Le poste de garde était à peu de chose près vide, quelques personnes étaient bien présentes mais à part elles, l'endroit désert. C'était compréhensible étant donné l'heure qu'il était. La nuit avait jeté son manteau d'ombre sur la ville et mis à part les Sentinelles encore de service, toutes les autres guerrières Amazones étaient rentrées retrouver leur foyer et leur famille. Cette quasi-absence de gens n'avait pas choqué la Louve lorsqu'elle avait poussé la porte du bâtiment pour y entrer, elle savait bien qu'elle n'y trouverait pas grand monde. Peu lui importait en réalité, elle n'était ici que pour s'acquitter de son devoir de soldate, rien d'autre.
Assise et jambes croisées, Méléane attendait avec patience que la patrouille extérieure dont elle devait prendre la relève rentre de sa ronde nocturne. Changeant de position assez souvent sur cette chaise trop peu confortable, elle passait le temps en discutant de choses et d'autres avec deux Sentinelles qui elles aussi attendaient de débuter leur ronde.

« Tu es seule ? » finit par demander l'une des deux.

« Non, j'attends juste celle qui doit m'accompagner »

Une certaine Noalia si elle avait lu correctement. La lancière ignorait de qui il s'agissait, une jeunette sans doute. Elle connaissait toutes les grandes femmes de la Cité Forestière et pour ne pas pouvoir mettre un visage sur ce nom, Méléane se disait que la Noalia en question devait être une simple Sentinelle comme il y en avait des dizaines d'autres. Enfin, elle saurait qui était la jeune femme d'ici quelques minutes, quand elle arriverait.

« Pfff... j'ai vraiment pas envie de patrouiller en ville. Entre nous, marcher en ville la nuit, ça me fait un peu peur »

La Cydienne se dérida un peu et ses lèvres s'étirèrent en un sourire discret avant qu'elle ne réponde :

« On échange de place quand tu veux. J'irais patrouiller en ville bien tranquillement pendant que tu iras dehors, dans les sous-bois. »

« Vu comme ça... sans façon ! » répliqua-t-elle avant de rire.

« Et puis, ce n'est pas comme si tu risquais grand chose en ville : avec le couvre-feu, les Soumis sont cloîtrés chez eux. Tu n'as pas à t'inquiéter autant »

Qu'elle reste vigilante tout de même, un homme sorti de chez lui ne serait qu'une ombre parmi les autres dans une ruelle. Les dieux savait à quel point il valait mieux faire preuve d'un minimum de prudence lorsque l'on effectuait un ronde dans leur quartier. Ni vu ni connu, la nuit était le meilleur abri pour qui était animé par de mauvaises intentions. L'Amazone était certes un peu trop méfiante mais après toutes ces années, on ne la changerait plus. Sa vie avait été trop chamboulée par des hommes, à tel point qu'elle ne pouvait tout simplement plus leur faire confiance. Elle savait par avance qu'elle serait trahie.
Trop souvent blessée, tout homme était à présent un ennemi et elle tentait à sa façon de s'en protéger : en ne leur montrant qu'une femme inflexible et droite, toujours prompte à les corriger au moindre écart de comportement. Maintenant, peu de Soumis osaient poser un regard un peu trop avide sur elle ou la contredire, et cela, elle n'allait pas s'en plaindre.
Elle n'était plus la jeune femme inquiète qu'elle était en arrivant à Muria. Si les hommes de la Cité lui avaient fait un peu peur au début avec leur condition particulière et tout ce qu'elle venait de vivre à l'époque, elle s'y était faite et en était sortie plus grandie que jamais, même si elle demeurait excessivement méfiante avant eux... mais après tout, ce n'est pas réellement un problème, si ?

Quelques minutes passèrent et les deux Sentinelles durent partir quand celles de ronde rentrèrent au poste, laissant Méléane seule à attendre que son service à proprement parler commence. Son tour n'allait pas tarder, il manquait juste Noalia et le retour des patrouilleuses actuelles pour qu'elles puissent commencer.

