Davy Jones Music Box with Rain

Le chemin pour Varath avait été éprouvant mais Ayane était toujours en vie et c'était ce qui importait le plus n'est ce pas ? Les ravisseurs n'avaient plus donné de signe de vie mais pour assurer la sécurité de la princesse, Luné avait préféré monter jusqu'à Tamawa où elle devait trouver la protection du Temple. Sans surprise, les templiers de l'Aube qui étaient réputés pour leur âme charitable l'accueillirent dans leurs locaux, peut-être allait elle enfin pouvoir se reposer.

C'était dans les allées du magnifique jardin aux arrières du bâtiment que l'adolescente comptait prendre du bon temps, se reposer et apaiser les poids qui pesaient sur ses minces épaules. Ses cheveux ébénés flottaient au gré du vent d'automne qui soufflait dans la région, ce n'était pas désagréable et c'était même plutôt rafraichissant. Des fleurs plus belles les unes que les autres étaient parsemées ici et là dans le jardin, des tulipes aux orchidées, de nombreuses espèces florales se trouvaient ici mais c'est une parcelle de roses qui avaient attiré l'attention d'Ayane. Elles étaient si belles de leurs multiples couleurs et de leur forme si dense en pétale, il n'y en avait pas d'aussi belles au Palais Impérial.

C'est alors au moment où elle comptait retourner dans ses appartements qu'une jeune fille à la robe pourpre attisa sa curiosité, elle s'étirait devant un parterre de roses blanches et portait un magnifique bracelet en forme de reptile. Elle semblait préoccupée par quelque chose, ses yeux pâles qui étaient en parfaite harmonie avec sa tenue dégageaient une certaine amertume mais ce n'était pas les affaires de la jeune princesse d'Oyashima. Hésitant entre le retour à sa chambre et la rencontre avec cette jeune fille, Ayane la regardait de loin mais la curiosité ayant pris le pas sur la timidité, elle aborda la fillette.

"Elles sont belles n'est ce pas ? Chez moi elles ne sont pas comme ça, la nature fait des miracles."

La Jinmen adressa un sourire à la jeune fille, un sourire rempli d'innocence et d'une joie presque enfantine. Elle voulait sûrement la rassurer et lui montrer qu'elle ne voulait que discuter, en espérant qu'elle accepte la compagnie d'Ayane ce qui n'était pas encore sûr. Remarquant un silence de sa part, elle reprit parole tout en la regardant avec un regard empli de tendresse.

"Je m'appelle Ayane, je viens d'Oyashima. Et toi, qui es-tu ?"

Une goutte, deux gouttes, trois... Il commençait à pleuvoir, une pluie de saison sûrement. Le décor presque idyllique tournait au désastre, les couleurs vives laissaient place à la boue et le soleil qui brillait encore il y a de cela quelques instants était submergé par une vague de cumulus déversant les larmes des âmes en peine, comme disait jadis maître Sensaï. Ayant aperçu un chapiteau où elles purent se mettre à l'abri, la princesse proposa à la fillette de s'y rendre.

"Suis-moi, il y a un endroit où l'on pourra se mettre à l'abri au milieu du parc !"

