques !
Il savait des choses certes, mais rien sur cette histoire !
Il avait peur, comme tout le monde, c'était une bonne preuve non ?
Toutes ces questions trottaient dans sa tête tandis qu'il gardait le silence. Ta demande le laissa sans voix. Il se demandait ce que tu foutais là et se demandait aussi pourquoi tu voulais lui poser des questions. Encore.

« L'affaire a été bouclée, foutez moi la paix. » répondit-il d'un ton où la colère se disputait une certaine appréhension.

Il fit mine d'ouvrir la porte à nouveau et de rentrer avant de se raviser. Il se retourna en soupirant et répondit plus calmement mais toujours sous le coup de la colère :

« Je suis fatigué. Veuillez entrer. »

Il ouvrit la porte et y adossa son dos pour te laisser entrer. Lorsque ce fut fait, il referma la porte derrière lui avant même qu'un de tes animaux aient pu entrer. Pour éviter toute remarque, il enchaîna aussitôt, te demandant d'un ton sec :

« Posez vos questions. »

« Tu es là ? » demanda une voix de femme en arrière plan qui eut pour effet de changer son attitude pour le faire pencher vers la peur l'espace d'une seconde.

Pour autant, il se rattrapa et répondit d'une voix naturelle, pleine de tendresse contrairement à ce qu'on aurait pu penser de lui :

« Nous avons de la visite mon enfant. »

La voix grommela quelque chose d'incompréhensible avant de s'éteindre et l'homme se retourna dans ta direction pour ajouter :

« Alors, que me voulez-vous ? »

L'homme en face de toi semblait hésiter entre la peur et la colère mais pour l'heure, il se contentait d'attendre de savoir ce que tu voulais exactement avant d'avoir une bonne raison de te mettre à la porte. Pour le moment, tu semblait surtout réfléchir à la manière d'aborder la chose et tandis que tu cherchais tes mots, le temps passait et il s'agaçait. Son regard allait et venait en direction des portes entourant le corridor de l'entrée, comme s'il craignait qu'un fantôme n'en sorte. Lorsqu'enfin tu repris la parole, il reporta son attention sur toi, comme si quelque part, cette intervention le rassurait. A croire qu'il était un peu fou sur les bords …

Il t'écouta sans un mot, et lorsque tu eus terminé, un sourire étrange se dessina sur ses lèvres. Une mission ? Il l'aurait deviné en te voyant. A bien te détailler maintenant qu'il t'avait en face de lui, force était de constater que tu n'étais pas du village et que tu étais sans doutes bien plus obstinée que ces crétins d'enquêteurs … Des réponses ? Quelles réponses ? L'affaire était réglée, des animaux avaient tué les pauvres êtres, ni plus ni moins, et s'il savait que cela ne pouvait pas satisfaire les grands esprits, cela devait bien te satisfaire non ? Il te foudroya du regard avant de te répondre froidement :

« Des animaux les ont tués. Je ne vois pas ce que je pourrais vous dire. »

L'homme allait ajouter quelque chose lorsqu'une jeune femme vous rejoint. Belle, jeune, elle avait des yeux émeraudes et de longues boucles noir de jais tombant sur ses épaules et coulant jusqu'au bas de son dos. Une jolie robe descendant jusqu'à ses genoux de couleur bleu nuit faisait ressortir tant ses magnifiques yeux que sa peau couleur de pêche.

« Qui est-ce ? » demanda-t-elle avec douceur sans pour autant te quitter des yeux.

L'homme ne répondit pas, éludant la question comme si la présence de la jeune femme le mettait mal à l'aise. Il s'empressa aussitôt d'ajouter :

« Je vous présente Ilina, ma nièce. Bon, finissons-en, dites moi ce que vous voulez savoir et fichez le camps ! »

« Vous ne souhaitez pas une tasse de thé ? Venez, suivez-moi, nous parlerons de ... de quoi d'ailleurs ? »

Lorsque vous furent enfin installés dans le salon, la jeune fille, installée aux côtés de son oncle, en face de toi, te demanda :

« Alors, vous cherchez quoi ? »

L'homme semblait vraiment agacé par le mutisme d'Annabeth. Il n'était pas le seul. C'était bizarre. Elle avait affronté un père gueulant, un Joris un peu moins gueulant, mais bien plus impressionnant, des hommes à l'aspect peu engageants, et toujours, ou presque, elle avait trouvé le moyen de l'ouvrir. Et là, devant cet homme chez qui elle s'incrustait pour sauver sa bourgade, elle osait à peine l'ouvrir, ne sachant que dire. La différence dans cette situation, c'était qu'elle avait besoin de lui. Et quand on a besoin des gens, le mieux à faire, c'est pas d'avoir la grande gueule. C'était bien dommage, car il l'énervait elle aussi à un haut point.

