[Flashback FE] Faire son marché à la taverne [PV Coryambe] (fini)

Quelle belle soirée d'été ! Le soleil étalait ses rayons d'or sur les étals des vendeurs. Les éclats des bijoux, les odeurs alléchantes de la nourriture, les cris des commerçants... Les bruits habituels de la rue prenaient une chaleur inhabituelle quand le soleil venait à disparaître à l'horizon. Peu de marchands avaient le courage de rester si tard dans la journée. Mais même à cette heure, l'Agora était arpentée par de nombreuses personnes. Des acheteurs, de simples curieux, en passant par ceux qui cherchaient des « bons plans »... Un peu comme Elena en réalité. Elle avait un peu de temps avant de devoir aller danser... Elle ne doutait pas de trouver de beaux hommes en quête d'une âme soeur arpenter la rue marchande de Cydonia. Elle ne faisait pas grand chose de plus au manoir. Danaë travaillait dans sa boutique, et Ambre... n'était pas d'une compagnie rare. Quant à Ardeth, il était sorti. Elle s'ennuyait, et avait envie de s'amuser un peu. Une petite sortie pouvait se montrer très distrayante...

Elena avisa un étalage de bijoux. Non pas que ces breloques l'intéressaient. Ca, c'était plutôt le genre de Danaë, de s'encombrer de tonnes de babioles. Le naturel, c'était bien mieux, aux yeux de la Nùa.
Non, ce n'était pas ces colliers surchargés de pierres précieuses hors de prix qui avait attiré son regard. Mais le bel homme qui les contemplait, apparemment indécis. Plutôt mignon, musclé, jeune...
Un sourire sarcastique peint sur les lèvres, la belle Nùa approcha l'étalage et jeta aux marchandises un regard dédaigneux. L'homme sembla l'apercevoir, et, une expression soulagée au visage, la questionna :

« Oh mademoiselle, pitié, j'ai besoin d'aide ! Que pensez-vous de ce collier ? C'est pour ma femme, je ne sais pas quoi lui offrir !»

Il était marié. Encore un point positif. Les hommes mariés étaient souvent lassés de leur femmes. Et plus faciles à attraper.
Elena regarda le collier que lui montrait le jeune, attendant anxieusement son avis. Une lourde chaine en argent chargée de rubis et de saphir et d'émeraudes. Très tape à l'oeil. Elle ne se voyait pas du tout porter un truc pareil. Même Danaë ne mettrait pas ça ! Les couleurs n'allaient pas du tout ensemble, il semblait bien trop lourd.... Cet homme était vraiment archinul pour trouver des cadeaux.

«Pour être honnête, mon cher, je ne pense pas que vous trouverez quelque chose d'acceptable sur cet étalage. Regardez ces couleurs ! »

L'inconnu loucha sur sa trouvaille et la reposa, déçu.

« Vous avez raison demoiselle. Peut-être connaissez-vous un endroit où je pourrais trouver un cadeaux plus approprié ? »

La belle ignora le regard peu amène que lui lançait la vendeuse, furieuse d'avoir perdu un client. Elle était bien trop heureuse. Cet homme était vraiment crédule de se jeter dans ses filets aussi impunément.
Avec un regard aguicheur, elle hocha la tête, et proposa :

«Pourquoi ne pas venir chez moi ? Ma soeur tient une boutique de fleurs, et ses bouquets sont à tomber ! »

« J'en serais honoré demoiselle. »

«Vous savez qu'il y a un autre vendeur de bijoux juste à côté ? »

Elena et sa proie se retournèrent vers la vendeuse, qui venait de parler, l'une avec un visage furieux, l'autre curieux.
Ce dernier regarda dans la direction donnée, et approuva.

«Je suis désolé, demoiselle, mais je crois que ces bijoux feront l'affaire. »

Et il s'éclipsa avec une rapidité sidérante. Elena jeta un regard furieux vers celle qui avait fait échoué ses plans. Pas besoin de se contenter d'un sourire gêné, ou d'une expression exaspérée. Pas de masques, c'était inutile. Cette imprudente interrompait une conversation qui aurait pu être des plus fructueuses. Et ça, Elena ne le supportait que moyennement. Surtout que la demoiselle était plutôt mignonne. Une qualité admirable pour les hommes. Un défaut mortel pour la Nùa. Un sourire sarcastique aux lèvres, elle déclara :

«Evidemment, vos marchandises ne valant pas grand chose, cet autre bijoutier vous sauve la mise !"

Et, sur cette remarque cinglante, elle laissa là la vendeuse, qui l'observait, ahurie.

Voilà pourquoi la ravissante damoiselle était dans une sale humeur quand elle monta sur scène. Mais quand elle commença à danser, au doux chant du pipeau... C'était un peu sa façon de parler, sa façon d'être. Elle ondulait, glissait, s'élevait, volait, plus vive et légère qu'une colombe. Et elle savait qu'elle attirait les regards plein d'envie de beaucoup d'hommes. Elle aimait ça. Elle aimait plaire, se sentir aimer, se sentir elle. Elle aimait monter sur l'estrade et capter l'attention de tous. Son décolleté plongeant aidant peut-être.
Un animal, c'était ce qu'ils voyaient en elle. Elle dégageait une aura de puissance qui ne laissait personne indifférent.
Elle était belle, c'était évident.
Mais c'était plus que cela. Son corps merveilleux s'adaptait avec une légèreté enivrante au rythme rapide du pipeau.
Pendant une éternité, elle dansa ainsi sur scène, jusqu'à ce que le musique cesse enfin. Un court silence suivit. Et comme si elle n'attendait que cela, une clameur s'éleva soudain, des applaudissements joyeux et bruyants. Un sourire carnassier effleura les douces lèvres de la danseuse. Sa danse avait un effet dévastateur sur les plus bourrus des hommes.
Tandis que le public en réclamait une autre, la belle se contenta de quitter la scène, digne et fière, se dirigeant vers une table, slalomant entre les chaises, laissant couler sur elle les regards brûlants qu'elle croisait.
Jusqu'à ce qu'une jeune fille la percute. De plein fouet.

