[FP] Chacun trace sa propre route [Annabeth] (Terminé)

Les rues étaient déjà bien remplies à cette heure-ci, et le seraient plus encore d'ici quelques heures. A peine le soleil avait-il pointé le bout de son nez que la ville se réveillait. Il était encore relativement tôt, certes, mais cela n'avait pas empêché les gens de s'activer, Ashrand en faisait partie.
Le jeune homme avait quitté son domicile de bon matin aujourd'hui, pour la simple et bonne raison qu'il en avait marre de rester inactif et qu'il se sentait le besoin d'aller se dégourdir les jambes. Ainsi, il ne tarda pas à faire une succincte toilette et à se vêtir en vue d'une petit escapade dans la brise matinale. Il finit par sortir après un long et rude combat contre sa tignasse, qu'il vainquit à grand coup de peigne ; sa crinière ressemblait souvent à un nid d’hirondelle au réveil et un affrontement sans merci s'imposait souvent. A peine la porte poussée qu'il n'y pensait déjà plus.

Fort heureusement, il n'y avait pas de vent, ce qui rendait la température pas trop désagréable. Une matinée qui serait fraîche sans être froide pour autant, voilà qui convenait fort bien au gladiateur.
Il marcha ainsi plusieurs minutes, foulant les dallage dans rues Silmarienne, à errer sans but. Il ne faisait que prendre l'air, aussi marchait-il en prenant son temps. Un regard sur sa manche et le Cydien en décolla un long cheveux roux qui ne lui appartenait visiblement pas.
Pendant ce temps, il planifiait aussi ce qu'il allait faire de sa journée. Si Ashrand avait bien quelque chose d'agréable dans sa vie, c'était qu'il vivait au jour le jour, nul besoin de prévoir quoi faire très à l'avance. Le bémol était que parfois, il finissait par s'embêter à mourir tant il n'avait rien à faire et dans ces cas-là, il partait en voyage pour quelques jours. La destination importait peu tant qu'il avait de quoi occuper son esprit. Il avait ainsi visité des tas d'endroits, mémorables ou non, sur le continent sauf bien entendu les lieux situés sur les territoires Astorgs et s'il y avait bien une chose que le brun apprécierait faire, ce serait de visiter Storghein un jour. Cependant, vu la situation, ce n'était pas là une chose prête à se réaliser... la haine raciale qui existait entre les deux peuples était encore bien trop forte pour que les habitants du nord laissent un visiteur du Joyau se balader librement dans leur cité.
Peut-être qu'il partirait à Tamawa dans le courant de la semaine, qui sait... voilà quelques temps qu'il ne s'était pas battu dans l'arène.

Ses pas le menèrent finalement au pied de l'autel de Silmaria, Déesse à laquelle la plupart des Elfes vouaient un culte et qui avait donné son nom à la Cité des Brumes. Lui ne se souvenait y être entré qu'une seule fois par curiosité, histoire de voir comment l'intérieur était puisque le garçon n'était pas pratiquant. Il ne reniait pas les dieux, non, juste qu'il ne leur rendait pas un culte. Il lui était certes arrivé de prier et de demander une aide divines à certaines occasions mais il trouvait que vouer sa vie à ces entités était une perte de temps. De ce côté là, il ne comprendrait jamais les prêtres et tous les autres fervents religieux mais bon, il fallait de tout pour faire un monde et l'Ancien Soumis acceptait parfaitement que les gens aient d'autres convictions que les siennes. Peu importait, il n'était pas ici pour se torturer l'esprit en débattant tout seul sur un sujet telle que la religion ; chacun avait son avis là-dessus, point barre.

Distrait comme toujours, il ne vit pas le pavé de pierre qui dépassait des ses conjoints et ce qui devait arriver arriva : Ashrand se prit le pied dedans. Ressentant soudainement la gravité décidée à le mettre dans une position parallèle au sol, il fit un pas pour rétablir son équilibre, sans succès. Résigné à heurter le terrain, une paire d'épaules s'offrit miraculeusement à lui et le Cydien y prit appui, davantage par réflexe que par volonté.
Il se redressa, content d'être toujours debout.
Dans des cas pareils, il se sentait... puissant ? Ou tout du moins était-il fort satisfait de ne pas être tombé car même s'il n'y avait pas des dizaines de personnes dehors à ce moment, la honte, elle, y était serait toujours, foule ou pas ! Un sourire contenté sur le visage, il allait reprendre son chemin quand quelque chose tilta dans sa tête...
Son regard se posa au sol avant qu'il ne comprenne que s'il était toujours debout, c'était avant tout grâce à cette personne qui avait pris sa place : par terre. Le gladiateur était tout de suite un peu moins satisfait...

« Mille excuses, je n'ai pas fait attention » bredouilla-t-il maladroitement, « Je vous ai blessée ? »

Qu'est-ce qu'Annabeth pouvait faire dans cet autel à Silmarie, elle-même ne savait pas trop. En tous cas, elle y était, ce qui était des plus sûrs.
De Storghein, elle est arrivée à Silmarie. Comment, elle se le demandait. En réalité, si, elle savait, sur le dos d'Espoir. Mais pourquoi ? Par mal du pays sûrement. Elle était partie l'avant-veille, car elle avait des jours de congés en tant que Compagnon de la Reine. Elle avait pris ses clics et ses clacs, autrement quelques affaires, et avaient chevauchés toute l'avant-veille sur le dos d'Espoir. Cela faisait pas mal de temps qu'elle n'avait pas vu sa famille, depuis cette rencontre étrange avec l'albinos en réalité. Et puis, les congés, c'était pas pour lambiner ! La belle avait toujours été énergique et n'aimait pas rien faire, alors, pourquoi changer ? La dernière fois, ses parents avaient pleuré à son départ, et lui avait ordonné de revenir le plus vite possible. Bon, elle n'avait pas réellement obéi, vu qu'elle aurait eu d'autres occasions pour revenir, mais ils n'allaient pas se plaindre de voir leur petite fille rentrer, non ? Donc, voilà, elle avait chevauché jusqu'aux portes de Silmarie, où elle avait laissé Cristal, qui, de un, n'aimait pas les villes, de deux, les villes ne l'aimait pas. Par contre, elle avait gardé Flink. Et bien sûr, comme après une journée et demie de route, elle était fatiguée, et sa monture aussi, elle n'avait pas flâné et s'était rendue directement chez ses parents.