Haiiro avait toujours aimé cet endroit, depuis que la louve y avait posé les pattes, elle affectionnait particulièrement les jardins du Temple, peut-être sans doutes parce que ces derniers étaient d'ordinaire toujours calmes et relativement peu fréquentés. Quoi qu'il en soit, l'animal s'y plaisait et se laissait aller là où dans les locaux du Temple, elle était relativement plus stressée ou en tout cas, presque toujours sur le qui vive bien que rien d'apparent ne menace sa petite protégée. En réalité, la louve cendrée était certainement effrayée à l'idée de revoir sa petite princesse enlevée une nouvelle fois sous ses yeux. Quoi qu'il en soit, l'animal prenait à cœur son « travail ». Elle bailla bruyamment pour signifier à sa jeune amie qu'elle avait envie de rester là quelques minutes encore, loin de l'agitation et du bruit du Temple et Jelenna se laissa prendre au jeu. Avec douceur, la petite fille passa sa main dans le poil doux et soyeux couleur de cendre de sa compagne à quatre pattes. Sans savoir pourquoi, son esprit divagua à son tour, repensant à ses jeunes années où, loin d'imaginer vivre un jour parmi sa famille au complet, elle se blottissait dans les bras de son aînée pour s'endormir chaque soir. Ce temps là était presque révolu désormais car Eléa avait sa vie et des responsabilités qui la dépassait et l'enfant elle-même se devait de tenir le rôle qui lui incombait. Toutefois, malgré les années qui passaient et leur âge respectif, malgré la maternité de sa sœur aînée ou encore, leurs vies mouvementées, la petite princesse bis passait le plus de temps possible avec l'héritière du trône et, quand cela lui était possible, se glissait dans ses draps pour y retrouver ses bras réconfortants. Eléa était le rempart de la petite face au monde et il était tellement agréable pour elle de la sentir à ses côtés. Si la jeune femme était rebelle, têtue et tout le reste, elle n'en restait pas moins forte, solide et fidèle. Aerin lui avait demandé un jour pourquoi il existait un tel lien entre elles, lien qu'il ne pouvait pas comprendre lui qui était fils unique et, qui plus est, orphelin de mère et l'apprentie lui avait simplement répondu que ce lien, si infime soit-il parfois à cause de la distance, était le plus puissant qu'elle connaissait. « L'amour fraternel » était un mot aussi puissant qu'une formule magique, aussi fort qu'un sortilège.

Le temps avait sans doutes filé sans que la demoiselle ne s'en rende compte. Avec un soupir, elle mit fin à ses pensées, se disant qu'il valait mieux vivre dans le présent et éviter de se faire du mal en repensant au passé. Si Jelenna ne regrettait en rien ses années de jeunesse, elle éprouvait un certain mal à se confier à ce sujet. Chaque bon souvenir avait été épié par Mort pour la torturer et si elle était parvenue à surmonter plus ou moins ce passage troublant de son existence, aujourd'hui encore, il ne manquait pas de la hanter. Certaines nuits se faisaient violentes et seules les présences d'Aerin et d'Eléa parvenaient à la calmer. Il y avait encore un long chemin à faire après le pardon, celui de la renaissance et la jeune réincarnation de Diane était encore loin de l'entreprendre.

L'enfant prit le temps d'observer le monde qui l'entourait et, avec calme, elle passa de brin d'herbe en brin d'herbe, de fleur en fleur. Les couleurs de l'été se fanaient au profit de celle de l'automne naissant si bien que le mélange, s'il pouvait paraître chaos de prime abord, n'en était que plus magnifique aux yeux de ceux qui s'y intéressaient réellement. Un instant, la petite princesse bis aurait voulu arrêter le temps, un instant seulement bien entendu car elle était consciente que ce genre de désir ne valaient que pour les faibles, pour ceux qui fuyaient leurs responsabilités et cherchaient à fuir le monde lui-même. S'il fallait de tout pour faire un monde, la jeune fille savait qu'il lui était interdit de se laisser aller à de tels sentiments et l'acceptait totalement même s'il lui arrivait quelque fois, seule dans ses draps froids, de penser à une autre vie, l'espace d'une seconde seulement.