«Vous pourriez pas faire attention, non ? »

Pas franchement contente, Elena se retourna face à la jeune fille... Qui était un jeune homme. Stupéfaite, elle détailla sans gêne l'inconnu. Sa fine silhouette et ses longs cils n'avaient rien de très masculins... Mais il était plutôt charmant...
L'expression de la belle se transforma en une moue boudeuse, et elle soupira :

«Vous avez bien de la chance d'être mignon... »

La place des marchands, toujours aussi animée, même si le soleil ne tarderait à se coucher. Coryambe dévala dans les ruelles, cherchant sensiblement quelque chose. Mais ce n'était pas les sur étals et autres buffets qu'il trouvera. Le jeune homme aux cheveux oranges cherchait un truc vraiment précieux. Un outil dont il aurait besoin pour confectionner ses prochains vêtements. Il savait précisément l'objet que c'était mais malheureusement, son maître avait refusé de lui légué ça, c'était un souvenir de sa famille, lointaine. Au début, le jeune homme grimaçait à l'idée qu'il ne lui donne pas mais après tout, il n'était pas son « fils », il avait tous les droits sur cet objet. Aussi, le jeune homme marcha tranquillement, dévisageant les divers étals, tenant fermement son âne qui avait tendance à n'en faire qu'à sa tête. Coryambe était simplement vêtu de sa tunique blanche, s'arrêtant au niveau de ses genoux, dévoilant de fines jambes et de petites sandales aux pieds. Plusieurs hommes d'ailleurs, se retournèrent pour l'observer, des malotrus ! Le jeune homme n'y fit pas attention, bien que cela l'agaçait, non mais oh, ça se voyait bien que c'était un homme, non ? C'est alors, qu'au détour d'une ruelle, un homme d'âge mûr posa sa main sur l'épaule du Nua et de sa voix grave, lui proposa d'aller boire un coup. Le jeune homme s'arrêta et doucement, dans sa tête ça bouillait. Non mais c'est quoi ces manières ? D'un revers de la main, il l'envoya valser, le forçant à faire plusieurs pas en arrière.

« Nan mais ça va pas ?! Je suis pas intéressé par ça parce que je suis un homme !! »

Continuant sur sa lancée, voyant que cela ne semblait guère les en dissuader, Coryambe lâcha deux secondes les rennes de son âne et tira sur sa tunique pour dévoiler son torse. Rien, il n'y avait rien. Plusieurs personnes autour décampèrent, le prenant pour un fou, parlant dans son dos, mais ça il n'en avait que faire. L'homme qui l'avait un peu plus tôt interpellé, ne s'en remit pas et déambula dans la rue pour fuir cette étrange créature mi-femme, mi-homme. Fier qu'on lui ait fichu la paix, Coryambe lâcha un soupire de bienfaisance en posant ses mains sur ses hanches. Voilà qui les dissuadera de recommencer... et puis soudain... Il repensa. Dans ses mains, il n'y avait plus les rennes et son âne en avait profité pour déguerpir ! Coryambe le vit un peu plus loin, essayant de fuir son maître ! Aussi vite qu'il put, le jeune homme parvint à le rattraper, évitant ainsi que des personnes ne le percutent. Il valait mieux éviter d'éveiller des soupçons, des tensions. Et puis, Coryambe n'avait aucune envie de s'attirer des ennuis. En tout cas, à cause de cette course poursuite, il avait perdu du temps et beaucoup de marchands commencèrent à ranger leurs marchandises. Tant pis, il devra remettre ça à demain.

Coryambe déambula dans les allées, cherchant cette fois-ci un endroit pour passer la nuit. Il avait la sainte horreur de dormir dehors et encore plus quand c'était dans une ville. Il avait les moyens pour se payer une nuit dans une auberge. C'est alors qu'au détour d'un recoin, il tomba sur cette étrange auberge. « Le pont Divin ». cela sonnait plutôt bien, pourquoi ne pas essayer ? Il rangea sa mule qu'il attacha très solidement à un poteau fait pour ça et entra. Au début, on lui refusa l'entrée mais son sale caractère eut raison du gérant et il put s'installer à une table, dans un coin. Beaucoup de personnes le regardaient, se posant tous la même question : un homme ou une femme ? Et qui oserait lui adresser la parole ? Oui, Coryambe était énervé qu'on ne respecte rien dans ce bas monde. Il était né avec ce physique, alors pourquoi devrait-il changer pour les autres ? Il était très bien comme ça. Et puis la danse lui changea les idées. La femme qui était sur scène était vraiment douée dans ce domaine, elle attirait tous les regards ce qui rassurait Coryambe. Plus personne n'avait le regard posé sur lui. Il n'était plus le centre d'attention de ces impolis. Et plus le jeune la regarda, plus il commença à percer la personnalité de cette femme. Tous ces regards posaient sur elle, on aurait dit... qu'elle aimait ça. Tout le contraire du turbulent.

Une fois la musique finie, elle s'arrêta nette, rayonnante et envoûtante. Un homme se leva de sa chaise et commença à applaudir vivement. S'en suivit un second puis un troisième et enfin, toute la salle. Même Coryambe du reconnaître que cette femme avait très bien dansé. Mais il ne s'était pas levé pour autant. Non, il s'était levé pour autre chose, retrouver sa chambre pour enfin aller se reposer. Mais sa maladresse le gagna et il percuta la jeune femme qui s'était peu avant produite sur scène. Leurs regards se croisèrent, un court instant. Il aurait aimé rétorquer mais elle ne lui laissa aucun mot à placer. Au début, elle le jugea comme une fille mais lorsque la danseur se rendit compte que c'était un jeune homme, son regard changea, ainsi que son expression.

« Merci du compliment, venant de vous, cela me flatte. Cependant, je n'aimerais pas vous faire perdre votre temps, les spectateurs en redemandent. Ce serait dommage de leur refuser ce privilège. » lâcha-t-il avec un large sourire.

Sur ces mots, Coryambe lui tourna le dos et commença sa marche vers les chambres. Ce petit spectacle l'avait un peu fatigué. Et puis, les femmes ne l'intéressait pas. Pas encore... Non, en fait, il n'y avait jamais vraiment réfléchi. Nan, en fait, il n'aimait pas ça. Sur cette décision, il laissa la dame de soirée en charmante compagnie. Un bon lit l'attendait...

« Merci du compliment, venant de vous, cela me flatte. Cependant, je n'aimerais pas vous faire perdre votre temps, les spectateurs en redemandent. Ce serait dommage de leur refuser ce privilège. »

Tandis qu'il se retournait, Elena fronça les sourcils. Il... Refusait sa compagnie ? Il ne voulait pas d'elle ? Non, elle devait avoir mal entendu. Elle n'arrivait pas à croire cela. Si peu arrivait à la refuser... Un instant, la belle resta bête pendant un instant, étonnée, presque sonnée. Elle ne lui avait pourtant pas fai d'avances à proprement parler, elle avait juste dit qu'elle le trouvait plutôt pas mal. Elle ne lui avait ni proposé un verre, ni une soirée en tête à tête... Ni une nuit dans sa chambre.
Mais elle reprit bien vite ses esprits, tandis que la colère remplaçait l'étonnement. Cet inconnu la connaissait depuis une minute, et l'avait déjà vexée. Ses formes suffisaient habituellement à éviter que la gent masculine ne l'évite. Pour les femmes... C'était autre chose. La belle s'attirait souvent les foudres d'une mariée, quand elle... Discutait avec leurs conjoints. Et, le caractère d'Elena n'étant pas des plus doux, ça finissait souvent mal. D'ailleurs, elle ne voyait pas du tout pourquoi ces dames se fâchaient. Après tout, une simple discussion, ce n'était pas énorme. Ou peut-être étaient-ce ses oeillades appuyées et ses mimiques qui les énervaient tant... Allez savoir.
En tous cas, elle n'appréciait pas du tout le refus de ce bel inconnu :