Quand elle parla, enfin, il sembla être soulagé. Bizarre. C'était la première que l'Elfe rencontrait quelqu'un qui était satisfait qu'elle parle. D'habitude, ils ont un grand sourire quand elle la ferme.

« Des animaux les ont tués. Je ne vois pas ce que je pourrais vous dire. »

Bon, au moins elle était fixée sur quelque chose. Son interlocuteur avait un sérieux problème d'oreille. En réalité, il était comme les gardes, que Lisbeth lui avait décrit : il ne voulait que se débarrasser du problème, cherchant à tout balancer par dessus la fenêtre. Pour se rassurer ? Pour ne pas s'impliquer ? Des bestioles ne pouvaient avoir fait ça. En plus, ça se voit ce genre de choses, grosses, velues, et un peu carnivores ! Annabeth vit qu'il allait ajouter quelque chose, qu'elle était prête à entendre, mais l'arrivée d'une superbe jeune femme le coupa dans son élan. Elle était réellement ravissante. Sa femme ? Trop jeune. Un instant, l'Elfe la détailla discrètement, une petite lueur d'admiration dans le regard. Comme elle lui enviait ses cheveux lisses, noirs, qui avaient l'air si bien soignés ! Sa peau de pêche, presque fragile, sa robe... Non, pas la robe. Annabeth, qui, depuis toute petite, vivait dans un milieu de garçons, ne savait pas réellement ce qu'était que porter autre chose qu'un pantalon. Depuis sa plus tendre enfance, elle n'avait été que garçon manqué, et maintenant, elle faisait partie des Compagnons de la Reine, où il y avait pas mal d'hommes. Et, on ne peut pas dire que les robes soit la tenue idéale pour le boulot. Puis, elle avait essayé, une fois, il y avait longtemps, alors qu'elle faisait un concours de déguisement avec Flowène. Elle s'était retrouvée mal à l'aise dans ce genre nouveau, et avait eu honte. Mais sa soeur avait tenu à ce qu'elles se montrent aux parents, car, selon elle, la robe lui allait très bien. D'ailleurs, leurs parents étaient d'accord. A tel point qu'ils lui avaient acheté une longue jupe compliquée, pleine de ruban. Ultra serrée. Et ils avaient obligé Annabeth à la porter, en PUBLIC ! Bien sûr, ses amis, qui n'étaient pas habitués à la voir, s'étaient esclaffés, et quand elle avait voulu les poursuivre pour leur faire ravaler leurs moqueries, elle avait trébuché et s'était étalée par terre. Une des plus grandes honte de sa vie. Depuis, elle vouait une haine impossible aux robes ou jupes, surtout celle qui sont serrées.
Mais celle, bleue saphir, que portait la femme, lui allait à ravir.

« Qui est-ce ? »

La voix douce de l'inconnue était si différente de celle, bourrue et irritable, de l'homme... Annabeth allait elle-même se présenter, mais ce-dernier la devança.

« Je vous présente Ilina, ma nièce. Bon, finissons-en, dites moi ce que vous voulez savoir et fichez le camps ! »

« Vous ne souhaitez pas une tasse de thé ? Venez, suivez-moi, nous parlerons de ... de quoi d'ailleurs ? »

Annabeth ne savait plus que penser. Devait-elle obéir à la douce Ilina, ou à son oncle si irritable ? Mais elle ne se posa pas plus longtemps la question, et suivit ses interlocuteurs dans le salon.

« Alors, vous cherchez quoi ? »

« Des réponses », faillit répondre l'Elfe. Mais elle en avait marre de se répéter. Que répondre ? En tous cas, ce dont elle était sûre (ou plutôt, ce dont elle voulait se persuader), c'était qu'Ilina se montrerait peut-être plus coopérative que son oncle. Elle avait un air si avenant... Peut-être avouerait-elle que ce n'était pas les animaux, peut-être qu'elle l'aiderait à avancer dans son enquête ! Tout compte fait, Annabeth ne manquait pas tant de chances que ça. Silmaria avait choisi de mettre sur sa route Lisbeth, qui l'avait considérablement aidée (et bouleversée...), et maintenant Ilina, qui serait sûrement plus loquace que l'homme !