[J'ai jamais trop d'idées pour engager >.<]

En retard!
Le crépuscule était tombé rapidement, trop rapidement au goût de la nouvelle Sentinelle. Cette première mission, bien qu'il s'agissait d'une simple patrouille "de routine" dans la forêt, avait provoqué chez Noalia un sentiment qu'elle ne connaissait guère jusqu'à présent: le stress. Elle avait passé une bonne partie de l'après-midi à vérifier le moindre détail de son armure, s'était entraînée à l'arc pour tenter d'évacuer cette inhabituelle pression, mais rien n'y fît, la boule qu'elle ressentait au ventre persistait et lui nouait les tripes. Elle avait alors jeté son dévolu sur son épée, et le temps était passé plus vite alors. Bien trop vite, en réalité.

Noalia se trouvait maintenant en train de courir dans les ruelles en direction du poste de garde où la Vice-Capitaine des Louves l'attendait probablement déjà. Elle pesta intérieurement, se maudissant de ne pas s'être rendu compte à quelle vitesse le temps était passé et, aussi, espéra ne pas s'attirer les foudres de son aînée.
Quand bien même beaucoup d'Amazones ne tarissaient pas d'éloges à propos d'elle, Méléane restait une femme sévère lorsqu'il s'agissait du milieu "professionnel". Noalia s'estima tout de même chanceuse d'effectuer son "baptême du feu" sous ses directives car, au delà du fait d'être une combattante aguerrie, Méléane n'en restait pas moins une des meilleures instructrices de jeunes Amazones telle qu'elle.
Le poste de garde fut enfin en vue, et Noalia put distinguer deux silhouettes en sortir avant de disparaître dans une ruelle opposée. La jeune amazone pressa le pas, ne remarquant pas que les lanières d'une de ses bottes commençait à se défaire.
Plusieurs enjambées plus tard, elle se tenait devant la porte toujours ouverte, les torches de la pièce éclairant quelque peu la rue. Noalia risqua un pas à l'intérieur, s'attendant aussitôt à des réprimandes de la part de sa supérieur, mais rien ne vint. Au lieu de quoi, la Louve se tenait immobile, tant et si bien qu'on aurait pu croire qu'elle était en état de méditation, les yeux clos, jambes croisées. La jeune Sentinelle poussa un soupir de soulagement aussi discret qu'elle le put avant de s'avancer vers elle:

« Désolée de mon retard, fit-elle en s'inclinant. Je n'ai aucune excuse. »

Ne sachant qu'ajouter d'autre, et puisqu'aucune réponse ne venait, elle sentit le feu lui monter aux joues, mais parvint néanmoins à se maîtriser pour ne rien laisser paraître. Ce moment de silence lui paru durer une éternité, et elle fut soulagée de voir rentrer la patrouille que les deux Amazones se devaient de relever. Les deux duos échangèrent les saluts militaires de rigueur, et Noalia ne put s'empêcher de se demander pourquoi Kiera l'avait-elle assignée à cette mission avec Méléane.

"Sûrement pour perfectionner mon entraînement", se dit-elle alors pour ne pas poser la question à son aînée.

Cette question se serait de toutes façons révélée hors-propos; les directives de la Chef des Sentinelles ne devaient pas être discutées. Noalia était partie pour sa première mission, et la mener à bien était la seule chose qui importait pour le moment.

[Bon voilà c'est pas énorme énorme mais faute de temps - et aussi pour pas que tu m'attendes de trop ^^ - j'ai pondu cela]

Le vent frais s'engouffra dans le bâtiment lorsque la porte s'ouvrit, poussée par une jeune femme dont l'identité était un mystère pour la Louve. C'est vrai qu'à part le nom de sa partenaire, elle n'avait aucune idée de qui était la personne avec qui elle patrouillerait une partie de cette nuit mais elle ne s'en faisait pas beaucoup à propos de comment elle allait la trouver : le poste de Chargée des Soumis lui conférait une place relativement importante dans la Cité et de ce fait, nombre d'Amazones la connaissaient et pouvaient la reconnaître alors qu'elle n'était pas capable de faire la même chose en sens inverse. D'accord, elle était loin d'avoir une mauvaise mémoire mais il ne fallait pas exagérer non plus, elle ne pouvait pas connaître toutes les femmes de Muria.

