Depuis combien de temps n'avait-elle pas eut l'occasion d'aller à l'école comme toutes les petites filles de son âge ? Des mois, pour être honnête, elle préférait les enseignements de Tamawa et du Temple plutôt que ceux de ses sœurs. Le Temple prônait la paix là où le peuple libre avait tendance à apprendre la méfiance. Si Jelenna aimait sincèrement son peuple et sa cité, elle n'aimait que peu aller à l'école. En réalité, ce qui la gênait le plus était le regard des autres enfants. Certes, la plupart d'entre elles oubliaient l'instant suivant qui elle était mais d'autres ne pouvaient s'empêcher de le lui rappeler, que ce soit par leur attitude ou par leur paroles.
Princesse Amazone. Réincarnation de Diane.
Certes.
Mais elle n'en restait pas moins Jelenna, deuxième fille d'une petite tribu de sept enfants. Six sœurs, un petit frère infirme. Un père Templier, souvent absent, une mère Amazone. Là auraient du s'arrêter les choses mais les plus jeunes comme parfois les plus âgées qui la connaissaient pourtant bien pour savoir qu'elle ne jouait en rien sur son statut cherchaient parfois à la chambrer. Peu importait, Jelenna aimait cette cité, elle aurait offert jusqu'à son âme pour elle. Était-ce l'âme de Diane dont elle avait hérité qui la poussait à penser ce genre de choses ? Non. Elle avait toujours pensé à ça,du fin fond de sa cellule Erathienne, depuis qu'elle était née même. Muria passerait toujours avant tout, comme sa propre famille.

Jelenna entra dans la cour de l'école, se demandant ce qui avait changé depuis son départ pour le Temple. Les plus grandes, qui finissaient cette année les cours, s'entrainaient au tir à l'arc de l'autre côté, loin de tout le monde pour éviter de blesser qui que ce soit. Les plus jeunes n'étaient pas sorties, certainement effrayée par tout ce monde quant aux autres, elles jouaient ici et là, par petit groupe. Muria ne changeait jamais. Le cœur de la petite fille se serra de joie. Muria ne changeait pas, quand bien même partirait-elle dix ans, sa cité natale l'accueillerait toujours à bras ouverts. Rassurée, la jeune fille se décida enfin à passer les portes du bâtiment et à sortir dans la cour.

Le soleil était haut dans le ciel mais il était encore suffisamment tôt, sans doutes dix heures, peut-être onze heures, Jelenna n'avait pas envie de se poser la question. Passant en revue rapidement les gens qu'elle connaissait, elle remarqua enfin celle qu'elle cherchait jusque là. Livena était dans un coin de la cour, semblant attendre quelque chose, la petite princesse n'aurait su dire quoi. Avec un sourire discret sur les lèvres, elle se dirigea vers elle. Vêtue d'une robe de lin crème lui tombant jusqu'aux genoux, les cheveux lâchés tombant en dessous de ses épaules, Jelenna avança d'un pas décidé mais léger vers son amie. A quelques pas d'elle, elle s'exclama :

« Livena ! »

Un sourire sincère se peignit sur ses traits mais elle hésita un instant avant d'avancer plus encore. D'ordinaire, elle aurait pris la demoiselle dans ses bras, mais les quelques mois passés loin d'elle l'avait peut-être changée … Muria ne change jamais. Sans plus hésiter, Jelenna prit son amie dans ses bras avant de relâcher son étreinte et d'ajouter d'un ton sincère :

« Tu m'as manqué ! »

Livena était arrivé il y avait peu de temps finalement, un an dans les souvenirs de Jelenna, ou était-ce deux ? Peu importait, elle avait l'impression de la connaître depuis des années … et elle lui avait sincèrement manqué.

[ Désolée, l'entrée en matière n'est jamais mon fort XD ]

Je n'aurais pas su dire, en ouvrant la porte de ma maison et en m'engageant dans la rue, si Muria était bien celle que j'avais découverte auparavant. On disait souvent qu'à Muria, rien ne changeait jamais. Pourtant, ces temps-ci avaient été si instables et étranges que je me doutais bien que quelque chose de grave s'était passé. Je n'avais que dix ans et demi, mais je n'étais pas idiote. Du moins pas à ma connaissance.
Pourtant, lorsque je vis en entra dans la cour de l'école les grandes qui s'entraînaient à l'arc, et les autres, qui vivaient leur vie, je fus rassurée. Après tout, il vallait mieux que je ne sache pas ce qui s'était passé, puisqu'il n'y avait pas l'air de s'être passé quoi que ce soit.
Il faisait chaud, aujourd'hui. Une journée idéale pour aller courir près d'un lac ou d'une rivière et se tremper les pieds en éclaboussant Mélo. Ou m'entraîner à maîtriser la glace avec Eléa. Ou aller travailler au bar de Flowène. Ou rester à la maison coudre un énième vêtement en attendant le retour de Kiera. Ou passer l'après-midi avec d'autres filles de la cité.

Ou aller à l'école, mais ça, ça avait encore moins d'importance qu'avant depuis que Jelenna ne venait plus.

Ça non plus, personne ne voulait pas me l'expliquer, ou alors personne ne savait où elle était.

Non, ça c'était impossible. Jelenna était la princesse Amazone. Une princesse ne disparaît pas comme ça.

Non, c'était pas vraiment facile d'être amie avec Jelenna. Elle était sympa et tout, bien sûr, là n'était pas le problème. Le problème, c'est qu'avec un rang comme le sien, c'était normal d'apprendre avec des personnes spéciales, d'avoir des cours en privé. D'ailleurs, c'était peut-être ce qu'elle faisait. Des cours en privé. Mais bon, en dehors de l'école, Jelenna, elle sortait souvent voir la vie de sa cité. Elle adorait Muria. Encore plus que moi. Vous imaginez!!

Ou alors, elle était occupée par "des trucs de princesse". Ce genre de choses qu'on imagine qu'une princesse peut faire quand les habitants normaux n'ont pas d'autres soucis que l'entraînement ce soir et les invitées qui viennent dîner alors qu'on a rien a manger. Evidemment, les princesse ont un peu autre chose à penser. Et soyez certains qu'on ne saura jamais quoi!

N'empêche, Jelenna aurait quand même pu prévenir. Ça vous ferait quoi, vous, si votre meilleure (et une de vos rares) amies ne venait plus à l'école, un jour? Toujours pas là le lendemain... Ni le jour suivant... Ni la semaine d'après... Ni le MOIS d'après...

Déjà en temps normal, elle ne venait pas tous les jours, mais ça c'était normal, m'avait expliqué Kiera. Mais quand au bout de trois mois, on ne voit toujours pas le bout du nez de son amie, on peut quand même se poser quelques questions.

Avec le temps qui passait, même si je continuais d'espérer, je savais que Jelenna ne reviendrait peut-être pas. Et ça, c'était pas chouette. Pas chouette du tout. Il ne resterait alors plus que les entraînements, les demi-journées à travailler au bar Bu, les promenades en solitaires…

En fait, ça ressemblait de plus en plus à ma vie d’avant, mais en mieux quand même. Pas de gros type puant pour squatter le canapé et la cuisine. C’était un gros avantage. Ma réaction avait été lâche, n’empêche que la vie était bien plus reposant sans tous ces soucis. Pourtant, malgré la cité grouillante de femmes et de fillettes, les rues animées et pleines de vie, je me sentais seule. Ma vie monotone battait au rythme du quotidien ; et qu’on se lève, et qu’on vaque, et qu’on va à l’école, et qu’on s’entraîne avec la glace (remarque il faisait tellement que de ce côté je n’avais à me plaindre !), et qu’on enfile son tablier pour aller servir boissons et cie… vous avez déjà vu, vous, une gamine de 10 ans et demi avec des tonnes de bières ? Moi oui. Je n’ai qu’à me regarder dans une glace. Je m’étonne de pas déjà être alcoolique. Remarque, Kiera me tuerai. C’était une motivation assez valable.

