[D-E] Que fais-tu là, petite ? [Jelenna] (fini)

[Je n'étais pas très inspiré. J'espère que ça te conviendra. N'hésite pas à me signaler d'éventuelles incohérences.]

Le Tribun n'était pas connu pour sa patience. Lorsqu'une chose l'ennuyait, il le faisait savoir à tout le monde, de par ses paroles ou ses expressions. La réunion d'aujourd'hui n'avait pas fait exception et cela arrivait toutes les deux semaines. Dieu qu'on pouvait être maso, parce que ce n'était une partie de plaisir pour personne, certainement. En même temps, mettre un Cydien et un Astorg dans la même pièce... Enfin, le moins qu'on puisse dire, c'est que c'était animé.
Meliant ressortait de la salle toujours très fatigué mentalement. Se montrer hypocrite et aimable demandait une grande quantité d'énergie, vous n'avez vraiment pas idée, et, lorsque la réunion tirait à sa fin, le visage de l'homme n'était plus qu'agacement poli. Certes, c'était son rôle d'être là, il s'y était engagé et faisait en sorte de ne pas décevoir Sorghein, mais on ne pouvait, au fond, changer sa nature. Meliant, ancien Consort, était arrogant et fier. Pour lui, sa place n'était pas ici, mais aux côtés de la Reine, très proche du pouvoir. Et pourtant... Ironie du sort, il avait élu domicile à Erathia. Était-ce par honte d'avoir perdu ou pour des projets plus personnels ? Nul ne saurait le dire, à part le Tribun lui-même.

Lorsqu'on annonça la fin de la session, l'Astorg poussa un léger soupir. Rien ne pouvait lui faire plus plaisir en ce début de soirée que ce « Nous en avons terminé pour aujourd'hui. ». Il se leva, salua, en inclinant légèrement la tête, l'assemblée et annonça qu'il prenait congé. Il n'avait pas l'intention de s'attarder dans la pièce, contrairement à quelque autre membre du Conseil des cinq. Cela lui arrivait, certes, mais ce soir il était vraiment fatigué. C'est d'un pas lent qu'il prit les escaliers pour quitter la tour et aller rejoindre ses quartiers, tout en ruminant de sombres pensées.
Il lui fallait revenir sur le devant de la scène. Contrairement aux autres, il ne jouait plus un rôle politique important dans sa propre cité. De plus, son caractère n'aidait en rien la chose. Le fait de se placer au dessus des autres, regarder les gens de haut et les mépriser, devait certainement avoir un rapport avec son manque de popularité, même s'il jouait plutôt bien la comédie, quand il le fallait.

Une tête tête blonde apparu dans son champ de vision, alors que Meliant traversait le hall. Il s'arrêta net. Qu'est-ce qu'une gamine foutait là ? Il l'observa quelques instants. Une bouille adorable, une certaine grâce se lisait au travers de ses traits d'enfant. Elle allait, certainement être belle, dans quelques année. Oui, c'était même certain. D'autre part, ses yeux étaient un réel paradoxe avec le reste de son apparence. Plus sérieux qu'ils ne le devrait, un contraste très étrange... En attendant, la petite n'était rien d'autre qu'une pisseuse et Dieu sait à quel point Meliant haïssait les pisseuses. L'homme, les mains dans le dos et le regard sévère, s'approcha de l'enfant. Qu'est-ce que ça pouvait l'agacer, ce genre de désagréments. Déjà qu'à la base, il n'aimait pas les surprises, si en plus elles étaient mauvaises... Les gardes à l'entrée de l'aile où avait lieu le Conseil laissaient rentrer vraiment n'importe qui. Le Tribun se promit de leur en toucher deux mot, une fois débarrassé de la peste qui se tenait devant lui.

« Que fais-tu là, petite ? Cet endroit est interdit au public. Suis moi, je te raccompagne jusqu'à la sortie. »

Si l'expression de Meliant était froide, il fit tout de même l'effort d'adoucir légèrement sa voix. Faire peur à la blondinette, c'était prendre le risque de la voir se mettre à pleurer et ça, l'homme serait incapable de le gérer. Il était bon dans beaucoup de domaines, il n'y avait point à douter, mais les enfants... Il ne comprenait pas comme ça marchait, dans leur petite tête, ce qui l'agaçait, et les sujets qui l'agaçaient perdaient vite de leur intérêt.

« Dépêche toi, tes parents doivent te chercher ! ajout-il de façon un peu plus brusque. »

C'était qui, d'ailleurs, ces irresponsables qui laissaient une gamine se balader seule le soir tombant ? Manquerait plus qu'il tombe sur une orpheline qui ne sait pas où aller... Ne vous méprenez pas, Meliant ne s'inquiétait pas pour la petite, même si ses paroles auraient pu suggérer le contraire. Il avait juste hâte de s'en débarrasser et rejoindre ses quartiers.