« Je veux vous aider, en réalité. Les disparitions ayant eu lieu dans cette bourgade ne sont sûrement pas l'oeuvre d'animaux ! Ils auraient sûrement été vus ! Et les bêtes ne tuent pas pour le plaisir, même les félins, ils tuent pour se nourrir. Je veux découvrir la vérité, je veux de l'aide pour accomplir ma mission. Donc, si vous savez quoique se soit, vous devez me le dire, croyez-moi ! Vous pensez que l'affaire est réglée, mais elle ne l'est pas, et le habitants effrayés le savent aussi ! Cette affaire est loin d'être résolue. »

« Les bêtes sont comme les hommes mon enfant, elles tuent pour survivre, pour cacher des secrets et pour protéger les leurs. » se contenta de répondre la jeune fille d'un air distant.

Son regard n'avait pas quitté son oncle mais ce dernier persistait à l'ignorer, comme si elle n'avait été qu'un fantôme, une poupée de cire sur le point de se briser. Tous ici savaient ou tout du moins, se doutaient de quelque chose, mais aucun n'avait eut le courage de s'aventurer dans ces eaux de peur de s'y noyer. La vérité coulait dans les veines de ceux qui se dressaient désormais devant toi mais force était de constater qu'ils ne semblaient pas prêt à te la dévoiler aussi facilement. L'homme craignait visiblement quelque chose tandis que la jeune femme, aussi étrange cela soit-il, semblait calme et relativement distante, comme si au fond, cette affaire ne la concernait pas. Lorsque le calme reprit ses droits dans la pièce, elle répondit, mais comme si elle parlait à un auditoire plutôt qu'à toi seule.

« Mon oncle ne vous donnera aucune réponse. Je vous l'ai dit, les bêtes tuent pour cacher des secrets, les siens ne le pousseront pas à vous tuer, il est trop lâche pour cela mais il ne vous dira ... »
« Il suffit ! » lança l'homme avec humeur mais la demoiselle l'ignora et poursuivit, son teint pâle ne s’empourprant pas malgré la colère qui faisait vibrer sa voix :

« Mais dites-lui mon oncle, comment vous avez envoyé votre fils à peine âgé de dix sept ans à la guerre ! Dites lui comment vous nous avez séparés ! Vous n'êtes qu'un lâc... »
« Lisa ça suffit ! » vociféra l'homme non sans peur.

Un sourire naquit sur les lèvres de la jeune femme tandis qu'elle répondait froidement :

« Vous vous trompez mon oncle, je suis Ilina, votre nièce. »

Elle avait insisté sur le mot « nièce » comme pour se moquer méchamment de lui mais il ne releva pas. Bien au contraire, il changea de sujet et reporta son attention sur toi.

« Ce ne sont pas des bêtes qui les ont tués, mais que vous dire ? Qu'un homme s'amuse à tuer ces pauvres gens par amour pour ma fille disparue ? A quoi cela vous servirait, je n'ai ni preuve de ce que j'avance, ni témoignage. »

« Les bêtes sont comme les hommes mon enfant, elles tuent pour survivre, pour cacher des secrets et pour protéger les leurs. »

Annabeth se sentait perdue. Elle avait cru trouver une alliée en cette Ilina, mais apparemment, la belle jeune femme en avait décidé autrement. Mais elle n’allait pas se laisser emporter par le vent. Elle allait le maîtriser. L’Elfe sentait bien que les réponses se trouvaient ici, dans ce manoir. Ilina avait répondu de façon distante, comme si elle n’était pas concernée, mais cela sonnait faux.

« Excusez-moi, mais vous vous trompez, Ilina, répliqua-t-elle d’une voix glaciale. Les animaux ne ressemblent en rien aux hommes et sont simples d'esprit : ils tuent pour se nourrir, ou pour se défendre. Pour rien d'autres.

« Mon oncle ne vous donnera aucune réponse. Je vous l'ai dit, les bêtes tuent pour cacher des secrets, les siens ne le pousseront pas à vous tuer, il est trop lâche pour cela mais il ne vous dira ... »

« Il suffit ! »

« Mais dites-lui mon oncle, comment vous avez envoyé votre fils à peine âgé de dix sept ans à la guerre ! Dites lui comment vous nous avez séparés ! Vous n'êtes qu'un lâc... »