J’avais chaud, et impossible de trouver un petit arbuste libre pour se reposer quelques minutes avant le début des cours. Il me tardait presque de rentrer dans la salle de classe pour me réfugier à l’ombre fraîche du bâtiment.
Je soupirai puis m'appuyai contre le mur brûlant de l'école en essayant de fermer les paupières. Peine perdu. Le soleil intense ne laissait aucun répit, même les yeux fermés. Autant attendre la cloche et être pour la première fois de ma vie la première à arriver en classe. Si je n'était pas grillée avant, bien sûr.

« Livena ! »

Par le caleçon sacré de ma mère (oups, désolée, c'était pas délicat!), je connaissais cette voix. Je la connaissais bien pour avoir mille fois espéré la ré-entendre derrière moi à l'improviste. Tout n'était pas si perdu finalement!
Je me retournai et avisai ses longs cheveux qui flottaient derrière elle, bondissant dans sa robe blanche.
Mon coeur rata un battement.
C'était bien Jelenna.
Et en plus elle était entière.

Je la vis s'approcher, hésiter. Moi aussi, je ne savais pas trop si je devais la serrer dans mes bras ou pas. Etait-ce à cause de la chaleur, de son rang, ou de sa trop longue absence? Impossible à dire, puisque la seconde suivante, mon amie me prit de ses bras puis me relâcha.

« Tu m'as manqué ! »

-Toi aussi tu m'as manquée Jelenna!! m'exclamai-je en la serrant à mon tour, pour la relâcher aussitôt (il faisait vraiment trop chaud). J'avais peur qu'il te soit arrivé quelque chose!! J'ai attendu, des jours, des mois, mais personne ne voulait me dire ce qui se passait, geignis-je. Tu vas bien? T'as grandi, dis-donc! Et t'es toute pâle! C'est bizarre, non avec le soleil qu'il fait! T'as pas chaud, toi?

Typique de la fillette impatiente que j'étais. Poser des questions à 300 à l'heure, alors que je connaissais la plupart des réponses. Si elle n'allait pas bien, elle ne serait pas là. Elle avait toujours été pâle, même en pleine canicule. Et ça m'étonnerait qu'elle ait froid.
Je fis une légère moue en constatant qu'elle avait bel et bien grandi. J'arriverai jamais à être aussi grand qu'elle! D'abord, elle avait 1 an de plus que moi. Ensuite, je ne l'avais pas vue depuis des mois. Et cerise sur le gâteau, j'avais toujours été petite.
Fébrile, j'attendis quand même ses réponses. C'était une telle joie de pouvoir parler avec elle à nouveau!

[ Quelques petites précisions miss sur le RP, Jelenna va au Temple depuis 151 deux semaines chaque mois, du coup, tout le monde sait où elle va quand elle est absente ^^ Elle va à l'école tous les jours sinon car elle a refusé de suivre des cours particuliers comme Eléa l'avait fait x) Comme tu es nouvelle, tu n'avais sans doutes pas vu ces choses là, le plus simple quand tu RP avec un membre ancien (comme moi … ouch j'me fais vieille XD) c'est d'aller voir son dossier, il y a surement mis quelques lignes qui résument son personnage et son évolution A Muria, les Amazones sont sur un pied d'égalité, seule Philéa fait exception. En tout cas, avec Jelenna, il n'y a pas de protocole (même si dans ton cas, tes origines Elfes peuvent jouer ^^) et aucune Amazone ne souffre de la faim je te rassure x) Pour ce rp, no soucy, j'ai une excuse tout prête =p Ne t'inquiète pas, ce ne sont que des précisions, pas des reproches
Au passage, je te félicite de ton niveau d'écriture, tu es vraiment très douée, j'aurais aimé avoir ton talent à ton âge ! (C'est mal formulé, mais c'est un compliment >.<) ]

Le temps efface toutes les douleurs et les chagrins, Philéa s'obstinait à s'accrocher à cette vieille rengaine comme si elle pouvait tout régler … comme si le temps pouvait rendre à Lùkhas ses jambes, à Eléa le père de sa fille et à Jacen, toutes ces années auprès de ses filles indument volées. Jelenna appréciait énormément sa mère mais pour le coup, elle ne comprenait pas pourquoi cette dernière s'obstinait tant à tenir ce genre de discours. Fort heureusement, certaines choses ne changeaient jamais. Si au dehors de ces murailles il existait un monde en perpétuel mouvement, Muria avait le charme d'une cité ingénieuse et adaptée à son époque certes, mais d'une cité où il faisait bon vivre et où, en apparence, rien ne changeait jamais.
Le temps dans cette cité, l'atmosphère de liberté qui y régnait, rien de tout cela ne s'était altéré malgré le temps. Toutes ici gardait le même objectif, vivre libre loin de toute contrainte. Quelque part, ce côté conservateur avait ses avantages songea la petite princesse dans un soupir.

Le voyage l'avait fatiguée et si elle était arrivée la veille du Temple, elle n'avait pas eut vraiment le temps de se reposer. A peine était-elle arrivée que Philéa lui avait demandé comment ces trois mois s'étaient passés, Eléa s'était mise en colère en hurlant qu'on l'avait mise devant le fait accompli, les petites avaient voulues entendre les dernières histoires à la mode dans la cité neutre et enfin, son petit frère avait insisté pour qu'elle vienne l'embrasser de sorte qu'à la tombée de la nuit, Jelenna y était encore ! Alors qu'elle allait se coucher, l'envie de dormir avec son ainée, comme toutes les nuits depuis sa plus tendre enfance, l'avait prise tant et si bien qu'elle avait frappé à sa porte. Comme toujours, l'héritière l'avait accueillie avec le sourire mais son humeur, encore assombrie par la dispute qu'elles avaient eut, ne donna pas envie à la petite Amazone d'ouvrir la bouche. Ce fut Eléa elle-même qui brisa le silence, s'excusant pour son comportement.
Jalouse. Eléa était jalouse que ce soit Asora et non leur père qui supervise l'entrainement de la petite. Sans parler du fait qu'elle en voulait autant à Jiven qu'à Jacen de l'avoir confié à ce qu'elle qualifiait elle-même de « pétasse blonde ». Pour finir, Eléa lui en voulait d'être partie trois mois sans rien lui dire, d'ordinaire, elle partait deux semaines et revenait à Muria et parfois même, restait plusieurs mois dans sa cité natale sans rejoindre le Temple alors pourquoi avoir passé tout le printemps là-bas ?

« Je n'avais pas le choix, délaisser mon entrainement alors même que l'on venait de le confier à un maitre Templier aurait été très impoli » avait-elle tenté de s'expliquer mais Eléa détestait tant Asora que tout cela lui passait au dessus de la tête. Quelque part, elle se sentait trahie par son choix et cela, Jelenna le savait.
La seule chose dont Eléa pouvait avoir peur était de la voir s'éloigner d'elle, incapable qu'elle était de comprendre que cela n'était que peu envisageable. Quoi qu'il en soit, elles avaient parlé toute la nuit ou presque si bien que ce matin, Jelenna n'avait pas fière allure au réveil. Philéa lui avait dit de se reposer mais la petite fille avait insisté pour se rendre à l'école. Trois mois d'absence n'étaient pas grand chose puisqu'elle apprenait l'histoire et le reste tout aussi bien au Temple mais l'Amazone aimait particulièrement son école. Ses amies. Cette atmosphère si particulière qui s'échappait de ce lieu qu'elle pratiquait depuis ses six ans.
L'étreinte de son amie ramena Jelenna sur terre tant et si bien qu'elle mit un certain temps à répondre aux questions de Livena.
Certaines choses ne changeaient pas. L'insatiable curiosité de sa jeune amie en faisait partie et pour rien au monde Jelenna n'aurait voulu qu'il en soit autrement. Sa franchise, ses questions, Jelenna se rendit compte à quel point tout cela lui avait manqué au Temple. Certes elle y avait des amis, mais tous semblaient se souvenir qui elle était, une princesse de sang royal d'une cité perdue aux yeux du monde dont on osait à peine murmurer le nom. Fille d'un célèbre Templier et de la toute aussi célèbre reine Amazone Philéa, la petite fille n'avait que peu sa place en tant que petite fille. Seule la princesse vivait à Tamawa même si les Templiers n'y faisaient pas attention ouvertement. Aussi, revenir à Muria était quelque peu salvateur, dans ces murs où personne ne lui faisait jamais la réflexion sur ses origines.