Erathia, La lumineuse.
La cité neutre.
La cité dressée au milieu des cendres d'une guerre ancienne.
Le Tribunat.
Eléa était devenue Tribun en plus de ses fonctions de vice-capitaine et de princesse héritière si bien que Jelenna n'avait plus spécialement l'occasion de la voir. Entre ses propres entraînements au Temple et ceux qu'elle menait avec Kiera parmi les Sentinelles, entre ses responsabilités héritées de son statut de réincarnation et celle que sa mère lui avait confiée en tant qu'élément sain et raisonnable de la famille, la petite fille n'avait que peu de temps pour elle si bien qu'elle regrettait quelque part les années bénies de sa tendre enfance, lorsque, en se glissant dans les bras de sa sœur aînée, tous ses soucis d'enfant s'envolaient telle une traînée de poudre balayée par le vent. Aujourd'hui, le vent ne colportait que mauvaises nouvelles, responsabilités, charges toujours plus lourdes à porter … Au rythme des saisons, Jelenna sentait le poids de son destin peser de plus en plus sur ses épaules et Eléa n'était plus là pour en prélever la plus large partie. Certes il ne fallait pas lui jeter la pierre, car la demoiselle s'occupait autant qu'elle le pouvait de la politique et déchargeait autant Philéa que Jelenna mais au fond, la petite fille regrettait tout cela. Alors quand la jeune fille lui avait proposé de l'accompagner à Erathia, ne serait-ce que pour quelques jours, le cœur de Jelenna s'était serré et elle avait accepté de la suivre sans un mot. Lùmen et Aedan étaient bien sure de mise, l'héritière ne s'en séparant jamais ainsi que Lùkhas.

Lùkhas … voilà encore l'un des fardeaux que sa sœur aînée gérait seule, refusant toute aide si ce n'était la compassion sans borne de la plus jeune. Alors Jelenna priait, se montrait aussi compréhensive que possible mais regrettait là encore. Elle regrettait que son jeune frère soit dans cette situation et qu'Eléa, pour le venger, soit passer auprès des Soumis comme la plus cruelle des femmes. Elle avait offert la vie à ce traître et pourtant, il avait choisi la mort. L'humiliation pour la jeune femme … En devenant un assassin, Eléa avait semé la terreur dans les rangs des Soumis. Rien, ne pourrait revenir sur ce point.

L'Amazone lui avait dit de se balader en attendant la fin de la réunion mais Jelenna avait choisi de rester avec les deux petites et son jeune frère. Il était amusant de voir à quel point Lùkhas était éveillé par rapport aux deux demoiselles qui étaient tout à fait dans la norme malgré tout. Le jeune garçon était resté éveillé après que sa sœur leur eut raconté une histoire. Lùmen et Aedan dormait paisiblement lorsqu'il lui demanda :

« Dis Jelenna, tu crois que je pourrais un jour marcher comme elles ? »

Il avait dit cela avec tant d'innocence. Pire que tout, avec tant de simplicité comme si au fond, cette éventualité ne le perturbait plus. Comme si au fond, il ne posait la question que par pure commodité. Alors la jeune fille sentit son cœur se serrer parce que le mensonge était le meilleur des baumes sur le cœur de cet enfant que le destin avait brisé. Elle se vit sourire, comme spectatrice à son propre mensonge, ce mot qu'elle avait tant détesté enfant et qu'elle haïssait toujours autant, et le rassura en posant sa main sur sa tête pour l'aider à s'endormir, Eléa tenant tout particulièrement à la sieste et prononça avec la plus grande douceur :

« Je te le promets. »

Mensonge mais son jeune âge lui permettait d'y croire encore, d'espérer. Et l'espoir le ferait vivre encore longtemps, aussi longtemps qu'Eléa veillerait sur lui et se tuerait à la tâche pour le sauver ou, si elle n'y arrivait pas, le protéger. L'enfant ne mit que quelques minutes, après un dernier sourire, à s'endormir auprès de ses nièces. Jelenna les regarda dormir du sommeil des justes pendant quelques minutes, puis le cœur serré, elle se décida à sortir. Haiiro allait la suivre lorsqu'elle ajouta à son intention :

« Reste »

Une larme roula sur ses joues qu'elle essuya brièvement avant de sortir, fermant la porte derrière elle. Trois loups veillaient sur eux, ils ne risquaient rien. Sans parler des Sentinelles cachées quelque part … Alors pourquoi pleurer ? Parce que Lùkhas ne marcherait plus jamais parce que, toute sa vie, il se raccrocherait à un espoir qu'elle-même, grande sœur, avait oublié … Les larmes affluèrent sans qu'elle ne parvienne à les retenir. Elle l'aimait tellement … Oui mais déesse ou non, elle n'avait pas le pouvoir de le sauver !

Elle n'avait aucun pouvoir. Ni maintenant, ni avant.
Feanaro, Celyween, Kiki … tous ces gens qui étaient morts pour elle et dont elle ne connaissait pas le nom. Ni aujourd'hui, ni par le passé, elle n'avait le pouvoir de changer cela. D'autres se sacrifiait pour sauver sa vie, sa misérable existence de princesse privilégiée par les dieux … Pourquoi lui avoir fait un tel cadeau ? Pourquoi si ce n'était pas pour sauver son propre frère ? Troublée, la demoiselle ne se rendit même pas compte qu'elle s'était éloignée de la chambre. En reprenant ses esprits, elle était tout juste capable de se demander où ses pas avaient pu la mener. D'un geste, elle essuya ses larmes et entreprit de chercher quelqu'un qui pourrait lui indiquer le chemin ne serait-ce que des appartements de sa sœur aînée ou encore, de la salle des Tribuns.

