[DE]Une fin de patrouille mouvementée (Lyvie) (fini)

Deux semaines. Cela faisait déjà deux semaines que Saku était en forêt, et elle n'était toujours pas tombée sur ses futurs Soumis. Oui. Elle considère presque tous les hommes comme des bons à rien, ou plutôt, bons à effectuer les tâches manuelles les plus ennuyantes, et la reproduction. Ses ressources s'étaient épuisées depuis longtemps, et elle avait dû rapidement se nourrir de baies, ou animaux qu'elle trouvait en forêt. Mais elle essayait au maximum de limiter les feux qu'elle pourrait faire histoire de ne pas se faire prendre par surprise. Ce pseudo-échec dans sa patrouille pouvait selon elle expliquer deux choses. Soit les hommes avaient enfin compris que chercher Muria était peine perdue, soit Saku était devenue malchanceuse au point de ne pouvoir rencontrer personne. Pour sa part, elle préférait encore être malchanceuse. Après tout, le fait que les hommes n'aillent plus dans la forêt était bien embêtant, puisqu'elle admettait qu'ils pouvaient être utiles... parfois.

C'est donc avec un ventre semi rempli, tout autant que son carquois dans lequel il ne restait plus qu'une dizaine de flèches, avec sa chasse, qu'elle continua sa patrouille ce jour-là. Elle décida d'ailleurs que c'était son dernier essai avant de retourner dans sa chère cité. L'amazone recommença donc son exploration, sans bruit. Ses pieds frôlaient le sol feuillu et verdoyant, sans même écraser les plantes. Volatile, ce qui lui servait de jupe trainait sur son passage, masquant un peu les éventuelles traces qu'elle laissait de ses pieds nus. Et finalement, elle finit par tomber sur ce qu'elle cherchait depuis si longtemps. Deux hommes... Parfait. Ils étaient peut-être en meilleur état qu'elle, niveau santé, mais elle connaissait sa forêt. Se débarrasser d'un en lui tombant dessus, l'endormir avec un coup sur la nuque, puis menacer l'autre d'une flèche pour qu'il attache son compagnon avant de se faire lui-même lier les mains.

Le plan -simple- mis en place, elle commença à l'appliquer, montant sur un arbre qui, selon toute logique, serait juste à coté de leur passage sinon au dessus. Placée sur une des branches, ses pieds s'y accrochant, ainsi qu'une main pour se maintenir, elle attendit. Et à peine dix minutes plus tard, les prévisions se révélèrent justes. Ces hommes, parlant un langage qu'elle ne connaissait pas, ou qu'elle n'avait pas envie de reconnaître, étaient bruyants. C'en était... pitoyable, de si faibles proies ? Cela ne changerait rien pour elle. Et à peine mirent-ils un pied en dessous de l'arbre que l'un d'eux se retrouva à terre, écrasé par le poids de l'amazone qui venait de tomber sur lui. Légèrement assommé par le choc, car en tombant, le sol étant rempli de racines, sa tête avait dû heurter quelque chose, Saku ne s'attarda pas plus sur lui, et elle fit un bon en arrière pour prendre son arc et encocher une flèche, visant le second homme qui peinait encore à comprendre ce qu'il s'était passé.

Tout s'était bien passé, parfaitement comme elle l'avait prévu. A un détail près. Peut-être que si elle avait eu le ventre rempli, .... Non, cela n'aurait rien changé, elle n'aurait pas pu prévoir ce qui était arrivée après cette formidable action. Un troisième homme arriva. Il ne faisait pas parti du groupe de bras cassés qu'elle venait de battre. Seul, armé, et discret, il arriva ... par derrière. L'amazone ne comprit pas grand choses sur le coup, et à partir du moment où un bâton s'écrasa sur son crâne, elle tomba rapidement à terre elle aussi, assommée. Une débutante aurait pu faire mieux... Enfin, ce n'était pas sûr, mais dans son esprit, elle se maudissait sûrement de n'avoir pas vu la troisième personne. Comment avait-elle pu se faire comme cela ? Après tant d'années passées en forêt, à capturer des hommes trop stupides ! Désespérant.