Jelenna fut étonnée de ce que lui annonçait sa jeune amie mais au final, vu la réaction de sa sœur ainée la veille, elle comprit que Philéa avait fait en sorte de ne rien dire sur sa précieuse prêtresse de fille. Son enlèvement quelques années plutôt avait laissé des marques indélébiles dans les esprits des Amazones et sans doutes la souveraine préférait-elle éviter ce genre de choses dans des périodes aussi troublées que celle dans laquelle ils vivaient. Oui, mieux valait sans doutes cacher au monde la vérité sur cette Amazone qui préférait suivre l'instruction au Temple plutôt qu'avec les siennes.
Meilleure archère de sa génération, Jelenna s'entêtait à refuser la succession de Kiera et préférait s'entrainer à l'Esprit plutôt qu'à l'arc. Bien mauvaise image sans doutes pour la cité comme pour le monde extérieur. Là était sans doutes la raison de ce silence.

« Je suis désolée » commença-t-elle.

La petite demoiselle ignorait ce qu'elle pouvait ou non avouer à son amie. Si sa mère avait fait en sorte qu'elle ignore ce genre de détails, sans doutes ne devait-elle pas la trahir … Sa situation n'était pas un secret, son engouement pour la paix plutôt que pour les armes non plus aussi estima-t-elle qu'elle pouvait se confier pour étouffer la crainte de son amie.

« J'étais au Temple à Tamawa, j'y ai même reçu un maitre qui m'apprend à maitriser l'Esprit ! » commença-t-elle d'un ton enjoué avant de reprendre plus calmement, « Je vais bien et toi, tu as l'air en pleine forme ! Qu'as-tu fais pendant mon absence ? Tu as pu t'entrainer avec Eléa ? Et le tir à l'arc, tu en as fait depuis mon départ ? »

Avec Livena, tout était plus simple ! C'était tellement facile de se sentir libre et de pouvoir se comporter comme n'importe qu'elle enfant en ce bas monde ! Il n'y avait plus de princesse, plus de réincarnation de déesse, plus de Sentinelle, juste une petite fille de onze ans qui parlait avec peut-être ce qu'on pouvait considérer comme sa meilleure amie.

« Tu trouves que j'ai grandi ? J'ai l'impression que toi aussi remarque ! J'ai tellement de choses à te raconter ! Mais parlons de toi d'abord, qu'as tu appris pendant mon absence ? Tu travailles toujours chez Flowène après l'école ? »

A son tour, elle l'assaillait de questions, comme quoi, les enfants étaient vraiment incorrigibles !

[Merci, venant de toi c'est un immense compliment! ^^]

Tamawa? L'Esprit? Ou la la, c'était bien trop compliqué pour moi, cette histoire. D'ordinaire, je m'intéressais peu à la vie des autres, il ne fallait pas le prendre comme de l'égoïsme, c'était juste qu'il y avait un millier de choses plus intéressantes dans le monde, mais comme Jelenna était mon amie, j'aurais préféré comprendre... mais rien que d'imaginer tout ce que cela pouvait être, j'en avais des migraines, et j'aimais pas les migraines, c'est pas agréable, même si on peut passer la journée dans son lit sans se faire crier dessus. Autant jouer le rôle très malhonnête et délicat que celui de la fille qui a tout compris alors qu'elle nage complètement (même si jouer ce rôle m'avait toujours placée dans des positions regrettables...). En fait, je ne savais vraiment rien du tout, mais apparemment maîtriser l'Esprit lui tenait vraiment à coeur, à en juger par son enthousiasme. Peut-être même qu'elle aimait ça autant que j'aimais me balader incognito la nuit! Non, ça, c'était impossible.

"Tu n'as pas à être désolée. Tu es là, c'est le principal!!"

J'étais vraiment sincère. Ces derniers mois, il m'était arrivé de rager à l'idée de ne pas savoir où était mon amie, surtout que les autres avaient l'air de savoir, eux, et c'était injuste que moi, son amie, je ne sois pas au courant, mais maintenant qu'elle était ici à l'école et avec moi, plus rien ne comptait, sauf répondre aux innombrables questions qu'elle me posait, le plus souvent en lui posant d'autres questions, comme ma maman. Les autres n'aimaient pas quand je répondais aux questions par des questions, ils pensent que je cherche à changer de sujet, mais Jelenna, elle, ça ne la dérangeait pas, enfin je crois.

"Oh ben tu sais, la routine! répondis-je en sautillant sur place pour me faire un peu d'air. L'école, l'entraînement... J'ai bien essayé de m'améliorer à l'arc, mais il faut encore que j'y travaille. Et puis oui, tu as dû grandir, mais c'est normal si je pense ça, ça fait des mois qu'on s'est pas vues! Moi en tout cas, je me trouve toujours aussi petite, mais je m'en plains pas, c'est pratique pour passer inaperçue! Je travaille toujours chez Flowène, ça me permet d'évacuer un peu après les cours, mais bon, comme je dois aussi m'entraîner avec Kiera et Eléa, je peux y aller moins souvent maintenant, mais j'essaie quand même parce que j'aimerai bien mieux la connaître. Flowène, je veux dire! Je suis sûre que tu as un tas de choses passionnantes à raconter, et puis ça tombe bien, j'ai tout mon temps, enfin, si je ne suis pas morte grillée avant!

J'aimais entendre les ragots et les histoires de mes amies (comme toutes les filles, d'ailleurs, non?), presque autant que j'aimais me baigner, embêter Mélo, faire de la couture, me promener la nuit et tirer à l'arc, même si pour l'instant, je n'était aps très douée. D'ailleurs, j'avais un petit peu menti à Jelenna, sur ce point... Non, je n'avais pas menti!!
...
J'avais juste déformé la réalité! Bon, c'est vrai que j'avais peut-être un peu négligé le tir à l'arc, ces temps-ci. Mais j'avais un millier d'autres choses à faire!! Comme, euh... par exemple... (dépêche-toi, trouve un truc!)... comme, euh, écouter les réponses de Jelenna!

[désolée si c'est un peu court, là je me fais gueuler dessus, ma mère veut l'ordi, au pire je rallongerai plus tard --'.
EDIT>> C'est mieux???]

[ Attention, tu t'entraînes avec Flowène au tir à l'arc, pas Kiera (enfin tu peux t'entrainer avec elle mais c'est Flow' ton mentor ^^)
Le compliment est mérité ! ]

Le soleil de ce début d'été pointait timidement le bout de son nez si bien qu'il commençait à faire assez chaud dans la cour. Si les deux jeunes filles étaient à l'ombre, cela n'empêchait pas pour autant Jelenna d'avoir chaud. Pour autant, elle ne s'en plains pas et se contenta d'attendre simplement la réponse de sa jeune amie. La demoiselle comprit presque aussitôt que son amie ne comprenait pas de quoi elle parlait. Son trouble, sa retenue n'étaient que trop palpable pour la petite qui lisait son esprit bien malgré elle. Enthousiaste, la petite princesse n'avait pas pris la peine de fermer son Esprit aux autres et de ce fait, elle lisait dans celui de Livena comme dans un livre ouvert. Quelque part, l'enfant fut déçue de voir que son amie ne partageait pas sa passion mais au fond, pouvait-elle seulement lui en vouloir ? Livena n'avait pas la chance d'avoir l'Esprit et elle n'avait pas non plus la chance de pouvoir sortir de Muria à sa guise aussi ne pouvait-elle pas comprendre son engouement même si elle faisait semblant de le faire. Jelenna était incapable de lui en vouloir. Elle partageait le secret de l'Esprit avec Aerin et Eloween voire même parfois avec Eléa lorsque cette dernière n'avait pas trop de réticence à cela. Car au fond, l'héritière détestait ce qu'elle-même considérait comme un don. Plus que tout, Eléa y voyait là une malédiction, une source d'ennuis, ni plus ni moins. Alors tant pis, avec Livena, elle partagerait le reste, ce que les jeunes filles de leur âge faisaient. Elles parleraient de l'école, de leur vie et pour une fois, Jelenna aurait enfin l'impression d'être une enfant comme les autres.