Vêtue d'une robe pourpre, la petite fille était certaine d'attirer l'attention même si en réalité, elle n'avait pas eut une telle intention en acceptant de la porter ce matin là. C'était Aedan qui avait insisté pour la voir porter autre chose que des couleurs crèmes et Eléa avait appuyé sa demande. La robe avait tendance à accentuer son teint laiteux ainsi que son regard azuré. Quand à ses boucles blondes … sans doutes que tout cela aurait rappelé une certaine héroïne de contes pour enfant dans d'autres circonstances. Une voix la fit sursauter et elle tourna la tête dans sa direction.

Jelenna mit quelques secondes à le reconnaître.
Elle l'avait vu plusieurs fois en ces lieux … Meliant, l'homme que sa sœur aînée détestait par dessus tout en ces lieux, bien plus que Thétis ou encore, que Soren. Jelenna ne le connaissait pas, mais elle avait eut l'occasion de le croiser dans les couloirs sans qu'il ne lui jette le moindre regard, des années auparavant aujourd'hui, lors de la première réunion du Tribunat en réalité.

Elle n'eut pas le temps de répondre à sa première question qu'il enchaînait déjà sur une autre réplique. Elle sourit timidement avant de répondre le plus calmement possible :

« Je suis désolée, je me suis égarée », elle chercha un instant ses mots avant de se décider à dire la vérité plutôt que de jouer sur l'ignorance de l'Astorg, « Je cherchais ma sœur aînée »

Elle se tut, incapable de soutenir son regard.
Jelenna était une enfant timide et cela n'avait pas changé avec les années. Bien au contraire, cette tendance avait eut l'occasion de s'accentuer avec le temps. Toutefois, elle ajouta :

« Messire Meliant, je suis enchantée de faire votre connaissance »

Ne sachant quoi dire d'autre, elle se tut définitivement.

[ Désolée, je ne savais pas comment amener la petite à parler à un homme aussi influent que Meliant, je ferais mieux dans le prochain post. ]

[Ton post est vraiment magnifique. Moi, par contre, je n'ai pas fait mieux que mon premier. Je suis désolé, j'ai du mal à reprendre le personnage en mains. Si mes réactions te choquent et tu trouves que ça ne correspond pas à Meliant, dis le moi, je changerais.
Je considère que ce topic à lieu après mon post "Tu ne l'aimais pas". J'espère que ça ne dérange pas.]

Le Tribun était fatigué, vraiment. Aujourd'hui plus que les autres jours. Il avait réalisé hier l'étendu de sa solitude, de son impopularité. Elle n'était plus là pour lui sourire comme avant. Elle n'était plus là pour lui décrire ce monde sous un jour nouveau et plus lumineux. Meliant était revenu à la case départ, avec sa vision sombre des choses et une douleur qui lui lacérait la poitrine. Encore une, bien plus puissante que les picotements laissés par l'humiliation d'il y a quatre ans. C'est pour cela qu'aujourd'hui il était plus que jamais déterminé à revenir sur le devant de la scène et briller. Son ambition allait effacer et prendre doucement la place du souvenir de cette femme. Plus jamais on n'osera le chasser de sa propre cité, parce qu'il deviendra indispensable à Storghein. C'est l'objectif qu'il s'était fixé.
Il était seul oui, il le réalisait, mais ça n'avait pas d'importance. Les départs laissaient un goût trop amère dans la bouche ; trop salé – à quoi bon s'attacher ? Les gens pouvaient le haïr autant que ça leur chantait. Ce n'est pas par son caractère qu'il voulait se distinguer, mais par ses compétences. Il était bon dans ce qu'il faisait, il fallait le lui reconnaître. Reléguer le Tribun au second plan était une erreur et il allait le leur montrer. Ici, l'influence de Kriisten sur lui était moins grande et Meliant comptait bien jouer sur cette liberté qui lui était accordée.
Belle résolution, mais à cet instant, l'homme était loin de briller.

Il était trop tard pour la comédie et les sourires hypocrites. Il était trop tard pour se montrer mielleux et aimable. La petite se tenant face à lui n'était pas idiote, il en avait la conviction. Le ton brusque de ses précédentes paroles l'avaient déjà trahi. Il n'y avait plus de retour possible. Le temps ne se remontait pas, et le Tribun le déplorait. Il allait devoir faire face aux conséquences de ses actes irréfléchis. Certes, ce n'était qu'une enfants qui se tenait devant lui, mais elle n'était pas moins une Dame d'un certain rang malgré son jeune âge.
Il ne fallut pas longtemps à Meliant pour réaliser à qui il avait affaire. Il avait suffit à la blondinette d'évoquer « sa sœur » pour que la lumière se fasse dans son esprit. La fillette n'était autre que la fille de la Reine Amazone. C'était bien sa veine. Il n'avait pas pour projet de faire des courbettes à une gamine de dix ans – ou quelque chose d'approximatif. Et pourtant, il ne pouvait la fuir maintenant en prétendant que rien ne s'était passé ; qu'il ne l'avait pas tutoyée, ni traitée de petite. Les ennuis ne cessaient de lui tomber dessus, comme si un mauvais plaisantin cherchait à s'amuser aux dépends de l'homme, le poussant à des indélicatesses de ce genre.

