L'après-midi battait son plein au-dehors et les rues de la Cité Forestière étaient débordantes d'activité. Les rayons de soleil printaniers réchauffaient et les cœurs et à l'extérieur, les Amazones et les Soumis grouillaient dans la ville. Chacune tentait de s'acquitter de ses tâches quotidiennes tout en profitant au maximum du temps qui, il fallait le dire, était radieux aujourd'hui. Toutes ? Non, il en était une qui s'affairait à la paperasse dans son bureau, isolée de l'activité extérieure.
Oui, Méléane avait des fonctions qui ne lui laissaient pas autant de temps libre qu'elle l'aurait souhaité. Ses assistantes étaient une aide précieuse, certes, mais elle aimait à tout vérifier et à faire autant que possible elle-même. Voilà longtemps que la Louve se comportait ainsi et ce n'était pas maintenant qu'elle allait changer. Puis, il valait mieux s'assurer que tout était en ordre, vérifier une deuxième fois plutôt que de laisser une erreur traîner dans tel ou tel rapport. Quand on avait son poste ou pire, son caractère, l'on détestait faite des erreurs. Malheureusement, Méléane avait les deux et considérait que la moindre petite faute ne lui était pas permise à ce niveau, elle était déjà tenue responsable de ce vent de révolte qui avait amené à l'empoisonnement du fils de Philéa ... autant que cela ne se reproduise plus.
Ah, ces incidents, le pire c'est que d'après elle, ce n'était pas sa faute ! Si Philéa devait s'en prendre à quelqu'un, c'était à elle-même, avec son régime trop mou vis-à-vis des Soumis ! Pire, elle avait encore desserré le nœud autour de leur cou en acceptant les malfrats et criminels des autres Cités ! Comme s'il ne pouvaient pas s'en occuper eux-même à Cydonia, Storghein et ailleurs ...
Enfin, la lancière n'avait nullement son mot à dire dans cette histoire et si elle se taisait face à la Reine, à Kiera et à toute autre personne, elle n'en pensait pas moins. Militaire et non politicienne, elle ne doutait pas qu'elle serait écartée de son poste si elle avait le malheur d'ouvrir la bouche à ce sujet, ses réflexions ne devaient pas être connues publiquement. Jamais.

Bref, la Chargée des Soumis après avoir affronté la paperasse, un ennemi plus difficile à vaincre qu'Azael en personne, était à présent occupée à tailler des plumes, indispensables pour qu'elle puisse écrire quelque note que ce soit. Le bruit du petit couteau qui taillait en biseau l’extrémité de plumes de corbeaux préalablement chauffées afin de les durcir fut le seul accompagnement sonore qu'eût Méléane durant plusieurs minutes, en plus du tic-tac régulier de la pendule.
Plus que quelques plumes à préparer et voilà que Méléane aurait de quoi tenir de nombreux mois du côté de la prise de note, ce serait là une bonne chose de faite. Elle s'apprêtait ensuite à commencer la lecture du rapport d'une des Sentinelles qui l'aidait dans sont travail.
Fatigante, cette journée, vraiment.
Des coups donnés à la porte lui firent relever la tête de son petit travail de découpage.

« Entrez » dit-elle simplement.

Le panneau de bois s'ouvrit et l'assistante de Méléane laissa entrer une jeune femme blonde accompagnée d'un petit garçon qui n'avait assurément pas encore vu passer dix printemps. La Cydienne leva un sourcil devant ses invités avant que la demoiselle ne se présente

« Oui, oui, je sais qui tu es, pas la peine de me le dire. Vous pouvez tous les deux vous asseoir »

Pour être à un poste relativement important, la Louve connaissait la plupart sinon toutes les personnes importantes de la Cité Amazone, y compris les ambassadrices. Ashelia la prenait pour une dernière-née ou quoi ?
La lancière se leva, contourna son bureau et vint se placer prêt du garçonnet qui avait depuis son arrivée en ville ouvert les yeux. Blessé, il l'était, oui, à en juger par son bras gonflé et les croûtes purulentes qui s'y trouvaient. Elle plaça ensuite un main sur le front du garçon et constata sans peine qu'il était brûlant.