La jeune femme prit la parole pour s'excuser d'un apparent retard. Si elle agissait ainsi, il n'y avait aucun doute à ce que la demoiselle soit la Noalia que la lancière attendait, sinon elle ne se comporterait pas de la sorte. Qu'elle se rassure, elle était à l'heure bien que la Vice-Capitaine aurait préféré la voir arriver quelques minutes plus tôt. Méléane lui adressa un bref signe de tête en guise de salutations mais elle demeura muette comme tombe. À la place, elle inspecta de haut en bas la nouvelle venue qui allait lui servir de partenaire durant les prochaines heures.
De tout évidence Cydienne à en juger par la couleur de sa peau, claire, et de sa crinière, brune quant à elle, Noalia était également assez jeune, elle n'avait pas l'air d'avoir atteint la vingtaine. Une Sentinelle fraîchement formée, soupçonna la Louve. D'autre part, elle n'était pas désagréable à regarder, si tant est que cet élément n'était que pour plaire aux yeux de la Chargée des Soumis.

« C'est bon » répondit-elle enfin, « tu n'es pas en retard »

La seconde d'après, la porte d'entrée s'ouvrit à nouveau pour laisser deux autres Sentinelles entrer, comme si elles avaient calculé leur arrivée en fonction des paroles de Méléane. Noalia n'était donc à l'heure que de quelques secondes, aurait-elle pris la peine de traîner trente secondes de plus qu'elle serait arrivée après les femmes de patrouille dont elle et Méléane devaient prendre la relève.
Elles se saluèrent toutes comme le voulaient en principe les convenances, la lancière se contentant d'un petit hochement de tête – les manières, ce n'était décidément pas pour elle. Tout ce qu'elles se dirent fut qu'elle n'avaient rien vu de notable hors de l'enceinte de la ville, puis, elles se séparèrent par groupe de deux : celles ayant fini leur service cherchaient à souffler un peu avant de prendre la route de leur domicile tandis que Noalia et son aînée s'apprêtaient à prendre la relève.

« Avec des bottes délacées comme ça, je te donne quinze mètres avant que tu ne t'étales par terre »

Aucune émotions dans ces paroles, ce n'était ni une remarque taquine ni une réprimande, juste une constatation. Avait-on idée de se lancer en forêt en n'étant qu'à moitié prête ? C'était une évidence pourtant de vérifier des choses comme ses bottes ! Enfin, ce n'était peut-être qu'un oubli, aussi Méléane n'allait pas déjà la cataloguer comme étant très tête en l'air.
Elle attendit patiemment que Noalia fixe ses chausses de façon correctes avant de lâcher :

« Viens, on y va »

La Chargée des Soumis saisit sa lance appuyée contre un mur, son sac à dos ainsi que quelques torches et elle sortirent toutes les deux l'instant d'après, happées hors de la lumière sous la cape d'ombre de la nuit. La lune projetait sa pâle lumière dans les rues, les éclairant un peu de sa lueur argentée. S'il ne faisait pas froid, le vent faisait frissonner quand il s'insinuait sous le vêtement, heureusement qu'elles s'étaient chacune habillées en conséquence !
Noalia et elle prirent la direction des portes de la ville afin de se diriger vers la forêt, où elles passeraient une bonne partie de la nuit sous une voûte de feuillage. La lancière ne doutait pas qu'une ronde dehors lui permettrait d'évacuer toute la tension d'une dure journée à s'acquitter de son poste principal et que cela lui ferait le plus grand bien. Il n'était jamais bon de se surmener sans prendre la peine de décompresser un peu, pour peu qu'une patrouille en soit synonymes... toujours est-il que Méléane avait besoin de sortir un peu et ce service de nuit tombait à pic !
Arrivée au porte de Muria, la Vice-Capitaine saisit un des morceaux de bois et l'enflamma dans le brasero autour duquel les trois Sentinelles de garde conversaient. S'il faisait déjà sombre dans les rues et ruelles de la Cité Forestière, ce serait bien pire une fois dans la nature : les arbres filtreraient la lumière et la nuit serait d'encre. Mieux valait avoir une torche pour s'éclairer là-dehors.