Même si Meliant ne portait pas les enfants dans son cœur, les voyant tous comme des pleurnicheurs insupportables, il devait se l'avouer que celle-ci avait du cran et savait se conduire. Nombreux n'auraient pas pipé mot sous le regard froid du Tribun et l'auraient suivi, combien même ils vivraient ici, au Tribunat, mais pas elle. De plus, la petit l'avait reconnu, ce qui marquait des points aux yeux de l'homme. La blondinette n'était vraiment pas comme sa sœur. Il connaissait bien les sentiments de haine que murissait Eléa à l'égard de l'ancien Consort et il s'était attendu à ce que la princesse qui lui faisait face fasse preuve de la même insolence que l'ainée, mais non. La surprise était de taille. Il n'éprouva pas de la sympathie pour elle pour autant, mais accepta de ne pas la traiter en gamine.
L'homme inclina légèrement la tête.

« Cela est réciproque, jeune demoiselle. »

Le ton de l'homme était neutre. Ni aimable, ni sanglant – les deux intonations qu'il employait le plus souvent. Après tout, la petite l'avait aperçu sous son vrai jour, même s'il ne s'était pas montré particulièrement méchant avec elle – on avait connu pire. Faire preuve d'hypocrisie maintenant en lui offrant un sourire et une voix chaleureuse n'aurait pas était crédible.

« Pardonnez la rudesse de mes paroles, je ne vous avais pas reconnue. »

Et c'était vrai. Il n'avait jamais vraiment fait attention à elle, jusqu'à maintenant. C'était juste une gamine qui trainait dans les jupes de sa mère ou sa sœur. Poser un regard sur elle aurait signifié accorder de l'importance à un insecte. Aujourd'hui c'était différent. Peut être que s'il arrivait à gagner la sympathie de la Princesse il marquerait des points auprès de la Reine. L'espoir fait vivre, dit-on... Peu importe. Meliant n'avait pas l'intention d'être gentil. Il allait simplement être franc, ne pas se cacher derrière ses masques. La demoiselle n'était qu'une enfant, pas question de se mettre à genoux pour ses grâces. Il fera preuve de respect – le rang de la blondinette l'oblige – mais c'était tout.

« Vous ressemblez à votre mère. Comment se porte-t-elle ? »

Politesse froide, bonnes manières obligent.

« Votre sœur se trouve encore dans la salle du Conseil. Souhaitez-vous que je vous y guide ? »

La proposition n'était pas des plus innocentes. S'il n'y avait pas une raison derrière ça, jamais Meliant ne se serait abaissé à une telle chose, quand bien même la personne face à lui est une Princesse. Il voulait juste savourer l'expression incrédule et suspicieuse d'Eléa lorsqu'elle le verrait en compagnie de la plus jeune.

Les intrigues politiques étaient la coutume de toutes les cités, Muria n'y faisant pas exception, d'autant plus lorsque Philéa s'amusait à créer elle-même ces dernières. La cité cachée aux yeux de tous et pourtant au milieu de leur nez, en intriguait plus d'un tant et si bien que la Reine n'avait aucun mal à jeter de l'huile sur le feu lorsque cela l'arrangeait et à temporiser les choses lorsqu'il le fallait. Depuis toute petite, l'enfant baignait dans ce genre de relations, tantôt tendues, tantôt plus malléables tant et si bien qu'à observer, elle avait fini par apprendre certaines ficelles d'un métier qu'elle espérait ne jamais avoir à exercer. Plus que tout, la petite demoiselle louait les qualités exceptionnelles de sa mère en ce domaine, qualités qu'Eléa, sa sœur ainée, ne tarderait pas à obtenir au fil du temps. Moins posée qu'elle ne pouvait l'être, l'héritière n'en restait pas moins une redoutable guerrière, tant avec sa rapière qu'avec ses mots tout aussi tranchants. La petite fille en était persuadée, le monde ouvrirait bientôt les yeux sur la princesse de Muria et craindrait le moindre de ses désirs comme il craignait déjà ceux de Philéa.

Quoi qu'il en soit, ces années auprès de ces dernières lui avait appris les forces et les faiblesses de sa cité, de la politique, et des grands de ce monde. S'il ne lui avait pas été difficile de comprendre ce qui avait mené à Tutnesi à sa perte, ce qui avait permis à Anatoli Clari d'assoir sa position un peu plus surement sur Cydonia, ou encore la situation de disgrâce dans laquelle s'était mise la Grande Prêtresse Nalween vis à vis de son peuple, elle n'avait cependant pas compris comment un homme aussi influent que Meliant avait pu se retrouver du jour au lendemain reléguer au rang de Tribun. Non que ce titre ne soit que honorifique, bien loin de là, mais il évoquait concernant l'Astorg comme un goût de défaite, comme si, selon sa mère, on avait voulu l'éloigner de la cité des neiges éternelles. Pour plus de sécurité avait-elle ajouté. Jelenna ne comprenait pas dans quel but mais pour ainsi dire, la politique et ses intrigues ne la passionnait que peu.