Une présence tira de ses pensées l'Amazone qui détourna le regard des plantes immaculées l'encerclant. Elle ne mit que quelques secondes à savoir précisément où se trouvait la personne qui chatouillait son Esprit et se prêta à sourire en remarquant que cette dernière se dirigeait dans sa direction. D'un coup d’œil, elle détailla la belle et dénota dans son ton un léger accent étranger. Ses traits comme ses yeux en amandes semblaient tout indiquer qu'elle n'était pas d'ici mais sans doutes de ce nouveau territoire Jinmen. Jacen, le père de la demoiselle, lui avait conté maintes histoire sur ce pays et avait en partie permis à la petite d'en apprendre la langue, bien qu'elle eut essentiellement appris le reste dans des ouvrages ramenés par ce dernier de ses voyages. Quoi qu'il en soit, les enluminures de leurs contrées décrivaient des femmes similaires à celle qui s’avançait vers elle ce qui permettait à la jeune apprentie Templière d'établir une hypothèse sérieuse sur les origines de son interlocutrice. Ses propos confirmèrent ses soupçons et elle sourit davantage, avec douceur.

« Elles sont magnifiques c'est vrai, elles me rappellent ma maison » précisa l'enfant avec calme.

La nature faisait des miracles certes mais pas toujours. Jelenna avait toujours eu tendance à respecter grandement la nature, d'une part parce que sa mère était une ancienne fleuriste et d'autre part, parce que Eléa avait repris le flambeau. Peut-être aussi parce qu'elle ressentait en elle chaque être vivant, comme cette jeune femme du nom d'Ayane. Elle n'était pas une Sensible, de cela, la petite en était sure et certaine. Au final, elle n'aurait pas eu de mal à pénétrer ses barrières mentales mais la princesse s'y refusait de tout temps.

La demoiselle croisa le regard empli de tendresse de son interlocutrice et ne put s'empêcher de penser que cette dernière paraissait à la fois candide et sure d'elle, comme si quelque chose pesait sur ses épaules, quelque chose qu'elle souhaitait cacher mais qui la minait quelque part aussi. Cela n'était pas les affaires de la jeune Amazone mais elle ressentait de la sympathie pour l'adolescente à qui elle donnait entre quinze et dix huit ans au maximum. Sans doutes se trompait-elle, depuis toute petite, si elle avait des dons exceptionnels en règle générale, elle n'était que peu douée dans ce domaine.

Elle lui donna son prénom mais avant que l'adolescente puisse lui répondre, quelques gouttes se mirent à tomber si bien que Haiiro redressa le museau d'un air mécontent. Quel dommage, leur rencontre allait être écourtée par le mauvais temps, était-ce un signe des dieux ? Ayane lui proposa de s'abriter sous le chapiteau et, après un instant d'hésitation, l'enfant céda. Le Temple pouvait bien attendre quelques heures encore n'est-ce-pas ? D'autant que ce n'était que pour préparer son retour à Muria qu'on l'attendait et les Sentinelles ne partiraient pas sans elle … pour une fois, Jelenna avait bien envie de jouer les princesses capricieuses, juste un peu. Juste pour cette fois.

« Je ne me souvenais plus de cet endroit, merci ! » répondit-elle avec un sourire doux, « Je m'appelle Jelenna, je suis la fille de Jacen Ryran, peut-être l'as-tu déjà rencontré, il apprécie particulièrement de passer du temps dans ton pays et il est le co-directeur du Temple. »

Il était certes mais peu importait ce détail, dans le cœur de Jelenna comme dans celui de Jiven d'ailleurs, son père était toujours une pièce maîtresse des lieux.

« Je n'ai jamais eu la chance de visiter ton pays » souffla-t-elle en Jinmen avant de reprendre, « Ce doit être tellement beau, qu'est-ce-qui t'as poussé à venir dans nos contrées ? »

La curiosité était l'apanage des enfants mais, même en grandissant et à l'aube de ses onze ans, la jeune Jelenna était toujours curieuse et pleine de vie, prête à tout pour obtenir les réponses à ses nombreuses questions.

« Ce continent doit-être très différent du tien, d'après mon père, Oyashima n'a rien à voir avec nos contrées … J'espère que tu te sens bien parmi nous. » conclut-elle avec un sourire.

