Ahina était fatiguée. Cela faisait plusieurs nuits d'affilée qu'elle travaillait sur ce livre de recettes, et le commanditaire était déjà venu la harceler à deux reprises. Ce n'était quand même pas de sa faute si elle travaillait en journée en plus de devoir réaliser ces commandes! Elle avait mal au dos également, à force de s'endormir recroquevillée dans son fauteuil qu'il allait falloir faire retapisser sous peu, à moitié affalée sur le bureau et le livre qui était à l'origine de tous ses malheurs du jour.
Avec un grand bâillement peu élégant, elle s'étira en grimaçant avant de se frotter la base du nez (variation douloureuse de son tic de réflexion) et de se lever. De toute évidence, elle était allée trop vite car elle s'écroula sous son propre poids, la tête dans les étoiles, des fourmis dans les jambes. Avec un grognement, elle se hissa en s'appuyant sur une étagère, se renversant dans le même mouvement une bouteille d'encre ouverte sur la tête. *Manifestement, les Dieux ont décidé que ce serait une mauvaise journée pour moi...* Vérifiant du coin l’œil que tous les rideaux étaient fermés, elle ôta sa tunique pour essayer de s'essorer les cheveux, avant de considérer le tissu en fronçant le nez. *Depuis combien de temps je la porte, celle-ci?*

Avec un nouveau soupir, elle se dirigea d'un pas lourd vers sa chambre, attachant ses cheveux en chignon serré avant d'empoigner une nouvelle tunique presque neuve d'une teinte sable douce. Elle la retourna entre ses mains avant de la reposer et d'en prendre une usée d'un gris passé. Empaquetant ses affaires, elle décida de se rendre aux bains publiques, et peut-être même de manger dehors.
En enfilant ses chaussures, en équilibre sur un pied, elle promena son regard sur la pièce, avant de chuter lourdement sur une bassine en cuivre. Une forte odeur de cardamone s'insinua dans ses narines, et elle se dit qu'elle en profiterait pour passer chez Lunielle lui apporter un peu de thé.
Elle avait eu ses doutes sur cette femme, mais dès lors qu'un sourire fendait sa carapace, elle était d'une compagnie extrêmement agréable. Et elle s'y connaissait, ce qui était loin d'être négligeable. Peut-être même qu'elles pourraient rediscuter de ce partenariat... D'autant qu'elle était curieuse de savoir ce qu'une forgeronne elfique pouvait bien faire à Cydonia...

Se traînant jusqu'à la porte de la boutique (elle avait bien fait de prendre la grise, la poussière ne se verrait pas dessus), elle se leva, franchit la porte en laissant les clochettes faire leur effet avant de la refermer avec soin et de se retourner vers la rue. Là le soleil, déjà haut dans le ciel, frappa ses yeux fatigués de toute la blancheur de ses rayons, faisant ressortir les cernes violettes qui soulignaient ses prunelles céruléennes. Baissant la tête avec une grimace, Ahina marcha d'un pas aussi vif que possible jusqu'aux bains, où elle s'endormit presque, bercée par la douce chaleur humide du sauna, et par la sensation inimitable de la transpiration roulant sur sa peau dorée.
Maintenant propre mais toujours fatiguée, elle fit malgré tout un crochet par la rue dans laquelle Lunielle lui avait dit avoir installé sa forge. Arrivée à proximité, elle eut la surprise de voir la femme debout, les mains sur les hanches, admirant visiblement son enseigne. D'un regard expert, la Cydienne remarqua la réfection récente du local et en déduisit que celle-ci devait être neuve... Ou l'Elfe amoureuse de l'artiste qui l'avait réalisée... Elle secoua la tête devant l'improbabilité de cette hypothèse avant de s'approcher à pas d'ours (très loin du pas de loup en termes de discrétion, légèreté et élégance), ce qui ne sembla malgré tout pas gêner la femme. De même que le raclement de gorge. Prenant son souffle avec un sourire, Ahina prit exactement la même position que celle de Lunielle, mais dans son dos, avant de s'exclamer d'une voix forte et rendue rauque par la fatigue:

"Magnifique enseigne, très chère! Un peu... martiale, peut-être..." Elle fit une pause, le temps de laisser la forgeronne se remettre de sa surprise, avant de sortir une petite boîte de son sac (et de renverser le reste de ce qui y était, soit un tissu moelleux et absorbant, sa tunique sale, un peigne en jaspe poli et gravé, sa bourse, un encrier de voyage (heureusement plus résistant) et une petite boule d'ambre). Lançant un regard désabusé au fatras ayant chu sur le sol, se disant qu'il ne tomberait pas plus bas, elle reprit avec un demi-sourire:

"Je vous ai apporté du thé, comme prévu..."