« Je ne sais pas si vous êtes flatté, mais en tous cas, vous êtes vexant ! »

Le ton de la belle avait pris une ironie presque acerbe. Pourquoi la repoussait-il ? Elle n'avait rien dit, ne l'avait pas insulté... Au contraire, elle lui avait fait un compliment. Et il voulait déjà la quitter ? C'était bien prématuré.
Et dire que la belle avait oublié sa colère contre la vendeuse de bijoux, rien qu'en dansant. Cet imbécile venait de la faire repiquer. Génial. D'ailleurs, pourquoi la repoussait-il ? Elena jaugea le bel inconnu du regard. Avait-il un problème de vision ? Ou peut-être qu'il avai trop picolé... Mais non, il semblait sobre.
La belle détailla le physique délicat et le vosage féminin de son interlocuteur. Pas vraiment un physique d'homme...
D'ailleurs, peut-être n'en n'était-il pas vraiment un ? Ou alors, il n'aimait pas les femmes. Oui, c'était bien plus logique ! Voilà pourquoi il était insensible à son charme "envoûtant" ! Son interlocuteur était un homosexuel !

« Enfin, il est vrai que certains ne savent pas apprécier la compagnie des femmes... J'imagine que vous préférez celle des hommes... »

Oui, peut-être que ça expliquerait beaucoup de choses. Son physique de fille, son refus... Evidemment, ce n'était pas parce qu'il refusait sa compagnie qu'il était homosexuel ! Mais Elena se fichait bien de cela. A ses yeux, c'était la seule explication possible.

« Eh bien, puisque que vous semblez si pressé, je ne vous retiens pas ! J'imagine que vous avez un autre rendez-vous... »

Un sourire provocateur étira les lèvres de la belle. Elena était un peu dure de réagir comme ça, alors que le Cydien n'avait pas fait grand chose, à part refuser ses avances. Après tout, elle n'avait pas l'habitude qu'on la repousse. Tous les hommes étaient à ses pieds. Il lui suffisait de cligner de l'oeil, de chanter, ou de danser, et tout son auditoire était à genoux. Déjà petite, les filles lui jalousaient sa beauté naturelle, et son succès auprès des garçons. Plus d'une fois, elle avait volé à ses petites camarades le garçon sur lequel elles flashaient, ou avec lequel elles étaient. C'était presque devenu un jeu pour la jeune Nùa. Elle aimait déjà plaire... Et faire enrager ses rivales. Le plus souvent, elle ne trouvait rien à ces garçons... ou presque rien. C'était juste pour voir leurs petites amies serrer les poings et taper du pied avec colère, impuissantes. Elle était belle. Elle le savait. Et elle utilisait ce « don ».

« En espérant que vous passiez une bonne soirée ! » fit-elle d'un ton railleur.

[Voilà, désolée du retard de réponse ^^]

Les acclamations fusèrent dans l'auberge, ils en redemandaient plus. Les hommes sont trop gourmands, ils s'en lasseront bien vite. Mais comment pouvaient-ils faire pour supporter cette nouvelle envie de revoir la même chose ? Comment se satisfaire d'une énième fois ? Coryambe ne comprenait pas cela, d'ailleurs, il n'essaya même pas de comprendre. Cela le dépassait. Ils applaudirent, invitèrent la demoiselle à se reproduire sur scène mais malheureusement pour eux, elle était occupée. Occupée avec le jeune impudent et capricieux Coryambe qui visiblement l'avait vexée. Et puis, s'étonnant lui-même, il commença à la regarder. Il est vrai que c'est une très belle femme, remplie de charmes et d'atouts des plus intéressants mais pour le jeune Nua, cela ne l'intéressait guère. Pour le moment... Enfin cela ne lui faisait pas grand chose. Il tenta de dévier son regard de sa poitrine qui était mise en valeur. Sa peau était délicate, sûrement parfumée, lisse et agréable au touché... Pourquoi son regard devait-il se poser sur cette partie indécente ?! L'intrigante danseuse manifesta son désarroi en lui annonçant qu'il était irritant et profondément vexant de sa précédente remarque. Quelque chose qui ne changera pas chez lui. Coryambe croisa ses bras et posa son regard dans celui de la belle. Il en attendait plus, étrangement, cette petite rencontre semblait amusante. Pourquoi ne pas s'y frotter un peu plus ? Elle continua sans gêne à le dévisager mais ça, il avait l'habitude. Et le mot tabou s'abattit.

Coryambe cessa d'arborer une attitude décontractée et commença à grogner. Comment pouvait-elle dire cela ? Qu'il aimait la compagnie des hommes ? Depuis quand juge-t-on sur le physique des honnêtes gens ?! Il serra les poings, décidément, cette journée se finissait mal entre son âne stupide qui avait tenté la fuite, les hommes croisés sur son chemin et là, maintenant ?! Il était temps qu'il aille prendre congé. Le jeune homme en avait par dessus la tête qu'on le prenne pour une fille. Il avait bien le droit de s'habiller comme tel ? De vivre comme ça ? Il n'y a pas de loi l'interdisant... Si ? Puis tout d'un coup, il se tut. Il cessa de serrer ses poings et regarda la scène. Une nouvelle troupe avait pris la suite, sous les acclamations des spectateurs. Et la musique reprit pour le plaisir de tous. C'était une troupe de cirque, des jeunes gens jonglaient avec des balles, des équilibristes faisaient des acrobaties impressionnantes. L'attention des hommes était maintenant concentrée sur la piste.

« Pardonnez mon geste, je n'ai pas voulu vous offenser. Il m'arrive de perdre un peu le contrôle de moi-même. Mais d'un côté, c'est justifié, je ne fais que répondre aux tirades des autres. » lâcha-t-il sous la moquerie.

Un sourire s'afficha alors sur les lèvres de la belle l'invitant à passer une bonne soirée. Une bonne soirée hein ? Que va-t-il faire dans sa chambre ? Dormir et ne pas en profiter ? Cette ville devait receler de forts endroits merveilleux, secrets et intrigants. Ce serait du gâchis... A la regarder, cette femme devait avoir beaucoup d'hommes à ses pieds sans forcément faire le moindre petit geste. Elle s'était intéressée à lui, non pas parce qu'il l'avait malencontreusement bousculée mais par curiosité et sûrement l'envie de faire plus ample connaissance. Le contraire l'aurait poussé à refuser de discuter avec lui, en tout cas, 'est ce que Coryambe aurait fait. Par dégoût de voir une créature aussi efféminée que lui. Pourquoi ne pas en profiter ? Ce serait dommage de se priver d'un tel spectacle. Coryambe serait-il pris dans les filets de la belle ? En tout cas, son caractère l'avait intrigué. Aussitôt, il lui attrapa le bras sans frayeur ni force, la forçant à rester à sa place ;

« Cette soirée commence mal, pourriez-vous y remédier ? S'il vous plait. » dit-il avec un sourire charmeur.