Quand elle rouvrit les yeux, ses armes -son carquois plus ou moins rempli de flèches, ainsi que son arc- avaient disparues, ses mains, liées dans son dos avec la corde qu'elle avait elle-même apporté, tout comme ses chevilles, d'ailleurs. Bougeant un peu, grognant à cause de la douleur qui se lançait dans sa tête au moindre mouvement, ils se retournèrent vers elle. L'apostrophant en cydien, quoi qu'ils aient dit, elle n'était pas en état pour comprendre, que ce soit avec la douleur qui lui vrillait le cerveau, ou par sa volonté de les écouter. En essayant d'avoir une réflexion calme, ou du moins aussi calme qu'il était possible, elle pensait qu'ils ne pourraient pas faire grand chose d'elle. Après tout, ils avaient attaqué une sentinelle, se trouvaient en forêt, et étaient trois. Passez inaperçu dans ces conditions paraissait légèrement compromis.

Il ne restait donc plus que la question, pour Saku, comment allait-elle s'en sortir.

Le début de l'été m'avait encore donné l'envie de partir loin de Muria quelques instants, de me ressourcer dans ce que je ne connaissais pas finalement, mais qui m'aidait à m'éloigner de l'ennui de la routine. Et puis ça me donnait l'occasion de revoir la petite Jelenna en passant par Tamawa. Cette fois-ci, je n'y étais pas vraiment restée très longtemps. Juste un passage éclair avant de rentrer à la maison. Mais cela avait suffis pour me remettre de bonne humeur, prête à reprendre l'entrainement, les patrouille et les parties de cache-cache avec Méléane, histoire d'épargner à certains Soumis le fait d'être enfermés pendant six mois au minimum.
Mais s'il y avait des hommes qui en valaient la peine, il existait aussi quelques crapules et je n'avais pas prévu d'en rencontrer aujourd'hui. Cela faisait surement quelques heures que j'avais rejoint le couvert des arbres et alors que je reprenais la route de Muria après une petite balade champêtre retardant légèrement mon retour, j'entendis un bruissement derrière moi. Par instinct, je me baissai, évitant un coup de matraque qui aurait bien pu m'assommer. Sans hésiter, je saisis une flèche dans mon carquois, la plantant directement dans le genou de mon agresseur qui hurla de douleur.
Je me mis alors à courir. Encore une fois mon instinct me sauva la vie, car un autre homme avait surgit d'un buisson non loin, pour secourir celui qui était apparemment son ami.
Je me préparai pour la riposte mais ce qu'ils dirent m'en dissuada rapidement :

- La salle garce ! J'y étais presque.

- Il faudrait qu'on parte avec celle qu'on a capturée tout à l'heure. Celle-là risque d'aller prévenir les autres et ce sera une autre paire de manche. On a déjà de quoi négocier une bonne somme pour l'autre.

- Oui t'as raison. Filons.

Je les regardai alors s'en aller, camouflée dans l'ombre des branches. Ainsi donc ils avaient capturé l'une de mes soeurs ? Cela ne me plaisait pas et ces types n'avaient apparemment aucuns scrupules. J'allais donc leur donner une bonne leçon, ça oui, mais il fallait d'abord que je libère celle qui était tombé dans leur filet.
Pour plus de discrétion, je me transformai en chat, les suivant à la trace tandis qu'ils allaient me mener à l'endroit où se trouvait ma soeur, et là, ils apprendront qui est l'indomptable (*tousse*) Lyvie, Capitaine des Lionnes.
Il ne fallut qu'une ou deux minutes pour qu'ils s'arrêtent près d'un arbre, à côté d'un petit sentier de terre. Un troisième homme se trouvait là, gardant une femme ligoté. Je l'avais déjà vu plusieurs fois déjà durant les entrainements communs avec Kiera. Elle faisait partie de la division de cette dernière. Reprenant forme humaine, j'encochai une flèche tandis que les trois hommes discutant, le dernier constatant la blessure de son complice avec un crainte affiché. Et elle était légitime car quand je lâchai la corde, ma flèche se planta dans son ventre, le faisant basculer en arrière. Le dernier homme valide du groupe me lança un regard avant de reculer, craintif. Le lâche allait abandonner ses amis dans sa fuite. Vermine.
Une flèche se planta dans sa cuisse, le faisant trébucher dans sa course vaine pour fuir le destin. L'autre, le genoux estropié se contenta de laisser tomber son arme et de lever les bras en l'air.