« Je devine que tu ne dois pas être Sentinelle depuis longtemps, c'est ta première patrouille ? » demanda la Louve à mesure qu'elles s'enfonçaient dans les bois.

Son jeune âge trahissait son inexpérience tout autant que son stress mal dissimulé. C'était compréhensible, elle-même n'avait pas été la plus assurée des jeune fille lorsque l'heure de sa première mission était arrivée, des années auparavant. Il fallait un début à tout et il était normal de ne pas y aller aussi confiante qu'on le voudrait la première fois.

« Quoiqu'il en soit, tu n'as pas besoin d'être aussi tendue, ce n'est qu'une mission de routine »

C'était une simple patrouille comme il y en avait de nombreuses chaque jour. Il fallait simplement surveiller les alentours de Muria pour être sûre que nul homme ou femme ne s'approche de la ville impunément. La Cité devait rester cachée aux yeux de tous, cela était la garantie de la sécurité des amazones


[Pas de soucis pour l'attente. Tu n'as pas besoin de te presser pour faire tes posts, prends ton temps ^^]

Le vent frais de la nuit s'engouffra dans l'édifice lorsque deux Sentinelles y firent irruption, très certainement celles que Méléane et elle-même devaient remplacer, supposa Noalia. Les deux duos échangèrent de brèves salutations, les nouvelles arrivantes les avertissant de la fraîcheur de la nuit dans la forêt. La jeune amazone entreprit alors de resserrer sa cape pour palier à cela, tandis que la Louve n'avait pas attendu longtemps avant de récupérer tout son équipement, et la toisait alors d'un air neutre:

« Avec des bottes délacées comme ça, je te donne quinze mètres avant que tu ne t'étales par terre. »

Le regard de Noalia passa rapidement de sa jambe à Méléane, qui avait déjà détourné le regard. Fut-ce par mépris ou par désintérêt de la situation, elle n'aurait su le dire, mais la novice ne put réprimer un vif sentiment de honte cependant qu'elle s'abaissait pour lacer - à nouveau - ses bottes. "Je vaux mieux que ça!" songea-t-elle, repoussant le feu qui lui montait aux joues. Cette pensée la conforta un peu plus dans son désir de faire ses preuves; en démontrant aussi qu'elle n'était pas aussi étourdie que son attitude pouvait laisser paraître.

Son erreur réparée, elle emboîta le pas à sa supérieure, chassant tant bien que mal ses pensées négatives. La nuit était belle et bien froide, alors qu'elles se trouvaient encore dans l'enceinte de la cité, et toutes deux s'assurèrent que leurs capes offrent le plus de protection possible. Arc à la main, Noalia laissa Méléane prendre les torches, bien que cette dernière ne lui laissât guère d'autre choix. Le silence entre les deux amazones, qui s'était installé depuis qu'elles avaient quitté la cité, ne faisait qu'accroître le sentiment d'insécurité de Noalia, lui nouant les tripes et la gorge, tandis que son cœur battait à un rythme soutenu, ne facilitant pas sa respiration déjà rendue aléatoire par le stress.
Elle avait beau déjà avoir effectué des missions de surveillance et reconnaissance en forêt durant les années de sa formation, jamais encore elle ne s'était aventurée au cœur de la forêt, en pleine nuit, et en effectif aussi réduit qui plus est. Non pas qu'elle doutait des compétences de la Louve, bien au contraire, seule cette idée parvenait à la réconforter. Telle la torche qu'elle tenait à la main pour déchirer le voile de ténèbres que la nuit faisait flotter sur la forêt, Méléane était la lumière qui guidait la jeune Sentinelle malgré ses doutes et inquiétudes.

