[Le but de ce sujet est d'obtenir la compétence Manipulation du poignard. Jaered s'est proposé pour jouer Ardeth, le professeur d'Elena.]

Elena esquissa un sourire. Elle avait une bonne demi-heure de retard. Elle connaissait déjà la réaction d'Ardeth. Il était certainement en train de la maudire, de pester tout seul dans la cour intérieure. Sa colère augmentait de minute en minute ; il avait d'ailleurs juré sur tous les dieux d'Azthia que ce serait la dernière fois qu'il attendrait son élève, qu'il allait se barrer, récupérer son bracelet d'améthyste, son amour propre et la planter là, elle et ses manières grossières ! Oui, cette fois-ci c'était la bonne. Il allait le faire. C'était certain.

Elena l'imaginait aisément et son sourire s'élargit. Elle savait pertinemment qu'au moment même où il entendrait le pas assuré de la Nua dans le couloir, sa rage disparaîtrait aussi vite qu'elle était apparue. Il lui accorderait un salut bougon, elle l'embrasserait fougueusement et toute rancune se serait alors envolée. Elle finissait par le connaître : il l'aimait trop.

Elle traversa la salle de réception totalement désertée, puis le cabinet de sa soeur, pour enfin arriver à la salle de jeux qui donnait directement sur l'immense cour intérieure du manoir Candel. Elle se tint un instant là, devant la porte vitrée, et apprécia la beauté du lieu. Le sol était dallé sur les premiers mètres avant de laisser le sable seul maître des lieux. Plus pratique pour éponger le sang. Cette cour-ci n'était pas si grande, c'était celle réservée aux entraînements d'Elena ainsi qu'à ses exercices d'assouplissements. Elle n'avait rien de particulier, si ce n'est qu'elle donnait sur un bon nombre de fenêtres ornées de pots de fleurs multicolores. Danaë connaissait son métier : les compositions étaient parfaites et fraiches en toute saison. Elena finit par détacher son regard des oeuvres de sa soeur pour reporter son attention sur la cour.

Comme prévu, Ardeth l'attendait. Toute souriante, elle s'approcha de lui de sa démarche féline et envoûtante. La colère de son amant venait déjà de descendre d'un cran ou deux. Et son excitation d'augmenter ! Il faut dire que le corps d'Elena était moulé par une tunique de cuir noir, sobre a priori, mais taillée avec ostentation. Si elle se sentait complètement à l'aise dans sa tenue de combat, ses adversaires en revanche pouvaient être perturbés par ses formes mises en valeur par le cuir et son décolleté provoquant.

« Désolée mon Maître, j'ai été retardée. »

L'ironie pesait dans chacun de ses mots avec insolence. Retardée par quoi je vous prie ? Absolument rien ! Une sieste qui avait tiré en longueur, voilà la seule excuse qu'elle pouvait servir au maître d'arme. Elle s'abstint cependant.

Arrivée à son niveau, Elena lui adressa un clin d'oeil coquin qui aurait dû suffire à l'excuser. Elle releva sa longue crinière d'ébène pour l'attacher à l'aide d'un ruban rouge sang, sans faire attention au trouble que cela pouvait causer à son ami. Ses yeux verts revinrent alors sur Ardeth et, poings sur les hanches en position de défi, elle lui lança :

« Bon alors, quelle est la leçon du jour ? »

C'était leur phrase rituelle. Chaque séance commençait ainsi. Elena s'entraînait avec lui depuis qu'elle était allée le dénicher dans la taverne cydienne, « Le Pont Divin » où elle dansait tous les soirs. Cela faisait trois mois maintenant et elle n'avait pas réellement l'impression de progresser. Les étirements qu'il lui conseillait avaient certes façonner son corps d'une nouvelle manière, elle avait gagné en souplesse et en force, c'était indéniable. Cependant dès qu'il lui mettait son précieux poignard entre les mains, elle se sentait aussi gauche qu'un adolescent avec un rasoir. Que ce soir au corps à corps ou en arme de jet, elle n'avait pas l'impression d'avancer sur la voie du maniement du poignard.

Elena en était même venue à se demander si Ardeth était réellement compétent et si elle n'avait pas fait une erreur en lui proposant de venir vivre ici. C'était un amant précieux, elle n'avait rien à redire de ce côté là. Mais c'était pour lui apprendre l'art de la manipulation du poignard qu'elle l'avait engagé, pas celle du sexe. Bien qu'il se révélât être un très bon professeur dans ce second domaine...

Elle chassa de son esprit toute pensée qui aurait pu nuire à sa concentration. L'entraînement commençait.