« Ça m'a tout l'air de s'être infecté et d'avoir causé de la fièvre » dit-elle sur un air totalement indifférent, « Lana ! »

La porte se rouvrit et une jeune femme entra, visiblement surprise d'être ainsi appelée

« Oui ? »

« Cet enfant est blessé, emmène-le voir un médecin, puis ramène-le ici à nouveau dès que possible, j'ai des questions à lui poser »

Le garçon en question semblait bouleversé par cette situation qu'il ne comprenait pas et se mit à geindre lorsque Lana le prit dans ses bras pour le conduire voir une praticienne.

« Oh, pas de ça avec moi ! » fit la Louve, autoritaire au point que le jeunot fut si effrayé qu'il le tut à l'instant.

Ils sortirent tous les deux et Méléane revint s'asseoir derrière son bureau. Elle sortit un énorme livre, ouvrit son encrier et y trempa une plume fraîchement coupée avant de soupirer d'un air las

« Alors, tu l'as trouvé en forêt... Il t'as dit quelque chose sur lui, nom, prénom, origine ou autre chose ? » demanda-t-elle, « Il était seul où tu t'es occupée d'un éventuel gêneur ? »

Question de routine de la part de la chargée des Soumis, c'était répétitif mais elle avait besoin de toute les informations possibles au sujet du garçon, afin de pouvoir consigner tout cela dans son livre, où chaque Soumis était recensé car oui, c'était le destin qui attendait le garçon. Soumis.

La Louve arqua un sourcil à la remarque d'Ashelia, qui la trouvait visiblement trop dure avec cet enfant. Elle se fichait royalement de ce qu'elle pensait à vrai dire, ce n'était pas une jeunette fraîchement entrée dans l'âge adulte qui allait lui dire quel comportement adopter et encore moins lorsque cela concernait ses fonctions. Voir l'ambassadrice s'offusquer avait un petit côté amusant

« Honte de quoi ? De faire mon travail ? Je pense être un peu mieux placée que toi pour savoir comment m'occuper des hommes de cette ville, tu ne crois pas ? Leur témoigner de la pitié est une erreur si tu veux mon avis. »

Pour qui se prenait-elle, celle-là ? Ce n'était pas elle qui allait lui apprendre son métier. Si Méléane ne critiquait pas la façon dont Ashelia s'acquittait de ses fonctions – parce que ce n'était pas son rôle de commenter cela – elle s'attendait à ce qu'il en soit de même pour son interlocutrice. Après, si elle cherchait les problèmes ...

« As-tu vu un homme blessé ou souffrant dehors ? J'en doute, alors réfléchis à deux fois avant de dire que je ne prend pas soin d'eux. J'aurais tout aussi bien pu garder ce gosse ici sans l'envoyer se faire soigner »

Certes, les enfants n'entraient pas vraiment dans la catégorie des hommes dont elle devait s'occuper, même pas du tout, mais puisque l'Astorg le lui avait amené, elle allait s'occuper des formalités. En principe, le garçon aurait dû être conduit à l'orphelinat, où la directrice aurait pris les choses en main afin que malgré tout, il puisse avoir une éducation décente. Les hommes était mauvais et laisser des femmes s'occuper d'eux était un bon moyen de tuer le problème dans l’œuf ou du moins, d'essayer de le faire.

« Tu dis qu'il n'a plus de famille mais en es-tu seulement sûre ? Il était seul et blessé, il a tout aussi bien pu se perdre en s'écartant un peu de son groupe. C'est une chance pour lui que tu l'aies trouvé mais ne sous-entend pas que les choses sont sans danger alors que tu n'es sûre de rien ! Les patrouilles s'occuperont d'eux si tel est le cas mais j'irai quand même leur dire d'être vigilantes »

Se limiter à ce que l'on voit, c'étaient bien les jeunes, ça ! Il pouvait très bien y avoir eu d'autres gens avec le garçonnet, qui a présent, devaient soit errer dans la forêt Amazone, soit morts et Méléane se fichait un peu que ce soit l'un ou l'autre et préférait même que les éventuels parents du gosses aient crevé, comme ça il ne resterait plus personne dans les bois. Ce serait plus facile pour tout le monde, pour elle comme pour les patrouilles au-dehors et les femmes à l'intérieur des murs.