- Bien, je vois qu'il te reste un minimum d'intelligence, contrairement à ton abruti de complice. S'attaquer à des amazones... vous ne pouviez pas faire plus stupide action. Libère-la maintenant, et sans geste brusque sinon je t'assure que je te saignerai comme un porc.

L'homme hocha la tête, défaisant les liens de la jeune sentinelle que je m'empressai de rejoindre sous les gémissements du fuyard qui ne parvenait plus à se lever.

- Hey, tu vas bien ma soeur ?

Et la question trouva plutôt rapidement une réponse à son pied.

Cela faisait déjà quelques heures que l'amazone était réveillée. Et cela faisait déjà quelques heures qu'elle demeurait parfaitement immobile, sa focale fixée sur l'endroit où étaient entreposés son arc et ses flèches. A l'intérieur, il y avait plusieurs sentiments. Prédominant, la haine pour les hommes ne cessait de se confirmer, elle restait insensible aux insultes cydiennes que les hommes lui balançaient tandis qu'ils tentaient vainement de réfléchir au moyen de s'enfuir de cette forêt. Le système de surveillance mis en place par les sentinelles était tel qu'il ressemblait à une toile qui évoluait au gré des allées et venues des gardes forestières, indépendantes. Ainsi, impossible de prévoir la position des ennemies. Elles venaient et vous tombaient dessus, et c'était tout.

Le second sentiment était sûrement la honte. S'être fait avoir comme une débutante était pour elle inadmissible. Tomber et se faire prendre par des hommes... Certes il y avait des excuses, elle avait fait preuve d'humanisme, et n'avait pas voulu les blesser avec ses flèches pour qu'ils puissent travailler efficacement, pour ça qu'elle était venue au corps à corps, cela faisait plus de deux semaines qu'elle traînait ici et là, en forêt, l'un était parti quand elle avait remarqué cette présence insolite... Mais tout cela ne l'excusait pas. Ou plutôt, elle ne s'excusait pas, même avec toutes ses raisons. Si elle appréciait beaucoup son peuple, se faire sauver par une amazone la gênerait beaucoup... Mais là, elle n'avait plus trop de choix.

Enfin, le dernier sentiment qui l'habitait était de la moquerie. Moquerie pour ces stupides hommes qui avaient agi sans penser aux conséquences de leurs actes. C'est d'ailleurs pour ça qu'un fin sourire était finalement apparu sur son visage. Il n'y avait plus qu'à écouter, et écouter encore. Finalement, l'un des hommes se décida àaller faire ses besoins, et s'éloigna du groupe, sûrement pour profiter de son action pour faire une brève reconnaissance, et finalement un cri de douleur résonna aux oreilles de l'amazone. Son sourire s'accentua à ce son ô combien plaisant à ses oreilles. Elles étaient là. Quel que soit leur nombre, pour eux, c'était la fin. Un des deux hommes qui étaient restés à la surveiller parti directement, arme à la main, en direction du cri, pour retrouver son compagnon, et finalement, ils revinrent, l'un blesser.

Pour eux, le final était commencé. Revenir sans avoir réussi à capturer la sentinelle qui les avait vus était clairement une erreur. Pauvres débutants. Et dire qu'elle s'était fait avoir par eux. Et le peu de professionnalisme consternait la jeune femme qui rêvait de leur donner des conseils pour le coup. "Mais vous êtes stupides, vous êtes poursuivi, et vous regardez bêtement une blessure au lieu de vérifier les alentour ?" Mais bien sûr elle n'en fit rien. Et ce qu'elle avait prédit, dans sa tête arriva obligatoirement. Une flèche siffla à ses oreilles suivi d'un cri de douleur et d'une chute. A moins qu'il ne chuta d'abord. Saku n'avait même pas besoin de regarder la scène, pour l'imaginer, sa focale toujours fixée sur son précieux arc. Un fuyard eut comme seul cadeau une cuisse percée. Celui qui était revenu eut l'intelligence de se rendre sans tenter une autre action stupide.