L'enfant s'était tut, impressionnée elle devait bien l'avouer par cet homme. Si elle ne côtoyait que peu la gente masculine d'ordinaire, en dehors du Temple et d'Aerin, elle devait bien admettre que l'ancien Consort n'avait rien à voir avec les Templiers. Plus brutal, plus direct, il était quelqu'un d'impressionnant par nature tant et si bien qu'elle se sentait toute petite à côté de lui. Pour autant, elle n'en avait pas peur, aussi étrange que cela puisse paraître, elle se sentait simplement mal à l'aise en sa présence.
La princesse remarqua le signe de tête et sourit timidement pour lui répondre, ne sachant qu'elle attitude adopter en conséquence. Elle accueillit les paroles sans pour autant trop y croire. A vrai dire, nombres de personnes ne disaient cela que pour paraître poli voire pour s'attirer sa sympathie aussi avait-elle fini par s'en méfier au fil du temps. Chose plus étrange en revanche, il s'excusa de sa rudesse, si la situation n'en avait pas été aussi tendue, Jelenna aurait surement rit de cette réplique tant elle la soulageait. Avec calme, elle se contenta de répondre :

« Il me serait difficile de vous en vouloir messire »

Elle n'était pas en train de faire la lèche botte, bien loin de là, seulement, elle ne comprenait pas dans quel but il s'excusait. D'après ce que lui racontait Eléa, il était un homme imbu de lui-même incapable du moindre sentiment à l'égard de qui que ce soit et surtout, attiré par le pouvoir comme une mouche autour d'un pot de miel. Pour l'heure, Jelenna ne voyait en lui qu'un homme prudent et avisé, était-ce ce qui faisait peur à son ainée ou à sa mère qui se méfiaient de lui comme de la grande maladie ?
C'était fort probable, aussi, la petite se promit de rester sur ses gardes autant que possible.

« Je vous remercie de l'intérêt que vous portez à ma mère, elle en sera charmée. Tout me porte à croire que ces temps de liesse permettent à tout à chacun de bien se porter. »

Mieux valait éviter de révéler quoi que ce soit à propos de Muria. Si Jelenna n'avait jamais assisté à une réunion du Tribunat, elle savait en revanche d'instinct que des bribes d'informations pouvaient se révéler de formidables armes dans les mains d'experts de leur espèce.

Dans quel but agissait-il ? Jelenna aurait été bien en peine de le deviner. Poli tout en restant distant et froid, il se montrait néanmoins fort intéressé par sa personne ce qui dénotait du portrait fait par ses paires de lui. Pour autant, la princesse bis ne pouvait pas se permettre de refuser une telle invitation, la politesse comme l'étiquette le lui refusaient. Elle sourit aimablement avant d'ajouter :

« J'espérais en vous voyant que la réunion ne se fut écourtée, y aurait-il eut un problème pour que vous sortiez et non ma sœur ? »

La question n'était pas innocente, bien loin de là. Si des dissensions existaient au sein du Conseil des cinq, cela pourrait jouer en la faveur de sa cité et permettre de nommer d'autres Tribuns et vu à quel point Philéa et Eléa portaient Meliant dans leur cœurs, mieux valait être prudente. De plus, par curiosité comme par jeu, Jelenna se demandait ce qui pouvait pousser un tel homme à se montrer si affable envers une enfant de son espèce, outre son rang. Essayait-il de s'attirer les foudres de son ainée ou sa sympathie ?

« Ne craignez-vous pas que ma personne vous discrédite auprès des autres Tribuns ? Il pourrait être mal aisé de vous voir en ma présence, de mauvaises langues pourraient interpréter cela comme une alliance tacite entre nos deux cités ne pensez-vous pas ? »

Il ne fallait pas croire que l'enfant était une sotte, bien loin de là. Elle avait passé le plus clair de son temps à étudier les langues, les religions, et plus précisément, l'histoire des cités. Erathia avait cet avantage que les Amazones étaient à l'origine du système politique qui la régissait aussi Jelenna savait-elle pertinemment ce qu'elle disait pour autant, elle embraya, sur ce même ton poli, osant soutenir son regard :

« Veuillez m'excuser, il est évident que tout ceci n'est que fadaises, je ne représente en rien ma cité en ces lieux. », Jelenna ne mentait pas, à ses yeux, seules Eléa et Philéa comptaient en tant que représentantes de la cité, Aedan en ce qu'elle serait un jour l'héritière mais elle, deuxième d'une longue lignée, n'aurait jamais de place que dans le cœur de son ainée, « J'accepte avec plaisir que vous me guidiez ».

Jelenna se rendit alors compte de la difficulté du monde extérieur. Dans son esprit, la méfiance grandissait au fur et à mesure qu'elle avait parlé, tant et si bien qu'elle se demandait si elle ne ferait pas mieux de rebrousser chemin.

« J'ai ouïe dire que quelques escarmouches avaient effrayées la Lumineuse, est-ce pour cela que la réunion a été avancée ? »

La question était totalement innocente cette fois-ci. En réalité, la princesse mourait d'envie de le questionner sur tout un tas de choses et notamment, sur sa sœur et la perception qu'il en avait ainsi que sur les raisons qui l'avaient conduit à devenir Tribun. A perdre cette place si chère auprès de l'Oblat qu'avait le Consort mais elle n'osait pas les poser, pas encore du moins.