Lorsque Lunielle lui signala qu'elle avait de toute évidence apporté autre chose que le thé, Ahina ne put s'empêcher de rire doucement. Effectivement, elle avait apporté de nombreuses choses, de façon complètement inattendue. D'un petit geste en direction de son nez, elle enregistra l'information que l'Elfe semblait avoir des céphalées un peu trop fréquentes pour être normales. Peut-être avait-elle un problème... C'était inquiétant, elle l'appréciait quand même.
Elle réfléchissait aux médecins qu'elle connaissait pour éventuellement les présenter à la femme lorsqu'elle se sentit entraînée par le bras dans la forge, et installée de force dans un fauteuil. Elle ne résista pas, mais même si elle l'avait voulu, elle n'aurait pu faire grand-chose. Comme le voulait la rumeur, les forgerons étaient plutôt forts et musclés, qu'ils en aient l'air ou pas, et le muscle le plus efficace d'Ahina n'était ni dans ses bras ni dans ses jambes. Lorsqu'elle vit arriver le plateau de petits gâteaux, elle ne put empêcher son estomac de se manifester bruyamment. Avec un soulèvement de sourcil et un petit sourire gêné, elle lui tendit la boîte. Elle inspira en même temps les riches effluves qui s'échappaient des pichets et ajouta d'une voix curieuse:

"Chocolat, s'il-vous-plaît..."

Cette boisson l'avait toujours intriguée. Res détestait ça (il disait que ça gâtait les dents), et quand il était parti, cela lui était sorti de l'esprit. En regardant le cruchon (elle sourit d'ailleurs en pensant à sa mule, baptisée de la même façon) elle se perdit dans le tourbillon de l'exacte couleur de ses cheveux, se laissant aspirer plus loin, toujours plus loin, et ne releva la tête vivement, comme prise sur le vif, que vers la fin de la phrase prononcée par Lunielle. Se pinçant l'arête du nez, elle essaya de se souvenir du début de ladite phrase. Quelque chose par rapport au fait de l'avoir traînée ici. Avec un petit rire doux, elle lui répondit doucement:

"Aucun problème, Lunielle. Je venais vous voir de toute façon, et je pense que fuir la boutique pour la journée ne sera pas un mal... Un petit sourire un peu sadique étira ses lèvres, faisant pétiller ses yeux de malice. Je suis sur un projet commandité par quelqu'un d'assez insistant... Et je me nourris régulièrement bien sûr... Euh... Il n'y a pas si longtemps... Hum... Il y a trois jours?

Elle leva ses grands yeux innocents, la bouche tordue dans une grimace contrite, avant de laisser son regard errer dans la forge. Elle sentait le métal en fusion, le métal froid, la graisse et le charbon. Tout y était net et bien rangé, parfaitement organisé, ce qui mettait Ahina presque mal à l'aise. Cependant, cela correspondait vraiment à sa propriétaire, et même ses yeux gris perle répondaient à merveille aux armes accrochées au mur. Doucement, elle reporta son regard sur l'Elfe, un peu attristée par son attitude maternelle qu'elle rencontrait véritablement pour la première fois. Après tout, elle n'avait jamais vraiment eu d'amies...

Lunielle entendit le ventre d’Ahina gronder sourdement et lorsque celle-ci lui indiqua qu’elle n’avait pas mangé depuis près de trois jours, Lunielle faillit s’étouffer. En tant qu’elfe son métabolisme marchait très rapidement et elle se nourrissait environ toutes les trois heures pour éviter la fringale et de rester trop longtemps à manger. Tout en versant la tasse de chocolat pour Ahina, elle fronça les sourcils, ce qui lui donnait un air colérique. En réalité, elle était inquiète. C’était bien la première fois qu’elle ressentait le besoin de s’occuper de quelqu’un comme s’il s’agissait d’une de ses parents proches et elle espérait que cela ne la dérangeait pas, il allait falloir qu’elle lui pose la question.