En y repensant, elle eut un sourire. Quand elle avait toqué à la porte, et que son cher père était venu lui ouvrir, il lui avait jeté un regard si interloqué, les yeux agrandis, la bouche ouverte, qu'elle avait éclaté de rire, avant de lancer un « Salut ! » qui n'était pas des plus loquaces. Et l'étreinte que lui donna son papa en retour faillit lui broyer les côtes.
Toute la soirée, ils avaient ri en écoutant les aventures de leur tête-en l'air de fille, et avait fêté son retour avec un repas des plus succulents, le genre de mets qu'on ne mange pas en régime. Le genre de mets délicieux qu'elle ne mangeait que chez elle. Cette soirée quelque peu arrosée s'était finie tard, et Annabeth avait fait la grasse matinée.
Elle comptait rester quelques jours chez ses parents, se promener dans sa cité natale, retrouver des amis. Mais la première chose qu'elle fit, ce fut se diriger vers l'autel de Silmaria. Elle se sentait intimement liée à cette déesse, recevant parfois même des visions du futur qui, elle l'avait compris, était liée à la déesse. Comment passer dans la cité qui portait son nom sans même aller dans son autel ? Alors qu'elle l'avait aidée à sauver Flink par le passé, et à obtenir son collier-trèfle, tout en gardant son arc ?

Et voilà, elle y était. Cet endroit était si calme, si paisible... Bien différents des lieux qu'elle côtoyait habituellement. Les tavernes et bras étaient souvent bruyants, les terrains d'entraînements résonnaient de bruits de combats, même le soir, quand elle allait se coucher avec les autres Compagnons, la plupart ronflaient. Comment ne pouvait-on se sentir proche de la déesse dans un endroit pareil, qui lui était consacré ? Annabeth avait toujours prié Silmaria, même maintenant qu'elle habitait à Storghein, sans tout de même en pratiquer le culte dix fois par jour. Mais se trouver dans ce lieu, cela lui donnait presque envie d'y rester toute sa vie, de se laisser bercer par le seul bruit du silence. Presque. Car une telle vie ne conviendrait jamais à cette aventurière.
La belle, un sourire presque béat aux lèvres, allait s'avancer quand soudain, elle sentit qu'on pesait de tout son poids sur ses épaules, qu'on la poussait vers le sol. Ne comprenant pas, et, n'ayant pas le temps de se rétablir, elle se retrouva au sol avant même de comprendre pourquoi. Quelle humiliation ! Elle n'avait rien fait à personne ! Et là, alors qu'elle ne savait même pas pourquoi, certains la regardaient, étonnés, d'autres souriaient de façon moqueuse, d'autres encore riaient franchement en la montrant du doigt (les enfants, car dans un tel lieu, les adultes évitaient de crier). Furieuse, l'Elfe se releva et regard autour d'elle, cherchant le coupable. Le plus proche d'elle était un Cydien, d'une vingtaine d'années peut-être, qui avait un air très satisfait collé sur le visage. Il allait passer son chemin ! Non mais l'impolitesse ! Il fait tomber une dame (qui se prend la honte, soit dit en passant) et même pas il dit pardon. Au contraire, il est FIER de lui ?! Annabeth n'avait absolument rien contre les Cydiens, vu que c'était une Elfe, mais elle se dit que si cette personne serait le seul Cydien qu'elle connaisse, elle commencerait à moins apprécier cette race... D'ailleurs, c'était la deuxième personne Cydienne qui la prenait pour son punching-ball, la première étant Destan, qui lui avait carrément renversé une pinte de bière dessus. La technique était différente, mais pas le résultat ; elle était furieuse.
Comme si il avait perçu sa colère, l'homme sembla prendre conscience de sa goujaterie, et se retourna vers Annabeth, soudain gêné.

« Mille excuses, je n'ai pas ait attention. Je vous ai blessée ? »

Bah putain, des excuses, quand même. Annabeth lui jeta un regard glacial, cherchant à préserver sa fierté.

« Faudrait voir à apprendre à marcher mon gars ! Et à faire attention, je suis pas un tremplin. »

Par tic, la belle effleura du doigt le pendentif en forme de trèfle qu'elle en quittait plus depuis qu'elle l'avait gagnée avec son étrange don. Elle le faisait souvent quand elle était en colère, ou gênée, et la plupart du temps, c'était dans ces moments-là que l'Illusion se manifestait. Peut-être car elle avait gagné le trèfle en même temps que son don, et que les deux étaient liés.
Bref, comme elle put s'en rendre compte, son don se manifesta. Soudain, sa vue fut coupée en deux partie. L'une était normale, bien qu'elle se voyait dedans et qu'elle était floue. L'autre... Moins normale. C'était toujours son visage, mais elle faisait une grimace affreuse, dévoilant des crocs effrayants. Ses yeux habituellement bleus, étaient désormais rouges sang, fous. Et son visage était couvert de cicatrices. Mince, elle ne voulait quand même pas infliger une telle terreur à son interlocuteur ! Mais heureusement, seul lui pouvait la voir, car il cachait son visage de ceux qui étaient en face d'elle. L'image disparut bien vite, au soulagement de la belle. L'Illusion avait disparu.

« Bon, oublions cela. »

Même Annabeth ne savait pas réellement pourquoi changeait-elle d'avis. Peut-être pour se faire pardonner de ce que l'inconnu pourrait ressentir après sa vision. Peut-être se penserait-il fou ! Elle était en colère, mais ne souhaitait pas lui infliger une vision aussi affreuse ! Peut-être serait-il étonnée de ce brusque changement de comportement. Eh oui, encore une fois, le caractère impulsif de la belle la mettait dans une situation délicate.

Furieuse ? Elle semblait l'être, oui, et sa réaction ne manque pas de surprendre le Cydien, qui ouvrit grand les yeux sous l'effet de la surprise. Allons donc, ce n'était pas nécessaire de s'emporter pour si peu. C'est vrai quoi, qu'avait-il fait après tout ? Quelques secondes de réflexion permirent au jeune homme de comprendre qu'en fait, la demoiselle avait bien raison de s'énerver : il l'avait bousculée et, sans même prendre la peine de lui offrir sa main pour l'aide à se relever, avait arboré un air triomphal, s'apprêtant à repartir comme un malpropre. Le gladiateur était soudainement un peu embarrassé de son propre comportement, il avait une meilleure attitude avec les gens d'habitude. Aujourd'hui, il n'avait tout simplement pas réalisé ce qu'il avait fait sur le moment, sinon il se serait dépêché de l'aider et se serait excusé plus vite.