« Quand tu seras capable de penser plus loin que le bout de ton nez, alors seulement je prêterai une oreille à tes critiques »

Voilà, le coup de gueule donné et la blonde remise à sa place, la lancière pouvait se concentrer sur l'objet même de cette visite impromptue, le garçon. Ashelia ne semblait pas avoir pris la peine de le questionner durant le voyage, le laissant dormir. Du coup, ni l'une ni l'autre ne savait quoi que ce soit sur lui, ni son nom ni la raison de sa présence ici. Oh, la Chargée des Soumis avait bien entendu eu une vague idée de son origine – encore qu'une crinière blonde ne signifiait pas forcément qu'il soit Astorg – et des son âge, qui devait avoisiner les sept printemps. Voilà qui ne l'avançait pas beaucoup et la bloquait même, puisque le gosse n'était pas là et par conséquent incapable de répondre aux questions.
La Cydienne répondit tout de même à l'interrogation principale de la jeune femme, à savoir ce qu'elle comptait faire du gosse, point qui semblait préoccuper tout particulièrement la demoiselle.

« Dès que j'aurais appris ce que je veux savoir, je l'enverrai à l'orphelinat. Des gens prendront soin de lui là-bas et il grandira avec d'autres enfants. Tu sais très bien qu'il restera ici jusqu'à sa seizième année où il décidera soit de rester à Muria, soit de partir. D'ici là, qu'il s'estime heureux de ne pas rejoindre les autres Soumis au Chantier » répondit-elle, son faciès exprimant la plus totale des indifférence.

Le nouveau venu dans la Cité Forestière ne serait effectivement pas Soumis à proprement parler. Il vivrait avec eux mais ne ferait pas partie de leur classe : bien qu'il n'aurait pas plus de droit que ces derniers, lui ne travaillerait pas. Il aurait droit à une éducation irréprochable afin d'en faire une personne qui sache se tenir en société. Même si ce n'était qu'une façade chez un homme, pensa amèrement la lancière.

« Son sort à l'air de bien te préoccuper, tu as un problème avec ce système ? »

Le respect semblait avoir été mis de côté lors de l'éducation d'Ashelia, à en juger par la façon dont elle se comportait. À première vue, elle était le genre de personne qui s'attendait à ce que les choses se fassent comme elle l'entendait et pas autrement et, pire encore, qui détestait lorsque les autres n'allaient pas dans le même sens qu'elle. Très bien, elle pouvait râler autant qu'elle le souhaitait, ce n'était pas pour autant que la lancière allait changer d'avis. Voilà plusieurs années qu'elle occupait ce poste et mis à part le vent de révolte qui avait soufflé sur la Cité, son travail avait toujours été satisfaisant, alors ce n'était pas une jeunette à peine femme qui allait lui enseigner comment s'y prendre.

« Oh, ma pauvre enfant, quel dommage que je n'aie pas une vision aussi naïve, peut-être aurais-je compris là où tu voulais en venir »

Méléane était très loin d'être aimable et gentille – ce qu'avait l'air de lui reprocher la demoiselle – mais elle ne voyait absolument pas le rapport entre ces deux traits de caractère et ses fonctions.
Et alors, avait-elle envie de répondre, qu'est-ce que cela pouvait bien lui faire ? Ce n'était pas comme si être aimable était indispensable à son poste. L'Ambassadrice lui cherchait des défauts là où il n'y en avait pas et si elle continuait ainsi, tout ce qu'elle allait récolter seraient les foudres de la brune, et autant dire qu'elle risquait de ne pas aimer.
Faisant un effort pour garder son calme et demeurer impassible, elle poursuivit :

« Je viens de te dire qu'il n'allait pas être abandonné, mais envoyé à l'orphelinat. Si tu n'es pas fichue d'écouter ce que je te dis alors garde tes critiques pour toi »