Ardeth attendait. Il attendait, là, au milieu de la cour intérieure du manoir. Comme toujours, elle était en retard. Et comme toujours, il l'attendait. Et à mesure que les minutes passaient, des minutes si longues qu'il sentait ses cheveux blanchir, il s'impatientait. Il se demandait ce qu'Elena pouvait encore bien faire pour être en retard, et ce qu'il faisait encore là à l'attendre. Une impertinente capricieuse, voilà ce qu'elle était.

Il pesta seul, faute de n'avoir une victime contre qui s'énerver. Mais qu'est-ce qu'il faisait encore là, à tenter d'enseigne l'art subtil du poignard à une jeune incivile incapable de respecter un horaire pourtant simple? Et vous verrez qu'avec ça, elle ne prendra même pas la peine de lui donner une excuse pour ce retard. Elle se présentera à lui, comme à son habitude, avec son joli sourire et ses airs de sauvageonne, et elle lui demanderait ce qu'il a prévu comme leçon comme si tout était normal. Mais que croyait-elle? Qu'il n'avait que cela à faire, attendre qu'elle daigne enfin venir pour prendre le cours pour lequel il était payé? Non, c'en était assez. Si elle n'était pas capable de respecter un horaire, il ne lui apprendrait plus rien.

Le bruit de la porte prévint de l'entrée d'Elena, et Ardeth se retourna, prêt à lui expliquer le fond de sa pensée. Le faire attendre aussi longtemps, non mais quel toupet! Cependant, à la seconde même où il la vit, sa colère s'éteignit. C'était toujours ainsi, à chaque cours. Il l'attendait, s'impatientait, se jurait de la laisser tomber, puis en la voyant il oubliait tout. Elle était si belle, si envoutante, et elle savait se mettre en valeur. Il en était tombé amoureux malgré lui, et c'était bien là le problème. Elle pouvait faire de lui ce qu'elle voulait.

"Désolée mon Maître, j'ai été retardée." Dit la belle insolente.
Il ne dit rien, subitement emporté par une pensée inopportune qu'il s'évertua à chasser. Et comme s'il n'était pas encore assez troublé, la belle exotique releva se chevelure d'ébène pour la ramener en arrière et l'attacher, relevant ainsi son visage ravissant. Le pouls d'Ardeth s'accéléra, et il eut du mal à se recentrer sur la raison de sa présence, mais il parvint à faire abstention de son désir. Du moins, pour l'instant.

"Bon alors, quelle est la leçon du jour ? " Lança-t-elle, comme pour lancer le début de l'entrainement.
Ardeth réfléchit un instant, tout en l'examinant du regard. Les exercices qu'ils lui avaient fait faire jusque-là avaient pour but de façonner son corps, de lui donner la force, l'agilité et la souplesse nécessaire à l'art qu'il lui apprenait. Il avait eu la chance et le plaisir de suivre cet évolution au cours des semaines, d'observer en détail les changements sur le corps de la jeune femme, et il savait qu'elle était prête. Prête à passer au stade suivant, à savoir apprendre réellement le maniement du poignard.

Elle était prête, et il le regrettait presque. Parce qu'il savait qu'à présent il ne lui restait plus beaucoup de temps, qu'il n'aurait bientôt plus rien à lui apprendre sur cet art, et il redoutait ce moment. Le moment où il aurait fini la tâche pour laquelle elle l'avait engagé, le moment où les cours seraient terminés, le moment où elle n'aurait plus besoin de lui. L'inviterait-elle alors à rester, non pas comme maître mais en tant qu'amant? Il l'espérait, il en rêvait, mais il savait au fond de lui qu'elle était trop libre pour s'attacher.
Alors il faisait durer l'entrainement, il prenait plus de temps qu'il n'en prendrait pour n'importe qui d'autre, mais il ne pouvait pas retarder l'échéance éternellement. Elle finirait par s'en douter, par s'en lasser, et par le renvoyer. C'est pourquoi ce jour-là Ardeth fit ce qu'il aurait pu faire depuis déjà quelques jours, il commença le véritable entrainement.

"Aujourd'hui, nous apprendrons la défense. Nous commencerons quand tu te seras échauffée."
Outre le fait d'éviter les claquages, crampes et autres blessures stupides, l'échauffement était pour Ardeth un moyen de se concentrer et d'occulter – en partie - ses sentiments pour son élève. Ceux-ci en effet avaient le désagrément de le troubler et le rendaient contre-productif.
Les échauffements effectués, Ardeth montra à son "élève" quelques mouvements qu'il la fit répéter encore et encore, corrigeant systématiquement la position de la danseuse. S'il n'était pas aussi dur qu'il l'aurait voulu, il parvenait au moins à garder son sérieux.