La voix qu'elle entendit, elle la reconnut, et Saku tourna la tête vers elle. Lyvie, chef des Lionnes. Oh, oui, elle l'avait déjà vue, même si elle ne s'était pas attardée plus que cela sur sa personne. Une sœur parmi d'autres, ce n'était que cela pour elle, qui n'avait d'admiration que pour Philéa et Kiera. Mais bon, qu'elle ne l'admire pas pour ce qu'elle était n'empêchait pas du tout Saku de l'apprécier à sa juste valeur. C'est pourquoi elle était bien contente de sa venue. Libérée, avant de faire quoi que ce soit, elle se dépêcha de récupérer son arc et ses flèches, et de les inspecter brièvement. Puis, elle se tourna enfin vers Lyvie avec un sourire reconnaissant, pour lui répondre.

- "Non, non, tout va bien" dit-elle alors qu'elle avait rangé son arc dans son dos et se frottait les poignets, où les liens avaient laissé une trace." Mais bon, tu pourrais garder pour toi le fait que j'aie été fait prisonnière ? "

Son air était toujours un peu gêné, et les joues étaient rougies par la honte qui restait présente. S'avançant vers sa sœur, elle contourna sans les blesser plus qu'ils ne l'étaient, les trois hommes, avant de reprendre parole.

- Je te remercie pour ce que tu as fait, et je te laisse les achever... Après tout ils ont attaqué deux sentinelles, et blessé l'une d'entre elle. Ils le méritent bien.

Je voyais bien qu'elle était gênée d'avoir été faite prisonnière. Elle avait surement manqué de prudence surement pas excès de confiance. Et patrouiller seule n'était pas vraiment la meilleure idée du siècle, loin de là. Mais bon, elle avait l'air honteuse et j'espérai qu'elle avait au moins retenu une bonne leçon de tout ça :

- Je ne dirai rien, ne t'en fais pas.

Je m'approchai de ma première victime pour l'examiner. Sa poitrine ne se soulevait plus et quand je pris son pouls, je n'en avais plus aucun doute. Celui-ci était mort sur le coup. Quant aux deux autres, tant qu'on ne retirait pas les flèches, elles suffiraient à stopper l'hémorragie ce qui leur permettrait de retourner à Muria avec eux. Mais Saku ne l'entendait pas ainsi :

- Je te remercie pour ce que tu as fait, et je te laisse les achever... Après tout ils ont attaqué deux sentinelles, et blessé l'une d'entre elle. Ils le méritent bien.

Exécuter des prisonnier sans défense n'était pas dans ma nature, d'autant plus que l'un d'entre eux, s'était rendu. De plus, ce n'était pas à nous de prendre cette décision. Malgré le mal qu'ils auraient pu nous faire, ils méritaient un jugement comme tous les autres Soumis. Et puis s'ils étaient vraiment les crapules dont ils avaient l'air d'être, la mort ne serait qu'une maigre rédemption pour leur crime.

- Non... on les ramène à Muria. Je me charge de celui que j'ai abattu. Toi tu prends l'autre. Philéa remettra son jugement.

Le prisonnier soupira de soulagement mais je m'approchai de lui, l'obligeant à me regarder dans les yeux avant de lui débiter :

- Ne crois pas pouvoir t'en tirer. A ta place, je ne me ferai pas remarquer. Attaquer l'une de nos soeurs est considéré comme l'un des pire crime que tu puisses faire à notre encontre, et j'en ai vu une bonne dizaine passer au billot pour l'avoir tenté avant toi. Tu ferais mieux de prier les dieux pour obtenir le pardon de notre reine.

Je n'avais pas l'habitude d'être si dure avec des prisonniers mais en général, ceux que je ramène à Muria ne sont que des chats égarés qui ne méritent pas qu'on les enferme. Mais lui et sa clique, il me dégoutait. C'était à cause d'hommes comme lui que d'autres perdait à nos yeux tout crédit alors que de toute évidence, il ne le mérite pas. Mais contrairement à ces derniers, nos prisonniers ne méritaient pas ma tendresse.
Et puis Saku était là. Je devais me montrer ferme.