Son manque d'assurance et son inexpérience devaient probablement sauter aux yeux de la Louve car, alors qu'elles s'enfonçaient encore dans la forêt, elle lui fit part de cette impression, rapidement suivi par ce que la novice prit pour des mots qui se voulaient rassurants.

« Je ne suis Sentinelle que depuis peu, confirma-t-elle. Mais cela a beau être une mission "de routine", je tiens à la réussir du mieux que possible. »

À sa surprise, parler ainsi lui fit du bien. La tension qu'elle avait accumulé depuis le début d'après-midi s'était alors quelque peu relâchée, lui permettant ainsi de se concentrer plus sur sa tâche. Elle perçut ainsi les mouvements et bruits alentours de la faune qui habitait la forêt, auxquels elle avait été sourde jusqu'alors. Après avoir formulé sa question dans sa tête, elle se décida à s'adresser à Méléane:

« Vous avez participé à la Grande Bataille, n'est-ce pas ? Pourriez-vous me la décrire ? »

Elle désirait en apprendre plus sur cette période pendant laquelle elle s'était tellement sentie à l'écart. En apprendre plus sur le monde, sur l'Histoire, mais pas seulement; inconsciemment, elle aspirait aux combats, car preuve avait été faite à de multiples reprises que d'illustres personnages naissaient de ces périodes de crise. Et elle voulait être de ceux-là.
Après avoir posé sa question cependant, elle ressenti du remord, car elle n'espérait pas avoir éveillé d'éventuelles anciennes cicatrices chez la Vice-Capitaine.

La nuit était particulièrement sombre aujourd'hui, remarque la Louve, comme les ténèbres régnaient en maître dès que l'on s'éloignait de quelques pas de la torche. Le ciel était couvert et les rares fois où la lune parvenait à affirmer sa présence, tout au plus projetait-elle une faible lueur sur le sol, davantage diminuée encore lorsque les deux femmes marchaient sous les branchages. Si les patrouilles de jour ne dérangeaient pas Méléane, il fallait dire qu'elle préférait de loin effectuer ses rondes la nuit, au calme. Elle trouvait cela apaisant de se tenir loin de toute l'agitation diurne, le silence reprenant ses droits à mesure que l'astre du jour déclinait.
Elle n'était pas asociale, non, loin de là. En fait, la demoiselle appréciait même converser avec d'autres femmes, discuter de choses et d'autres comme le ferait n'importe qui, elle était cependant tout sauf un moulin à paroles. Pour elle qui savait aussi profiter du calme, la parole n'était pas indispensable. Elle qui n'était pas vraiment du genre à parler pour ne rien dire, elle n'était pas vraiment du genre à bavarder en continu quand elle n'avait rien de particulier à dire. Oh, cela ne voulait bien sûr pas dire qu'elle ne causait que de travail et de combat, absolument pas, mais plutôt que jamais on ne la verrait telles ces pimbêches que l'on croisait parfois, ragotant et médisant à souhait.