Une idiote à gros seins, voilà ce qu'elle était. Mieux placée que les autres, elle pensait pouvoir s'occuper de tous les domaines alors qu'elle était juste dans le faux. Le plus amusant là-dedans, c'est qu'elle était persuadée pouvoir s'occuper du gosse, d'après son air convaincu. Du point de vue de la Louve, elle serait loin de faire une tutrice convenable : Ashelia arrivait à peine à l'âge adulte, n'avait aucune expérience en la matière et en plus se trouvait davantage à l'extérieur qu'à Muria. Encore une fois, la présomption de la blonde était telle que c'en était affligeant.

« L'adopter ? Ça, tu feras comme tu l'entends, il n'empêche que cela ne règle pas nos problèmes actuels. Attendons que Lana revienne »

Méléane aurait pu à la place lui faire remarquer qu'elle serait loin d'être une bonne mère d'après elle et qu'elle n'était même pas foutue de s'en rendre compte tout comme elle aurait pu rétorquer que ce qu'un homme avait besoin, c'était de discipline plus que de tendresse mais elle ne souhaitait pas envenimer le conflit. Ashelia l'exaspérait déjà assez comme ça, autant ne pas lui donner une nouvelle occasion de l'ouvrir et de prouver sa bêtise.

Elles attendirent ainsi en silence durant quelques minutes, l'Astorg faisant on-ne-sait-quoi tandis que Méléane griffonnait quelque chose sur une feuille dont le contenu ne regardait absolument pas l'autre demoiselle. La concentration qu'elle mit dans ses gestes la dissuada de l'interrompre, ce qui était loin de déranger la Chargée des Soumis.
Une grosse vingtaine de minutes s'écoulèrent dans un mutisme certain, jusqu'à ce que la porte s'ouvre sur Lana et le petiot. Ce dernier paraissait moins perturbé qu'à son arrivée et Méléane ne doutait pas devoir ce changement à son assistante, qui avait probablement trouvé les mots pour rassurer le gamin.

« C'est fait. À part les entailles qui s'étaient infectées, il avait aussi le bras cassé. Enfin, c'est arrangé mais l'os est encore un peu fragile »

Elle déposa l'enfant sur la chaise à côté de celle d'Ashelia et murmura au bambin :

« Sois sage, d'accord ? »

Ce à quoi il répondit par un vif hochement de tête en assentiment avant de mordre dans un quignon de pain qu'il n'avait pas en sortant juste avant. Sans doute était-ce elle qui le lui avait donné après avoir remarqué qu'il était affamé. Lana l'embrassa sur le front avant de glisser à sa supérieure :

« Tu as encore besoin de moi ? »

La Louve lui répondit que non et la congédia d'un simple geste de la main. Cela faisait longtemps qu'elles travaillaient ensemble et nul besoin n'était de préciser qu'elles se connaissaient et de ce fait, que Lana n'irait pas s'offusquer du manque de manière apparent de la lancière. En réalité, Méléane était très satisfaite du travail qu'elle fournissait et ne doutait pas que quand viendrait le jour de sa retraire, ce serait elle qui viendrait à la remplacer à ce poste.

Les lèvres de l'Astorg ne bougèrent pas alors que Méléane entendait clairement sa voix dans sa tête, c'était assez pour deviner qu'elle utilisait la télépathie, une faculté de l'Esprit. Des choses qu'il ne valait mieux pas dire devant l'enfant ?
Dans tous les cas, ce qu'elle entendit lui déplut au plus haut point. C'en était trop ! Pour qui se prenait-elle, celle-là ? La Cydienne ne bougea pas de son bureau et peut-être était-ce préférable pour son interlocutrice car il y avait fort à parier qu'elle n'apprécierait pas la suite des événements si elle se levait. À la place, Méléane la foudroya du regard, ses yeux semblaient lancer des éclairs et cloueraient n'importe qui au mur. Si l'Ambassadrice avait un minimum de sens commun, elle saurait qu'elle était allée trop loin dans son irrévérence.