Coryambe lâcha sa prise et dans un regard mêlé au sien, l'invita à le suivre. Il se dirigea donc vers l'escalier qui menait aux différentes chambres louées par les voyageurs. Il n'était pas dans une auberge pour rien. Il les grimpa délicatement, ne voulant déranger les spectateurs devant leur numéro de crique qui visiblement les scotché littéralement. Le bois grinça sous les pieds, les portes des chambres défilèrent. Dans un détour, Coryambe ouvrit la sienne et pu observer une pièce quelconque. Un lit, une petite table de chevet et une fenêtre. Le nécessaire pour passer la nuit. Il faisait lourd dans la pièce, l'été touchant à sa fin, l'air était pesant. Et puis, sa chambre donnait directement sur le soleil couchant. La pièce avait été exposée au soleil toute la journée. Il se dirigea donc vers la fenêtre pour l’ouvrir afin d'aérer. La vue donnait sur une ruelle encore animée par des marchands ambulants rangeant leurs étales sur leurs ânes et charrettes. Des enfants jouaient avec un ballon, se faisant des passes. Cette cité était très animée. Le jeune Nua se retourna, posant son regard sur la porte encore ouverte. D'un murmure ;

« Douceur innée... »

Elena suivit le regard de son interlocuteur vers la piste, où un nouveau groupe entrait en scène. Génial. On le sentait très intéressé par son interlocutrice et ce qu'elle pouvait penser... Elle qui avait l'habitude d'attirer les regards sur sa silhouette féline et élancée, elle en prenait pour son amour propre...
Alors qu'une remarque acerbe pointait sur le bout de sa langue et promettait de jaillir, le regard de l'inconnu revint sur elle, prenant la belle au dépourvu, même si elle ne le montra pas. Et bien sûr, comme tout regard masculin qui se respecte, il sut où chercher... Finalement, peut-être ce jeune homme trouvait un certain charme aux femmes. En tous cas, le regard qu'il posait sur son décolleté plongeant n'était pas celui d'un type qui aimait les hommes. Peut-être s'était-elle trompée...

Elle ne savait pas si elle était fondée, mais en tous cas, sa petite remarque sur sa... préférence en matière de compagnons de lit avait touché juste. Le garçon, qui à l'instant, semblait décontracté et qui semblait attendre quelque chose se mit soudain à serrer les poings. Soit il était sujet à ce genre de remarques (ce qui, vu son physique, ne serait pas étonnant), soit au contraire c'était la première fois, mais il avait perdu son petit air nonchalant. Heureuse de son petit effet, Elena répondit à son attitude par un sourire provocateur. Qu'il se lâche, qu'il essaie de l'injurier pour voir. Qu'il se fasse virer de l'auberge. Tant pis, de toutes façons, pour cette proie-là, ces chances étaient quasi-nulles.

« Pardonnez mon geste, je n'ai pas voulu vous offenser. Il m'arrive de perdre un peu le contrôle de moi-même. Mais d'un côté, c'est justifié, je ne fais que répondre aux tirades des autres. »

Ah, pas d'injures, pas de coups, pas d'insultes. Il savait se maîtriser, ça changeait des balourds qui bavaient sur son passage. Lui au moins, ne s'était pas laissé emporter. Dommage. Ca aurait été presque drôle...
Tirade des autres ?Elena ignorait si cette remarque la concernait, mais en tous cas, elle se sentait parfaitement visée. Après tout, ne venait-elle pas de dire qu'il était homosexuel ? Le jeune homme n'en n'était visiblement pas un, vu sa réaction, et il avait sûrement pris cette remarque pour une insulte. D'ailleurs, peut-être en était-ce une...
Egalité. Il l'avait vexée, et elle aussi. Un point chacun.

« Oh, je vois, vous êtes un susceptible ! railla-t-elle. »

Maintenant qu'ils avaient mis les points sur les i, et qu'ils avaient en quelques sortes réglé leur compte, peut-être aurait-elle dû éviter de le railler à nouveau, pour éviter le conflit. Mais ce n'était pas réellement méchant, juste ce qu'elle pensait. Puis, soyons honnête, Elena n'était pas vraiment le genre à taire ce qu'elle pensait, plutôt le genre à déballer, que ça plaise ou non à ce jeune homme. Lui ne s'était pas gêné pour la repousser...

« Cette soirée commence mal, pourriez-vous y remédier ? S'il vous plait. »

...
Décidément, ce garçon l'étonnait de plus en plus. Pourquoi l'avoir repoussée pour ensuite l'inviter à rester avec lui ? Pour lui prouver par une nuit... torride qu'il n'était pas le genre à aimer les hommes ? Ou peut-être l'analyse qu'il avait exercée sur sa poitrine donnait un bon résultat, et qu'il avait changé d'avis... Les hommes se fiaient souvent sur la poitrine d'une demoiselle pour savoir si ça valait le coup de lui offrir à boire. Et comme le reste, celle de la sublime Nùa était tout naturellement parfaite.
Ou juste pour se faire pardonner... Changeant comme type. Décontracté, puis fou de colère, avant de jouer au gars charmeur qui invite une « jeune » demoiselle.

« C'est un peu facile, vous ne croyez pas ? »

Elena eut une moue adorablement hésitante, avant de répondre :

« C'est d'accord, après tout, pourquoi pas, ça pourrait être amusant... »

De son habituelle démarche souple, elle suivit le garçon (qui venait de redevenir sa proie) dans les escaliers. Le sol grinçait sinistrement sous leurs pas et les portes se ressemblaient toutes. Elle commençait à bien les connaître ces portes, pour les avoir ouvertes quelques fois, accompagnée d'un sublime homme aux muscles de taureaux, ou d'un poète ivre... Même si elle préférait les inviter au manoir. Le luxe, ça peut aider à convaincre aussi. Elle n'était à Cydonia que depuis l'hiver et sa chambre avait déjà connu un paquet d'hommes...
En cet instant, de toutes façons, elle n'avait pas le choix, aussi entra-t-elle dans la chambre du jeune homme sans hésitation. Très simple, avec le stricte minimum niveau meuble. Plutôt charmante. Mais l'air était lourd, les étés cydiens n'étant pas connus pour leur fraîcheur. Le jeune homme se dirigea vers la fenêtre et l'ouvrit. Elena lui en fut reconnaissante, même si elle ne dit rien. L'air était vraiment lourd et confiné, elle se sentait presque mal à l'aise.
Préservant une certaine prestance, la Nùa s'assit sur le lit et étira ses bras, puis son buste, mettant (pas vraiment inconsciemment) ses formes en valeur.