« il faut que tu pense à manger, tu es bien trop fine pour sauter des repas. Si tu veux, je peux faire en sorte de t’apporter à manger si jamais tu n’as pas le temps genre le midi ou alors le soir, ou les deux. J’aime bien cuisiner, ma mère d’adoption m’a appris plein de petite recette facile, rapide et succulente et j’adore mettre en place les plats en me disant que je pourrais faire chef de cuisine. »

Elle sourit à cette pensée. Depuis qu’elle connaissait la jeune femme, elle avait découvert qu’elle pouvait parler aux gens sans être trop formel ou alors en mettant un peu plus d’intonation dans la voix, ce qui montrait qu’on n’était pas insensible et qu’on se préoccupait de l’autre en face de nous. Lunielle avait encore un peu de mal, cependant lorsqu’Ahina était dans les parages, cela semblait beaucoup plus facile pour elle d’exprimer ses sentiments. Elle aimait bien la jeune femme et ne voulait pas qu’il lui arrive quelque chose.

« Au fait, je voulais te dire… hum… je sais pas trop comment te dire. Elle sourit un instant, puis ce sourire passa en une expression contrite, elle ne savait pas comment s’exprimer. Enfin bref, je vais faire simple. Je sais que je suis un peu bizarre et que j’essaye de prendre trop soin de toi, mais bon c’est la première fois que j’ai une amie et comme je t’aime vraiment bien, bah j’ai pas envie qu’il t’arrive un truc, mais si ça t’énerve ou que ça te gêne n’hésite pas à le dire hein j’essaierais de m’améliorer. »

Elle ne savait pas trop comment s’exprimer sur ce qu’elle ressentait en réalité, elle ne savais même pas présenter ce qu’elle ressentait. C’était très fraternel, comme quand elle était avec son père. Sans pour autant être attirer par elle, elle l’aimait bien et voulait prendre soin d’elle. C’était peut être cela qu’on appelait amitié non ? Elle se posait des questions puis, ne sachant comment l’introduire, elle demanda du tac o tac.

« Je ne sais pas trop ce que c’est une amie, mais est-on amie ? »

Elle n’était vraiment pas doué niveau sentiment, elle avait encore dit cela d’une voix platonique et monotone. Sans trop de chaleur. Elle se demandait bien si ça s’apprenait quelque part, parce que si c’était le cas, elle devrait vite aller prendre des cours. Elle regarda Ahina, attendant une réponse.


Modération Zihark : Deux petites erreurs dans ton post : attention, les elfes n'ont pas un métabolisme plus rapide que les autres mais tu peux signifier qu'il s'agit d'un trait spécifique à ton personnage. Ensuite, si tu es si douée dans la cuisine, il faudrait que tu prennes la compétence appropriée. Comme je n'ai pas vu ces erreurs suffisamment tôt, je ne te demande pas de modifier ton post, mais fais attention pour la suite.

Ahina écouta Lunielle s'inquiéter de ce qui pourrait arriver et ce qu'elles devraient emporter, souhaitant de toute évidence rester plutôt proche des villes. Cela la fit sourire. Elle avait tellement l'habitude de voyager avec ou sans Guide qu'elle se faisait presque un jeu de savoir réagir dans un grand nombre de circonstances. Et voyager toujours plus loin, repoussant les limites, était ce qui rendait un voyage palpitant, autant que la découverte. Car elle n'était pas fixée exclusivement sur les antiquités pré-Chute, mais également sur ce qui avait fait la vie de leurs ancêtres, juste après la Chute ou même en 151. Elle ne cherchait pas forcément d'artefact ou même des choses de prix, mais juste à enrichir sa collection, et si les villes étaient un point de ralliement pratique, ce n'était pas là qu'elle avait fait ses plus grandes découvertes.