[ Attention, ton personnage ne sait pas que Jelenna est une princesse ^^' ]

La jeune fille n'avait pas souvent l'habitude de discuter aussi calmement avec quelqu'un, il fallait bien avouer que c'était agréable quelque part de pouvoir converser sans se soucier de savoir ce que penserait la personne de soi et de réfléchir à l'impact de l'image qu'on donnait de soi aux autres. Jelenna appréciait et respectait énormément ses fonctions comme son ascendance et son rôle de princesse toutefois, si elle faisait tout pour faire bonne figure et éviter les problèmes, elle aimait parfois n'être qu'une petite fille parmi tant d'autres, n'être qu'une enfant de onze ans qui rentrait à son rythme dans l'adolescence. Si on lui laissait beaucoup l'occasion de l'être au Temple, nombreux étaient les apprentis – comme les maîtres de surcroît – qui la voyaient comme « la fille de Philéa », celle à qui reviendrait le trône en l'absence d'Eléa. C'était d'une part sans oublier la petite fille de sa sœur aînée, Aedan, et sans oublier le fait que la princesse bis n'était en aucun cas intéressée par ce rôle et l'avenir qu'il lui promettait. En tant que réincarnation de Diane, Jelenna souhaitait se tourner vers la paix, la religion et soutenir de son mieux celle qui monterait sur le trône, que ce soit Eléa, Aedan ou une autre de ses sœurs. Le pouvoir comme la gloire n'intéressaient guère la demoiselle si bien qu'elle faisait fi de ce genre d'insinuations et passait son chemin.
Peu étaient les gens qui voyaient en elle une petite fille normale, affublée d'un donc précieux qu'était l'Esprit si bien qu'au final, Jelenna évitait la plupart du temps les autres. Et pourtant, elle savait que ce comportement était stupide car au final, ils n'étaient pas si nombreux les Templiers ou apprentis qui ne s'intéressaient qu'à son titre. Chez les maîtres, seuls deux avaient émis l'hypothèse de tirer profit de son statut avant de se raviser, peut-être en songeant à la réaction de Philéa ou encore plus simplement, en se rappelant qu'ils étaient Templiers. Chez les apprentis, les filles étaient souvent très intéressées par ce détail mais ne cherchaient pas toujours à s'en servir à leur escient. La formation de Templier impliquait que l'on renonce à ce genre de prétentions si bien qu'au final, la demoiselle avait tendance à exagérer la situation. Quoi qu'il en soit, ses rencontres étaient un peu trop tournées vers la politique ou des sujets sérieux de ce type pour qu'elle les apprécient sincèrement aussi, une rencontre impromptue et originale ne pouvait que lui plaire.

Au dehors, la pluie tombait drue, il était presque difficile de voir la silhouette du Temple tant elle était cachée par les gouttes. Jelenna avait toujours aimé la pluie, l'odeur de terre mouillée quand elle cessait, la rosée sur les fleurs, la fraîcheur de l'après-averse … Sans dire qu'il s'agissait du temps qu'elle préférait, la jeune fille trouvait la pluie apaisante, comme si par magie, elle était en mesure d'effacer toutes les peines du monde. La forêt Amazone était souvent secouée d'orages ou tout du moins, d'averses si bien que les petites filles apprenaient bien vite à se faire au « mauvais temps ».

La petite fille posa un regard doux sur son interlocutrice sans oser la détailler de trop toutefois. Elle parcourut son visage et se rendit compte à quel point les Jinmens avaient la peau pâle. Ses yeux en amandes différaient également de ceux des habitants d'Azthia mais pour le reste, elle ressemblait à n'importe quelle Cydienne ou Astorg. Plutôt Cydienne vu sa chevelure songea l'enfant dans un sourire avant de détourner le regard de peur de paraître grossière. Elle-même n'appréciait que peu d'être épiée sous toutes les coutures et comme disait Philéa, « ne fais pas aux autres ce que tu n'aimerais pas qu'on te fasse ». La demoiselle ne manqua pas de reprendre la parole et sa question interrogea Jelenna. Elle aurait pensé qu'elle lui demanderait des précisions sur le Temple ou sur Azthia en général mais non, c'était Haiiro qui l'intriguait le plus. La réincarnation ne put s'empêcher de sourire avant de répondre d'un ton doux :