« Douceur innée... »

Elena se retourna vers le jeune homme, un sourire songeur et coquin aux lèvres. Il était vrai qu'il semblait un peu trop féminin pour un homme. Mais en y regardant de plus près, il était vraiment mignon. Ses membres fins et son regard surtout. Il avait en réalité la douceur féminine, plutôt que la... Virilité des hommes. Mais un garçon doux, ce n'était pas vraiment pour déplaire à la belle.
Douceur innée... Parlait-il d'elle ? De lui ? De la rue, qu'il venait d'observer ? Un poète dans l'âme apparemment. Pourtant, il ne semblait pas comme ça aux premiers abords. Comme quoi, on ne doit pas juger un livre sur son apparence... Elle fit mine de ne pas avoir entendu et lança la conversation.

« Je dois vous avouer que pour quelqu'un qui n'est pas intéressé, vous êtes plutôt direct. M'inviter dans votre chambre alors que vous et moi sommes on ne peut plus sobres, voilà qui me semble rapide ! »

Elle eut un petit rire avant d'enchaîner :

« Mais c'est vrai que l'ambiance est très... chaleureuse ! Vous séjournez ici depuis longtemps ? »

En réalité, Elena avait du mal à se faire à la chaleur de la pièce. Ses yeux se voilèrent un instant, tandis qu'elle songeait aux étés frais de Silmarie, les seuls qu'elle n'ait jamais connus. Etait-il lui aussi étranger à Cydonia ?

[Et un très joyeux anniversaire à toi =D ]

Susceptible... Hum, voilà un adjectif qui pourrait très bien le définir. Capricieux, également. Pénible. Coryambe ne savait pas ce qu'il voulait exactement. En fait si, il y avait bien une seule chose qu'il voulait absolument, et qui finalement s'était produite ; c'était de quitter cette salle bondée de monde. Cela le rendait insupportable. Le bruit des applaudissements lui cassaient les oreilles et la plupart du temps, des migraines le frappaient. Il avait horreur du bruit, surtout si c'est pour applaudir quelque chose de déjà vu... ce genre de spectacle passe en boucle, il suffit de sortir un peu. Et puis, cela n'intéressait pas le jeune Nua orgueilleux. Il aimait le calme, le silence... Cela lui permettait de mieux se concentrer sur son travail minutieux. Mais surtout, il ne s'attendait pas à ce que la belle accepte de le suivre jusque dans sa chambre louée. Elle aurait très bien pu le rembarrer et passer à autre chose, l'oublier tout simplement. Faire comme s'ils ne s'étaient jamais adressés la parole. Serait-il tombé sous son charme ? Jouerait-elle un peu avec lui ? Qui sait ? Qu'importe, Coryambe ne voulait pas passer la soirée seul, il avait besoin de parler. Évidemment qu'il n'a pas les idées mal placées, tout de même ! Il a en effet, une belle créature sous les yeux mais cet univers ne l'intéresse guère. Ce qu'il attendait d'elle, c'est qu'elle lui parle de cette ville, la belle brune devait sûrement connaître des coins forts intéressants dans cette cité.

Coryambe s'adossa contre la fenêtre ouverte. Le soleil couchant donnait un ton orangé dans la pièce. La cité d'ailleurs toute entière était plongée dans ce magnifique orange d'été. Pas un nuage à l'horizon, il allait faire lourd cette nuit. Le jeune homme scruta dehors, oubliant un peu la présence de la jeune femme. C'était calme, peut-être un peu trop mais c'était nécessaire. Il murmura quelque chose, ce à quoi répondit la demoiselle. En entendant ces paroles, il ne peut s'empêcher de sourire, un léger sourire aux coins des lèvres.

« Je tiens à m'excuser si vous le pensiez. Loin de moi je n'irais faire cela, surtout avec une inconnue. Dommage n'est-ce pas ? » ajouta-t-il en la regardant. « Vous êtes très belle, je mentirais si je ne le disais pas et je suppose que je ne suis pas le premier à vous le dire. »

Le Nua quitta la fenêtre car il semblait empêcher l'air de circuler, ça en devenait étouffant. La porte encore ouverte, il se dirigea vers celle-ci pour la maintenir ainsi à l'aide d'une chaise afin de créer un courant d'air. Il fallait renouveler l'air ambiant. Il s'y installa dessus convenablement mais avant, il invita la belle brune à s’asseoir sur le lit. Cela devait être sûrement plus confortable qu'une vieille chaise en bois stressé. Et puis elle lança la conversation. Son vocabulaire était très poussé, ce n'était pas une femme des rues, elle savait parler correctement. Peut-être eut-elle des cours particuliers dans son enfance ? En tout cas, ce n'était pas désagréable de discuter avec quelqu'un de cultiver. Et puis, il fallait bien commencer par là. Coryambe ne ressentit aucun mauvais sentiment émanant de la danseur. Ils pouvaient parler librement, se confier un minimum et puis, elle n'ira pas lui causer des ennuis. Mais le fait qu'elle l'ait suivi jusque là prouvait que ses attentions n'étaient pas néfastes, bien au contraire. Elle semblait curieuse. Était-elle tout simplement intriguée qu'un jeune homme comme lui ait un physique aussi féminin ?

« Non, je suis arrivé ici récemment. J'ai entendu dire que dans cette ville, on vendait des matériaux de première qualité, j'en ai besoin afin de poursuivre mon voyage d'artisan nomade. Mais puisque vous semblez travailler dans cette auberge, peut-être avez-vous eu vent de bons coins ? »

Il n'avait pas de mauvaises attentions, c'était purement commercial ce qu'il attendait. Trouver ces matériaux lui permettra de repartir. Cydonia était la première cité qu'il visitait et il en avait plein d'autres à voir. Elles ne seront sûrement pas faciles d'accès, mais l'aventure, ça se mérite. Chacune de ces merveilles devait posséder des matériaux rares, des ornements magnifiques, des tissus soyeux, des fils d'or ! Il devra se faire une renommée avant de pouvoir s'installer définitivement, se faire connaître après des guerriers pour décorer leurs armures, des comédiens pour fabriquer les costumes de scène... Plein d'idées lui trottaient en tête mais pour le moment, il n'en était qu'un début.

« Pardon, j'ai omis de me présenter, je m'appelle Coryambe. A qui ai-je l'honneur ? »

[ Hrp : merci beaucoup ♥ et je suis vraiment désolée pour le retard, j'espère que cela ne t'a pas bloqué TT]

« Ah, ça non, vous n'êtes pas le premier en effet ! »

Un sourire étrange accompagna sa réponse on ne peut plus directe. Ben quoi ? Elena n'était pas du genre à mâcher ses mots, à mentir ou se faire passer pour ce qu'elle n'est pas. Bien sûr qu'on lui avait déjà dit qu'elle était belle, et très, très souvent. Pourquoi souillerait-elle son âme si ce n'est pour préserver sa jeunesse et sa beauté ? Pour garder la gente masculine à ses pieds. Pour surprendre les regards jaloux des femmes. Elle adorait ça et comptait bien continuer ce jeu de séduction encore des dizaines d'années !