La demoiselle répondit par un sourire à la première exclamation de la petite Amazone. Elle était là. Oui, c'était le principal car pour rien au monde, elle ne voulait s'éloigner de Muria. Malgré quelques hésitations, Jelenna avait compris désormais que sa place était dans sa cité natale et nul part ailleurs aussi, même au Temple, son cœur restait dans la cité Amazone.

Le tir à l'arc, bien sur, pour des futures Sentinelles, il était logique qu'elles parlent de cet art. S'il passionnait Jelenna, elle avait vite compris à quel point il pouvait être mortel et en était devenue de ce fait beaucoup plus réticente bien qu'elle soit particulièrement douée la matière. Sans doutes était-ce du au pouvoir de Diane … quoi que, certains disaient d'elle que l'âme de Diane n'avait fait que renforcer ses propres aptitudes. Peu importait, la petite n'y croyait pas de toute façon, quelque en soit l'origine.

« Nous avons encore tout le temps pour apprendre » se contenta-t-elle de répondre, sourire aux lèvres, avec un petit clin d’œil.

Son regard ne put s'empêcher de se balader sur la cour pour tomber sur les plus grandes qui s’entraînaient justement, les plus jeunes à leur côté pour prendre conseil. Le seul cours auquel elle n'assistait jamais été le tir à l'arc. Déjà que son statut de princesse l'empêchait de se faire facilement des amis, la petite préférait éviter les jalousies inutiles. Elle ne pensait pas mériter les compliments qu'on lui faisait mais les autres ne le voyaient pas de la sorte aussi s’entraînait-elle exclusivement avec Kiera.

Flowène ... Jelenna appréciait beaucoup la jeune femme même si au final, elles n'avaient que peu parlé ensemble mais ce que la jeune fille préférait le plus, c'était sans doutes l'atmosphère qui régnait dans son bar, familiale, chaleureuse, elle lui rappelait bien souvent celle de la petite auberge où elle avait d'ailleurs rencontré la Sentinelle.
La petite demoiselle sentit une sorte de gêne de la part de son amie. Etrange. Pour autant, la demoiselle ne releva pas. Chacun avait ses secrets, elle la première.

« Tu as l'air d'avoir eu un programme très chargé » répondit-elle amusée.

« Je ne savais pas que travailler au Bar bu te plaisait autant, je pensais que tu voulais devenir Sentinelle. Tu as changé d'avis ? » demanda-t-elle sur un ton léger.

Chacun suivait sa voie et aucune ne se ressemblait. Elle-même hésitait encore sur son propre chemin, sans doutes l'avenir lui dirait-il si elle avait choisi la bonne voie ou non. Peu importait, on ne contrôlait pas son destin et elle était sans doutes la mieux placée pour le savoir. Vu les dernières années qu'elle avait vécu, Jelenna ne pouvait pas dire qu'elle avait maîtrisé quoi que ce soit, bien au contraire, elle avait surtout subi.

« Ma sœur ne se montre pas trop dur avec toi au moins j'espère ? » lança-t-elle, taquine.

Jelenna tentait de discuter comme une enfant normale, mais voilà bien longtemps qu'elle n'avait pas été une enfant normale … au moins, elle était sure que Livena ne la jugerait pas et cela n'avait pas de valeur !

Je vis le regard de mon amie se poser sur les plus grandes qui s'entraînaient au tir à l'arc et esquissa un petit sourire. Jelenna adorait le tir à l'arc, mais elle s'entraînait avec Kiera (je le savais bien vu qu'avant que je trouve du travail au Bar Bu je l'attendais souvent à la maison. Kiera, hein, pas le bar!) et non avec les autres, sans doute pour éviter des jalousies inutiles. Je ne comprenais d'ailleurs pas ce sentiment, dont ma soeur avait fait les frais en se recevant un pot de fleur sur la tête. On pouvait quand même accepter qu'il y ait meilleur que soit sans pour autant vouloir faire tomber des pots sur la tête des gens !!

« Tu as l'air d'avoir eu un programme très chargé. Je ne savais pas que travailler au Bar bu te plaisait autant, je pensais que tu voulais devenir Sentinelle. Tu as changé d'avis ? »

Je baissais la tête. Je n'avais pas vraiment réfléchi à la question. Je n'étais pas si douée que ça au tir à l'arc, mais comme Jelenna l'avait dit, il nous restait encore beaucoup de temps pour nous entraîner. En fait qu'aurais voulu que tout cela reste exactement comme maintenant, pour toujours. Rester petite éternellement; les responsabilités des adultes me semblaient tellement compliquées... Mais peut-être que sans l'école, je pourrais toujours travailler au Bar Bu et puis aussi protéger la cité en temps que Sentinelle.

"En fait, je sais pas trop. J'aime beaucoup allez travailler avec Flowène en dehors de l'entraînement, ça me permet de découvrir un autre aspect de sa personnalité. D'ailleurs, j'irai après l'école, là-bas au moins il fait frais. répondis-je à mon amie. Je veux pouvoir protéger Muria quand je serais plus grande, mais j'ai l'impression que travailler au Bar Bu me correspond mieux. C'est bizarre, non? Et puis, des fois, je me demande si je ne pourrais pas exploiter mon don pour la couture, comme ma maman."

En fait, je regrettais le temps ou ma grande soeur et moi aidions Maman à la boutique. Ma grande soeur n'était pas très douée questions couture, mais elle savait s'y prendre avec les clients, elle avait un sens de l'organisation épatant qu'elle tirait de papa, disait Maman. Et puis surtout, elle était bien plus organisée que moi, question rangement.
J'avais envie de me réfugier dans le magasin à l'odeur de rose, de me glisser entre tous les tissus chatoyant de la réserve, jaune or, rose bonbon ou bleu roi, et de ne plus bouger, de rester toute ma vie dans ce monde de couleurs vives et d'odeur enivrantes. L'odeur de ma maman, qui imprégnait encore certains des tissus que j'avais emportés en fuyant Silmarie, et que je n'osais pas toucher, de peur que le seul souvenir d'elle disparaisse. Un jour, il faudrait que je confectionne un habit inoubliable avec tous les tissus de ma maman. Un jour. Quand je serait prête. Pour l'instant, j'étais avec ma meilleure amie devant l'école, et je crevais de chaud.

Le tir à l'arc lui avait manqué, certes pouvait-elle s’entraîner au Temple sans restriction particulière, mais Jelenna ne supportait pas les regards envieux des autres ou les regards tout simplement interrogateurs. Aussi évitait-elle au final de s'aventurer sur le terrain d’entraînement du Temple avec son arc et ses flèches de sorte qu'elle s’entraînait en cachette, sans rien dire et le plus souvent, à la tombée du jour, peu avant les lueurs de la nuit. La petite princesse n'avait pas spécialement envie d'attirer les foudres des plus grands et si certes, les Templiers étaient les personnes les plus tolérantes qui soit, elle préférait éviter les regards. Son statut d'Amazone ébruité comme une traînée de poudre lui causait suffisamment de remarques sourdes comme cela pour en attiser d'avantage avec les dons qui lui prodiguaient l'âme de Diane … Le regard de l'enfant se détourna des plus âgées, s'il était admis dans sa cité natale que le tir à l'arc était l'arme la plus salvatrice, cela n'empêchait en rien le fait que cette arme, aussi meurtrière soit-elle, lui manquait cruellement en ce moment même.

La demoiselle semblait perplexe suite à la question de la petite princesse et cette dernière s'en voulut aussitôt de l'avoir posée. Elle allait revenir sur ses propos, changer de sujet comme elle avait parfois l'habitude de le faire en la présence de son amie mais cette dernière se décida finalement à lui répondre aussi simplement que si elle lui avait demandé qu'elle temps il faisait dehors. Cela rassura Jelenna.
Certaines choses ne changent jamais.