Annabeth suivait l'échange, de plus en plus étonnée. Elle se rappelait parfaitement son propre père, le seul « mâle » de la maison. Si elle lui avait parlé sur ce ton, le traitant de lâche, le provoquant, il n'aurait pas manqué de lui donner une belle gifle, ou deux pourquoi pas, et l'aurait enfermée dans sa chambre pendant une semaine voir plus. Heureusement, elle n'avait jamais tenté l'expérience... L'homme n'était peut-être que son oncle, mais comme Ilina pouvait lui parler sur ce ton ? Et pourquoi l'homme réagissait-il à peine ? Et surtout, la phrase « Je vous l'ai dit, les bêtes tuent pour cacher des secrets, les siens ne le pousseront pas à vous tuer, il est trop lâche pour cela mais il ne vous dira » ? Que signifiait-elle ? Avait-il déjà tuer par le passé ? La belle femme parlait de la mort de son interlocutrice comme si cela aurait été normal qu'il la tue ! Ce qui ne mettait pas Annabeth à l'aise. Mais ces deux bourgeois ne l'inquiétait pas, elle avait affronté bien plus. Des guerriers armés, armurés, aux dents sales, à la bouche qui dégageait une épouvantable odeur de vin. Alors cette belle jeune femme et cet homme qui n'arrivait même pas à imposer son autorité de l'effrayait pas. Par réflexe, l'Elfe toucha d'une main distraite son cou, juste au-dessus de sa poitrine. Et sous le Trèfle. Une Illusion pourrait toujours l'aider dans cette situation...

« Lisa ça suffit ! »

Lisa ? Mais sa nièce ne s'appelait-elle pas Ilina ? Lisa...Ce nom n'était pas inconnu à Annabeth, et en cherchant, elle se rappelait bien où elle l'avait entendue : Lisbeth. « C'est la Lyanna qui n'était pas contente mais quoi qu'elle en eut dit, son crétin de mari proposa en mariage la p'tite, Lisa qu'elle s'appelait, au plus offrant. » C'était exactement les mots qu'avait utilisée la tavernière. Lyanna devait être la mère.Mais la barmaid n'avait jamais cité Ilina. Etait-ce par oubli ? Ou...

« Vous vous trompez mon oncle, je suis Ilina, votre nièce. »

Bon, on ne pouvait pas dire qu'ils formaient une belle et heureuse famille. On pouvait clairement comprendre que la belle se moquait ouvertement de son oncle, sans la moindre gêne. Pourquoi son insistance sur le mot "nièce" ?Et si.... Un père ne pouvait confondre sa fille et sa nièce. Sauf si elles n'étaient qu'une. Ilina/Lisa... Ca expliquerait pas mal de choses. Et pourtant, il ne releva, et reporta son attention sur Annabeth.

« Ce ne sont pas des bêtes qui les ont tués, mais que vous dire ? Qu'un homme s'amuse à tuer ces pauvres gens par amour pour ma fille disparue ? A quoi cela vous servirait, je n'ai ni preuve de ce que j'avance, ni témoignage. »

Ah ben enfin on arrive à quelque chose ! Pas trop tôt ! Annabeth se radoucit, et répondit :

« Votre témoignage est déjà énorme comme preuve. Pour l'instant. Je me débrouillerais avec le reste. Mais vous devez me dire de ce que vous savez. Quel homme tue par amour pour... Lisa ? »

L'homme soupira et se dirigea vers la cuisine, sûrement pour faire du thé. Annabeth jeta un regard vers Ilina. C'était le moment d'en savoir plus. Loin du regard de son "oncle". Seule à seule. Entre filles...

"Bon, maintenant que votre "oncle", si c'est bien votre oncle n'est plus dans les parages, on va pouvoir papoter. Vous n'êtes pas Ilina, n'est-ce pas ? Pourquoi cette mascarade ?"

[ Par contre attention miss, tu n'es pas armée quand tu rentres chez les gens ]

La réplique fit sourire la belle aux yeux émeraude. Contrairement à ce que tu semblais penser, les hommes et les bêtes se ressemblaient énormément aux yeux de la demoiselle. L'instinct les poussaient à la bassesse pour survivre. Les parents étaient prêt à vendre leurs enfants pour vivre heureux encore un peu de temps. Certains étaient prêt à tuer pour se nourrir, d'autre, pour se défendre. La nature humaine était profondément marquée par cet instinct bestial. Au fond, que tu comprennes ce qu'elle avait voulu dire ou non ne changeait rien car si elle avait les clés du mystère, elle ne comptait pas te les donner. Et comment aurait-elle pu elle que le monde rejetait chaque jour davantage ?
La demoiselle s'abstint de commentaire sur ce point, de toute façon, peu importait qui la comprenait ou non, de son vivant, jamais personne n'avait cherché à le faire.