[ J'espère que la réponse te conviendra, j'ai tenté de jouer la miss de façon un peu plus adulte et respectueuse. ]

Ces temps de liesse. En un sens, la petite n'avait pas tord. Après les événement d'il y a quatre ans, on pouvait dire qu'Azthia connaissait une période assez calme, dans l'ensemble. A Ertahia, les choses étaient autres, un peu plus compliquée, que les Tribuns s'évertuaient à arranger. Pour Meliant aussi, c'était diffèrent. Il y a quelques semaines, il aurait acquiescé à cette remarque sans aucune hésitation ou très peu, mais aujourd'hui... L'astorg était bien trop fier pour l'admettre, pour en montrer la moindre trace, mais une souffrance sourde lui tiraillait la poitrine. Ça faisait tellement mal. L'homme se reprit, coupant court à ce flot de pensés. Il avait décidé d'oublier. Il avait décidé que ça n'avait pas d'importance. Anaé n'avait jamais compté, de ce fait, aucune raison de penser à elle. Seule son ambition comptait. Encore et toujours la même soif. Peut être un peu plus grande qu'avant, plus obsédante, aussi.

Jelenna était une enfant intelligente. Elle avait choisi avec soin ses mots pour parler de sa mère. C'était en effet plus prudent. Chaque information, chaque détail pouvaient devenir, en de mains habiles, une redoutable arme, Meliant ne le savait que trop bien. Le bon sens dont faisait preuve la petite princesse plaisait à Meliant. Il était rare qu'il remarque les qualités des autres, sauf si elle pouvaient lui être profitables de quelque manière que ce soit, mais à cet instant, il ne pouvait faire semblant de ne pas voir.
Si jeune et s'exprimant déjà comme une Dame. La petite lui rappelait lui-même, à son âge, en un plus calme et moins révoltée. Jelenna avait dû grandir avant l'âge. Ce n'était pas plus mal, au humble avis du Tribun. Il n'aurait pas supporté de discuter avec une pleurnicheuse idiote.

« J'en suis ravi. Il est vrai qu'après les événements d'il y a quatre ans, les temps sont bien paisibles. Trop pour durer, peut être ? »

Un sourire poli. Une interrogation qui n'appelait aucune réponse. Meliant était un homme des périodes de crise. C'est lors de ces moments qu'il pouvait montrer à tous l'étendu de son talent et de ses capacités. A Erathia, par contre, c'était différent. Il n'était pas seul. Chaque décision importante devait être discutée avec les autres Tribuns, sans compter les soucis d'entente et autres prises de tête entre les différents représentants.
Des problèmes, il y en avait tout le temps. Cependant, ce soir, la présence de l'astorg hors de la salle n'avait rien à voir avec tout ceci. Il avait juste préféré fuir les discussions tardives. Après tout, la séance avait été close. Meliant secoua doucement la tête.

« Votre sœur s'est attardée dans la salle. Une divergence d'opinion entre Seigneur Thétis et elle-même, dont ils voulaient en discuter plus longuement. Rien de bien grave, jeune fille. »

Seigneur... S'il avait pu, Meliant en aurait grimacé d'horreur. Ce n'était, ni plus, ni moins, qu'un gamin. Comment avait-on pu accepter Thétis à la table du Tribunat. Il était certes P'yra, pas plus bête qu'un autre, mais l'homme trouvait cela presque humiliant. Avoir le même statut qu'un gosse de dix-huit ans... Vraiment, l'astorg ne cessait de le réaliser encore et encore : il était vraiment tombé bien bas.

Pour le coup, Meliant faillit réellement éclater de rire. Une alliance entre lui et Eléa, on aurait tout entendu. L'homme pinça légèrement les lèvres et détourna le regard, retenant un sourire moqueur. Allons, jeune fille, tu es bien plus intelligente que cela ! Non, vraiment, c'était juste ridicule ! Tout le monde savait qu'Eléa haïssait le Tribun, et celui-ci le lui rendait bien. Personne n'y croirait, et comme le soulignait si bien la petite, la représentant de Muria à Erathia était sa sœur, sans compter que le tableau d'un Meliant pactisant avec une gamine d'environ dix ans était juste inconcevable. L'homme n'était pas encore tombé aussi bas.

« Ne vous excusez pas. Vous êtes une Princesse Amazone et représentez ici autant Muria que Dame Eléa. Il est, cependant, aucunement question d'alliance. Vous connaissez les règles du Tribunat, n'est-ce pas ? Nous travaillons tous pour le bien d'Erathia. Les intérêts personnels des cités n'ont pas leur place en ce lieu, rassurez vous. »

Foutaises, tout cela. Meliant mentait, encore et toujours, mais c'était si joliment dit, alors pourquoi ne pas le croire ?
Le Tribun n'était, de toute façon, pas partisan des alliances, sauf quand elles pouvaient le servir, mais dans la situations présente, il était absolument certain que celle-ci ne le mènerait à rien. Il était incapable de s'entendre avec l'Amazone, et leurs opinions divergeaient bien souvent. Se faire d'Eléa une amie serait une perte de temps inutile et trop incertaine en résultats.

Meliant présenta galamment son bras à l'enfant et prit la direction de la Salle du Conseil. Cette petite était décidément pleine de surprises. L'homme ne pouvait pas aller jusqu'à dire qu'il l'appréciait, mais sa compagnie n'était pas désagréable. Une discussion calme et civilisée lui changeait les idées après la réunion mouvementée à laquelle il avait dû assister. Il n'avait même plus l'impression de parler à une gamine. Rafraichissante soirée, qui lui faisait un peu oublier Anaé.