Jelenna écouta Livena parler sans oser l'interrompre. Elle mettait presque autant d'ardeur à parler du Bar bu et de Flowène qu'elle même en mettait lorsqu'elle s'aventurait à parler de sa formation de Templier. Livena parlait sans se poser de questions, sans même se demander si ses propos ne pourraient pas être considérer comme une trahison. Elle se contentait de se confier, sans arrière pensée, sans même songer une seconde que Jelenna puisse la trahir en répétant ce qu'elle lui confiait … Les choses ne changeaient pas certes, mais au fond d'elle même, Jelenna priait pour que la jeune fille grandisse un jour juste assez pour se protéger de ce genre de choses … Non. Ca, c'était son rôle, la protéger, protéger ceux qu'elle aimait en faisant en sorte que Muria ne tombe jamais, que jamais personne ne souffre. Elle était la princesse, peut-être pas l'héritière certes, mais peu importait, elle avait le pouvoir de conseil, le pouvoir d'influencer les choses en la faveur de sa cité.

« Si tu préfères aller au Bar bu, rien ne t'empêche de suivre cette voie. Nulle Amazone n'a l'obligation de devenir Sentinelle ... »

La petite demoiselle resta perplexe à son tour, parlait-elle vraiment pour son amie ou tentait-elle de se convaincre ? Avant d'ajouter d'une voix beaucoup moins adulte, reprenant ses airs d'enfant de onze ans à peine. Un sourire timide se figea sur ses lèvres tandis qu'elle ajoutait sur un ton enjoué :

« Ta mère était couturière ? »

La jeune fille était sincèrement intéressée, en réalité, elle n'avait jamais prit le temps de questionner la demoiselle sur sa famille, sur les raisons de sa venue à Muria, seule. Sur tout ce qui avait fait son passé et qu'elle avait laissé derrière elle. Elle hésita mais préféra se taire … que savait-elle de Livena si ce n'était qu'elle l'appréciait vraiment et sincèrement ? Qu'elle était sa première vraie amie en dehors d'Eloween ou d'Aerin … Une Amazone loin de toute intrigue politique, loin de toute perversion adulte … Livena était l'âme pure qui baignait son existence dans les affres de l'enfance, sans elle, Jelenna aurait depuis longtemps oublié ce que c'était que de n'être qu'une jeune adolescente sur le point de devenir une adulte que le monde voulait des plus influentes …

« Et si on jouait à un jeu ? » demanda-t-elle soudain avec enthousiasme, « Tu me poses une question, je t'en pose une et ainsi de suite, qu'en penses-tu ? »

Jelenna avait remarqué l'obstination avec laquelle Livena évitait le sujet « Eléa » et elle finit par se demander si quelque chose n'allait pas. Eléa était parfois … enfin c'était Eléa quoi. La petite demoiselle était sincèrement inquiète lorsqu'elle demanda, se faisant première à son jeu tout improvisé :

« Il y a un soucis avec Eléa ? Tu peux me le dire tu sais ... »

« Ta mère était couturière ? »

Je penchai la tête sur le côté, comme à chaque fois que j'étais déconcertée. Oups, terrain glissant, tous à vos patins (façon de parler vu la canicule de ces derniers temps). Il est vrai que je ne parlais pas beaucoup de ma famille et de mon passé, pour ne pas dire que je n'en disait carrément rien. Je n'étais même pas sûre d'avoir déjà dit à quelqu'un que je venais de Silmarie, même si, malgré leur petite taille, mes oreilles d'elfe en attestaient pour moi. La curiosité de Jelenna était justifiée, et ce fut d'ailleurs pour cela que je me sentis mal. Mentait-on à celle que l'on considérait comme sa meilleure amie? Depuis mon arrivée, je m'étais toujours débrouillée pour éviter le sujet "famille". Je dissimulais la vérité aux autres Amazones et je n'avais jamais eu à m'en plaindre. En revanche, si je ne disais pas la vérité à Jelenna, là, tout de suite, je pourrais m'en vouloir pour lui avoir mentit... Et je détestait mentir à ceux que j'aimais, comme la fois où j'avais dit à Maman que les oiseaux avaient picoré le potager mais qu'en fait c'était ma soeur qui...

« Et si on jouait à un jeu ? » demanda-t-elle soudain avec enthousiasme. « Tu me poses une question, je t'en pose une et ainsi de suite, qu'en penses-tu ? »

La voix de Jelenna me tirade mes pensées, comme souvent lors d'une conversations, et je clignais plusieurs fois des yeux pour tenter de remettre les pieds sur terre -enfin sur Azthia. Je jouais souvent à ce jeu avec les autres enfants de Silmarie, quand j'étais petite. Je craignais toujours les questions déplacées, mais au fond j'étais tellement soulagée qu'elle ait changé de sujet que je répondis d'une traite:

" Euh, oh oui oui, super chouette, d'accord! m'exclamai-je sans reprendre mon souffle. Si tu veux après, je te parlerais de ma maman.

Après cette tirade, je me rendit compte que j'avais vraiment envie de faire ce jeu des questions. C'est vrai que depuis mon arrivée à Muria, je n'y avait plus joué. C'était un bon moyen n'en savoir plus sur les personnes qui nous entouraient, même si des fois ça ne tournait pas vraiment à son avantage... Enfin, mon avantage. L'avantage de la personne qui jouait, quoi!
Oh la la, je m'embrouille... enfin bref.

« Il y a un soucis avec Eléa ? Tu peux me le dire tu sais ... »

La question de mon amie me prit encore plus au dépourvu que la première, si c'était possible. Un soucis avec Eléa? Enfin, je me serais expliqué avec l'intéressée, non? Mais que-ce qu'il lui faisait dire une chose pareille? Sa soeur aînée lui avait-elle parlé de moi? Pourtant, elle avait maints sujets de conversations plus passionnants, non? Bon, c'est vrai que cette semaine, je m'étais un peu reposée sur mes lauriers. Mais les coups de pompes, ça arrive à tout le monde, et puis franchement, avec cette chaleur, bonjour les insolations à rester dehors!!

"M-mais... mais non, pourquoi tu me demandes ça? bégayai-je, étonnée. Pourquoi est-ce qu'il y aura un soucis avec Eléa?

L'instant de défensive passé, je compris que ma réponse n'en était pas une, aussi essayais-je tant bien que mal de changer de sujet. En général, j'avais souvent recours à cette solution pour me tirer de situations délicates, par contre c'était pas la subtilité absolue. J'avais plutôt tendance à toujours mettre les pieds en plein dans le plat et tenter le plan B mine du Chat Botté. Ça au moins, ça avait le mérite d'obtenir plus de résultats, du moins sur les adultes. Les enfants, c'était plus précaire. Surtout ceux aussi intelligents que Jelenna.

"Heu... c'était ta première question? demandai-je en penchant de nouveau la tête, de l'autre côté cette fois. OK, à moi ! Heu... alors... zut, j'ai pas d'idées! ... Heu... bon, au pif. A quel âge tu as commencé à tirer à l'arc?

Jelenna remarqua que sa jeune amie perdait le fil. Elle avait l'habitude, au final, la petite demoiselle savait parfaitement que Livena relâchait souvent son attention, il suffisait de la voir en classe mais peu lui importait, c'était un aspect de sa personnalité qu'elle appréciait énormément. Jelenna appréciait Livena pour ce qu'elle était et peu importait le reste. Elle laissa l'Amazone reprendre ses esprits et assimiler ce qu'elle lui avait dit et il ne fallu pas plus d'une minute pour que la petite fille redevienne celle qu'elle était quelques secondes plus tôt. Enjouée, amusée par le jeu, Livena en somme. Le silence prolongé de la jeune fille sur ses questions concernant Eléa fit douter Jelenna de la pertinence de son insistance, sans doutes aurait-elle du se taire et laisser la demoiselle en paix. Eléa était sûrement plus facilement à questionner et cela aurait évité les malentendus mais que serait une enfant sans ses maladresses ?