La honte que ressentait l'amazone était encore visible sur son visage. Erreur de débutant, mais pas tant que cela quand on y réfléchissait. Il était clairement impossible pour ces hommes-là, de sortir de la forêt avec une prisonnière, sans rencontrer des Sentinelles. Et Saku se doutait qu'ils préféreraient la garder en vie, pour la vendre, ou lui faire cracher le morceau sur l'emplacement exacte de Muria dans cette immense forêt, plutôt que de la tuer. Au pire, elle s'en serait sortie avec quelques blessures. Ce n'était donc pas si important que ça. Retenu la leçon ? Non, clairement, non. Mais elle n'allait pas le dire et fanfaronner devant une de ses soeurs. Elle n'était pas stupide, non plus.

Saku regarda Lyvie examiner le corps de l'homme qui s'était prit une flèche dans le ventre d'un œil distrait. Qu'il soit mort ou vivant n'importait pas trop. Ce n'était qu'un homme. De ce coté, la jeune femme était clairement dans les extrêmes, et si cela pouvait parfois déranger, jusqu'alors, son travail exemplaire avait fait oublier ses dérives haineuses, justifiées ou non. Apparemment, celui qui était allongé, était bel et bien mort, vu comment Lyvie s'en détourna. Mais cela n'arracha même pas un sourire à celle qui se frottait encore les poignets, ayant remis son arc dans son dos. Une mort, même pour un homme, n'est jamais quelque chose de joyeux.

Si la capitaine des Lionnes l'avait rassurée sur son silence, ce qui ne la mettrait pas dans une position facheuse, au point de devoir s'expliquer devant ses supérieurs, et surtout aux yeux de Kiera, elle n'avait pas accepté de les tuer. Saku fronça un instant les sourcils, avant de se détendre. C'était la chose la plus logique, oui. La colère ne devait pas diriger ses actes, et elle ne serait jamais un monstre, comme les hommes. Sinon, cela ne allait même pas la peine de les chasser.

-Je comprends, oui. Désolée pour cette réaction, le contre-coup de la colère, sûrement. Mais bien sûr, je vais m'occuper de celui-ci, dit-elle en désignant celui s'était rendu.

Elle s'approcha près de ce dernier, son visage, dénué de toute émotion, étrangement, et elle se baissa pour lui passer son bras autour de son cou. Après tout, il avait été blessé, plus tôt, et dans une telle condition physique, il lui serait sûrement compliqué de marcher longtemps, surtout en forêt. Le hissant sur ses deux jambes, elle le soutint, quand elle se mit en marche, vers Muria, après lui avoir murmuré quelques paroles. D'après le visage que fit le futur soumis, ce n'était clairement pas des paroles rassurantes, mais il ne souffla plus un mot, ni une plainte.

Le chemin vers la cité forestière commença. Parfois, le soumis à la charge de Saku trébuchait sur des racines cachées par des feuilles, et la sentinelle se chargeait de le maintenir debout, pour qu'il puisse reprendre la route. A force de marcher, dans cette forêt qu'elle connaissait sur le bout des doigts, les émotions apparurent à nouveau. Le ravissement prenait place sur la colère ou le mépris qu'elle avait pour le poids qu'elle supportait. Et quand elle reprit parole, son ton se fit plus enjoué, plus ouvert.

-Ma soeur, dit-elle en souriant, tournant la tête vers Lyvie, que faisais tu par ici, sinon ? Et encore une fois, je te remercie pour ce sauvetage. Même s'il était impossible pour eux de sortir de cette forêt, à partir du moment où ils m'avaient gardée prisonnière, le fait que tu sois venue si rapidement a été un grand soulagement. Mais je reste sur le point de vue que les prochaines fois, je ne tenterais plus de les prendre sans dommage, si j'avais utilisé mes flèches, plutôt que de vouloir les assommer proprement, ils n'auraient jamais pu me prendre... La gentillesse me perdra...

Et elle se tut, le rouge montant à ses joues. Sa propension à parler en continue faisait parfois une brève réapparition, et elle préférait se taire le plus tôt possible, plutôt que de commencer à divaguer sur des sujets qui n'auraient que peu d'intérêts. Elle s'éclaircit la gorge, avant de reprendre.

-Si tu veux, quand on sera arrivée à destination, laisses moi t'offrir un repas. Pour te remercier. Es tu d'accord ?