« M-Mais... »

Il avait tenté d'en placer une mais le regard et ton qu'employa la blonde en arguant ne pas être un tremplin lui rabattit le caquet aussi sec. D'accord, c'était un peu de sa faute mais était-ce là une raison pour se montrer si froide ?
Elle avait planté ses yeux sévères dans les siens, son regard semblait transpercer le garçon comme la lame effilée d'un poignard. Il avait presque du mal à le soutenir tant les iris de l'Elfe semblaient lui transmettre son mépris et ça, il n'avait pas besoin de l'Esprit pour le deviner, ça se voyait ! Son sixième sens était fermé depuis un bon moment déjà et la conclusion d'Ashrand se basait sur ses cinq autres sens.
Elle continua à le dévisager, laissant le silence s'installer, un silence que, gêné, l'Ancien Soumis n'osa briser. Il n'avait pas le courage de mettre fin à ce mutisme, de peur de provoquer un accès de colère chez sa pauvre victime. Tout en continuant à bravement soutenir le regard de la belle, Ashrand fut pris d'une sensation bien étrange. C'était ... c'était comme des fourmillements, encore que le ressenti n'était pas le même. Oui, définir cette impression était assez ardu et elle était en elle-même plutôt singulière.

Le Cydien se rappela alors avoir déjà eu cette étrange perception il n'y a pas si longtemps mais dans un tout autre contexte, preuve que ce sentiment était assez bizarre pour l'avoir marqué. Il se trouvait à ce moment là dans une auberge de la Cité des Brumes, un soir où il cherchait à se distraire comme il pouvait. Une jolie jeune femme, bien dans son corps de surcroît, avait égayé la soirée avec sa voix d'ange, elle chantait comme rarement Ashrand n'avait entendu chanter. Les gens dans la bâtisse buvaient ses paroles avec plus de ferveur qu'ils ne vidaient leur chope et le « fourmillement » se fit ressentir pour la première fois ce jour là. Une démangeaison en tout point semblable à celle qu'il rencontrait aujourd'hui en fixant l'Elfe, et suffisamment déconcertante pour qu'il s'en souvienne de façon aussi claire. Tout ceci avait-il une signification ?

Le mutisme, il fut brisé à l'instant même où la blonde reprit la parole, annonçant qu'il valait mieux ne pas en parler. Un point sur lequel Ashrand n'allait pas la contredire, des tensions étant la dernière chose qu'il souhaitait.

« C'est d'accord, encore une fois désolé » répondit-il calmement avant de lui offrir son plus beau sourire.

Il était resté assez calme durant tout le temps qu'avait duré ce silence. Il s'était juste demandé ce que la demoiselle pouvait bien lui vouloir à le fixer de la sorte. Le Gladiateur n'avait rien vécu d'anormal sinon cette sensation étonnante et à propos de laquelle il réfléchissait à présent.

« Heu... Si je peux me permettre de vous le demander : avez-vous fait quelque chose de spécial ? »

Il avait hasardé ses mots, ne sachant pas vraiment comment il allait s'y prendre pour formuler sa question. Oh, elle pourrait le prendre pour un fou, à demander des choses pareilles, sans rapport apparent, mais sachant que le sentiment de tout à l'heure était tout sauf naturel, il tenait à en avoir le cœur net. Il voulait savoir si oui ou non, c'était le le contact de certaines personnes qui amenaient cette réaction ou si c'était juste sa tête qui lui jouait des tours.

[J'espère que ça t'ira, sinon n'hésite pas à me le dire !]

[Ben non, c'est très bien ^^]

« M-Mais... »

Le Cydien semblait réellement gêné, un peu étonné aussi. La réaction explosive de l'Elfe lui paraissait sûrement un peu exagérée. Mais c'était son caractère, et elle ne comptait pas le changer de si tôt. Depuis toute petite, elle avait copié ce comportement bagarreur, quelque peu masculin, chez ses amis. Annabeth avait toujours été un garçon manqué, depuis sa plus tendre enfance, et les disputes dégénéraient souvent en bagarre générale. Bien sûr, cela l'amusait plus que ça ne l'énervait, et c'était pareil pour ses amis. Quand elle rentrait le soir, elle avait les cheveux emmêlés, et le corps recouvert de poussière. Au grand dam de sa mère et de Flowène. Son père, lui, au contraire riait devant ce garçon manqué, et la serrait dans ses bras en disant : « Tu es la digne héritière de ton vieux père ! ». Et la petite riait avec lui, de tout son coeur, de toute son âme. Pendant que les vraies représentantes du sexe féminin jetait des regards désapprobateur au père de famille. Annabeth n'avait jamais voulu changer, et c'est ça qui l'a aidé dans la vie. Bon, ça lui a attiré des ennuis aussi mais...

L'Elfe ne comprenait pas pourquoi son interlocuteur ne réagissait pas. Une telle vision aurait dû au moins le faire sursauter, ou tressaillirent. Même pas, il se contentait de la regarder aussi, ne parlant même pas...

« C'est d'accord, encore une fois désolé »

Annabeth essaya de répondre (maladroitement) à son sourire, mais elle nageait en pleine confusion. L'inconnu ne semblait rien avoir vu, juste soulagé qu'elle lui propose d'oublier ce malentendu. Comment se faisait-il qu'il ne réagissait pas ? Son « don » ne marchait pas sur lui ? Sur les Cydiens ? Non, c'était impossible.

« Heu... Si je peux me permettre de vous le demander : avez-vous fait quelque chose de spécial ? »

Cette question était des plus saugrenue. Et elle augmenta le gêne de l'Elfe. A son tour de se sentir déstabilisée par une réaction inattendue.... Que répondre ? Si le Cydien n'avait rien perçu de l'Illusion, avait-il décelé la gêne qu'il créait chez elle ? Annabeth était désorientée par le tour bizarre que prenait les choses. Elle qui pensait qu'il s'enfuirait en courant... Là, c'était elle qui avait envie de fuir. Quelles étaient les limites de son don ?

« Euh... ben...