La question était visiblement dérangeante aux yeux de l'homme et visiblement très drôle, vu le sourire sarcastique qui se dessinait sur ses lèvres, pour la jeune femme. Comment une telle situation pouvait provoquer deux réactions aussi différentes ? Bonne question. L'homme grogna avant de finalement ajouter :

« Lisa était ma fille » lâcha-t-il péniblement avant de reprendre d'une traite, « Sa mère et moi souhaitions lui trouver un bon parti mais elle a toujours refusé les prétendants qui sont venus frapper à notre porte et un beau matin, elle s'est pendue. Après ça, ma femme est morte, emportée par la folie. Vous cherchez un assassin ? Grand bien vous en fasse, mais vous ne trouverez personne ici. Allez donc voir du côté des prétendants si cela vous chante, je m'en fou, si la liste de leur noms peut vous faire déguerpir, je vous l'écris sur le champs ».

Et l'homme sortit aussitôt en se dirigeant vers la cuisine, las. Un dernier regard en direction de sa « nièce » toutefois, l'air de dire quelque chose sans oser le dire mais non, il se retourna et sortit de votre champs de vision.

Ta réflexion fit sourire la demoiselle mais ce fut avec un calme tout à fait maîtrisé qu'elle répondit :

« Je suis désolée, vous vous méprenez. Mon prénom est Ilina en revanche, je connaissais très bien Lisa pour avoir vécu longtemps ici aussi, je peux répondre à vos questions mais j'émets une condition, je ne vous donnerai des informations que si vous acceptez de m'en livrer aussi. Cette enquête m'intrigue, il ne se passe jamais rien dans le coin alors pour une fois que j'ai un peu d'action, je ne vais pas cracher dessus ! »

Son ton enthousiaste faisait presque froid dans le dos. Sa présence elle-même faisait froid dans le dos comme si elle n'avait été en réalité qu'une poupée, une marionnette manipulée par une ombre. Glaciale malgré ses sourires, froide et distante malgré ses manières attentionnées. Comme si la mort elle-même te parlait.

« Vous cherchez une mascarade ? Prenez cette famille. Mon oncle n'a pas hésité à vendre son fils à la guerre pour l'éloigner de sa précieuse Lisa et elle, il l'aurait vendu au plus offrant si elle ne s'était pas suicidée avant ! Sa femme est morte de chagrin à cause de lui, ses enfants sont morts à cause de lui et voilà qu'aujourd'hui, les hommes qui tournaient autour de sa fille meurent à leur tour. Il a peur, non pas pour moi, mais pour sa misérable vie. S'ils meurent les uns après les autres, sans doutes serons-nous les prochains sur la liste vous comprenez ! »

Elle reprit son souffle avant de poursuivre :

« Lisa est bien morte, et c'est de sa faute ».

Tu pouvais clairement sentir la rancœur de la demoiselle dans sa voix, visiblement, elle aimait énormément « Lisa » et sa mère, assez du moins pour que sa haine soit perceptible.

« Le frère de Lisa était quelqu'un de très gentil, nombre de manants disaient qu'il aimait secrètement sa sœur mais aucune preuve n'a jamais été avancée à ce sujet. Mon idiot d'oncle a été suffisamment horrible pour croire ces choses et il … tout ce qui arrive est de sa faute, notre tour viendra bientôt ».

Elle se tut quelques secondes avant d'ajouter avec plus de légèreté :

« Lisa est morte, pourquoi avoir cru à son réveil ? »

Une seconde de silence.

« Avez-vous d'autres questions ? Sur les amants de ma cousine ou encore, sur ses habitudes et sur mon oncle ? Je me ferais un plaisir d'y répondre mais d'abord, n'oubliez pas notre marché ».

Si tu voulais en savoir plus, si tu voulais lui poser des questions plus pointilleuses, il allait falloir obéir. Peut-être était-ce le moment de montrer la seule preuve tangible que tu avais en ta possession, cette lettre étrange écrite par un certain « Robbin ». Peut-être la cousine en saurait-elle plus à ce sujet ou encore, peut-être sa langue se délierait-elle plus facilement ?

[J'ai édité, merci de me le rappeler !]

« Lisa était ma fille. Sa mère et moi souhaitions lui trouver un bon parti mais elle a toujours refusé les prétendants qui sont venus frapper à notre porte et un beau matin, elle s'est pendue. Après ça, ma femme est morte, emportée par la folie. Vous cherchez un assassin ? Grand bien vous en fasse, mais vous ne trouverez personne ici. Allez donc voir du côté des prétendants si cela vous chante, je m'en fous, si la liste de leur noms peut vous faire déguerpir, je vous l'écris sur le champs ».