« C'est une bonne façon de penser » répondit-elle, « Mais ce n'est pas la peine d'être tendue comme la corde de ton arc, c'est le meilleur moyen pour faire quelque chose de travers »

Là, c'était l'expérience qui parlait. La lancière avait elle aussi connu le stress de sa première mission, le poids de toutes nouvelles responsabilités sur ses épaules mais cela n'était pas ce qu'il y a de meilleur pour les nerfs... Demeurer tendue et se mettre trop la pression, une bonne manière pour finir par craquer. Il ne fallait toutefois pas croire qu'elle s'acquittait chaque jour de ses fonctions en toute sérénité, elle aussi connaissait le stress et la pression d'un certain devoir à accomplir mais ce n'était pas pour rien qu'une fois ses heures de travail terminées, elle cherchait à se détendre.
Aller voir une amie, prendre un bon bain chaud, boire un verre au Bar Bu, se défouler lors d'un entraînement, ... il existait des dizaines de manières afin de décompresser et cela permettait à la Chargée des Soumis de garder la pêche et moral en toute circonstance, même quand son poste l'obligeait à des tâches ennuyeuses au possible.

Noalia lui posa ensuite une question bien étrange, à savoir si elle pris part à la Grande Guerre, la Dernière Bataille, peu importait le nom que l'on accordait à cette vaste bataille qui s'était tenue aux portes d'Erathia, encore sous la domination d'Azael et de ses serviteurs. Une boucherie sans pareil pour certains, un champ de bataille épique pour d'autres ; Méléane avait une position un peu plus nuancée sur la question.
D'innombrables pertes humaines furent faites ce jour-là – plus encore sur les années durant lesquelles s'était étalé la guerre – mais ce n'était pas des morts vaines : le continent aurait été mis à feu et à sang si les nations ne s'étaient pas unies afin de mettre un terme aux desseins du dieu des morts. Il suffisait de voir comment l'armée de Silmarie avait été annihilée par un seul Cavalier de l'Apocalypse ou simplement de se pencher sur la bataille de Cydonia, qui serait tombée sans l'arrivée salutaire des Sentinelles Amazones et des Templiers.
Mais d'un autre côté, trop de gens avaient perdu la vie. Puisse Diane avoir les âmes des ces femmes de Muria. Après, il y avait aussi nombre de Soumis qui y étaient passés à devant Erathia mais honnêtement, qui s'en souciait ? Ils avaient servi de chair à canon et pour des hommes, c'était un privilège que de servir de bouclier aux Amazones. Tant qu'ils faisaient leur travail, Méléane s'en fichait de les voir mourir ou non.

« Ce n'est pas facile à décrire, je peux difficilement expliquer ce que l'on ressent dans une telle situation à quelqu'un qui n'a jamais vécu cela mais je peux essayer »

Le souvenir de cette journée était encore clair dans la tête de la Louve, comme si elle y avait participé pas plus tard qu'hier. L'air de rien, cela faisait quand même quatre ans depuis qu'Azthia avait retrouvé une paix toute relative. La guerre avait été une période de grands troubles pour chaque hommes et femmes sur ce continent, cette ultime bataille avait ouvert les portes sur un avenir que Méléane espérait plus serein. Si Azael ne causait plus de problèmes, les nations continuaient à chercher à obtenir de pouvoir et tôt ou tard, elle savait que d'autres conflits éclateraient...

« Le jour venait tout juste de se lever, je me souviens avoir peu dormi cette nuit-là, comme la plupart des soldats. Chaque nation avait envoyé autant d'hommes qu'il lui avait été possible de mobiliser à l'exception de Silmarie qui n'avait plus d'armée. Nous, nous avions l'ensemble des Sentinelles et quelques Soumis pour servir de chair à canon. Les Erathiens étaient sûr d'eux, ils nous avaient attendus sans tenter d'attaquer les premiers, comme si la victoire leur était déjà destinée... Faut dire qu'ils avaient un Azael, des Cavaliers de l'Apocalypse et une armée bien plus nombreuse que la notre, ça en a déstabiliser plus d'une dans nos rangs... »

Elle ne se remémorait que trop bien la tension palpable de ce jour-là, les Sentinelles qui désespéraient à la simple vue de l'étendue des rangs ennemis, ce murmure de peur qui soufflait à l'oreille de chaque personne présente. Peu se rendaient au combat sans l'ombre d'un doute dans le cœur, la Chargée des Soumis était de ceux-là. Elle avait pleine confiance en ses talents de soldat et savait que cette bataille était la seule issue à ces conflits, qu'une défaite ici condamnerait tout. Il n'y avait pas de place pour la crainte.