Pour la première fois depuis un moment, quelqu'un avait réussi à couper le sifflet d'Annabeth. Pour la première fois, elle ne savait pas quoi répondre. Mal à l'aise, elle laissa planer un court silence, le temps de réfléchir à une réponse plausible. Parce que le « Je me suis transformée en monstre », ça fait un peu louche, quand on le dit comme ça. Devait-elle rentrer dans les détails ? Qu'attendait-il ? Pourquoi poser une telle question, si il n'avait vraiment rien vu ?

« ...J'ai créé un Illusion. »

C'était la seule réponse qu'elle avait trouvé pour ne pas paraître totalement tarée aux yeux du Cydien. Quoique, lui n'avait pas l'air mieux, à utiliser les femmes comme tremplin, et à ne pas réagir à la vision d'un monstre remplaçant le visage d'une Elfe. Mais lequel était le plus fou des deux ? Et surtout, le plus mal à l'aise, dans cette situation peu banale ?

Il n'avait rien vu de l'illusion de la demoiselle, pas la moindre chose qui pourrait si apparenter. Pas de sons improbables ni de visions étranges. Rien. Juste cette démangeaison – s'il pouvait l'appeler ainsi – lui indiqua que quelque chose se produisait, mais quoi ? Il n'en avait aucune idée. Cela aurait tout aussi bien pu être une réaction anodine de son corps, comme lorsque l'on a l'impression de sentir des pulsations cardiaques dans un membres ou en tout cas ailleurs que dans la poitrine. Peu importait ce que c'était, ça n'en restait pas pour le moins bizarre.
L'Elfe blonde sembla soudain mal à l'aise sitôt que lui eût formulé des excuses pour la deuxième fois. Oui, il était sincèrement désolé de l'avoir bousculée et il comprenait que, d'une certaine manière, elle soit énervée contre lui. Cependant elle paraissait – non, était – déconcertée pour le moment. S'était-elle rendue compte que sa réaction était exagérée ? Ashrand aurait juré qu'elle avait envie de se soustraire à son regard inquisiteur pour ne pas avoir à affronter sa question ou sa propre gêne, qui sait.
Elle hésita encore un peu, balbutiant quelques mots avant de lui avouer la vérité. Autant dire que la réponse le surprit, et pas qu'un peu ! Il n'avait à vrai dire pas envisagé de réponse à sa question, elle lui paraissait même bizarre mais maintenant qu'elle lui confiait cela ... Le gladiateur ne savait pas s'il devait être intrigué de n'avoir rien ressenti de cette illusion ou s'il devait s'offusquer qu'elle l'ait essayé sur lui. N'étant pas de nature colérique ni plus que rancunière, seule la surprise demeura dans l'esprit du jeune homme. S'il y avait bien une chose à laquelle il ne s'attendait pas, c'était bien ça !

« Vraiment ? Je n'ai rien vu de bizarre pourtant. Qu'avez-vous essayé de montrer ? » demanda-t-il le sourire aux lèvres.

Peut-être était-ce simplement elle qui n'avait aucune expérience dans ce domaine mais il s'abstint de lui faire la remarque même s'il n'aurait eu pour unique intention que de la taquiner : au vu de la façon dont elle était sortie de ses gonds après qu'il lui eût rentré dedans, nul doute qu'elle allait crise encore plus s'il se mettait à la titiller.
Finalement il se risqua à laisser les mots sortir de sa bouche :

« Vous êtes sûre de savoir créer des illusions correctement au moins ? »

Ashrand avait adopté un air sérieux avant de parler, preuve qu'il ne rigolait pas d'elle. Simple curiosité, rien de plus.
Tout ceci n’expliquait toujours pas les étranges sensations auxquelles il avait été sujettes à l'instant. Si le gladiateur était parfois un peu niais, il n'était pas benêt au point de ne pas faire le lien entre l'illusion et ce fourmillement. Ils avaient un rapport, le Cydien en était persuadé, mais quoi ? Peut-être l'Elfe n'avait-elle fait qu'influencer son sens du toucher et qu'ainsi il aurait ressenti ces picotements... Non, ce n'était assurément pas cela, sinon il n'aurait pas eût la même sensation ce soir-là dans l'auberge. Confronté à un véritable mystère, le garçon passa une main dans sa tignasse et se gratta le cuir chevelu, comme il se creusait la tête.
Rien ne venait. Aucune explication plausible ne lui venait pour le peu de temps depuis lequel il réfléchissait et c'en était presque agaçant. Il ne trouvait ni réponse à pourquoi ni à comment cela se passait ainsi.

« Si vous avez cinq petites minutes à me consacrer, je vous en serais reconnaissant » commença-t-il, « Est-ce que vous pourriez essayer à nouveau, créer une illusion je veux dire ? »

Il ne tenait pas particulièrement à lui faire perdre son temps mais voilà, Ashrand était plus curieux qu'une pie et se refusait à s'en aller sans avoir posé une réponse à chacune de ses interrogations. Certes, cela pourrait ne servir à rien, se révéler inutile, mais s'il pouvait faire la lumière ne serait-ce que sur un infime partir de ce mystère, il serait content. Optimiste comme pas deux, il espérait bien trouver une raison à ce phénomène.
Ce que l'Ancien Soumis ne savait pas encore, c'est qu'il avait mis le doigt sur quelque chose de fabuleux que lui seul possédait sans doute.

« Vraiment ? Je n'ai rien vu de bizarre pourtant. Qu'avez-vous essayé de montrer ? »

Au moins, la théorie de l’archère était confirmée : ce cheeer Cydien n’avait absolument rien vu….

Euh… Ben… Une autre facette de ma personnalité…

Un sourire ironique naquit sur les lèvres de l’Elfe… Une autre facette de sa personnalité ? On pouvait le voir comme cela… Mais était-elle réellement un monstre ? Non, sûrement pas. Elle avait donné cette réponse pour se donner une contenance, pour ne pas paraître déroutée. Pas question de lui donner une autre raison d’être fier de lui. Ce n’était pas exactement un mensonge, car elle ne savait pas réellement pourquoi c’était un monstre qui était apparu, et pas n’importe quelle autre Illusion. Elle arrivait à les contrôler, quand elle était assez calme pour cela. Mais quand elle était en colère, c’était une autre paire de manches…

« Vous êtes sûre de savoir créer des illusions correctement au moins ? »

Annabeth fut piquée au vif par cette remarque, bien que l’ai sérieux de son interlocuteur prouvât qu’il ne se moquait pas d’elle, qu’il ne plaisantait pas. Mais pour qui il se prenait, le Cydien ? Il l’utilisait comme tremplin, et mettait en doute ses propos ?! Si elle lui avait dit qu’elle avait créé une Illusion, c’était qu’elle savait le faire, pas pour rigoler. Elle avait que ça à faire que d’inventer des mensonges !