« Un loup n'appartient jamais à personne, c'est ce que dit ma sœur », elle marqua une pause, hésitant à poursuivre, avant de finalement se dire qu'elle ne risquait pas grand chose à lui répondre sur ce terrain-là, « Haiiro a été dressée par ma sœur aînée pour me protéger. Elle me suit comme mon ombre » ajouta-t-elle en riant presque, « Tu n'as rien à craindre d'elle je te rassure. »

Eléa était considérée à Muria comme la meilleure dresseur de loups de la cité, bien que Aerin ai montré une certaine facilité avec Nyméria. Elle était même surnommée « la princesse des loups » ou « la princesse aux loups » tant ses bêtes étaient admirées et craintes. Chacune des trois avait son caractère, Haiiro était la première à avoir trouvé le chemin de la maison, douce et calme, elle devenait la plus féroce des adversaires lorsque leurs vies étaient en danger. Onii avait rejoint la meute un peu plus tard, peu de temps avant la bataille et Jelenna ne l'avait rencontré que lors de sa libération. Il était doux, joueur et impétueux mais aussi le plus grand et le plus gros des trois, ce qui ne manquait pas de lui donner une certaine force et son pelage sombre accentuait à merveille son côté bestiale et terrifiant. Enfin, Kurosu avait rejoint les rangs. Violent, rapide, il était le plus dangereux des trois mais aussi le plus fidèle. Jelenna avait un peu peur de lui mais elle l'aimait quand même, car il l'avait déjà protégée par le passé. Les trois loups de l'héritière étaient de fiers animaux et surtout, ils étaient une curiosité pour tous.

« Vous ne dressez pas d'animaux chez toi ? » demanda la pitchoune avec un sourire.

Jelenna ne connaissait des Jinmens que leur langue, elle n'avait que peu conversé avec son père à ce sujet mais elle était très curieuse d'en apprendre plus à leur sujet. Ils étaient une « race » nouvelle et avaient une culture relativement passionnante. De ce fait, elle espérait que cette conversation lui apporterait quelques réponses.

« J'espère qu'un jour, j'aurais l'occasion de découvrir Oyashima, mon père n'en dis que du bien ! »

Elle était sincère, cependant elle était consciente que son rang comme ses obligations ne lui permettraient jamais de faire ce qu'elle voulait et que son voyage vers la contrée Jinmen lui serait sans doutes impossible, cependant, jamais elle n'aurait pensé venir au Temple un jour suivre une formation de Templier en conséquence, elle était prête à croire au possible. L'avenir seul lui dirait si elle avait raison d'espérer et puis, peut-être sa mère l'enverrait-elle là-bas pour en apprendre plus des Jinmens et pour conclure une alliance ? C'était une éventualité bien plus certaine que de vouloir simplement y aller par ses propres moyens.

L'enfant écouta en silence la demoiselle lui expliquer les raisons de son voyage. La curiosité seule l'avait poussée à venir sur Azthia et cela n'était pas sans lui rappeler ses propres désirs. Il était amusant de voir à quel point elles pouvaient se ressembler malgré la distance et la culture qui les séparaient. Cependant, Jelenna déchanta à la question suivante de son interlocutrice. Sa mère ? Voilà qui était problématique. Depuis sa plus tendre enfance, on lui avait appris à ne jamais révéler son identité, ou encore, à faire attention aux informations qu'elle donnait. Pouvait-elle faire confiance à cette jeune femme ? Par principe, non, mieux valait éviter quand bien même son aura était-elle douce et paisible. Jelenna réfléchit un instant et convint qu'il valait mieux une demie-vérité à un mensonge.