« Les haines du passé sont difficiles à oublier. Nombreuses races cohabitent à Erathia et il leur faudra du temps pour s'accepter les uns les autres. »

Une réponse bien vague qui rappelait celle de Jelanna, un peu plus tôt, mais Meliant n'avait pas l'intention de jouer à ce jeu. Il tourna la tête pour poser ses orbes sur la Princesse.

« Une petite mésentente entre Elfes et Almers, qui a faillit mal tourner. La milice a su calmer les chose pour le moment, mais il nous faut trouver une solution plus durable. »

Ce genre de choses était courant à Erathia. Tout le monde connaissait les tensions qui existaient entre Elfes et Almers, ainsi qu'entre Cydiens et Astorgs. Les Tribuns ne faisaient pas exception à la régle, mais en politiciens, tous savaient le masquer derrière des sourires hypocrites. Ils avaient un rôle. Il fallait bien faire avec.

« Mais tout ceci doit vous ennuyer. Que nous vaut l'honneur de votre présence dans la Lumineuse ? »

Jelenna avait toujours été une enfant sérieuse et particulièrement avancée pour son âge. Beaucoup d'Amazones disaient de cette petite demoiselle qu'elle était trop mature pour son âge ou encore, qu'elle avait grandi trop vite mais la jeune fille ne s'en faisait guère. Si la réalité l'avait poussé à grandir un peu plus vite que la normale, cela importait peu au final car elle demeurait malgré tout candide et naïve, comme toutes les petites filles de son âge. Il était vrai que sur certains points, elle se surprenait elle-même de sa maturité mais ce trait de caractère était nuancé par ses inconditionnelles manières enfantines et ses réactions parfois déplacées de par leur gaminerie prononcée. La princesse grandissait ainsi, entre adulte et enfant, ses pas semblaient encore hésitant mais petit à petit, elle perdait la candeur qui la caractérisait jusque là et devenait une femme accomplie. Au fond d'elle, bien caché derrière son jeune cœur frétillant, la petite Jelenna n'espérait qu'une chose : être un jour aussi forte que sa mère et aussi combative que son aînée.

S'entretenir avec Meliant était une chance et, de toute évidence, rare pour une enfant de son âge. Sans doutes sa maturité avait-elle eu un rôle important dans ce concours de circonstances car il était évident que l'homme en face d'elle ne semblait pas enclin à s'encombrer de choses futiles tels que des enfants. Aussi, Jelenna s'estimait-elle chanceuse dans son malheur. Si elle regrettait parfois d'avoir grandi un peu trop vite, notamment lorsque son père soulignait ce point, la petite demoiselle se sentait cependant honorée d'avoir accès à des personnes aussi influentes et intelligentes que Meliant pouvait l'être. Le monde de la politique était effrayant et chaque jour, Jelenna se demandait comment faisaient sa mère ou sa sœur pour y survivre. Si pour sa part, elle prenait plaisir à écouter leurs discussions et à parler parfois avec des personnes aussi influentes, la petite demoiselle n'aurait pour rien au monde échangé sa place avec ces dernières. Peut-être un jour serait-elle aussi forte et douée que ses proches, pour l'heure, elle n'était qu'une enfant prometteuse pour certains, privilégiées pour d'autres …

La réflexion de l'homme la fit sourire. Meliant marchait sur des œufs autant qu'elle pouvait le faire et la situation était des plus drôles pour une enfant de son âge, consciente de la difficulté d'agir et de s'exprimer comme une dame, capable d'analyser tout ou presque de ce que lui répondait son interlocuteur mais pour autant capable de trouver amusant cette situation comme n'importe quel enfant pourrait le faire. Pour autant, la petite s'obligea à ne pas changer de comportement, à garder un air calme et assuré bien qu'elle ne soit pas si fière en cet instant.

« Quatre années ont permis de panser les blessures mais le temps n'efface en rien les rancœurs et la colère dans le cœur des hommes. Tant que des hommes tels que vous existeront, cette paix ne peut que durer. »

La candeur était-elle la seule explication de cette remarque ? Pas seulement en réalité car l'enfant avait toujours cru que le monde serait un jour purifié de toute violence. Le cœur des hommes était par nature imparfait mais Jelenna espérait de toute son âme parvenir à purifier un jour ce monde de sa haine mais elle désespérait de voir que sa propre cité était si intolérante. Si personne ne faisait d'efforts, jamais rien ne changerait et tout serait toujours identique. Erathia était aux yeux de la petite princesse bis le berceau d'une nouvelle chance pour l'humanité. Cité neutre par excellence, elle était une preuve que les races pouvaient s'entendre au delà de leur préjugés et de leur histoire.

Son interlocuteur reprenant la parole, Jelenna l'écouta sans broncher, interrompant là le fil de ses pensées. Que la Lumineuse soit le berceau d'une toute nouvelle ère était plutôt étrange étant donné son passé mais si pour l'heure, quelques escarmouches étaient à déplorer, la cité bâtie autour de la neutralité semblait fonctionner à merveille.