Après avoir récupéré les prisonniers, nous nous sommes mises en marche, les guidant à travers la forêt sans avoir oublié de leur bander les yeux. Pour les perdre, je n'hésitais pas à m'arrêter et les faire tourner sur eux même, faisant même quelques détours. Impossible pour eux de retrouver leur chemin s'ils parvenaient à s'enfuir.
Le trajet a été plutôt silencieux. La présence de Saku me rendait mal à l'aise. C'était comme si cette femme n'avait pas d'émotions, ou alors qu'elle les cachait au plus profond de son coeur. Je fus même surprise lorsqu'elle esquissa enfin un sourire me demandant ce que je faisais dans la forêt et commentant son erreur d'appréciation qui avait faillit lui couter l'esclavage et les mauvais traitements. Cela faisait longtemps que je n'avais plus ce traitement, mais je me souvenais encore de ce que nos maîtres faisaient subir à ma mère lorsqu'elle oubliait de faire quelque chose, même si cela n'était que désuet.
Utiliser ses flèches était certes moins risqué mais c'était prendre le risque de tuer les (non-)futurs prisonniers et donc de potentiels innocents. Mais je ne préférai rien dire, à cela. De toute manière, elle continua, m'invitant à diner. C'était une sensation étrange, comme si elle venait tout à coup de se rendre accessible. Je répondis alors :

- Tu sais, tu n'as pas à te sentir redevable. Tu aurais fait la même chose pour moi. Cela-dit, je ne suis pas contre ta proposition. Quant à ma présence dans la forêt, je revenais de Tamawa. J'aime bien y aller de temps en temps. Ca me fait sortir de la routine et de Muria. Et puis je passe de temps en temps rendre visite à Jelenna au Temple d'Ankdor quand elle s'y trouve.

Nous continuâmes encore un peu plus sur la route qui menait à Muria. Il ne devait rester que deux kilomètres jusqu'aux portes. La marche prendrait au plus une petite demi-heure. C'était sans doute l'occasion de connaitre mieux la jeune femme. Je décidai alors de continuer :

- Kiera m'a parlé deux trois fois d'une amazone qui aimait bien faire ses patrouilles seule. J'imagine que c'est de toi qu'elle voulait parler ? Ca doit être assez spécial... les déplacements doivent pas être les mêmes, si ?

Elle avait finit par se taire. Aidant le soumis à marcher, pendant un bref instant, elle resta silencieuse. Et Lyvie lui répondit. Redevable ? Dans un sens... si. Elle avait un certain sens de l'honneur, et puisque Lyvie avait rétablit le sien -même si c'était ce qui avait été prévue par la jeune femme-, elle lui devait bien un repas. Un instant, elle laissa son esprit divaguer. Tamawa... Son ventre gargouilla. Quelle sorte de nourriture pouvait-il y avoir, en dehors des forêts ? Elle n'était pas vraiment restée en dehors de sa cité et de sa forêt, après la fin de la guerre, du coup, elle ne connaissait pas vraiment les spécialités de telle ou telle cité. C'était bien dommage, d'ailleurs.

MAis passons. Après avoir entendu parlé de Tamawa, Saku avait quelque peu décroché, des paroles de Lyvie, ne se souciant que de son ventre, et du soumis qui peinait parfois à marcher. Détours et arrêts faisaient parti d'un jeu que les deux sentinelles connaissaient bien, et il était clairement impossible pour les prisonniers de retrouver leur chemin. De toutes façons, c'était ça. Qui rencontre une sentinelle ou deux dans la forêt entourant Muria n'en ressortait pas avant un moment, et aucun d'entre eux, après leur sortie, n'avait pu renseigner leur cité respective sur le véritable emplacement de cette cité cachée.

Et elle sortit de sa "transe" quand Lyvie reprit parole. Arquant un sourcil alors qu'elle poussait un peu le soumis qui commençait à trainer, elle l'écouta, attentive. Kiera avait parlé d'elle ? Vraiment ? Sur le coup, la sentinelle eut un bref instant le rouge aux joues, un grand sourire ornant ses lèvres, sourire qu'elle cacha en tournant la tête à l'opposé de la chef des lionnes, avant de remettre son masque, bien que l'on pouvait sentir qu'elle était toujours aussi heureuse. Enfin. Elle devait déjà répondre aux questions.

