C’était injuste, de toute façon la vie était injuste ! Elle se tuait à l’entrainement, elle rentrait fatiguée chez elle, arasée par tout ce sport mais non, sa maman avait trouvé le moyen de se faire remplacer tout un week-end à son travail ! Et devinez par qui, et oui, par elle ! Alors que le week-end, c’était justement deux jours de bonheurs où elle pouvait se reposer et prendre un peu soin d’elle. Madame avait soit disant une réunion avec d’autres elfes vivant à Cydonia, tss. Ce n’était pas juste ! Mais pas du tout !

C’est en ressassant des idées noires que la jeune elfe se dirigea vers l’auberge où travaillait Leila. L’auberge portait d’ailleurs un nom assez étrange « La belette affamée » si Gaby ne se trompait pas, quel nom stupide ! Franchement qui peut donner ce nom à son commerce ? Tss. Comment sa mère pouvait travailler là-bas ? Alors que son emploie chez l’apothicaire couvrait largement leurs frais, pourquoi s’embêtait-elle à servir des ivrognes sous les ordres de personnes, visiblement, avec certains problèmes mentaux. Parfois, elle ne comprenait plus du tout sa maman.
Arrivée devant le bâtiment, elle respira un grand coup avant de franchir le pas de la porte. Elle observa la salle. C’était un endroit propre de taille moyenne. Leila était au milieu de la pièce, souriante, près d’une table ronde, où un couple prenait commande.

-Maman ! Je suis là … ronchonna Gaby

Mais déjà elle avait repérée la cheminé, oui elle aimait de moins en moins cet endroit. Elle se décala alors vers le comptoir,
loin des flammes dansantes au fond de la salle.

-Maman, je peux pas travailler ici ! Tu sais bien que je hais tous endroits avec du feu ou tout ce qui y ressemble !

-Excusez moi je reviens tout de suite. Ma chérie, tu a dix-huit ans et aspirante zélote, tu peux très bien surmonter cette phobie.

-Mais mamaaaaan ...

Mais sous le regard de sa mère, Gaby préféra se taire, elle ne voulait pas non plus la décevoir.

-D’accord, d’accord, je le ferai, mais je refuse d’approcher cette cheminé !

-Bien, j’étais sure que tu accepterais ! Viens la fille de la gérante t’attends, elle voulait te parler un peu avant que tu commences ton service.

-Anh, même ce soir je vais devoir te remplacer ? Mais Mamaaaan !

-Oui, allez ma chérie, ce n’est pas si grave, puis si tu veux l’argent que tu toucheras, tu pourras les garder pour toi.

Gaby pensa très fort « Encore heureux » mais elle préfère justement le penser que le formuler à voix haute.

Une jeune fille alors approcha.

-Elyncia, voici ma fille : Gabrielle.

Gaby n’en croyait pas ses yeux. D’ailleurs elle s’arrête nette quand elle l’aperçut et devint violette comme une pivoine.

Une baffe, une simple baffe. Et pourquoi ?

- Qu'est-ce qui ne va pas avec toi ?! Une fille... tu réalises ? Nous couvrir de honte comme ça. Oh non non non. Tu vas filer dans ta chambre et n'en sortir que lorsque tu auras récupérer tes esprits ma pa...

Voila pourquoi.

- La ferme ! Je t'interdis de détourner les yeux devant la vérité cette fois ! J'aime Gabrielle et je n'ai pas honte de le dire, je l'aime de tout mon cœur, t'en déplaise ! Tu le sais, tu l'as toujours su mais tu n'as fais que te voiler la face durant toutes ses années à essayer de me marier avec un noble fils à papa ! C'est toi qui devrais avoir honte !

Au moins cela avait le mérite d’être clair. Gaby ne savait plus où se mettre. Elle avait plus ou moins dit à sa mère qu’elle voyait quelqu’un et que c’était sérieux, mais elle n’avait pas encore mentionné le fait que c’était une femme.

- Comment oses-tu parler sur ce ton à ta mère ! Leila, dis quelque chose ! Tu ne peux pas accepter ça n'est-ce pas ?

Gabrielle baissa misérablement la tête, les oreilles frissonnantes de peur. Elle ne savait pas du tout comment réagirait sa mère et elle craignait par-dessus tout sa réaction. A sa plus grande surprise Leila éclata de rire, avant de se tourner vers sa fille.

-Ma chérie, je suis si contente pour toi. J’avais compris que tu voyais une demoiselle, tu sais je te connais bien. Sache que quoi que tu fasses, je serai toujours fière de toi et que je t’aimerai toujours.

Puis elle regarda Nora.

-Je sais que c’est difficile à accepter mais nous voulons le bonheur de nos enfants non ? Avec le temps je suis sure que tu t’y feras.

Gaby soupire de soulagement. Elle élança sa maman, sa joie ne pouvant être traduit par des mots.

Puis elle s’approcha de son amie.

-Et heu, et bien, Elyncia tu devais me montrer le métier de serveuse non .. ?