« Non, je ne suis absolument pas sûre, je me suis foutue de votre gueule en disant que j’en avais créé une, pour voir comment vous allez réagir, ironisa-t-elle, glaciale.

L’Elfe aurait bien aimé pouvoir lire les pensées de son interlocuteur à cet instant même. Savoir ce u’il avait en tête, si il se croyait supérieur, si il était surpris de sa réponse… Tout ce qu’elle arrivait en gros à percevoir, était qu’il semblait assez curieux, et étonné. Mais cela n’expliquait aucunement sa réaction, mettre en doute les dires des gens, comme ça…
Annabeth se sentait réellement offensée, et frustrée de ne pouvoir communiquer avec aucune retenue ce qu’elle pensait de lui. Un autel n’est pas franchement le lien adéquat pour engueuler, voir foutre un pain à quelqu’un. Aussi exécrable soit-il. Et encore, au moins était-il à peu près poli. Etait-ce commun à tous les Cydiens ? Ou avait-elle eu la mal chance de tomber sur les deux pires possibles ? Ils avaient tous les deux fait une bourde sur elle : l’un en lui jetant de la bière dessus, l’autre en l’utilisant comme tremplin. La dernière fois, Annabeth avait essayé de retenir Destan, autant par curiosité que par soucis de ne pas attirer l’attention. Et cet abruti lui avait pourri la soirée, qu’elle avait décidé de passer tranquillement, avec Vlad. Le traducteur n’avait pas eu l’air de s’ennuyer au moins… Mais elle ne referait pas cette bêtise.
L’Elfe se détourna et commença à marcher d’un pas rapide, mais la voix de son interlocuteur l’arrêta :

« Si vous avez cinq petites minutes à me consacrer, je vous en serais reconnaissant. Est-ce que vous pourriez essayer à nouveau, créer une illusion je veux dire ? »

Annabeth stoppa net, se retourna, et répondit, cinglante :

« Je ne voudrais pas vous faire perdre votre temps, vous devriez essayer avec quelqu’un qui connaît l’art des Illusions, car, apparemment, ce n’est pas mon cas. »

L’Elfe aurait réellement voulu lui en vouloir, mais sa demande avait été polie, et, la colère passée, elle se doutait qu’il n’avait pas voulu l’offenser. Peut-être avait-il était simplement maladroit… Indécise, elle tergiversa quelques instants, avant de soupirer :

« OK… »

Revenant sur ses pas, elle sortit un pan de tissu de sa poche (un mouchoir en réalité, mais elle n’avait jamais osé l’utiliser) et le posa à plat sur sa main. Annabeth prit une profonde inspiration pour réussir à se concentrer et, du bout des doigts, toucha le Trèfle. A nouveau, sa vue se départagea en deux visions : dans l’une, floue, sa main tenait un mouchoir. Dans l’autre, c’était un dé à six faces. Curieuse, et satisfaite d’avoir réussi, la belle leva le regard vers le Cydien et questionna, sans pour autant lâcher l'Illusion :

« Alors ? »

La façon dont elle ironisa sa réponse amusa grandement le Cydien, qui parvint tout de même à le cacher derrière un simple sourire de sorte à ne pas énerver son interlocutrice plus qu'elle ne semblait déjà l'être. L'Elfe avait l'air d'avoir une personnalité bipolaire, passant du calme à la fureur en quelques secondes. Quelle personne étrange, se dit-il. Son côté colérique lui rappelait un peu la princesse Amazone qui s'énervait et le menaçait sans que la plupart du temps il n'en comprenne la raison car la blonde présentait un caractère similaire, du moins était-ce sa première impression.

Vu sa réaction précédente, Ashrand s'attendait à un refus de sa part lorsqu'il demanda son assistance pour réitérer l'expérience aussi sa réponse ne le surprit guère. Le ton sarcastique qu'elle employa lui prouve qu'en plus d'être fâchée, le gladiateur l'avoir vraisemblablement vexée avec sa remarque d'avant. Il n'avait pas d'autre choix que de calmer le jeu s'il voulait que d'un côté, l'Elfe ne le prenne pas pour ce qu'il n'était pas, et pour que d'un autre, il obtienne d'elle cette petite faveur qui lui épargne.

« Allons, allons, je ne voulais pas vous offenser » dit-il, « Croyez-moi, je n'y comprend rien non plus. »

Le pire dans tout cela, c'était qu'il ne mentait pas ! Il n'avait juste pas la moindre idée qui lui permettrait d'expliquer ce curieux phénomène. Qu'il en vienne à se demander si le problème ne venait pas d'elle était le cours naturel des choses mais loin de lui avait été l'idée de la blesser de quelque façon que ce soit.
Elle s'arrêta et se pencha sur la question, visiblement calmée par ces paroles, pour enfin se montrer conciliante en acceptant la requête du Cydien. Le visage de celui-ci s'illumina de joie et il la gratifia de son plus beau sourire

« Merci ! »

Au moins lui avait-elle concédé ce qu'il souhaitait. En acceptant, elle lui facilitait sa quête de réponse à un point qu'elle n'imaginait pas : les illusionnistes ne se trouvaient pas à chaque coin de rue et encore qu'Ashrand en trouvât un, il aurait fallu tout lui expliquer et cela aurait été un gaspillage de temps considérable.
La jeune femme se plaça face à lui et il la considéra un moment tandis qu'elle se concentrait pour lui concocter une nouvelle illusion – du moins le supposait-il – et pour la première fois, il se rendit compte que malgré ce tempérament hargneux et désagréable se cachait une bien jolie demoiselle. C'était juste difficile de savoir ce qu'elle pensait, la logique n'avait pas cours dans ses sautes d'humeur. Elle lui hurlait presque dessus pour lui dire la seconde d'après qu'il ne fallait plus en parler et ce, sur un ton duquel le calme ruisselait. Oserait-il ? Juste jeter un œil grâce à l'Esprit afin de savoir si oui ou non elle était autant en colère que ça après lui...