-Si Kiera a parlé de moi... Enfin. Oui, je les chasse seule. A partir du moment où je connais, plus ou moins, les déplacements des autres sentinelles, je peux m'organiser. Je connais la forêt, par coeur, comme nous toutes, ou presque. Mes déplacements sont quelques peu aléatoire, pour faire en sorte de ne pas être dérangée par une autre patrouille. Enfin, dérangée... Nos soeurs ne m'indisposent pas du tout, après tout tu en es la preuve. Mais disons que quand je ... patrouille, j'avance selon mon envie du moment. Je ne suis pas du genre à me préparer je ne sais combien de rations pour le temps de la patrouille, je prends ce que je trouve, je m'arrange avec ce qu'il y a autour de moi. Et surtout, je recherche les Hommes. Ces êtres indignes... Enfin, je m'égare. Je suis assez... Comment dire. Si beaucoup fonctionnent par paire, j'ai eu le plus souvent à me débrouiller seule. Et vu que cette méthode a donné des résultats plutôt bons... Et que ce n'était pas interdit d'aucune façon, et bien j'ai continué ainsi, et continuerait encore. Mais revenons sur un autre sujet... Kiera a vraiment parlé de moi ? Qu'a-t-elle dit ?

Sa voix se fit un peu plus aigue, d'excitation. Même le soumis n'avait plus d'importance. Il avançait, se faisait parfois pousser un peu pour avancer plus vite, ou même aider... Mais son regard était fixé sur Lyvie. Encore quelques minutes, et les deux femmes arriveraient sûrement à Muria, mais bon, la question sur Kiera était plus importante !

J'étais vraiment impressionnée par la capacité de Saku à s'adapter. Je n'étais capable que du quart de ce qu'elle savait faire et pourtant j'étais Capitaine. Je me sentais honteuse de ne pas être aussi douée qu'elle. Mais je me consolais en me disant que je devais être plus douce avec les hommes que nous faisions prisonniers. Ce n'était pas facile pour moi de me dire que j'allais les priver de leur droit à la liberté, mais certains le méritaient, comme ces hommes que nous trainions avec nous.
Puis je me dis aussi qu'elle devait se sentir bien seule aussi pour avoir développé un caractère aussi solitaire. Je n'arrivais pas à me dire si je devais ressentir de la tristesse ou de l'admiration pour Saku. C'est à ce moment qu'elle essaya d'en savoir plus sur ce qu'avait dit Kiera à son sujet.

- Oh tu sais nous avons vites fait le tour hein. C'est juste que nous parlons de temps en temps de nos sentinelles qui ont du potentiel. C'est toujours bien de connaître les filles qui composent les autres sections. C'est quelque chose qui nous avait bien aidé lors des batailles contre les Erathiens. Elle a dit que tu étais un bon élément, disciplinée, calme mais peut-être un peu trop discrète. Mais rien de plus.

J'avais l'impression que cette question n'était pas désintéressée et que le jeune femme semblait satisfaite de ma réponse. Elle essayait de cacher son sourire mais je sentais bien que quelque chose en elle remuait beaucoup. De la fierté surement. Je n'ai jamais vraiment attendu ce genre d'égards de la part de Gaya. Je faisais ce qu'elle attendait de moi, et elle se comportait comme elle le devait avec moi, sans que je sente le besoin de l'impressionner. Apparemment, pour Saku, ce devait être l'inverse. Nous avons toutes des rêves et des buts différents après tout, mais cela n'empêchait en rien de s'apprécier. Cela-dit, si Saku venait à découvrir que mon but était de faire évader quelques Soumis, je pense qu'elle serait rapidement un problème pour moi. J'espérais juste que je n'aurais pas à en venir à l'exécuter comme je l'avais fait pour Edna.

Les portes de Muria était en vue et les sentinelles qui la gardaient commencèrent à les ouvrir, nous voyant arriver. Je débandais les yeux de mon prisonnier le tendant à Line qui nous avait rejoint rapidement. Line était une brave fille. Un peu trop farceuse à mon goût mais j'aimais patrouiller avec elle pour ses petites plaisanteries qui mettait nos soeurs de bonne humeur. Au moins ça faisait passer le temps.