Oui, tout ce que lui racontait cet homme coïncidait assez à ce que lui avait déclaré Lisbeth. Le suicide de la petite, la mort de la mère, les prétendants... L'Elfe ne savait pas où était le vrai ou le faux, si il était possible qu'en effet, il n'y ai rien à découvrir ici, et Lisbeth avait eu tort. Mais, allez savoir pourquoi, Annabeth avait bien plus confiance en cette tavernière un peu bourrue, mais adorable, et en plus, elle avait le même nom que son ancienne apprentie, qu'en cet inconnu qui l'avait accueilli de façon on ne peut plus hostile, ou même en cette Ilina, qui n'était sûrement pas ce qu'elle disait. Au moins, la barmaid avait été honnête avec la jeune demoiselle, contrairement à ses deux interlocuteurs, qui semblaient lui cacher bien des choses. Plissant les yeux, la belle faillit répliquer, mais, heureusement d'ailleurs, car s'énerver contre son hôte lui aurait valu des ennuis, celui-ci se leva aussitôt et sortit de la pièce.

« Je suis désolée, vous vous méprenez. Mon prénom est Ilina en revanche, je connaissais très bien Lisa pour avoir vécu longtemps ici aussi, je peux répondre à vos questions mais j'émets une condition, je ne vous donnerai des informations que si vous acceptez de m'en livrer aussi. Cette enquête m'intrigue, il ne se passe jamais rien dans le coin alors pour une fois que j'ai un peu d'action, je ne vais pas cracher dessus ! »

Le ton qu'employa la très belle femme fit tressaillir Annabeth. Comment pouvait-elle se montrer si...Inhumaine ? Le malheur des autres n'était donc que cela pour elle ? Une histoire amusante à écouter ? Une histoire de laquelle elle pourrait rire plus tard, en buvant tranquillement sa tasse de thé ? Se montrer ainsi n'était-il qu'une façade ? On pouvait facilement en doutait. Son ton enthousiaste n'était pas feint, ça s'entendait. L'Elfe regretta soudain que l'homme fût parti. Ilina semblait montrer une nouvelle parcelle de sa personnalité, peut-être la seule qui était réelle, et non feinte. Bien qu'elle provoquât son oncle/père, elle n'avait pas eu ce ton...si... Etrange en sa présence. Annabeth n'était pas une lâche, et la peur était un mot qui avait souvent était banni de son vocabulaire. Mais en cet instant, elle aurait préféré être ailleurs qu'assise dans un manoir lugubre chargé de morts, face à une femme glaciale, distante. Morbide, presque.

Je vous dirais ce que je pourrais vous dire.

Il n'était pas question évidemment de donner des informations compromettantes, ou secrètes à cette gamine curieuse. Gamine étrange, aussi. En toutes autres circonstances, l'Elfe lui aurait sûrement dit qu'elle pouvait aller se faire foutre, ou lui aurait communiqué son désaccord d'un petit coup de poing bien placé, voir si, avec du sang sur son visage, et un nez cassé, elle serait aussi belle. Mais, comme depuis le début de sa conversation, elle n'avait pas le choix, et devait plier l'échine. Ah, si sa famille la voyait...

Vous cherchez une mascarade ? Prenez cette famille. Mon oncle n'a pas hésité à vendre son fils à la guerre pour l'éloigner de sa précieuse Lisa et elle, il l'aurait vendu au plus offrant si elle ne s'était pas suicidée avant ! Sa femme est morte de chagrin à cause de lui, ses enfants sont morts à cause de lui et voilà qu'aujourd'hui, les hommes qui tournaient autour de sa fille meurent à leur tour. Il a peur, non pas pour moi, mais pour sa misérable vie. S'ils meurent les uns après les autres, sans doutes serons-nous les prochains sur la liste vous comprenez !Lisa est bien morte, et c'est de sa faute ».

Annabeth eut confirmation, dans ce simple monologue que « Ilina », qu'elle soit Lisa ou pas, détestait son « oncle », et dans la rancoeur qu'elle y avait mis. Cet homme était-il donc un tel monstre ? Ne pensait-il réellement qu'à sa propre vie ?

« Le frère de Lisa était quelqu'un de très gentil, nombre de manants disaient qu'il aimait secrètement sa sœur mais aucune preuve n'a jamais été avancée à ce sujet. Mon idiot d'oncle a été suffisamment horrible pour croire ces choses et il … tout ce qui arrive est de sa faute, notre tour viendra bientôt. »

 Tout cela, les prétendants, le suicide de Lisa, la mort de sa mère, serait donc la faute de simples ragots ? L'oncle d'Ilina serait-il donc assez sot pour juger par rapport à des commérages ? Ou n'était-ce qu'une exagération de la part de sa nièce ?
Annabeth réfléchit, à cette histoire d'amour impossible, peut-être inexistante, et repensa à la lettre que lui avait confié Lisbeth. Robbin était-il le frère de Lisa ? Mais pourquoi aurait-il envoyé une lettre, alors qu'ils vivaient sous le même toit ? Non, elle faisait forcément fausse route..