« Depuis quand tu me donnes des ordres, toi ? » lâcha-t-elle avec froideur, dissimulant ainsi la colère qui montait en elle, « Je vais être claire, Ashelia : m'est avis que tu n'as aucune expérience et aucune fonction relative aux hommes ici, tu comprendras donc que la dernière chose qui te soit autorisée soit d'aller dans un sens contraire au mien quand il est question de ceux-ci »

Libre à elle de le penser mais qu'elle taise son avis. Méléane aussi avait un avis différent de celui de Philéa concernant les hommes mais elle n'allait pas le dire à tout bout de champ. Oh, ce n'était un secret pour personne qu'elle détestait les hommes, le problème était tout autre : la Louve était totalement opposée à la durée des peines actuelles et à l'admission de prisonniers dans la Cité Forestière mais cela, peu de personnes le savaient et il valait mieux que ça reste ainsi.

« Je ne m'occupe pas de la façon dont tu t'acquittes de tes fonctions d'ambassadrice alors fais-en de même. Apprend où est ta place et tais-toi plutôt que de dire des conneries pareilles. Si tu as des objections quant au système, je suis sûre que Sa Majesté la Reine sera heureuse de les entendre mais je te conseille de faire attention à ce que tu vas dire. En attendant, ton avis est le cadet de mes soucis. Me suis-je bien faite comprendre ? »

Le ton était sans appel. Qu'Ashelia ose seulement contester une fois de plus...
Pendant qu'elles s'expliquaient, le garçonnet demeurait silencieux sur son siège, regardant d'un air mi-inquiet mi-surpris les deux femmes. N'ayant rien entendu de l'échange télépathique, il ne devait probablement pas comprendre pourquoi les choses tournaient ainsi.

Dans une situation différente, Méléane aurait peut-être pu s'amuser de la bêtise de la jeune femme mais pas aujourd'hui : son humeur massacrante réveillée, elle n'était plus capable d'en rire. L'Astorg n'avait aucune expérience de la vie, pas la moindre compétence en ce qui concerne les fonctions de la Louve et elle osait venir lui apprendre comment faire son travail ? C'était en quelque sorte comme si la lancière lui expliquait comment s'adresser à Kriisten et de quelle façon honorer sa position d'Ambassadrice à Storghein : insensé. Encore que la brune avait reçu une éducation digne de la plus haute noblesse, elle pourrait s'en sortir avec facilité lors d'un entretien avec les grands de ce monde. Vraiment, ce devait être divertissant d'assister à une rencontre entre Ashelia et l'Oblat : si elle était aussi impertinente avec elle que maintenant, cela promettait...
Kriisten, en plus d'être bien roulée – la Cydienne l'avait constaté lors de son passage à Muria, il y a quelques années de cela – n'avait pas la réputation d'être une femme très douce. Il valait mieux pour l'Ambassadrice qu'elle sache se tenir face à elle, mieux qu'aujourd'hui, sans quoi cela risquait de mal se passer.

Les secondes s'écoulèrent sans qu'elle ne réponde quoi que ce soit, avait-elle compris ? À moins qu'elle cherchait juste ce qu'elle pourrait répliquer, mais cela lui était déconseillé. Il serait préférable qu'Ashelia se taise et change de sujet plutôt que de s'attaquer à la Chargée des Soumis avec des arguments qui au final n'en étaient pas. Elle n'avait pas l'avantage et il était temps qu'elle s'en aperçoive avant de dépasser les limites.
Si l'envie de lui en coller une démangeait la Louve, elle savait pertinemment ne pas y être autorisée, elle avait toutefois bien assez de répliques en stock pour la remettre à sa place, quitte à ce que cela ne lui plaise pas !
Elle ouvrit enfin la bouche et le sourcil de la soldate se leva haut. Vraisemblablement peu amusée par le lapsus, elle répondit :

« Mes fesses ? Quoi, mes fesses ? »