« Ma mère est fleuriste, elle passe donc la moitié de l'année sur les routes pour vendre ses produits, pendant ce temps, je reste au Temple avec mon père. »

Ce n'était pas nécessairement faux, en réalité, c'était même une vérité, enfin presque, car Philéa n'exerçait plus depuis une vingtaine d'années au moins. Mais peu importait, elle avait toujours utilisé cette excuse par le passé et ne comptait pas en changer. Jelenna n'aimait que peu se présenter comme une princesse.

« Mon père a souvent été chez toi, je crois qu'il logeait chez un membre du Clan de la Licorne, est-ce ton clan ? » demanda-t-elle pour changer de sujet avant de reprendre, « Tu voyages seule ou tes parents t'accompagnent ? »

Dans ses souvenirs, Jelenna croyait se souvenir que les Jinmens étaient très à cheval sur l'honneur et qu'ils étaient aussi à cheval sur les titres et le reste et quelque chose chez cette jeune fille lui indiquait qu'elle était de bonne famille. Sans doutes se trompait-elle mais pourtant, sa façon de parler la titillait, peut-être parce qu'elle avait la même ! Curieuse, Jelenna ne put s'empêcher de poser de nouvelles questions :

« Tu as déjà visité d'autres cités depuis ton départ ? Ça doit être passionnant de voyager et très excitant, j'aimerai bien avoir l'occasion de prendre la route un jour moi aussi ! J'ai toujours été curieuse de découvrir Oyashima, c'est pour ça que j'ai insisté pour que mon père m'en apprenne la langue, j'espère que je ne fais pas trop d'erreurs ... » précisa-t-elle avec timidité. « Je suis désolée, je me montre peut-être impolie à parler autant » conclut-elle non sans rougir et baisser les yeux.

La pluie ponctuait la discussion des deux jeunes filles, leur offrant un arrière plan magnifique, teintant d'une rosée timide les plantes du jardin. Bien que la discussion soit intéressante, car l'enfant adorait découvrir de nouvelles choses et voir s'ouvrir de nouveaux horizons, Jelenna ne pouvait pas s'empêcher de jeter un coup d’œil rapide sur les plantes alentours et sur le jardin dans son ensemble. Le temps semblait passer à une vitesse folle tandis qu'elles discutaient ce qui n'était pas sans poser problème, la petite princesse bis ne faisait que retarder l'échéance et savait qu'elle devrait bientôt s'éclipser. Muria avait besoin d'elle ou, plus exactement, elle avait besoin de sa présence pour le bal car il était évident qu'Eléa ne souhaiterait pas y aller seule et que l'absence des héritières froisserait l'Oblat. Philéa avait très bien joué sur ce coup-là, demandant à la cadette de séduire l'aînée et comme cette dernière était en mesure de passer à peu près tout à sa petite protégée, il était vite devenu évident que la princesse aux loups ne tarderait pas à succomber à la proposition … Certes avait-elle râlé tout ce qu'elle savait mais au final, leur mère avait vu juste, Eléa avait cédé en faveur de la plus petite. Comme toujours. Et aujourd'hui était le grand départ, un nouveau dans la liste déjà longue, mais il avait un goût différent. Pour une fois, Jelenna allait pouvoir s'amuser et rencontrer des gens d'une classe sociale similaire. Si cela lui importait peu, elle qui ne s'estimait pas être princesse, elle souhaitait cependant vivre ne serait-ce qu'une fois ce rêve d'autant qu'elle sentait que sa présence était nécessaire. Au fond d'elle-même, l'enfant se sentait comme appelée dans la cité des neiges et si elle ne savait pas encore pourquoi, elle se doutait que quelque chose se passerait et que quelque chose changerait. Quoi, elle n'en savait rien.