Elle lui sourit piteusement car elle avait très bien conscience du malaise de la situation. Elle voulait lui montrer qu’elle tenait à elle et qu’elle s’en moquait de ce que sa mère pouvait bien dire ou penser. Mais lui dire comme cela, en public, c’était tout simplement au dessus de ses forces. Cela n’empêchait pas le fait qu’elle aimait Elyncia de tout son cœur.

Grimpant les marche qui menait au premier, Elyncia sentit la main de Gabrielle prendre la sienne. Elle aurait pu en pleurer de la savoir à ses côtés alors que d'autres auraient surement été démontée par le discours de Nora. Elle n'avait pas besoin qu'elle le lui dise, ces mots qu'elle lui dirait quand même. Elle connaissait son amour et elle en avait besoin. Elle ne s'était pas vraiment remise de la mort de Guy, mais la présence de la demie-elfe avait permis de rendre la chose plus supportable... vraiment plus supportable.
Gabrielle essaya de la rassurer, lui arrachant un sourire timide mais plein de satisfaction. Le fait que Gabrielle se sente concerné par cette histoire était déjà une victoire sur sa mère. Nora n'avait pas les armes nécessaires pour faire taire son coeur qui la poussait vers Gaby, et jamais elle ne pourrait les séparer toutes les deux.
Puis quand elle lui murmura à l'oreille, Elyncia sentit son coeur exploser. Elle aimait vraiment l'idée d'une telle proposition, et encore plus les derniers murmures de sa future compagne. Arrivée en haut des marches, elle se tourna vers la belle Gabrielle, et blottit sa tête dans le creux de son épaule avant de répondre :

- Moi aussi je t'aime. Mais je ne pense pas que ce soit raisonnable. Je connais ma mère et si Leila me recueillait, je suis certaine que ça la mettrait dans une mauvaise situation. Ma mère serait folle de rage. Ta mère a besoin de ce travail, je ne veux pas qu'elle se fasse jeter à la porte comme moi. Cela-dit, j'aurai tellement aimé. Je pense que je vais demander à mon Capitaine. Je peux lui faire confiance. Et puis il ne m'empêchera pas de découcher, et il saura se taire.

La lancière releva lentement la tête, déposant quelques doux baisers dans le coup de son amante pour ensuite la regarder dans le fonds de ses yeux dorés. Puis elle s'avança jusqu'à ses lèvres qu'elle embrassa tout en accompagnant son geste d'une légère caresse sur la joue tout en gardant son autre main dans celle de Gabrielle. Lui souriant, elle se retourna, la guidant jusqu'à sa chambre. Quand elle ouvrit la porte, elle lui déclara :

- Voici mon antre.

Si la pièce était plutôt petite, elle était surement l'une des plus grande du premier étage. Au fond à droite se trouvait son lit, efflanqué d'une table de nuit où seules une lampe à huile et une brosse à cheveux étaient posées. Sur leur gauche, se dressait une énorme armoire dont la porte se voyait incrustée d'un miroir. A côté de l'armoire, il y avait une malle sur laquelle reposait l'armure de la jeune femme et si on se rapprochait, on pouvait voire entre cette malle et l'armoire l'arme de la lancière. Nul doute que la belle l'avait affûté il y a peu avant de la polir, lui rendant son éclat. Le regard que lança Elyncia vers son arme en disait long : il était le même que celui qu'elle lançait à Gabrielle ; rempli d'amour et de passion. Certains disaient même dans son bataillon qu'il n'y avait de place en son coeur que pour cette lance anonyme, mais ils ne savaient rien de la relation qu'elle entretenait avec la Zélote.
Mais la tristesse voila son regard éclatant. Elle n'était plus chez elle ici, mais il ne faisait aucun doute que cet endroit lui manquerait. Elle avait tellement de souvenirs ici qu'il était impossible qu'elle ne puisse un jour s'en défaire définitivement sans verser quelques larmes. Elle regrettait ces journées passées à discuter ici avec Kashya, Guy et Adrëan. Elle était vraiment heureuse d'avoir Gabrielle, mais si elle pouvait les avoir eux aussi, tous les trois, elle n'en serait que plus heureuse encore. Mais Guy n'était plus de ce monde et Kashya était à Jaffa. Quant à Adrëan, il était un véritable fantôme. C'était à ce demander s'il vivait vraiment à Cydonia tant il était sollicité par ses supérieurs. Monsieur découvrait ce qu'était l'armée et ce à quoi elle avait eu le droit pendant une années entière de façon intensive.