« Puis ça a commencé. Une boucherie, je dois dire, on a vite été submergés et la plupart d'entre nous se sont retrouvés en petits groupes éclatés. On a toutes perdues une amie, une parente, ... »

Jovah, la précédente Capitaine des Louves avait certes perdu la vie lors de la Bataille de Cydonia et non à celle aux portes d'Erathia, il n'empêchait pas que Méléane avait vu bon nombre de Sentinelles issues de son régiment périr face à l'armée d'Azael. Quoiqu'elle en dise, elle avait bien ressenti un pincement au cœur quand elle constata le nombre de lancières qui en avait réchappé, trop peu à son goût.
Après, lors des combats en eux-mêmes, la Vice-Capitaine ne s'encombrait pas l'esprit avec celles qui tombaient sous les coups de l'ennemi. Concentrée, luttant pour sa survie, c'était un fabuleux mélange d'excitation et de tension. Deux sensations extrêmes qui s'opposaient et qui pourtant faisaient en sorte que la Cydienne se sentait vivre plus que jamais. Se battre avec un petit quelque chose de jouissif, c'étaient les conséquences qui attristaient...

« Ne me dis pas qu'on ne te l'avais jamais racontée ? » demanda-t-elle, « Bref, je t'ai dis que ce ne serait pas facile d'expliquer un tel événement, surtout que je ne sais pas ce que tu veux vraiment savoir, mais si tu as d'autres questions, tu peux les poser »

Elle ne savait déjà pas ce qui s'était passé durant la bataille, Méléane avait du coup un gros doute concernant les autres moments essentiels de ces dernières années... Sérieusement, on leur apprenait quoi aux jeunes ?

[Je ne sais pas si je te laisse vraiment matière à répondre... Sinon n'hésite pas, je peux toujours rajouter un paragraphe !]

La louve se doutait bien ne pas avoir beaucoup éclairé la lanterne de Noalia mais il fallait qu'elle sache combien ces explications étaient difficiles à donner. La guerre était un creuset empli de sentiments divers et parfois diamétralement opposés. La haine pour certains, la tristesse pour d'autres mais jamais rien de bien joyeux, sauf durant la bataille elle-même, où quelques-uns prenaient grand plaisir à guerroyer.
La novice précisa un peu sa question, permettant ainsi à son interlocutrice de pouvoir donner une réponse plus concise quant à ce que l'on ressentait durant ces moments où d'innombrables vies se jouaient. Elle nuança toutefois les propos de la brune.

« Je doute que tu puisses te les figurer, ne prétends pas comprendre quand tu n'as pas la moindre idée de ce que c'est » lâcha-t-elle, un peu plus froidement qu'elle ne l'aurait voulu.

Tout juste adulte, que pouvait savoir Noalia à propos de la guerre ? Elle n'avait d'après la Louve jamais quitté Muria et à la voir si stressée par une simple patrouille, l'expérience la plus éprouvante de sa vie n'avait guère dû être plus qu'un entraînement un peu intense. Pouvait-elle seulement imaginer la tension qui se faisait ressentir lorsqu'on se retrouvait face à une horde de revenants en bien plus grand nombre, la douleur de voir des Sœurs manquer à l'appel après la bataille ? Non, elle pouvait essayer, penser pouvoir se le figurer mais ne toucherait pas à la vérité de cette façon. Le seul moyen de connaître ses sentiments était de les vivre soi-même...