La réaction de Livena lui fit comprendre qu'elle avait commis une erreur. Quelle idiote ! Il était logique qu'elle allait s'inquiéter ! Jelenna s'en voulu aussitôt en entendant le bégaiement de sa jeune amie. Comment pouvait-elle se targuer être une bonne princesse si elle se permettait des erreurs aussi grossières ? Cherchant à rattraper sa bêtise, elle se contenta de sourire avec douceur et d'ajouter d'un ton calme et amusé autant qu'elle le pouvait sans que ça ne paraisse être moquerie :

« Je connais ma sœur, elle sait être casse pied et particulièrement têtue ! Alors je me demandais si vos entraînement se passaient bien, elle m'a dit que c'était la Capitaine Yuki en personne qui t'avait confiée à elle. Eléa a tendance à se montrer trop têtue et trop exigeante, n'hésite pas à le lui dire. »

Eléa était trop exigeante, Jelenna le savait mieux que quiconque, mais peu importait, elle serait une bonne tutrice et surtout, sa petite sœur n'en doutait pas, elle protégerait à merveille Livena, du futur comme du passé car Eléa était celle qui était le plus à même de comprendre les douleurs du passé et la peur du futur.
Livena avait de la chance …
Parce qu'au fond, Jelenna le savait, Eléa ferait tout pour en faire une excellente élémentaire, capable de se protéger comme de protéger les siens. Alors si la princesse avait des côtés exaspérants, mieux valait le lui dire. Jelenna ne s'en privait jamais mais Livena oserait-elle dire ses vérités à une princesse ? Jamais Eléa, Jelenna ou leur frère et sœurs n'avaient eut l'audace de jouir de leur titre mais les autres avaient tendance à leur rappeler tout cela. Alors sûrement que Liv' n'aurait pas l'audace de dire ce qu'elle pensait à Eléa aussi la petite princesse ajouta calmement :

« Si tu trouves qu'elle va trop loin, dis-le moi, je saurais lui parler »

La réaction de son interlocutrice la fit sourire.
Livena ne changerait jamais.
Alors en souriant de plus belle, Jelenna répondit :

« Disons que oui ! »

Elle ne put s'empêcher de rire.

Jelenna fut surprise par la première question de la jeune fille. Elle s'était attendue à beaucoup de choses mais pas à cela. Elle fut toute aussi surprise de réfléchir à la question. Quand avait-elle eut un arc pour la première fois entre ses mains ? Tôt. Trop tôt sans doutes même. Avec le sourire, elle se souvint de ce jour où, enfant, elle avait volé l'arc de sa sœur aînée sous son nez.

« J'avais deux ans la première fois que j'ai croisé un arc. Ma sœur l'avait laissé dans sa chambre et maman m'a raconté que je me suis endormie dessus en attendant son retour mais la première fois que j'ai tiré à l'arc, c'était ici même, dans cette cour, à l'âge de six ans à peine. Et toi, avais-tu déjà tiré à l'arc avant d'entrer à Muria ? »

Le tir à l'arc.
Un art que Jelenna ne pourrait jamais se résoudre à oublier, plus que tout, un art qu'elle ne pourrait jamais se permettre d'oublier. Jamais. Il était ancré en elle comme un souffle de vie. Alors jamais elle ne pourrait oublier la première fois qu'elle avait saisi un arc, ici même, dans la cour de cette école. Jamais elle ne pourrait oublier non plus la sensation qu'elle avait ressenti en saisissant la flèche, en sentant les plumes légères glisser entre ses doigts lorsque le trait était parti. Elle avait atteint la cible en plein cœur ce jour-là.

« Tu as dit que tu me parlerais de ta maman, elle était jolie ? Elle faisait quoi comme métier ? Tu vivais bien à Silmarie non ? »

Jelenna se tut avant de rire franchement puis reprit finalement :

« Désolée, ça fait trois questions ! »

« Si tu trouves qu'elle va trop loin, dis-le moi, je saurais lui parler »

Je remerciai mon amie d'un signe de la tête. Evidemment, je n'avais aucune raison d'avoir peur de parler d'Eléa, si jamais un jour j'avais un problème avec elle, ce qui n'était pas arrivé, mais on ne pouvait exclure aucune possibilité. Je pourrais toujours compter sur Jelenna.
Cette certitude réchauffa mon cœur, si j'en avais besoin, car le soleil maintenant haut tapait encore plus fort que pendant la matinée. Jelenna avait réussi, dés mon arrivée à Muria, à remplacer à elle seule le vide que la perte de mes amis avait causé dans mon cœur. Même si elle ne pourrait jamais remplacer ma soeur, elle était devenue ma confidente et ma meilleure amie, si on ne comptait pas Mélo. La petite chatte était toujours la première à subir mes jérémiades, mes sujets de plaintes favoris étant le soleil, Mélo, le travail, Mélo, le tir à l'arc, Mélo... en ce moment j'en avais sérieusement après la chaleur. Dés que je rentrerai à la maison, j'aurais carte blanche pour me plaindre auprès de ma chatte de compagnie. Je voyais déjà sa petite tête féline plissée par le mécontentement, essayant par tous les moyens d'échapper à ce qui devait une torture pour elle. Si jamais les chats pouvaient soupirer, je crois bien qu'elle aurait bien eu prés de 4 ans p...

« J'avais deux ans la première fois que j'ai croisé un arc. Ma sœur l'avait laissé dans sa chambre et maman m'a raconté que je me suis endormie dessus en attendant son retour mais la première fois que j'ai tiré à l'arc, c'était ici même, dans cette cour, à l'âge de six ans à peine. Et toi, avais-tu déjà tiré à l'arc avant d'entrer à Muria ? »

La voix de Jelenna me tira de mes pensées. Je mis un certain temps à comprendre qu'elle répondait à une question que je lui avait posée. De quoi parlait-on, déjà? Ah! oui, c'est vrai, le jeu! J'ouvrai la bouche pour répondre, mais fait inhabituel, Jelenna me coupa la parole avant même que j'ai pu émettre un son, ce qui me laissa encore plus sans voix. La monopoliseuse de parole, c'était moi normalement. Il était d'ailleurs quasiment impossible de me faire si je ne l'avais pas décidé!

« Tu as dit que tu me parlerais de ta maman, elle était jolie ? Elle faisait quoi comme métier ? Tu vivais bien à Silmarie non ? »

Je clignai des yeux pour tenter d'assimiler en vitesse toutes les informations parvenues à mes oreilles. Seuls quelques mots résonnaient encore à mes oreilles, comme un fantôme ou une promesse.
Maman. Jolie. Silmarie.
Des tas de souvenirs, que j'avais essayé d'enfouir au plus profond de ma mémoire lors de mon arrivée, resurgirent, immense de part leur réalité et leur douleur. Ce n'étaient d'ailleurs pas vraiment des souvenirs, mais plutôt des images furtives, des bribes de conversations...

Je me rappelais les jeux avec mes amis. Je me rappelais les balades avec ma soeur, nos maladresses qui finissaient presque toujours en courses poursuites: notamment une fois où, après avoir sans le faire exprès fait tomber dans la boue la robe préférée d'une voisine, nous nous étions enfuîtes avant que quelqu'un se rende compte de quoi que ce soit...

Flashback

*La petite resta un moment pétrifiée d’effroi devant la robe aux couleurs chatoyantes qui gisait dans la boue. L’eau brunâtre qui stagnait depuis la récente saison de pluie à Silmarie imprégnait déjà le tissu délicat qui constituait le vêtement favori de celle qui possédait le jardin où était étendu son linge. Elle ne réagit que lorsqu'une main attrapa son bras et la tira avec force, presque brusquerie.

"Tu comptes rester plantée là toute la journée, siffla sa soeur, ou t'attends que la dame revienne?! Vite, on se tire!!"

La fillette ne compris pas beaucoup sur le coup, et elle ne retrouva ses esprits que lorsque son aînée s'élança dans la rue en l'entraînant avec elle. Si jamais la propriétaire de la robe les trouvait prés du lieu de l'accident, elles seraient dans de beaux draps... bien que techniquement, cela concernait une robe, et non un drap. La plus grande bifurqua soudain dans une ruelle déserte, et sa cadette faillit déraper dans le visage; heureusement qu'elle n'était pas chaussée, sans quoi ses sandales auraient glissé sur les pierres dallées de la cité elfique. Elles couraient, couraient, couraient toujours. La petite brune avait les jambes lourdes, elle voulait ralentir, mais elle avait plutôt l'impression que sa soeur, au contraire accélérait.