- Je te laisse t'occuper de celui-là. J'imagine que Saku voudra t'accompagner pour présenter le siens. Ne leur faites pas trop mal hein ?

Je leur fis un clin d'oeil et je fis comprendre à ma compagne d'infortune que nous nous retrouverions ce soir autour d'une bonne table pour continuer à parler un peu.

[HRP : dsl je suis pas très inspiré en ce moment. J'espère que la réponse te va. Je ne voulais pas te faire patienter trop longtemps =S]

Elle parlait avec légèreté. Évidemment qu'elle était seule. Elle avait toujours eu cette attirance pour la solitude. Non pas que les autres lui paraissaient gênant, non; Il ne fallait pas croire cela. Mais … Quand elle était seule, elle se sentait en quelques sortes en sécurité. Personne ne lui disait rien. Et elle pouvait faire ce qu'elle voulait. Faire la folle dans la forêt en sautant de branche en branche sans s'écraser par terre ? Aucune sécurité. Le jeu était certes risqué, mais ô combien exaltant. Se mettre à imiter les animaux qu'elle voyait, juste pour laisser ses pensées s'échapper ? Rien ne l'en empêchait puisqu'elle était seule. Ses tours de rondes, aussi n'étaient pas définis, et hop, une liberté en plus. Et surtout, elle pouvait user de la technique qu'elle voulait, sans que personne ne trouve à y redire quelque chose.

Ce point était important, même s'il y avait des limites, elle avait pu le démontrer. A un contre trois, ca reste bien compliqué, si on ne veut en blesser aucun. D'ailleurs, depuis sa mésaventure dans la matinée, elle avait bien décidée de ne plus se laisser à ce genre d'imbécilités. Les hommes n'étaient que des bêtes avides, et s'ils devaient être blessés gravement pour être attrapés en toute sécurité, alors ainsi serait-il, désormais. Certes parfois une petite lassitude la gagnait, mais elle n'était que passagère, généralement.

En effet, la remarque sur Kiera lui avait bien fait plaisir. Elle était donc considérée par sa chère chef comme un élément prometteur ? Magnifique; Cela résonnait dans sa tête. Potentiel. Bien sûr qu'elle en avait. Bon élément. Elle était heureuse d'apprendre cela, et amplifiait inconsciemment tout ces compliments, dans sa propre interprétation. Le dernier point la surprit peut-être un peu,mais elle ne s'y attarda pas, toute à la joie qu'elle essayait de dissimuler, en vain. Ses pensées vagabondantes avaient enlevées toutes les questions que l'archère aurait pu poser. Elle en avait quelques unes. Mais maintenant, celles-ci n'avaient plus trop d'importance.

Muria était enfin en vue. Une sorte d'impatience gagnait Saku au fur et à mesures que ses pas la rapprochait de sa cité, mais elle ne réagit pas à celle-ci. Elle pourrait fêter la capture de ces imbéciles d'hommes et les compliments faits par Kiera -de manière intermédiaire, certes-, plus tard. Comme le prisonnier que trainait Lyvie, les yeux de ceux de la compagne momentanée de patrouille furent eux-aussi découverts. C'est avec le sourire aux lèvres qu'elle salua Lyvie, lui confirmant ses dernières paroles.

-Je te dis à plus tard, pour ma part. Et en effet, je vais me faire un plaisir pour accompagner ces deux hommes là où ils seront le mieux.

Bonne journée, en définitive. Les prenant chacun par un bras, elle les fit traverser la cité jusqu'à l'endroit qui serait en quelques sortes leur prison pour un certain temps. Les autres hommes habitués au manège de la sentinelle solitaire ne dirent pas grand chose, lors que Saku présenta ses proies à l'assemblée, pas compète puisque certains travaillaient encore, mais suffisamment selon elle. Au moins les « habitués » pourraient faire comprendre aux nouveaux soumis ce qui les attendaient. Peut-être deviendrait-ils moins stupides... Après tout, même les bêtes pouvaient apprendre, non ?

Et elle se retourna sur ces entre-faits, laissant les bavardages reprendre. Maintenant. Il s'agissait juste d'aller chez elle. Et de se remplir la panse. Oui. C'était une bonne journée.

[HRP]Nous sommes donc désengagés ! [/HRP]

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