Le fourmillement le ramena sur terre, sursautant malgré lui, et l'Ancien Soumis reporta son regard sur elle. L'illusion devait venir de sa main puisqu'elle aussi la fixait intensément, sauf que lui n'y voyait qu'un bête mouchoir blanc qu'elle venait de tirer hors de sa poche ! Une nouvelle fois, le sortilège n'avait pas d'emprise sur lui...

« Non, je ne vois toujours rien. C'est étrange ... Vous y comprenez quelque chose ? »

L'inévitable de question de si ce n'était pas elle qui se fichait de lui revint dans sa tête mais il ne la formula pas car dans le cas où il se trompait, la demoiselle serait furieuse après lui. Elle s'était montrée généreuse en lui accordant un peu de son temps alors il n'allait pas remettre ses talents en doute de cette façon.
Toujours était-il qu'il se demandait encore si elle avait accepté à contrecœur ou si, comme lui, elle désirait faire la lumière sur ce mystère, si elle n'était pas en train de jubiler intérieurement de mener par le bout du nez un gladiateur naïf en lui faisant croire que les illusions n'avaient aucun effet pour lui, juste pour se venger de l'avoir bousculée. Ashrand n'était pas mais alors vraiment pas de nature suspicieuse au point de mettre les dires de gens ainsi en doute mais avec ces derniers événements, il envisageait toutes les hypothèses.
Hésitant un court instant, il finit par céder à la tentation. La barrière autour de son Esprit s'effrita peu à peu jusqu'à tomber totalement, laissant ses humeurs aussi libre d'accès que la rue Boisée de Silmarie pour quiconque possédait un sixième sens. Sitôt qu'il eût baissé sa protection, un dé en ivoire apparu dans la main de l'Elfe, ce qui ne manque pas de faire sursauter de façon amusante le garçon. Il avait juste voulu jeter un œil dans la tête de son interlocutrice et voilà qu'à présent, c'était lui qui venait de se faire avoir par l'illusion. Par réflexe, il referma aussitôt son Esprit, se barricadant à nouveau. Le dé disparut...

« Que ... ? »

Au moins cela prouvait qu'elle ne s'était pas fichue de lui jusque maintenant, mais Ashrand n'en restait pas moins stupéfait de ce qu'il avait vu : l'illusion s'était manifestée pour s'estomper la seconde d'après... Pourquoi ?

« Il y avait bien un dé dans votre main, enfin c'est bien ce que vous vouliez faire apparaître, non ? » questionna-t-il, un peu hésitant.

Une idée saugrenue lui vint. Le petit tour de passe-passe s'était révélé efficace que lorsqu'il avait ouvert son Esprit pour tenter de voir l'humeur de la demoiselle puis avait disparue dès qu'il l'eût refermé, peut-être que ces deux facteurs avaient un lien entre eux. Ça paraissait fou voire insensé, il le savait mais au point où il en était, cela ne lui coûterait rien de vérifier la véracité de son idée.
Machinalement, il ouvrit une nouvelle fois son Sixième Sens et le dé refis son apparition. Tout de blanc fait et arborant un quatre noir sur sa face supérieure, en somme un dés comme on en voyait des centaines.
Le jeune homme tendit maladroitement la main vers le cube de jeu afin de vérifier qu'il ne rêvait pas. Ses doigts passèrent à travers et le bout de ceux-ci effleurèrent la peau blanche de l'Elfe. Il les retira aussitôt de peur qu'elle n'aille le prendre pour un demeuré.
Il referma ensuite son Esprit et sans surprise, le dé disparut une nouvelle fois. Son don semblait définir s'il subissait l'illusion ou non... voilà qui était surprenant, il n'avait jamais entendu dire que l'Esprit permettait de se protéger d'une telle manière.

« Je pense avoir compris » marmonna-t-il sans plus de précision.

Bien que le Cydien avait du mal à y croire, il savait qu'il venait de découvrir une nouvelle faculté de l'Esprit et qui de surcroît devait lui être propre sinon il aurait déjà entendu quelqu'un mentionner que ça protégeait des Illusions.

Annabeth sut qu’elle avait bien fait de « gaspiller » quelques minutes de son temps pour montrer à l’inconnu quand son « Merci ! » plein de gratitude sonna à ses oreilles. Destan (eh oui, encore une comparaison), lui, était loin d’avoir dit merci… Le Cydien ne semblait pas vraiment agressif, juste curieux. Un trait de caractère qu’apparemment, ils partageaient. Il voulait juste comprendre, et sa précédente remarque d’excuse la confortait dans l’idée qu’il ne voulait pas l’offenser. Pas d’impolitesse, juste de la maladresse. L’Elfe confondait bien souvent les deux…

« Non, je ne vois toujours rien. C'est étrange ... Vous y comprenez quelque chose ? »

Sans quitter des yeux son Illusion, elle fronça les sourcils. Non, elle n’y comprenait rien.

« Non, absolument rien ,chuchota-t-elle, pas trop fort pour garder sa concentration.Je n’ai pas beaucoup utilisé ce don, mais à chaque fois, il a marché. J’ai même réussi à berner tout un groupe d’homme…Et si vous vous posez la question, non, ils n’étaient pas bourrés…Enfin, pas tous. ajouta-t-elle avec un petit sourire.

Annabeth était réellement perplexe, bien qu’elle essayait de le cacher de son mieux. Pourquoi son don ne marchait-il pas sur son interlocuteur ? Comment le prendrait-il ? Penserait-il qu’elle se moquait de lui ? Après tout, il l’avait laissé entendre il y avait à peine quelques instants ! Peut-être cet échec le conforterait-il dans cette idée…
Cette situation rappelait étrangement à la blonde un souvenir. Quand elle était petite. Elle s’était disputée avec un de ses meilleur ami un jour. Garçon manqué qu’elle était, elle aimait se bagarrer avec des garçons, plutôt que de jouer à la poupée avec des filles de son âge. Beaucoup d’ailleurs, étaient impressionnés qu’une simple fillette puisse se battre avec autant de brio. Un peu trop de brio, d’ailleurs, car un jour, elle avait balancé un coup de poing un peu violent dans l’œil d’un de ses compagnons de jeu. Le pauvre avait eu un œil au beurre noir pendant une semaine, et ils s’étaient faits la tête. Elle se souvenait très bien à quel point elle l’avait haï de lui en vouloir pour si peu, et comme, depuis, ils s’étaient mutuellement gâché nombres d’après-midi. Ce don si fabuleux aurait pu lui servir…

« Que ... ? »

Ce simple mot la tira de sa rêverie, et elle leva son regard un instant vers l’inconnu, lâchant l’Illusion pendant une poignée de secondes, juste le temps de voir l’expression incrédule, stupéfaite qui se peignait sur son visage. Ce « Que ? » la fit sourire largement, soulagée. Il avait vu quelque chose ! Elle ne savait pas quoi, mais elle avait la confirmation que son don marchait, que le problème ne venait pas d’elle, mais de lui.