« Et pour répondre à ta question, Noalia, bien que ce fut une vraie tuerie, tu n'y penses pas quand tu es dans la mêlée. Tu fais ce qui doit être fait, c'est tout. Inutile de t'encombrer l'esprit avec telle ou telle personne que tu vois tomber, tu n'as pas le temps de t'arrêter pour la pleurer, sauf si tu tiens à mourir »

Ce n'était pas l'entière vérité : Méléane ne jugea pas utile de préciser à quel point elle avait trouvé ce moment exaltant. Cela ne répondait pas à sa question, après tout. Cependant, il était vrai qu'elle avait aimé se battre, sentir la sueur dégouliner sur son front, peser le poids des vies qu'elle arrachait d'un coup précis avec sa lance.
Tuer ne lui avait pas déplut. Si elle ne prenait habituellement pas de vie, elle ne rechignait pas à le faire quand la situation l'exigeait et lors de la bataille d'Erathia, elle avait fait ce qu'elle devait faire. En tant qu'Amazone, en tant que soldate ou tout bêtement en tant que femme libre, elle avait à se battre et elle n'avait pas hésité une seconde le jour où il fallut prendre les armes. Elles avait même apprécié le faire, sentir l'acier de sa lance se frayer un chemin dans les chairs, ...

« Comme je viens de te le dire, il n'y a pas de crainte à avoir quand tu te bats de ta propre volonté. Je savais comment les choses allaient finir si nous n'allions pas nous battre et je ne voulais certainement pas rester à ne rien faire. Il n'y a aucune raison de douter si on se bat par conviction »

Y avait-il une meilleure façon d'expliquer la chose ? Le caractère trempé de la demoiselle avait sans doute joué un rôle dans cette histoire car d'autres Sentinelles s'étaient montrées très tendue malgré qu'elles se battaient pour leurs idéaux... d'autres facteurs étaient à prendre en compte.

S'enfonçant davantage dans les bois, la Louve répondit aux autres questions de sa partenaire de patrouille, sans relâcher son attention pour autant. Les ténèbres abritaient des tas de choses dont il fallait se méfier, une imprudence coûterait cher si elles ne faisaient pas assez attention. La nuit était le terrain privilégié de certain prédateur et même s'ils s'en prenaient rarement aux humains, il n'empêchait que la prudence était de mise.
La Chargée des Soumis progressait en tête, écartant les broussailles jusqu'à pénétrer dans une petite clairière où seuls le clapotis de leurs semelles sur le sol pas encore sec de la dernière pluie venait troubler la vie nocturne de la forêt.

« Attends deux secondes » ordonna-t-elle à la jeune femme avant de déposer son arme contre un tronc d'arbre abattu.

Les mains de la Cydienne se glissèrent jusqu'à sa ceinture, d'où elle décrocha une outre de peau. Le bouchon ôté, elle but à longs traits. Désaltérée, elle tendit le récipient rempli d'eau à sa partenaire, lui demandant silencieusement si elle aussi souhaitait se rafraîchir la gorge. Son bras tendu se crispa aussitôt tandis qu'elle tourna la tête de façon soudaine.

« Tu as entendu ? »

Des branchages craquants trahissaient la présence d'animaux là-bas, plus loin. Une simple bête égarée supposa Méléane, si ce n'est que quelques grognements sourds lui parvenaient ; pas qu'une seule bestiole... L'outre refermée avait déjà été troquée contre sa lance, prête à se défendre.
Tendant la torche devant elle, la silhouette massive d'un loup se dessina dans l'obscurité qu'altérait la lueur des flammes, ses yeux brillants et carnassiers. Ironique pour une lancière appartenant au régiment des Louves, n'est-ce pas ? Elle aurait pu les entendre venir pour peu qu'elle ait prêté un peu plus d'attention aux hurlements de la nuit...

« Tiens toi prête » intima-t-elle à Noalia.

Des loups, voilà qui était surprenant : bien des rumeurs circulaient sur ces animaux, mais il était rare qu'ils s'en prennent aux humains. Combien était-ils ? Trois ou quatre, pas plus – et tant mieux !

Suite au départ de Noalia, le topic est désormais fermé. Merci de votre compréhension.

Désengagées : Noalia, Méléane.