Eléa était dure en affaire. Enfant, Jelenna s'était souvent fait cette réflexion, se disant qu'elle préférait être son amie plutôt que son ennemie et l'idée même qu'elle ne s'entende pas sur un point avec le P'yra ne l'étonnait pas tant que cela. Sans doutes aurait-elle pensé que sa sœur aurait plus tendance à s'opposer à l'ancien Consort mais le Tribun Almer était après tout lui aussi un homme, tout aussi charmant soit-il. Si la jeune fille se demandait ce qui pouvait opposer l'héritière de sa cité au fils de Tutnesi, elle préféra s'abstenir de poser la question. Les problèmes du Tribunat n'appartenaient qu'à lui, telle était la règle et si Eléa avait besoin d'en parler, elle n'hésiterait pas à le faire d'elle même.

« Je vous remercie » se contenta-t-elle de répondre poliment, un sourire timide sur les lèvres.

Meliant l'impressionnait, la petite avait beau essayer de garder contenance, elle ne pouvait s'empêcher de se sentir mal à l'aise aux côtés de cet homme si influent. Non pas qu'il soit désagréable mais il avait comme une aura trop imposante qui faisait se sentir mal à l'aise l'enfant. Un peu comme si elle avait été une souris face à un énorme tigre.
Autant la petite demoiselle trouvait que Nalween était abordable, voire même trop gentille et trop maternelle ce qui ne manquait pas sans doutes de lui jouer des tours, autant percevait-elle Thétis comme un homme séduisant, attrayant et doux, autant voyait-elle Soren et Meliant comme des hommes trop complexes et trop adultes pour pouvoir les saisir. Le Cydien était froid, distant, et ne s'attardait jamais sur les lieux. Si la petite fille avait eu la chance de rencontrer sa femme, bien que ce soit en de mauvaises circonstances du haut de sa tour, elle trouvait le couple d'autant plus étrange que la fille du Consul était douce et lui, aussi dur qu'un roc. Quant à l'Astorg, il semblait … Jelenna n'aurait su trouver le mot juste mais il l'impressionnait tellement qu'elle se demandait pourquoi il était au Tribunat. Il était le seul à avoir une vraie formation politique d'après ce qu'elle avait compris aussi se demandait-elle parfois pourquoi l'Oblat l'avait mis là. Pour s'en débarrasser ?

Un sourire timide apparu sur les lèvres de la jeune fille. Si son interlocuteur parlait avec aisance, Jelenna ne manqua pas de percevoir la malice dans ses propos. Elle n'était rien de plus qu'une princesse sans titre dans ces lieux car seule Eléa était Tribun mais peu importait.

« Erathia fut bâtie en ce sens » répondit-elle avec élégance avant d'ajouter, « Je crains que mon jeune âge exclu toute représentativité de ma cité. Eléa seule héritera du lourd poids des responsabilités. »

En ces lieux, Eléa était la représentante de Muria et sa fille, Aedan, son héritière, au final, Jelenna ne serait tout au plus que tutrice si son aînée venait à disparaître, ce qu'elle ne souhaitait absolument pas. La vie et le destin en avaient voulu ainsi, elle ne s'y opposerait pour rien au monde. De son jeune âge, elle était déjà consciente des responsabilités qui pesaient sur elle de part son statut de réincarnation, aussi n'avait-elle aucune intention d'y ajouter celle de souveraine. Bien loin d'elle cette expectative !

Hésitant l'ombre d'une seconde, la petite princesse Amazone prit le bras si galamment tendu. Le chemin se fit dans un premier temps en silence, ce que l'enfant regretta presque. Jelenna n'avait que peu côtoyé d'hommes dans sa vie, pour ne pas dire presque aucun. En dehors de son père, de Jiven et parfois, du prince Thétis, elle n'avait jamais croisé aucun homme et tous trois étaient à l'opposé de Meliant si bien qu'elle ne se sentait pas dans son élément.

« Le Tribunat est la vitrine de cette cité, avec le temps les tensions s'apaiseront d'elles-même, jusqu'à ce que plus aucune querelle ne paraisse juste. »

La dernière réplique de son interlocuteur ne manqua pas de surprendre l'enfant. Ce qu'elle faisait en ces lieux ? Quel intérêt avait-il à le savoir ? L'enfant pesa le pour et le contre d'une réponse honnête. Au final, elle finit par se dire que la vérité n'influencerait en rien l'évolution de leur discussion et ne donnerait en rien des informations compromettantes sur sa cité.

« J'accompagne Dame Eléa dans ce déplacement pour bénir le temple dressé à la faveur de Diane. Il est de mon devoir de répondre aux attentes des Amazones, où qu'elles soient. »

Telle était la vérité, son statut de Prêtresse mais surtout celui de réincarnation de Diane l'obligeait à prendre ses responsabilités, quelles qu'elles soient.

« Jelenna ? » appela une voix familière avant que la demoiselle ne puisse poser à son tour une question, « Que fais-tu là ? »
« Je t'attendais » répondit la petite princesse à sa sœur aînée avec un ton doux.
« Dans ce cas, rentrons. Seigneur Meliant. »

Eléa s'éloignait déjà si bien que la jeune Amazone se tourna vers l'Astorg, le saluant d'une courbette distinguée et ajoutant :

« Je vous remercie de votre aide, votre compagnie était fort agréable Seigneur Meliant. En vous souhaitant une bonne journée ... »

A nouveau, elle s'inclina avec respect devant lui avant de rejoindre d'un pas tranquille la Tribun.

[ Désengagés ]
[ Merci pour ce rp et désolée une nouvelle fois du retard … ]

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