« Il y avait bien un dé dans votre main, enfin c'est bien ce que vous vouliez faire apparaître, non ? »

Le sourire de la blonde s’élargit et elle hocha la tête, avant de répondre, sans réussir à contenir son soulagement, et son excitation :

« Oui, c’était l’Illusion que je voulais créer au départ. »

L’inconnu avança sa main vers celle, tendue, d’Annabeth. A nouveau, sa vue se décomposa en deux. Un mouchoir dans l’une. Dans l’autre, le Cydien essayait de toucher le dé, mais il passa au travers, et effleura les doigts de l’Elfe, qui tressaillit, étonnée. D’abord, parce qu’elle ne s’y attendait pas. Ensuite, parce que gérer ses deux visions en même temps, était loin d’être facile, et pas très commode. Son cerveau carburait à fond, elle commençait à avoir la migraine, à force de se concentrer pour tenir l’Illusion. Deux informations différentes parvenait à son cerveau, et il devait se débrouiller avec ça. Aussi, quand le Cydien retira ses doigts vivement, elle secoua la tête, et le mouchoir blanc réapparut à la place du dé. Aussi soudainement qu’elles étaient venues, les deux visions disparurent, n’en laissant qu’une, la vraie, et avec elles la migraine, au grand soulagement de la belle. Annabeth leva la tête vers son interlocuteur, attendant une explication.

« Je pense avoir compris »

L’Elfe fut un peu déçue qu’il ne donne pas plus de détail. Car, si il avait découvert quelque chose, cela aurait pu aussi l’aider elle.

« Contente de l’apprendre. J’imagine que vous n’allez pas partager le fruit de vos réflexions avec moi. Je ne peux pas vraiment vous en vouloir. C’est vos affaires après tout. Avez-vous encore besoin de moi ? »

Annabeth s’étonna à peine que sa voix ne contienne qu’un brin de moquerie. Et aucune ironie. Peut-être que les Cydiens n’étaient pas exécrables, et celui-ci pas plus que les autres…

Le garçon sourit à la remarque de l'Elfe. Encore une fois, il ne savait pas si elle faisait de l'humour ou si elle était déçue voire vexée par sa réponse. Cette personne était définitivement impossible à cerner, l'obligeant un nouvelle fois à faire une comparaison avec une vieille « amie ». Si elle était amusée, tant mieux mais si le Cydien l'avait incommodée avec ses paroles, il en était profondément désolé, loin de la était sa volonté.

« Non, ce n'est pas que je ne veuille pas partager cela, je ne voulais pas vous déranger avec quelque chose qui ne vous concerne pas. » lâcha-t-il d'une voix qui se voulait apaisante.

Après un brin de réflexion, il admettait qu'il n'aurait sans doute pas été très enchanté non plus à la place de la blonde. En venir à douter de ses propres capacités à cause d'un inconnu pour qu'une fois la réponse trouvée, il ne s'explique pas spontanément devait être tout sauf plaisant.

« Je vous rassure, le problème ne vient pas de vous, c'est plutôt moi le problème, je crois. »

Encore que « problème » n'était pas le mot approprié à la situation le concernant. C'est vrai, quoi, il venait de se découvrir un nouveau don, il s'apprêtait à explorer une nouvelle voie sur le chemin complexe de l'Esprit alors où était le problème ? Il était à présent sûr à quatre-vingts dix-neuf pourcent que son sixième sens avait une influence sur les illusions dirigées contre lui : dès qu'il érigeait un mur autour de son Esprit, il ne subissait plus ce mirage généré par son interlocutrice, restait à voir si cela fonctionnait avec tout le monde... Toujours était-il que le Cydien se trouvait être ravi de cette découverte, peu d'hommes pouvaient se vanter d'avoir réussi à pousser leur maîtrise de l'Esprit plus loin que ce que leur avait enseigné le Temple d'Ankdor. Restait la question des fourmillements singuliers qu'il ressentait mais là dessus, il ne mit pas longtemps à trouver une réponse tant elle était évidente : sûrement était-il là pour le prévenir qu'il se faisait agresser depuis l'extérieur lorsqu'il avait une barrière autour de son Esprit.

« Je sais que ça vous paraîtra bizarre mais je pense que je peux me protéger des illusions »

Étrange, non ? D'aucuns l'aurait pris pour un fou, aussi il espérait qu'après avoir vécu cela avec lui, la demoiselle ne se ferait pas cette opinion à son sujet. A présent, il devait se montrer plus précis avec elle :

« Je m'explique, je suis Sensible à l'Esprit et tout à l'heure, lorsque je vous ai bousculée, j'avais fermé mon Esprit. »

Le gladiateur espérait qu'elle ne soit pas inculte ou du moins qu'elle ait un minimum de connaissances sur le sujet pour comprendre ce qu'il lui disait, sinon il devrait tout lui expliquer mais bon, pour lui tout le monde savait ce qu'était l'Esprit et son utilisation... sauf qu'il oubliait qu'il y a quelques années, lui-même n'avait qu'une idée approximative de ce sixième sens !

« Je suis sûr que c'est à cause de ça que je n'ai pas vu « l'autre facette de votre personnalité » comme vous dites. Par contre, dès que j'ai relâché cette protection, j'ai vu votre dés, qui a disparu dès que j'ai fermé une nouvelle fois mon Esprit, vous voyez ? Oui, je sais, c'est difficile à croire mais je ne vois aucune autre explication plausible »

Il lui balançait toute ses explications pêle-mêle en espérant que la jeune femme n'aille pas se noyer dans ce torrent d'informations. Lui même avait encore du mal à croire qu'il pouvait se rendre insensible aux mirages qu'on lui envoyait mais il devait se rendre à l'évidence... et cela n'était pas pour lui déplaire !