Elles étaient posées sur le fauteuil ? Bravo Ashelia, quelle formidable sens de la déduction, tu iras loin dans la vie, pensa-t-elle. Qu'elle laisse ses fesses là où elles étaient plutôt que de chercher à dire quelque chose dessus. Elle ne pourrait de toute façon que les complimenter sur leur galbe ; Méléane était une belle femme et elle le savait. Elle séduisait tant les hommes que les femmes – était-ce utile de préciser qu'elle préférait ces dernières ? – et le ferait encore pour plusieurs années car l'âge n'avait pas encore laissé la moindre trace sur sa peau. Elle ne faisait pas encore la trentaine, physiquement parlant, et ne connaîtrait pas la déchéance de son corps avant un moment. L'Astorg était juste une mauvaise langue pour penser des choses pareille ou alors, elle avait très mauvais goût, cela restait à voir.

« On ? Il n'y a pas encore de « on » entre toi et cet enfant à ce que je sache » lâcha-t-elle sèchement.

Toujours aussi sympathique... Enfin, Ashelia l'avait cherché, qu'elle n'aille pas se plaindre de voir la Louve être désagréable. Voudrait-elle se venger pour de bon qu'elle interférerait auprès de la directrice de l'orphelinat afin que l'Ambassadrice, après avoir été cataloguée comme une mère incompétente, ne puisse jamais adopter le garçon mais ce serait tomber bien bas que de recourir à cette méthode. La directrice se rendrait bien compte de la situation toute seule.

« Je vais d'abord essayer de tirer quelques informations du gosse, puis il ira à l'orphelinat. En attendant, rends-toi utile et va prévenir la directrice qu'un nouveau résident va arriver, qu'elle puisse préparer un lit à l'avance. »

Dans l'éventualité où la demoiselle se verrait accorder le droit d'adoption, cela ne se ferait pas avant plusieurs jours. Le petiot avait besoin d'être reconnu officiellement à Muria avec la paperasse et tout cela, mais ce n'était pas à la Louve de s'en occuper. Elle, c'était les Soumis, pas les gamins.

« Et profite-en pour poser ta demande en même temps. Après, rentre chez toi, la suite est administrative et ne te concerne plus. Tu verras bien si oui ou non on te laisse l'adopter » dit-elle dans la plus totale indifférence, comme elle s'en fichait de la façon dont cela se terminerait.

Ashelia ne tarda pas à quitter les lieux, comprenant par un subtil jeu de regard qu'il était grand temps qu'elle parte. Mis à part sa requête à faire à l'orphelinat, elle était de trop dans cette histoire, il y avait d'abord des choses à régler et puis seulement il serait envisageable d'accéder à sa demande, pas avant. Il ne valait mieux pas qu'elle conteste cela, sans quoi des papiers risquaient de se perdre en route, ou la procédure être considérablement ralentie. C'était le mieux pouvant être fait, tant pis si cela ne lui plaisait pas et à vrai dire, Méléane se foutait de ce qu'elle pouvait penser.
Le calme retomba aussitôt après son départ, qu'il était bon d'être débarrassée d'elle ! Restait à régler le problème du garçonnet, il y avait des choses qu'il était nécessaire d'apprendre sur lui mais à en juger le visage terrifié que lui offrait le gosse, la moindre parole le ferait fondre en larmes ; il n'aait pas oublié la hausse de ton de tout à l'heure.
Elle se leva et conduisit l'enfant dans la pièce jouxtant son bureau, là où se trouvait celui de Lana. L'Amazone savait se faire apprécier de tous et était assez diplomate pour obtenir tout ce qu'elle voulait du petit par la manière douce.

« Tu sais prendre la suite ? Il va se faire dessus si c'est moi qui m'en occupe. Je le conduirai à l'orphelinat quand tu auras fini »

C'est vrai qu'elle avait du mal à s'y prendre avec les enfants mâles... Bah, tant pas, ce n'est pas comme si cela allait l'empêcher de faire quoi que ce soit. N'y pensant déjà plus, elle retourna s'asseoir derrière le bureau en chêne massif et reprit là où elle en était avant d'être interrompue par un demoiselle bien mal éduquée.


[Ashelia & Méléane désengagées]
[Considère que le garçon est à toi quelques jours après le sujet Merci pour ce RP !]