Elle suivit le petit manège du jeune homme – quel âge pouvait-il bien avoir d'ailleurs ? - qui commença à ouvrir la fenêtre, puis la porte, avant de s'assoir sur la chaise très peu confortable qui retenait le battant de bois. Visiblement, il ne supportait pas la fameuse ambiance chaleureuse qu'évoquait Elena. Peut-être se sentait-il menacé ? En ouvrant la porte qui donnait sur le couloir, il supprimait ainsi toute l'intimité que leur accordait la chambre à coucher. Un sourire en coin, la magicienne se dit qu'il n'avait pas tort. On n'est jamais trop prudent... Même si l'idée de le charmer et de le vider un peu de son sang ne lui était pas encore venue à l'esprit. C'est vrai, il semblait si innocent... et si jeune ! Mais quel âge pouvait-il bien avoir d'ailleurs ?! La belle fronça les sourcils. Si en montant dans sa chambre, la maturité de ce garçon ne l'avait pas plus interpellée que ça, voilà que cette question la tracassait au plus haut point. Elle le regarda soudain d'un oeil différent. Il devait avoir à peine vingt ans, ses traits fins et plutôt féminins faussaient peut-être son jugement, mais il était difficile de lui donner plus. Une lueur d'intérêt éclaira alors son regard vert. Il était possible que son pucelage soit intact...

L'artisan interrompit ses pensées qui commençaient à s'égarer en lui révélant la raison de son passage à Cydonia. Si elle avait des bons plans pour les matériaux ? La Nua dévisagea le jeune homme de bas en haut et de haut en bas. Dans quel domaine pouvait-il exercer la profession d'artisan ? Il n'avait pas la carrure d'un forgeron – hélas ! - ni celle d'un charpentier. Encore une fois, il lui fut impossible de cerner le personnage. Avant qu'elle n'ait pu lui faire part de son incompréhension, il se présenta. Ah, au moins, elle n'aurait pas à deviner aussi son prénom ! D'ailleurs elle aurait été bien incapable de deviner...

« Coryambe ? releva-t-elle, ironique. Original. Même si je ne peux m'empêcher de trouver ces intonations très féminines... »

Un sourire tranquille accompagna sa remarque, la rendant moins désagréable. Si elle pouvait le vexer ? Elena s'en moquait bien ! Elle disait sans détour ce qu'elle pensait, et même si le jeune homme prenait la mouche et décidait de la jeter hors de la chambre, elle et son franc-parler, elle ne regretterait pas instant ses mots. Elle n'épilogua cependant pas sur le sujet, ne trouvant pas d'intérêt particulier à tourmenter un peu plus Coryambe sur son aspect androgyne, et répondit, avec son plus beau sourire :

« Elena Candel. Enchantée de faire votre connaissance Coryambe. »

Si le nom de Candel était familier aux habitants de Silmarie, il était pour l'instant presque inconnu à Cydonia. La mère d'Elena était une riche marchande qui avait gagné sa réputation dans la cité elfique grâce à ses voyages, sa culture et sa connaissance incroyable des plantes. Les filles Candel avaient pris le relai, rivalisant toutes deux de beauté et de grâce et se firent une toute autre réputation... Voilà la raison pour laquelle elles avaient atterri à Cydonia. Pour repartir à zéro.

« Vous savez, si je suis plus maligne que ce que j'en ai l'air, je n'ai pas pour autant des dons divinatoires. Si vous ne me précisez pas quel type de matériaux vous cherchez, j'aurais du mal à deviner... Même si dans tous les cas je ne suis pas sûre de vous être d'une grande aide. A moins que ce soit des fleurs que vous cherchez... ? »

Son ton n'était en rien désagréable, quoi qu'un peu taquin. Coryambe n'eut pas le loisir de répondre. Un vacarme infernal s'éleva dans le couloir. Si les mots qu'on hurlait n'étaient pas identifiables, le niveau sonore et la voix enrouée témoignaient d'un taux d'alcoolémie assez poussé. Ils finirent par en avoir le coeur net : voilà qu'un homme d'une quarantaine d'années débarquait dans la pièce, à moitié débraillé, empestant la sueur et la bière.

« Et les mignonnes ? On papote gentiment ? Vous préférez pas plutôt...
- On préfère rien du tout, et encore moins quelque chose que vous soyez capable de nous offrir. Ce jeune homme et moi étions très occupés, faites nous le plaisir de nous laisser en paix ! »

Son ton était aussi glacial que la pièce était chaleureuse et sa moue écoeurée en aurait découragé plus d'un. Celui-ci tiqua un instant, ses yeux vidés de toute trace d'intelligence allèrent de Coryambe à Elena sans comprendre.

« Sortez. »

Elle s'était levée, invitant d'un geste son compagnon d'en faire de même, et écrasait l'inconnu d'un regard chargé de mépris et de répugnance. Un peu sonné, il fit un pas en arrière. S'en fut assez pour qu'Elena puisse fermer la porte derrière lui, n'hésitant qu'un instant avant de mettre un tour de clés. De l'autre côté du battant, des protestations s'élevèrent. Elle n'y fit pas attention et se rassit sur le lit, reprenant comme si de rien n'était le fil de la conversation.

« Quel est donc votre domaine, cher Coryambe ? Oh, ne faites pas attention à celui-là. Le responsable du bar est un type bien qui ne permet à personne de mettre le bazar dans sa taverne. Il va bientôt débarquer et nous le débarrasser du plancher. »

Elle avait raison. Quelques secondes s'écoulèrent avant qu'un son sourd ne leur parvienne de derrière la porte et que les jérémiades ne cessent. Et comme si rien ne s'était passé, Elena posa la question qui l'intriguait depuis plusieurs minutes maintenant.

« Ma question va vous paraître étrange, mais j'aimerais savoir... Quel âge avez-vous ? »

Dans le genre imprévisible...

[Si tu veux intervenir pendant l'intrusion du mec, y'a pas de problème, j'évoque pas ce que fait ton personnage de toute manière.]

Le jeune homme joua avec une mèche de cheveux. Une mèche orangée, brillante par le Soleil couchant. Depuis qu'il était tout petit, il avait horreur de son physique mais pour une raison inconnue, il ne s'était jamais décidé à changer. De se couper les cheveux ou bien de porter des habits plus masculins. Aucunement. Mais pour les artisans qui vantaient sa beauté, c'était un atout ! D'ailleurs, il lui arrivait souvent d'y jouer, se faisant passer pour une jeune femme afin de soutirer des informations sur les tissages et autres broderies, jouant les modèles timides. Il avait acquis son talent comme ça, même si par moment, des hommes allaient beaucoup trop loin, il savait y mettre fin ou bien décamper sur le champ. C'était un avantage comme un poids mort. Depuis tout petit, les gens le prenaient pour une fille, même sa mère qui rêvait enfin d'avoir une fille. Peut-être était-ce pour elle ? Cette personne qui lui donna la vie ? Et puis quoi encore ! Coryambe n'en avait plus rien à faire d'eux. Il vivait sa propre vie maintenant. Une vie de nomade mais au moins, il n'avait personne sur le dos. Personne...