"Plus vite, Livena!! lança sa soeur. Il faut s'éloigner de la rue Boisée!
-Mais chuis fatiguééééééééééééée, geignit la gamine en vacillant. J'ai sommeil, et puis j'ai mal aux jambes..."

La grande poussa un soupir exaspéré. De 5 ou 6 ans sa cadette, elle ne savait plus trop, Livena lui causait plus de problèmes qu'elle-même. Et pourtant elle en avait fait des quatre cents coups. Comment fuir les ennuis avec une gamine haute comme trois pommes qui tombait de fatigue dés qu'il fallait courir quelques mètres?

"Ecoute Livena, répondit-elle en plantant ses yeux dans ceux de sa petite soeur. OK, tu es fatiguée, sauf qu'on peut pas se reposer. Tu crois peut-être charmer tout le monde avec ta petite face toute mignonne, mais avec moi ça prend pas. Et avec la dame non plus ça ne marchera pas, si elle apprend qui a sali sa robe. Et crois-moi, quand elle t'attrapera, tu auras vraiment des raisons de te plaindre. Alors tu vas me faire le plaisir de te bouger un peu et de courir."

Les yeux de la petite s'étaient emplis de larmes, puis elle avait couru. Le lendemain, elle était revenue en douce dans le jardin, et elle avait passé une bonne heure à frotter le tissu délicat. Quand elle était repartie, elle souriait.

*La petite était blottie dans un fauteuil, contre sa soeur. Elle sentait sa main douce qui lui caressait les cheveux, tandis qu'elles fixaient toutes les deux le feu qui crépitait dans la cheminée. Elle sourit faiblement, ses paupières s'alourdirent, elle se laissa aller contre le corps chaud de son aînée...

"Demain, j'ai un contrôle, fit la voix de May qui la tira de son pseudo-sommeil.
-C'est chouette, répondit Livena.
-Oui, le problème, c'est que je ne peux pas le faire.
-Toi, t'as quelque chose à me demander."

Mayleen sourit à son tour. Livena lisait en elle comme dans un livre ouvert, elle ne pouvait rien lui cacher, surtout lorsqu'il s'agissait d'un de ces nombreux marchés qu'elles passaient en silence.

"Tout juste Auguste. Je ne peux pas y aller parce que je vais rejoindre un ami au pont de la petite rivière."

Livena émit un petite ricanement railleur, qui retrouva son sérieux.

"C'est mon coin, la petite rivière.
-C'est le coin de tout le monde, la petite rivière.
-Bon, arrête de tourner autour du pot et dis-moi ton fichu marché.
-D'accord. Je ne vais pas aller au contrôle demain, donc il me faudra une excuse.
-Arrête avec tes sous-entendus, et balance en quoi ça ce me concerne.
-Tu diras que ce jour-là, tu gardais la maison, avec moi.
-Ah! non! protesta immédiatement la petite. Pas question que tu me mêles à cette histoire, pas cette fois!
-Livena.
-Quoi encore?
-Tu te mêles toujours de mes histoires."

La petite émit un reniflement dédaigneux, puis alla s'asseoir prés de feu, faussement vexée. Mayleen rit puis s'assit à côté d'elle.

"Si tu ne seras pas à la maison comme convenu, releva Livena sans détacher son regard des flammes, ça veut dire que c'est moi qui devrait faire tout le travail que Maman t'a confié.
-Pas faux.
-Que-ce que j'aurais en échange?
-Je répondrais à toutes les questions que tu me poseras cette nuit.
-C'est un marché de dupes! s'exclama Livena.
-Et pourquoi?
-Par ce que petit un, tu réponds jamais à mes questions. Petit deux, si on apprend que je t'ai aidée à sécher, je vais être punie.
-On parie? Pose-moi une question.
-C'est qui le garçon que tu dois retrouver?"

Mayleen rougit immédiatement.

"Ca te regarde pas!
-Et de une. Essayons autre chose. C'est toi qui a mangé tous les biscuits au beurre?"

Mayleen se tut une fois de plus.

"Et de deux, soupira Livena. remarque, je n'avais pas vraiment besoin de ta réponse pour le savoir. Bon. Combien de fois tu as déjà séché l'école?
-Livena!!! protesta son aînée."

Heureusement que leur mère travaillait plus tard ce soir-là, car sinon Mayleen n'aurait pas pu échapper à sa colère.

"C'est ce que je disais, répliqua Livena, tu réponds jamais à mes questions!!
-Pose-moi des questions plus faciles! objecta l'autre.
-Comme quoi? Ah! j'en ai une. T'es obligée d'y répondre.
-Pourquoi?
-Parce que Maman, elle, elle répondra pas."

Mayleen ne le sentait pas. Elle s'aventurait sur un terrain glissant, et elle était presque sûre de ce que sa cadette allait lui...

"Parle-moi de Papa."

Mayleen soupira. Elle aurait donné sa main droite que Livena allait lui dire ça. Et elle y tenait à sa main!!

Elle passèrent toute la soirée à discuter du passé, de Silmarie, de leur père. Toute une soirée, pendant laquelle les deux soeurs regrettaient intérieurement de devoir en parler elle-même, sans leur mère.


Tans de souvenirs! Il y en avait d'autres, bien sûr, mais ils étaient flous dans ma mémoire. Pourtant, ces deux-là faisaient parti des plus anciens. Priant pour qu'aucune larme n'ait coulé sur ma joue durant cet instant d'inactivité, je répondis à mon amie:

"Ma mère, c'était la plus jolie du monde. Elle était couturière et cuisinière, et elle tenait le meilleur tailleur de la ville! Je suis bien née à Silmarie. Maman m'apprenait la couture, et je l'aidais souvent l'après-midi, et elle initiait ma soeur à la cuisine. Mon papa est mort quand j'étais toute petite, avouai-je, je ne souviens pas beaucoup de lui. Ma maman, Mayleen et moi, on était aussi heureuse que cela était possible sans Papa. On étaient proches, et on s'amusait bien. Maman, elle était sage, elle savait tout, ou presque tout! C'est grâce à elle que je n'ai plus peur de la nuit, et c'est aussi pour ça que je me promène souvent sur les toits..."

Un frisson de mélancolie et de tristesse m'envahit alors que je racontait ma vie à Jelenna. L'envie, aussi. L'envie de retrouver Mayleen et ses insupportables marchés, Maman... Notre vie d'avant. Rien que toutes les trois.

Une onde de mélancolie mêlée de tristesse inonda l'esprit de la petite Jelenna tandis qu'elle regrettais sa remarque. Il était évident que la plupart des Amazones, nées en dehors de la cité, regrettaient leur vie passée, non pour le mal qu'on leur avait fait, mais pour les souvenirs heureux et pour la douceur de leur vie avant que tout ne soit chamboulé. Si beaucoup avaient trouvé le calme, la paix et la liberté dans l'enceinte de la cité des femmes libres, la plupart aimaient toutefois se rendre dans leur patrie d'origine, pour revoir leur famille qui n'avait pas pu les suivre, pour goûter une dernière fois à leur vie d'antan sans en subir les désagréments … Si les adultes agissaient de la sorte, il était d'autant plus évident que pour une petite fille comme Livena, les choses devaient être encore plus dures. Jelenna n'avait décidément pas deux sous de jugeote pour avoir posé ce genre de questions … La gamine regretta mais s'abstint de commentaires, mieux valait éviter d'enfoncer le couteau dans la plaie.