Tandis qu'elles parlaient des leurs, Jelenna se demanda soudain comment allaient les siens. Ici, elle n'était en contact qu'avec son père et si elle pouvait converser avec Eléa par l'Esprit, Jelenna ne pouvait absolument pas parler à ses plus jeunes frères et sœurs, ni avec sa mère. Si le temps passait vite au Temple, les nuits loin d'eux étaient cruelles et froides. Depuis que le petit Aerin était revenu, ils passaient leur temps à voguer sur la même longueur d'onde et cela les apaisaient tous les deux de sorte qu'ils s'endormaient ainsi tous les soirs ou presque. Sa présence était salvatrice et ensemble, le temps passait suffisamment vite pour qu'ils oublient de le regarder passer. Ce soir, elle reprenait la route vers sa cité natale, et quelque part, si c'était toujours une déchirure de devoir quitter le Temple, c'était une joie de retrouver les siens et sa chère Muria.

Jelenna sentit le trouble dans les émotions de son interlocutrice mais elle n'osa pas dire quoi que ce soit sur le sujet. Elle semblait soudain troublée et incapable de répondre à une question aussi simple si bien que la petite demoiselle se demanda qui elle pouvait bien être. Une noble sans doutes ou peut-être tout simplement qu'elle ne souhaitait pas en dire trop sur son pays, sentiment que l'adolescente pouvait largement comprendre. Sa réponse fut des plus surprenantes de sorte que l'enfant sourit en ajoutant :

« Ce n'est pas grave, sans doutes ma sœur est-elle la seule à dresser des loups ! » l'enfant rit un instant pour détendre l'atmosphère, après tout, ce n'était pas un crime que de ne pas savoir répondre à cette question. Tout cela n'était que détail.

Une nouvelle fois, la jeune Jinmen parut douter de quelque chose, ses sentiments se faisant soudain plus troubles. Jelenna se tut, ne cherchant pas à provoquer de problèmes. Ses sentiments tortueux s'expliquèrent dans sa réplique suivante, ainsi, elle était princesse, ce qui expliquait qu'elle n'ai pas connu la réponse à sa question pourtant simple. Elle-même était parfois incapable de répondre à certains sujets, quoi qu'elle faisait des efforts ces dernières années pour sortir un peu plus du palais. Que Diane l'ai choisi comme réceptacle expliquait sans doutes cela.

« Mes respects » souffla la petite en baissant légèrement le menton, « J'ignorais qu'il existait d'autres princesses que Miki et Maya, mon père m'a souvent parlé d'elles. Je suis enchantée. C'est un honneur pour Azthia que d’accueillir une princesse »

Il était rare de croiser des princesses et ses souvenirs ne lui offraient que la présence des deux jumelles cependant, il était logique qu'une telle tradition existe dans leurs contrées. Avec quatre clans à fédérer, l'Empereur avait choisi là la solution la plus sure pour son peuple et la paix. Jacen n'avait jamais été dans le clan de l'Hydre, à moins qu'il ai oublié de le lui dire, ce qui était possible également, du coup, Jelenna ne connaissait pas grand chose de ce clan. Il était amusant de voir une telle situation, deux princesses discutant ensemble sans savoir qui elles étaient l'une l'autre. Mais si Ayane avait été honnête, la petite princesse Amazone ne souhaitait pas dévoiler son secret. Hoshizora ne craignait rien de découvrir l'identité de la belle, ce qui n'était pas le cas de Muria. Son peuple risquait plus gros mais Jelenna se sentait toutefois proche de la jeune femme, sans doutes parce qu'elles connaissaient toutes deux la position de deuxième née et, plus encore, les responsabilités qu'impliquaient leur rôle.

Sa réflexion sur la cité des neiges l'amusa intérieurement. Storghein, la fière, la forte, la cité alliée de la cité des femmes libres depuis son origine ou presque. Ayane les considérait comme des guerriers, sans doutes était-ce en partie vrai mais que dirait-elle dans ce cas des Amazones ? Ou encore, des Zélotes ? Elle était ensuite allée voir Cydonia, c'était plutôt amusant quand on connaissait la rivalité entre les deux.

« Azthia est magnifique dans sa diversité ! » conclut Jelenna dans un sourire.