Coryambe afficha un sourire forcé, un brin irritant quand la belle danseuse répéta son prénom d'un ton ironique. Une douleur dans la poitrine. Un supplice encore une fois mais qu'importe. Oui, il avait été gâté ; physique mais aussi prénom de fille... Du moins, fort ressemblant ! Mais ça, le jeune éphèbe en avait l'habitude. Depuis tout petit, les garçons se moquaient de lui, les filles le prenaient pour leur amie. Les adultes avaient envie de jouer à la poupée avec, ou bien de le draguer dans l'espoir d'avoir cette magnifique créature dans leur lit. Il avait su imposer des limites, bien que des fois, il aimerait essayer. Juste voir leur tête en apprenant que c'est un homme ! Pouvoir se moquer de leur ignorance, de les tourner au ridicule. Tiens, c'était une bonne idée ça... Mais légèrement risquée. En tout cas, ce n'était pas pour ça qu'il quittera sa pièce ou mettra un terme à cette charmante compagnie.

« Ne prenez pas attention à ce visage, il s'affiche à chaque fois que j'entends mon prénom. » dit-il en se redressa, le sourire aux lèvres.

Mais sa frimousse changea bien vite quand un vacarme fou se fit retentir un peu plus pas. Des bruits sourds résonnèrent dans le couloir, des pas lourds et légèrement bourrins. Juste aux arrières du jeune homme, un homme osa pénétrer de sa puanteur et de son taux d'alcoolémie dans la chambre. Coryambe se retourna légèrement pour faire face à cette brute épaisse, mal-odorante. Alors qu'il s'apprêtait à proposer son idée des plus douteuse, la belle Elena leva la voix en s'interposant à sa proposition. Coryambe resta assis sur sa chaise, ne broncha pas quand celui-ci l'avait pris pour une fille. L'habitude. Mais il avait apprécié le geste qu'elle avait fait ; elle l'envoya balader rien qu'à sa haute prestance, l'homme recula de plusieurs pas et finalement, se retrouva nez à nez avec la porte. Elena n'avait pas hésité à la ferme, en ayant pris soin quand même de demander à Coryambe de se déplacer pour la ferme. Décidément, il ne pouvait pas être tranquille. Il se repositionna sur sa chaise mais changea la position ; le dossier se retrouva devant lui dont il n'hésita pas à poser ses mains et son menton dessus. Les jambes écartées, il s'empressa de sourire ;

« Vous savez parler aux hommes ! J'aime beaucoup votre caractère, vous êtes loin de la femme qui se laisse marcher dessus. »

Petite remarque qu'il se serait bien gardé pour lui. Mais de toute façon, il ne lui apprenait rien. Et comme si de rien n'était, elle continua son questionnaire. Cette femme était vraiment intéressante. Elle savait garder son calme dans de telles situations, beaucoup auraient paniqué. Coryambe n'aurait rien fait. L'idée que l'homme puisse tomber sur un tel énergumène l'aurait même fait rire ! Une vraie fripouille ! Mais les cris incessants derrière la porte se stoppèrent comme l'avait prédis la belle. Un turbulent en moins. Bien, il était temps de reprendre la dernière conversation ;

« Je suis un jeune artisan dans le domaine de la couture. J'aime ce qui est beau évidemment !» lâcha-t-il en souriant. « N'allez pas rire mais je suis encore pur, je n'ai que dix-neuf ans !»

Ne devait-il pas faire le fier ? Coryambe n'aimait pas en parler mais les autres avaient tendance à le rajeunir. Peut-être était-ce du à son physique de jeune femme ? A sa peau lisse et ses nombreux bijoux ? De toute façon, il n'avait que faire de leur point de vue, il pouvait encore vivre correctement en se portant volontaire en tant que modèle ou bien en aidant les artisans en difficulté. Un petit coup de jeunesse et hop, les robes étaient ornées de belles fleurs tissées ou bien les armures arboraient de magnifiques boutures d'or et de rubans sobres mais décoratifs... Il faut se mettre en valeur si on veut réussir dans la vie.

« Et je vous défends de rire de ça aussi... Je suis très habile de mes doigts, c'est tout. » dit-il en ronchonnant.

Décidément, tout lui tombait dessus. De tous les métiers qui existaient, il avait choisi celui fait pour les femmes. Mais sa carrure ne lui permettait pas de faire un métier plus intense. Un métier lui demandant beaucoup d'efforts et de porter de lourdes charges. Son corps était fragile, il se confondait à celui d'une femme. Un atout quelque peu avantageux mais fort déconcertant.

« Maintenant, changeons de destinataire. Dites-moi, belle Elena, que faites-vous dans la vie à part danser ? »

Un couturier ? Un couturier efféminé nommé Coryambe. Ce type était un cliché ambulant ! Le faisait-il exprès ? Etait-ce de la provocation, une réaction à une éducation trop stricte ? Elena ne pouvait que formuler des suppositions, mais malgré tout cela – ou grâce à tout cela peut-être – ce jeune l'homme continuait de l'intéresser. Même lorsqu'il lui avoua avoir dix-neuf ans. Dix-neuf ans ! Presque vingt de moins qu'elle !

Mais voilà, il admirait sa force de caractère, elle lui plaisait, c'était indéniable. Et Elena aimait plaire... Il avait de plus laissé entendre qu'il était très habile de ses doigts... A cette révélation, la danseuse n'avait pu s'empêcher de lever un sourcil ironique et de lui décrocher un sourire en coin. Etait-ce des avances ?

« Voilà qui est bon à savoir, se contenta-t-elle de relever. »

Elle n'en saurait pas plus sur le sujet. Du moins pas pour l'instant.

A cheval sur sa chaise, appuyé sur le dossier, Coryambe lui en demanda un peu plus sur elle. Ce qu'elle faisait à part danser ?

« Eh bien... Je chante ! »

Ses yeux verts se plantèrent dans ceux du jeunes homme. Envoûtants. Elle se leva et s'approcha doucement de lui. Lorsqu'elle fut tout près de lui, un sourire étira ses lèvres. Séducteur.

Sans lâcher Coryambe du regard, Elena commença alors à chanter. Une mélodie douce, sans paroles. Ses longues notes languissantes rappelaient le calme des Collines Brumeuses, ses intonations graves l'accent des Elfes. Un chant populaire de Silmarie, à la fois sage et nostalgique. La mélopée envahit la pièce, et dans cette mélodie résonnaient le long fil du temps, comme si ce chant était originaire d'un autre âge, porteur d'un message intemporel, héritage des anciens. Sagesse. Sagesse et obéissance à des rites, des coutumes.