Cependant, il serait probablement plus intéressant pour Lunielle de rester centrées sur une ville. C'était là que les meilleurs forgerons se rassemblaient, après tout. D'ailleurs, cela lui fit penser à quelque chose... Elle prit donc la parole, tout à coup inspirée:

"Que dirais-tu d'aller à Tamawa? Après tout, leurs forgerons sont reconnus pour leur maîtrise et la création des armes runiques, et leur technique pourrait bien t'intéresser. De la même façon, il reste de nombreuses zones inexplorées dans le désert. Si c'est nécessaire, nous prendrons un Guide sur place, ou nous nous ferons accompagner par un Templier de l'Aube, si nous arrivons à les convaincre. Quant à ce qu'il faut emporter, ne t'en inquiète pas trop, nous resterons à proximité des villes, et tout ce qu'il te faut c'est quelques Talents, de quoi dormir à la belle étoile et te nourrir sur le chemin, des vêtements de rechange et quelques-unes de tes plus belles pièces grâce auxquelles tu pourras te vanter une fois arrivée sur place.
Et si le Guide nous conseille de prendre d'autres choses pour un séjour dans le désert, nous l'achèterons sur place. De même, ne crains pas de t'encombrer un peu, j'ai un animal de bât qui nous accompagnera, notamment si nous découvrons quelque chose sur place."

Avec un sourire, Ahina pensa que sa nouvelle amie se faisait véritablement beaucoup de soucis. Et pas forcément pour grand-chose. Les routes n'étaient pas toujours sures, mais il suffisait souvent d'être prudent, et tout se passait bien. Cela dit, elle espérait vraiment qu'elles trouveraient un Guide si elles souhaitaient passer quelques nuits dans les terres entourant la ville. Satisfaite de tout cela, elle prit galamment congé de Lunielle avant de se retourner sur le pas de la porte et de lancer une dernière information:

"Je nous laisse une petite semaine pour nous préparer à partir, c'est amplement suffisant. Cependant, pense bien à trouver quelqu'un pour surveiller la Forge pendant ton absence, et à te mettre à jour dans ton travail avant de partir, sous peine de trouver des assignations de la Garde à notre retour... Et je parle d'expérience! A dans une semaine, donc!"

Sur ces mots, elle quitta la Forge et retourna Aux Plaisirs d'Antan, terminer cette traduction avant d'être à nouveau convoquée pour contrat non honoré...

[hrp]Désengagée[/hrp]

Lunielle la regarda intensément. Tamawa, oui pourquoi pas. Elle sentait que ce voyage allait être suffisamment amusant pour ne pas rentrer de suite à la forge et en plus elle devait prendre des choses qui lui permettrait de se vanter. Pas de soucis, elle avait quelques épées qui valaient bien le coup d’œil et en plus elle avait forgé quelque autre épée qui était comment dire … particulière. Il fallait qu’elle regarde partout autour d’elle pour voir ce qu’elle allait pouvoir emmener avec elle.

« D’accord pour Tamawa. J’espère qu’on pourra convaincre quelqu’un de nous porter assistance lorsqu’on sera là bas. Se promener dans le désert risque d’être assez drôle. »

Lunielle se leva et commença à ranger les boites, les biscuits et mis dans l’évier les tasses qu’elle avait utilisé. Elle se dirigea vers l’arrière de la boutique et revient avec une épée de grande facture, faite totalement pour le combat ; certes, elle ne savait pas se battre aussi bien qu’un soldat, mais elle avait d’autre talent. Elle regarda ses mains un instant. Oui, déjà celui là lui était très très utile, le reste le serait tout autant. Elle entendit ensuite la réplique d’Ahina.

« Va pour une semaine. Il faut que je finisse certaine chose et ensuite je serais absolument prête pour qu’on commence notre aventure. A la recherche des savoirs et objets perdu. On pourrait presque combiner nos deux échoppes dit donc. »

Elle sourit à Ahina. Celle-ci se leva et prit congé et Lunielle se demanda bien comment tout ce voyage allait se passer. Pas qu’elle soit anxieuse, elle ne connaissait d’ailleurs pas ce sentiments, mais elle était décidé à voir autre chose, à apprendre d’autre chose aussi. Elle aimait tellement apprendre qu’elle était déjà pratiquement prête pour partir, elle avait juste quelque trucs à régler avant. Elle se remit au boulot, laissant la lame qu’elle avait porter jusque là dans un endroit ou personne ne pourrait venir la chercher.

[HRPG]Désengagé[/HRPG]