Le silence se faisait lourd, mais Jelenna maintint sa position, préférant garder le silence en attendant que la petite Elfe se sente prête à lui dire la vérité, ce qui la tracassait ou encore, à simplement partager les choses avec elle. Il était très facile de parcourir ses pensées pour découvrir cela mais la petite princesse bis se l'interdit. Elle se contenta de fermer son Esprit une nouvelle fois pour ne plus entendre la cacophonie des sentiments de sa jeune amie se mêler dans sa tête et pour éviter de trop l'épier. Jelenna ne supportait pas quand Asora s’immisçait dans ses souvenirs pour lui montrer à quel point ses barrières n'étaient pas suffisamment bien dressées alors mieux que quiconque, elle comprenait que ça pouvait être désagréable de se savoir épier et même si Livena n'aurait pas conscience qu'elle usait de son don sur elle, la petite réincarnation se sentirait salie par un tel comportement. Elle aurait comme l'impression de violer l'intimité de la jeune fille et cela, elle se l'interdisait, depuis toujours.

Livena ne semblait pas prête à reprendre la parole et pendant ce temps, Jelenna se demandait ce qui pouvait autant la tracasser. Elle n'avait jamais demandé auparavant à la demoiselle les choix qui l'avaient conduit à quitter son chez elle pour la mener jusqu'à Muria et aujourd'hui qu'elle avait sauté le pas, elle le regrettait presque. Pour autant, elle ne fit aucun commentaire, là encore, si Livena voulait lui parler, elle était prête à l'entendre, mais dans le cas contraire, elle comprendrait tout autant sa position et la respecterait. Si sa curiosité la poussait à imaginer le pire, elle préférait encore quelque part ne rien savoir plutôt que de voir ses appréhensions se réaliser au fil du récit de sa jeune amie.

Lorsque Livena reprit la parole, Jelenna en fut quelque part soulagée, elle avait en effet peur que sa jeune compagne ne lui en veuille mais ce ne fut pas pour répondre à ses questions que la demoiselle avait repris la parole mais pour poser des questions, pourquoi pas … après tout Jelenna s'était préparée à cette hypothèse et ne lui en voulu pas. Le jeu continuait, c'était même elle qui avait proposé que ce soit le cas. Elle réfléchit une seconde avant de répondre, après un soupir :

« La première fois que je suis sortie de Muria, c'était pour aller voir mon père à Tamawa, à l'époque, Eléa avait rencontré son élève, Asora, et cette dernière lui avait appris qu'il y avait de grandes chances pour que son maître, Jacen, soit son père. Eléa m'avait emmené sans que notre mère ne soit au courant. Par la suite, je ne suis sortie que pour accompagner ma mère ou ma sœur dans leur voyages. Et maintenant, c'est en compagnie de mon père que je fais le voyage jusqu'à Tamawa pour suivre ma formation. »

Jelenna ne put s'empêcher de penser à Jacen, il lui manquait terriblement mais lorsqu'elle était avec lui, c'était sa mère et ses frères et sœurs qui lui manquaient. Elle avait essayé de faire en sorte que son père revienne vivre définitivement à Muria mais ce dernier n'avait pas l'intention de quitter le Temple, ce qu'elle comprenait parfaitement. S'il les aimait tendrement et passionnément, il était évident que la majeure partie de sa vie était à Tamawa.

« Tu aimerais sortir ? » demanda-t-elle, comprenant soudain le sens caché de la question de l'apprentie élémentaire, « Si c'est le cas, il te suffit de demander à Kiera, je suis sure qu'elle se fera un plaisir de te faire découvrir le monde, ou à une Amazone en général »

Le monde …
Jelenna préférait Muria mais elle devait bien avouer qu'elle aimait voyager aussi. Cydonia était une très belle cité mais elle n'avait jamais eut l'occasion d'y aller. Silmarie était magnifique malgré les cicatrices laissées par la guerre, quant à Erathia, Jelenna préférait l'éviter même si elle trouvait la cité jolie et agréable à vivre. Elle n'avait pas encore eut l'occasion d'aller du côté Jinmen et Storghein serait surement sa prochaine destination. En d'autres termes, Jelenna aimait certes voyager, mais son chemin la ramenait toujours dans sa cité natale. Quoi qu'il en soit, elle comprenait l'envie de la demoiselle de quitter un peu la cité pour découvrir le reste.

[ Tu veux te désengager au prochain tour ? ^^ ]
[ désengagée ]

« La première fois que je suis sortie de Muria, c'était pour aller voir mon père à Tamawa, à l'époque, Eléa avait rencontré son élève, Asora, et cette dernière lui avait appris qu'il y avait de grandes chances pour que son maître, Jacen, soit son père. Eléa m'avait emmené sans que notre mère ne soit au courant. Par la suite, je ne suis sortie que pour accompagner ma mère ou ma sœur dans leur voyages. Et maintenant, c'est en compagnie de mon père que je fais le voyage jusqu'à Tamawa pour suivre ma formation. »

J'écoutais attentivement le récit de mon amie. Si je rechignais à parler de moi, j'aimais beaucoup entendre les autres raconter leur vie. Evidemment, ce n'était pas très égal, mais tant de filles papotaient sans se rendre compte qu'elles faisaient un monologue que cela ne me dérangeait même pas. En outre, l'histoire de Jelenna était vraiment singulière. J'avais du mal à imaginer la peine qu'elle pouvait éprouver en vivant comme ça loin de son père (enfin loin... Tamawa étant la cité la plus proche de Muria, en comptant Silmarie, l'expression n'était peut-être pas très bien choisie). Je comprenais soudain mieux son enthousiasme lorsqu'elle allait étudier au Temple. Elle au moins, elle pouvait voir son père, quelques fois, discuter avec lui.
Moi... les morts n'ont pas le sens de la causette.
...
Par l'arc de Diane!!!

Une telle pensée à l'égard de mon père m'effraya. Comment pouvais-je oser parler de sa mort avec une telle légèreté, presque avec moquerie? Peut-être que je ne l'avais pas beaucoup connu, mais envers ma soeur et ma mère, c'était vraiment pas sympa, surtout qu'on ne savait même pas ce qu'il lui était arrivé... J'avais presque peur de cette part irrespectueuse et insolente qui se cachait en moi. A croire que malgré tout ce qu'on pouvait dire, on ne se connaissait jamais assez bien.

« Tu aimerais sortir ? Si c'est le cas, il te suffit de demander à Kiera, je suis sure qu'elle se fera un plaisir de te faire découvrir le monde, ou à une Amazone en général.
-Oui, Kiera m'en avait parlé... elle a dit que ce serait bien que je sorte un peu de Muria. Elle a raison, bien sûr, je ne peux pas m'y cacher toute ma vie... »

*Mais j'ai tellement peur de retourner à Silmarie, de croiser quelqu'un qui me reconnaîtrait, même dans une autre cité... Je ne peux pas me cacher toute ma vie, c'est vrai, et encore moins pour fuir ma famille que j'ai lâchement abandonnée. Je suis un être abominable!*

Bien sûr, cela je ne le dis pas, mais je le pensais si fort que cela ne m'aurait pas étonné si Jelenna m'avait entendu.
Regrets, lâcheté, abandon, mélancolie... Saleté de vie! comme dirait ma soeur.
*Par pitié, suppliai-je en silence, faites que quelque chose se produise. Je réviserais mes devoirs tous les soirs, tous les matins s'il le faut! Diane, Silmaria, quelqu'un!*

Je levai un visage ébahi mangé par un énorme sourire jusqu'aux oreilles en entendant quelqu'un appeler le début des cours.

« Tu viens? lançai-je à l'adresse de Jelenna. J'ai tellement chaud que pour une fois je ne vais pas me faire prier pour aller en classe. »

Avec cet enthousiasme qui me caractérisait bien et les enfants en général, je saisis la main de mon amie sans attendre sa réponse et nous nous engouffrâmes dans l'école avec les autres filles en quête d'un peu d'ombre. J'étais cuite à point, je devais avoir des coups de soleil même sur les orteils mais au moins j'étais avec ma meilleure amie, ce que rien ni personne pourrait m'en empêcher.
Et surtout, j'allais dés ce soir réviser tous mes devoirs.

[Je me désengage. On finit là-dessus? Désolée, j'ai pas pris la peine de te demander si tu voulais te désengager --']
[ Edit Eléa : pas de soucis Merci pour ce RP ! ]