Surtout obéissance.

Car ce n'était pas une simple chanson qu'Elena interprétait. Il valait d'ailleurs mieux que Coryambe ne se rende compte de rien. Le chant était très prenant. Trop prenant. Elena y mettait l'énergie nécessaire pour que la mélodie se fasse un chemin parmi les sentiments de Coryambe. Sa voix était un piège dans lequel le jeune homme pouvait tomber à tout instant. Un charme pour le moins charmant.

En réalité, la chanteuse tentait d'influencer ses sentiments. Qu'il n'en reste qu'un seul dans son coeur.

L'obéissance.

[A toi de décider comment le charme affecte Coryambe =} ]

C'était certes du n'importe quoi mais au moins, ne faisait-il pas ce qu'il avait toujours envie de faire ? Le Nua était libre d'exercer le métier qu'il désirait sans que quelqu'un l'en dissuade, de pouvoir créer tout ce qui lui passait par la tête que ce soit des vêtements ou bien des ornements... C'est vrai que c'était un métier plus féminin mais son physique lui permettait se défaut. Il tenait plus de sa mère, agile de ses mains et sa beauté, que de la force et la musculature de son père déchu. Ce n'était pas plus mal, sa silhouette était svelte et agréable à regarder, il en avait séduit plus d'un pour obtenir ce qu'il désirait. Ce n'était pas fair-play mais tous les moyens sont bons pour obtenir ce que l'on veut, Coryambe savait en jouer mais se pourrait-il qu'il atteigne le fond ? Cependant, sachez qu'il n'allait jamais plus loin, il s'en sortait toujours pour éviter les embrouilles et autres compromis. Même si à plusieurs reprises cela l'intéressait, il se contentait de sa maigre récompense... En tout cas, cette demoiselle ne le laissait pas indifférent. Tel est pris dans les filets. Au contraire, son tempérament lui faisait espérer des tas de choses. Serait-ce à cause de sa belle voix ? Ou bien de son physique attirant ? D'ailleurs en la contemplant un peu plus, il pouvait s'apercevoir qu'elle était plus âgée que lui. Peut-être le prend-t-elle pour un gamin et le faisait marcher ? Ce serait bien dommage... Pourtant, il avait laissé entrevoir des sous-entendus mais peut-être en avait-elle tout simplement marre de se faire aborder à tous les coins de rue ? Mais alors, pourquoi avoir accepté de venir lui tenir compagnie dans sa chambre ? Ce n'était pas encore très clair mais...

Elle chantait ! Fort heureux d'apprendre cela, Coryambe resta admiratif devant cette affirmation. Et son regard se confondit avec celui de la belle qui sembla être de plus en plus intéressée. Avait-elle quelque chose en tête ou bien faisait-elle toujours cela ? En tout cas, cela avait de l'effet. Coryambe était complètement submergé par son regard et après un léger silence, elle commença à chanter. Au début, elle fredonna une mélodie douce et calme puis sa voix résonna dans toute la chambre. C'était bien plus agréable que les cris d'en bas et pour une fois, il était aux premières loges. Une prestation rien que pour lui, quelle chance. Mais tout d'un coup, il se sentit étrange. C'était comme si quelque chose pénétrait en lui. Ce n'était pas douloureux mais ça le titillait. Cette impression étrange que quelqu'un entrait en lui contre sa volonté et allait farfouiller dans ses souvenirs... Il ne put s'en défaire et calmement, il se laissa bercer par la chanson. Ses yeux se fermèrent à moitié, son menton vint se poser sur ses mains et il se laissa porté par la musique. Était-ce de la sorcellerie ou bien juste le pouvoir du chant ? Pourtant, quand sa mère lui chantait des comptines, il n'avait pas le même effet. Qu'importe, il était pris au piège et ne pouvait s'en défaire. Alors c'était avec soumission qu'il continua à l'écouter à chanter.

Et doucement, porté par le chant, l'individu se leva de sa chaise, bercé par les mélodies qui s'échappaient de sa bouche. Il vint s’asseoir à côté d'elle, brisant le cercle intime qu'elle avait sûrement mis en place. Mais si c'était elle la responsable de se soudain changement, pourquoi aurait-elle chanté ? C'était peut-être prémédité après tout. Les sentiments qu'il éprouvait pour elle s'accentuaient. Une attirance physique l'envahit soudainement, il éprouva des sentiments amoureux. C'était tellement enivrant, possessif et terrifiant. C'était une arme redoutable car elle pouvait très bien s'en prendre à lui dans cet état d'ivresse. Le dépouiller pour on ne sait qu'elle raison. Mais c'était trop tard, son cœur s'était ouvert à elle et son corps avait bougé tout seul. C'était comme si il se retrouvait dans un état d'ivresse totale.

« C'est tellement... » chuchota-t-il doucement, approchant son visage du sien. « Consternant... »

Son visage avait changé, il était devenu plus grave mais il ne retira pas pour autant sa tête, plongeant son regard dans le sien. La musique était finie et donc, il avait pu reprendre possession de son corps. C'était une arme puissante certes, n'importe qui se laisserait berner aussi facilement, comme Coryambe. Mais ce qui le dégoûtait un peu, c'était sa manigance pour y parvenir. Elle n'aurait pas eu besoin de ce subterfuge pour connaître les sentiments qu'il éprouvait pour cette femme. Le jeune homme passa alors sa main sur la joue de la belle et la caressa avant de passer ses doigts dans ses cheveux ;

« C'était une sensation étrange mais agréable d'un côté. Mais après cette prestation, êtes-vous satisfaite ? Ou bien attendiez-vous à autre chose de moi ? »

Coryambe se sentait légèrement humilié. Il ne pensait pas s'être fait avoir aussi facilement mais fort heureusement, il avait su regagner ses sentiments à temps. Mais ce qui le gênait plus, c'était de les lui avoir montrés. Ils ne se connaissaient à peine, juste une heure ou deux, et le voilà complètement sous le charme de cette belle femme. Mais attendait-elle vraiment de lui qu'il tombe sous son charme ou bien avait-elle une idée bien précise dans la tête ? Coryambe ne savait pas trop mais après sa prestation, il connaissait enfin le pouvoir de cette femme. Terrifiant, son chant pouvait influencer la personne. Son caractère la rendait dominatrice, l'obéissance devait être le sujet de cette chanson, alors elle s'attendait à ce qu'il lui obéit ? Mais obéir dans quel but ? Cette conversation avait pris une toute autre tournure, Coryambe était tombé dans les bras de cette femme sans pour autant s'être méfié de son caractère. Une attirance physique qui lui coûtera sûrement quelque chose en retour...

Coryambe voguant désormais vers d'autres terres, le RP est terminé. Merci de votre compréhension.

Désengagés : Elena, Coryambe.

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