« Vraiment, je vous suis redevable, je ne sais pas si je m'en serais rendu compte un jour sans vous ! Mais je crains de n'avoir rien à vous offrir pour vous remercier ... » ajouta-t-il avec une moue.

Elle avait gaspillé son temps pour lui, après s'être faite renverser par la même personne qui l'avait successivement énervée, déçue et vexée et lui, il n'avait rien d'autre à lui offrir que de piètres remerciements.

« Non, ce n'est pas que je ne veuille pas partager cela, je ne voulais pas vous déranger avec quelque chose qui ne vous concerne pas. »

Qui ne la concernait pas ? QUI NE LA CONCERNAIT PAS ?! Il se fichait de sa gueule, le p'tit gars ?! C'était quand même son don à elle aussi ! Pas seulement le sien ! Comment pouvait-il dire que c'était son problème ?!

« Rassurez-vous, ça ne dérange aucunement. » fit-elle, ironique.

« Je vous rassure, le problème ne vient pas de vous, c'est plutôt moi le problème, je crois. »

En cela au moins, elle était rassurée. Ce n'était pas une fluctuation de son Illusion, son don était intact, et toujours aussi efficace. Ce qui était un énorme soulagement. Certes, elle n'utilisait pas fréquemment ce don, précieux, mais il la rassurait. Elle s'était habituée depuis longtemps à sentir cette « protection », qui l'avait déjà sortie de situations délicates. C'était comme si une présence rassurante habitait le Trèfle, une présence dont elle ne pouvait plus se passer. C'était comme si elle ne pouvait plus parler à la prêtresse de Silmaria. Comme si elle n'avait plus les visions qu'elle lui envoyait. Ou, plus parlant, comme si Cristal ou Flink mourrait. Tout comme eux, l'Illusion était désormais partie intégrante d'elle-même. Une partie importante.
Annabeth croisa les bras sur sa poitrine, attendant qu'il aille plus loin, mais le soulagement brillait dans ses yeux, démentant son côté impassible.

« Je sais que ça vous paraîtra bizarre mais je pense que je peux me protéger des illusions. »

Se protéger ? Pouvait-on voir l'Illusion comme une attaque ? Annabeth, elle, l'avait toujours vue comme un atout ! Bien sûr, fallait aussi dire qu'elle n'avait jamais été la victime de cet étrange don ! En y réfléchissant, elle aurait bel et bien attaqué le Cydien, si il avait perçu sa première illusion ! Non ? Et en plus d'être perplexe, elle était déçue. Quelle ivresse avait-elle en découvrant ce qu'elle possédait ! Une protection, une attaque, une parade... Voilà ce qu'elle avait découvert ce soir-là, dans un bar ! Elle avait longtemps cherché les limites, mais n'avait pas trouvé, malgré tous ses efforts... Et là, une simple rencontre avec ce Cydien lui prouvait que certains pouvaient la contrer ? Ou était-ce un être à part ?

« Je m'explique, je suis Sensible à l'Esprit et tout à l'heure, lorsque je vous ai bousculée, j'avais fermé mon Esprit. Je suis sûr que c'est à cause de ça que je n'ai pas vu « l'autre facette de votre personnalité » comme vous dites. Par contre, dès que j'ai relâché cette protection, j'ai vu votre dés, qui a disparu dès que j'ai fermé une nouvelle fois mon Esprit, vous voyez ? Oui, je sais, c'est difficile à croire mais je ne vois aucune autre explication plausible »

Annabeth réfléchit intensément, essayant de se rappeler ce qu'elle savait de l'Esprit. Car elle en avait entendu parler, évidemment. Rares étaient ceux qui ne savaient absolument rien de cet étrange capacité, qui ne connaissaient pas au moins son nom ! Même l'Elfe, qui n'était pas un rat de bibliothèque, et qui n'étudiait que très peu, savait à peu près en quoi cela consistait. Bloquer son esprit ? Ou une histoire de télépathie, non ? Elle ne se souvenait plus bien. Mais au moins, était-elle sûre que peu de personnes seraient capables de contrer ses Illusions. Il fallait déjà posséder l'Esprit. Ensuite, celle faculté qui, à la connaissance de la belle, n'appartenait qu'à ce Cydien. Et vu son étonnement, personne n'avait dû lui en parler. Même d'autres qui auraient étudié l'Esprit de long en large ! A nouveau, l'Elfe se sentit soulagée, bien qu'elle n'en pipa mot, préférant une autre réplique. Voir amusée. Le Cydien avait l'air bien plus désorienté qu'elle.

« Je vois. Donc, votre don n'est pas très répandu. Et le mien, tout à fait normal. Ca rassure. »

« Vraiment, je vous suis redevable, je ne sais pas si je m'en serais rendu compte un jour sans vous ! Mais je crains de n'avoir rien à vous offrir pour vous remercier ... »

Pour une fois, Annabeth lui adressa un sourire conciliant. Il ne lui avait pas vraiment fait perdre son temps, il l'avait après tout aidée à découvrir quelque chose sur son don. Et, de plus, elle n'était pas réellement habituée à ce que qui que soit s'excuse devant elle. Après tout, elle-même ne s'excusait pas facilement. Le cydien lui avait certes paru malotru au début, il avait l'air là d'un homme réellement heureux, et ses remerciements, sa gratitude n'étaient pas feints.

« Bah, au moins j'ai pu vous servir. Et ne vous inquiétez donc pas pour cela, vous m'avez déjà aidé moi aussi. J'ai en quelque sorte découvert quelque chose sur l'Illusion. Vous sur l'Esprit. Et étant en vacances, vous ne m'avez pas fait perdre mon temps, vous pouvez vous rassurer sur ce point. Mais, je dois rentrer à présent, et vous m'en excuserez. Cette rencontre a été...enrichissante. Et j'espère que l'on se reverra. »

Annabeth lui adressa un hochement de tête assorti d'un clin d'oeil malicieux. Et dire qu'il y avait à peine quelques minutes, elle avait envie de lui enfoncer son poing dans la figure...Ahhh, quel caractère de cochon, cette demoiselle ! Mais au moins, le pauvre Cydien ne finissait pas avec un oeil au beurre noir ! Ou un nez cassé tiens... Idée à creuser.
L'Elfe salua une dernière fois son interlocuteur de la main, avant de sortir de l'autel, d'un pas léger, la main sur le Trèfle qui, décidemment, lui réservait bien des surprises.

[Désengagée.
Merci pour ce RP !!!]

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