Elle avait énormément de questions en tête. Les Jinmens étaient tellement intéressants ! Elle essayait de trouver les meilleures et celles qui seraient les moins gênantes.

« Je me demandais ... »
« Princesse » appela une voix derrière elles et Jelenna la reconnut aussitôt comme étant celle de Myriam, la Sentinelle chargée de son retour, « Nous t'attendons »

Avec un sourire d'excuse, elle se leva et, ne sachant que dire, ayant pleinement conscience qu'elle avait injustement menti à la jeune femme. Cherchant quoi dire, elle se tourna vers la Sentinelle et ajouta à son attention :

« J'arrive tout de suite Myriam »

Puis, elle se tourna vers la Jinmen et, dans un timide sourire, elle ajouta :

« Je suis désolée, je dois partir, je … j'espère te revoir un jour, ce fut un plaisir de parler avec toi Ayane ! J'espère que tu ne m'en voudras pas ... »

Sans vraiment savoir quoi ajouter, l'enfant quitta les lieux, non sans un dernier au revoir à l'attention de son interlocutrice, regrettant instantanément d'avoir menti à cette jeune femme. Ne sachant pas du tout comment s'excuser, elle préféra s’éclipser en suivant la Sentinelle. Ce soir, seule Muria comptait. Muria comptait toujours.

[ Désengagée ]
[ Normalement, tu m'avais demandé de ne pas te désengager, si tu voulais que je le fasse, envoie-moi un MP, j'éditerai ^^ ]

Le soleil chassait la pluie et sa source nuageuse, un éclairci éclairait le rosée florale et ce décor faisait briller les yeux de la jeune princesse. Une beauté si simple mais pourtant si complexe, l'eau et la terre en parfaite harmonie. Le jardin du Temple regorgeait de nombreuses plantes, c'était un paysage unique dans la région où fleurissait une multitude de variétés de plantes en tout genre. Le palais d'Hoshizora avait lui aussi un jardin voir même de nombreux jardins mais il n'y avait pas les mêmes fleurs, peu de choses se ressemblaient à vrai dire entre Oyashima et Azthia et c'était un fait qui avait le don de perturber l'adolescente.

La discussion continuait bon train jusqu'à ce qu'un évènement saugrenu ne vienne les interrompre, l'arrivée d'une militaire qui soufflait des "princesse", Ayane se sentait viser mais c'était Jelenna qui en était visiblement la cible et la réaction de la Jinmen n'en fut que pleine de surprises. Elle était donc elle aussi une princesse, mais pourquoi lui avoir caché ce détail ? Il était de toute façon trop tard pour le lui demander, la fillette s'était déjà éclipsée au côté de se garde ne lui laissant aucunement le temps de prononcer ne serait ce qu'un mot.

Ne préférant pas s'attarder là, la jeune princesse reprit chemin en direction de l'infirmerie de Tamawa. Luné l'attendait même si elle profitait d'un repos bien mérité, elle n'était plus en état de veiller sur sa maîtresse et mieux valait lui laisser le temps de retrouver ses forces. Ayane s'installer à ses chevets et en profita pour se recueillir et apaiser ses craintes.

"J'espère que nous y arriverons. Pour Mère, pour tous ceux qui croient en moi. J'ai fait la rencontre d'une jeune fille, elle était aussi une princesse mais elle ne voulait pas me l'avouer... Que suis je donc sensée faire si personne ne peut m'aider ?"

Le néant, personne ne répondait et elle le savait que trop bien. Elle était seule en compagnie d'une blessée qui se reposait, que pouvait donc elle espérer ? Elle pensait seulement qu'un esprit quelconque allait entendre ces prières et peut être les exaucer mais ce n'était pas vraiment sur cela qu'elle comptait pour arriver à ses fins, les caprices des esprits font subir aux Hommes de nombreux supplices et la jeune Jinmen n'était pas au bout de ses peines.

[Désengagée !]