Doucement, les larmes aux yeux, la jeune femme s'approcha de sa malle et après avoir retiré l'armure qui gisait dessus, elle l'ouvrit, révélant un sac kaki qu'elle saisi avant de le jeter sur son lit. Elle tira le tiroir en bas de l'armoire avant de rassembler ses sous-vêtements (qu'elle fourra dans le sac) avant d'ouvrir la penderie. Elle n'avait que peut de robe et la plupart d'elle était plutôt simple. Seule deux se distinguaient des autres. La première était - ou plutôt eut été - une magnifique robe de soie noire désormais en lambeau. Il s'agissait d'un cadeau de Kashya dont elle s'était servi lors d'une "mission" d'infiltration pour bâillonner et ligoter un marin almer qui les avait surpris elle et Jarod sur le navire sur lequel il devait s'introduire pour libérer une jeune esclave. Elle avait une valeur sentimentale pour Elyncia qui n'osait s'en séparer, même si elle était bonne à jeter maintenant.
La deuxième était une robe verte à froufrou au décolleté plongeant. Elle ne la prit que lorsqu'elle eut fourrées ses robes les plus simples dans son sac, à l'aide de Gabrielle. Elyncia lança un regard timide vers cette dernière, la robe contre son corps.

- Ma plus belle robe... je voulais te la montrer pour une grande occasion. Je ne l'ai mise qu'une fois pour l'instant. Enfin ma mère m'avait forcé à la mettre quand j'ai diné avec Zihark, la veille de la bataille d'Erathia. Elle pensait que Zihark et moi... enfin tu vois. J'aurais aimé que tu sois à sa place ce soir-là, j'aurai aimé être belle pour toi et rien que pour toi.

Suite à cet aveux, la cydienne se mit à rougir. Alors qu'elle lui avait dit ces mots, elle avait imaginé la réaction que Gabrielle aurait eu en la découvrant telle qu'elle était ce jour-là et elle n'arrivait pas à la voir autrement qu'avec des yeux ébahis, la désirant de tout son être. Cette pensée lui provoqua une grande bouffée de chaleur avant d'ajouter :

Si tu veux, je pourrais la porter demain soir. Mon Capitaine a organisé une petite fête, un peu tardive, pour ma promotion. Il m'a dit que je pourrai amener qui je voulais... alors voilà... si tu n'as rien de prévu, je serai heureuse que celle que j'aime présente pour fêter ça.

Elle attendit sa réponse comme une pouvait attendre un cadeau pour son anniversaire et chaque seconde était un supplice pour la lancière. Mais quand Gabrielle lui confirma qu'elle serait présente, alors la jeune femme lui sourit avant de ranger délicatement sa robe dans son sac. Pour son armure, elle n'avait pas d'autre choix que de la vêtir si elle voulait l'emporter aujourd'hui. Elle devrait retirer les vêtements qu'elle portait alors. L'idée de le faire devant Gabrielle lui fit monter le rouge aux joues. Se raclant la gorge, elle lui demanda :

- Dis, Gaby.... est-ce que tu peux juste sortir le temps que je me change ? Je te rejoins très vite.

Après avoir dis ces mots, ce n'était pas que ses joues qui étaient devenues rouges mais tout son visage. Elle avait envie que Gabrielle puisse découvrir son corps que le jour de leur première fois et puis c'était aussi parce que la jeune femme était plutôt pudique. Et puis Nora pourrait surgir à tout moment ce qui risquerait d'envenimer les choses. Bref ce n'était pas franchement une chose à faire pour l'instant.
Gabrielle lui dit alors qu'il n'y avait pas de problèmes et une fois qu'elle eut refermé la porte, Elyncia se déshabilla avant d'enfiler sa tunique de cuir bleu, y accrocha le voile cyan puis monta ses collant jusqu'à mi-cuisse. Puis elle mit son plastron, ses bottes, ses gantelets ainsi que les autres protections. elle accrocha son bouclier dans son dos, et enfin, elle enfila son casque, récupérant sa lance. Un jour elle lui trouverait un nom, ce que n'avait pu faire ses ancêtres. Mais pour l'heure Gabrielle l'attendait. Prenant son sac, elle se dirigea vers la porte, l'ouvrit et retrouva Gabrielle, souriante. C'était la première fois qu'elle la voyait en armure et Elyncia se demandait ce qu'elle pouvait bien ressentir en la voyant enfin comme une guerrière.
Elle aurait sans-doute bientôt une réponse à cette question. Ensemble, elle descendirent les marches et en bas, Elyncia croisa le regard inquiet de son père. Elle le rassura d'un sourire avant de se diriger vers la porte, passant devant Leïla qui souriait timidement. Seule Nora ne souriait pas et les deux jeunes femmes n'eurent droit qu'à un regard noir de sa part, attisant la détermination de la lancière. Elle ne les séparerait pas.

Une fois dehors, elle marchèrent main dans la main sous la lueur des torches qui éclairaient les ruelles de la cité. Elle marchèrent ensemble un petit moment mais il vint le temps de se séparer pour aujourd'hui :

- Tu me rejoins chez Tanurin demain ? Tu te souviens où il habite hein ?

Apparemment il n'y avait pas de problème et sa mémoire à elle était bonne contrairement à la sienne. Elyncia lança alors un dernier regard vers ses deux orbes d'or qui brillaient de mille feux sous la lueur des flammes puis, après avoir retirée son casque, elle alla chercher ses lèvres avec les siennes avant de lui avoir murmurer "A demain".