 « Lisa est morte, pourquoi avoir cru à son réveil ?

Je ne sais pas, une simple impression. Pour être honnête, si je puis me permettre, je ne trouve pas la réaction de votre oncle très... coopérative. Et le fait qu'il se soit trompé toute à l'heure. Je ne suis pas spécialiste, mais je ne pense pas qu'un parent pourrait se méprendre, et confondre sa fille et sa nièce. Mais ce n'est qu'une supposition.

Le message était clair : elle se posait toujours des questions quant à la réelle identité de son interlocutrice. Et elle ne lui faisait absolument pas confiance.

« Avez-vous d'autres questions ? Sur les amants de ma cousine ou encore, sur ses habitudes et sur mon oncle ? Je me ferais un plaisir d'y répondre mais d'abord, n'oubliez pas notre marché ».

Evidemment, c'était trop beau. Ilina avait certes parlé, mais apparemment, elle devait se sentir seule... Annabeth se tut, pensive, ne sachant que révéler pour satisfaire la curiosité malsaine de la belle femme. Elle n'avait pas appris grand chose qu'elle ne sache déjà. Lisbeth lui avait surtout parlé des gardes et de la famille Stank, ce qui ne satisferait en rien son interlocutrice. Que révéler ?

...
Etait-ce le moment de parler du mystérieux Robbin ? Ou non ? Mais alors, que servir comme réponse ?
Résignée, la belle sortit l'enveloppe de sa poche, et la tendit vers Ilina, attendant qu'elle la prenne.

"Je prendrais ce que vous me donnerez, en espérant que ça m'aide.

Ta réponse la fit sourire, sincèrement pour une fois, et presque tristement, aussi étrange soit-il. Ce sourire mélancolique lui allait si bien au final, qu'on aurait presque voulu qu'elle l'affiche en permanence. Croire qu'elle pouvait encore être en vie … si seulement … si seulement elle avait pu l'être en sa compagnie. Pour le reste, la jeune femme était loin d'être stupide, elle avait pertinemment compris le sous entendu contenu dans tes propos mais pour autant, elle ne tenait pas à le relever. Pas encore. Il était évident que tu ne partirais pas avant d'avoir obtenu ce que tu voulais et ce que tu voulais n'était autre qu'elle. Quelle déception quand tu reviendrais le lendemain, quand tout se serait fini loin de toi, loin de ta compréhension. Car cette histoire touchait à sa fin, le dernier chapitre était à l'œuvre et c'était bel et bien Lisa qui en tenait la plume entre ses doigts fins de poupée de porcelaine.

La petite demoiselle était loin d'être sotte, elle savait que plus elle t'en dirait, plus elle te mènerai sur une fausse piste et donc plus elle aurait le temps de finir ce qu'elle avait commencé. De plus, en sachant ce que tu avais appris, la petite Lisa se disait qu'un lien, même fragile et futile, vous lierez toutes les deux, ce qui lui permettrait de te manipuler, ce qu'elle faisait d'une main de maitre depuis le début. Cependant, si les dieux lui avaient offert une nouvelle existence, sans doutes n'étaient-ils plus très joueurs. Son destin scellé dans une enveloppe, une simple enveloppe que tu lui tendais. L'enveloppe de Robbin.
La dernière enveloppe de Robbin.
D'abord inconsciente de ce qui se tramait, la jeune femme prit la lettre dans sa main, sa curiosité piquée au vif. Sans hésiter, avide de savoir ce qu'elle cachait, elle sortit le précieux papier de l'enveloppe et se mit à parcourir les lignes tracées à la plume.

« Ma chère Lisa,

Je regrette de te confier ces quelques mots sur un simple bout de papier mais je quitte la maison demain sur ordre de Père. Sans doutes ne comprendras-tu pas sa décision, mais de grâce, ne me pleure pas. Je reviendrais, et je t'offrirais la liberté des anges. Dans l'espoir de te serrer à nouveau dans mes bras,
Robbin. »

Elle avait perdu.
Ces quelques mots sur un papier jauni par le temps furent bientôt baignés de larmes.
Loin d'elle désormais l'image de la cruelle demoiselle qui torturait son oncle, loin d'elle l'image de l'horrible femme prête à rire de la mort de ceux à qui elle avait ôté la vie. Il était là. Dans ces quelques lignes écrites avant son départ. Il était là, lui et leur promesses.
Un sourire naquit sur les lèvres de la belle et son visage sembla soudain apaisé.

Les larmes roulèrent en silence sur ses joues jusqu'à s'écraser sur le papier qu'elle tenait encore dans ses mains tremblotantes. Le silence, pesant, enveloppait la pièce d'un voile morbide jusqu'à ce qu'elle se décide enfin à parler.

« Robbin était quelqu'un de beau, d'intelligent et de tellement délicat. Enfants, nous avions fait la promesse de ne jamais vivre séparés. Enfants, nous avions promis devant la déesse lune d'unir nos âmes. Ce soir-là, nous avons unis nos corps sous l'œil clément des étoiles. Ce fut la seule et unique fois. Le lendemain, Père envoya Robbin à la guerre et il n'en revint jamais. Je l'aimais éperdument et même dans la mort, je n'ai su trouver le repos ».

La belle parlait sans s'arrêter, semblant fixer un point à l'horizon, comme si son cher Robbin allait passer la porte et la prendre dans ses bras.

« Nous n'avions commis qu'un crime, celui d'être nés frère et sœur. » lâcha-t-elle enfin, avant de reprendre tristement, son regard se posant à présent sur toi, « Je suis morte en l'an de grâce 152, ici même, dans ce salon. Ma mère désespérée et déchirée entre notre idylle et la morale, tenta de raisonner mon père. J'ignore ce qu'il advint d'elle après mon trépas, lorsque je revins à la vie, elle n'était plus. »

A nouveau ce sourire cruellement triste et mélancolique.

« J'ai été réveillée par celui que l'Outre Tombe nomme 'Maître'. J'ignore pourquoi et dans quel but, mais on m'a offert vengeance et j'ai saisi cette chance. » cette fois, elle parlait avec beaucoup plus d'ardeur, « Je suis revenue ici, sur la terre de mes ancêtres, dans cette maison où Robbin et Mère avaient vécu. Il était là, apeuré, terrorisé à l'idée que je sois devant lui. Alors j'ai souhaité sa mort, je lui ai expliqué qu'en échange de sa vie, la mienne en serait allongée mais il a refusé. Dans la vie comme dans cette mort, mon propre père a refusé de se sacrifier pour ses enfants. Il a préféré les attirer un par un ici pour que je m'abreuve de leur vie. Chacun d'entre eux qui m'avait soit disant aimée, qui avait juré la mort de mon propre sang, qui m'avait conduit à embrasser la mort. J'ai volé leur vie en échange de celle que l'on m'avait offert mais ce n'était pas la leur que je voulais, seulement la sienne. »

A présent, elle parlait comme à un fantôme, comme prise dans la litanie.

« Je suis l'assassin de ces pauvres âmes mais si j'ai été la main, il a été la tête et les as mené ici. Le tuer devait clore cette histoire mais ce soir est ma dernière nuit parmi les votre … Mes yeux seront éternellement clos demain, avec la certitude que je pourrais rejoindre Mère et Robbin en paix. Il ne mérite ni le pardon, ni la mort, vivre sa pénitence sera son châtiment, tel est mon choix. »

Elle revint sur terre, comme si jusque là, elle n'avait pas été consciente de ce qu'elle disait.

« Je suis désolée pour eux, chaque nuit où j'ai rencontré leur chemin, la soif de vie était plus forte que ma conscience. J'ai tenté de résister sans succès. Je suis désolée, je ne voulais pas les tuer. Je vais mourir bientôt, mieux vaut me laisser seule, je ne veux pas vous faire de mal … et emmenez-le lui aussi, car je veux qu'il vive pour expier ses fautes. »

Elle était humaine, son cœur battait à tout rompre, ses poumons brulant de l'air qu'ils ingéraient.
Elle vivait, pour quelques heures durant.
Lisa te sourit, ajoutant simplement et sincèrement un « merci ». Son père avait mené les victimes au manoir, conscient que sans cela, sa fille mourrait et ne manquerait pas de le tuer avant. Et qui l'aurait cru, lui le fou qui avait causé la mort des siens ? Lui qui, non content de mentir à sa femme et sa fille, avait tué de ses propres mains son fils pour ne pas le voir à nouveau avec sa cadette. Lui qui, pour étouffer les pleurs de sa femme, lui avait ôté la vie une nuit de pleine lune. Lui qui, pour ne pas subir les reproches de son unique fille, l'avait droguée pour qu'elle se décide enfin à trépasser … Cette histoire touchait à sa fin, le dernier chapitre venait de s'écrire et bientôt, la princesse fermerait les yeux à jamais.
Son prince charmant l'attendait déjà de l'autre côté.

[ Terminé ! Merci beaucoup pour cette mission, j'espère qu'elle t'aura plu ! ]