Qui l’eut cru. Alors que Reyan ne cessait de ressentir une certaine amertume face à la monotonie de son existence de prêtre, voilà qu’il se retrouvait nommé champion divin, au nom du Seigneur des Mers. Décidément, entre l’inconnu encapuchonné et Abyss, les rêves du jeune poète ne le laissaient jamais en paix ! Face à une telle responsabilité, le fils d’Amazone ne savait trop comment réagir. Avait-il seulement le choix ? Au fond de lui, il savait bien que non : son Seigneur réclamait son aide, et rien, pas même ses hésitations, ne devait interférer avec Sa demande. Aussi Reyan avait-il décidé de partir immédiatement, non sans être passé par la très désagréable instance d’explications devant les Archiprêtres du temple. Si Reyan avait eu vent d’un grand émoi parmi les autres prêtres, et même parmi les plus jeunes novices, le désormais champion d’Abyss choisit de n’en prendre aucun compte. Lorsque l’avenir du royaume des esprits et celui d’Azthia tout entier étaient en jeu, peu importaient les festivités et autres futilités infantiles.
Ayant prétexté une urgente nécessité de retourner chez lui, Reyan quitta le temple, et traversa les quelques rues du district religieux qui le séparaient de son logis. Certains passants le regardèrent du coin de l’œil, sa tunique de prêtre étant un signe suffisamment ostentatoire pour attirer l’attention. Le jeune écrivain arriva finalement à destination, et claqua la porte derrière lui. On n’entendit rien pendant plusieurs minutes, puis la porte brisa à nouveau le silence, et une silhouette cachée par une épaisse cape de voyage marron sortit discrètement. Quelques tours de clef plus tard, Reyan fila de son habituelle démarche aérienne qui lui donnait l’air de flotter sur le sol plus que de marcher. Sa capuche, stratégiquement rabattue, masquait son regard et ne laissait que deviner son visage, et si par moment les mouvements de sa cape trahissaient sa tenue de civil, tout était fait pour qu’aucun prêtre, novice ou Archiprêtre ne reconnaisse le champion d’Abyss en ce mystérieux voyageur. Le voyage serait long jusqu’à Silmarie, mieux valait ne pas perdre de temps, surtout pour une fête dont il n’aurait su profiter. En ce début d’après-midi, l’Agora serait surement replète de monde, mais le fils d’Amazone savait qu’il n’avait pas le choix : la tâche qu’il allait devoir accomplir requerrait une importante préparation où quelques emplettes étaient plus que nécessaires.
Reyan, théoriquement méconnaissable, traversa Cydonia jusqu’à rejoindre sa place favorite. Était-ce à cause du temps grisâtre, mais l’Agora paraissait plus vide que d’habitude. Voilà qui allait faire l’affaire du jeune prêtre ! Même si d’un autre côté, mieux valait quitter au plus vite les lieux : si jamais l’un de ses collègues prêtres s’apercevait de son départ précipité, Reyan aurait le plus grand mal à commencer son voyage vers la cité des Elfes. Et qui savait quelles surprises était en train de lui préparer son adversaire, le champion de Shéogarath ? La pensée de ce seul nom finit de soucier le jeune prêtre : alors qu’il balayait les différents étals du regard, il se remémora les rares informations que ses Pères étaient parvenu à lui partager. Shéogarath, Dieu oublié des Fous, et ennemi de Zephyr, chef du panthéon cydien dont faisait partie Abyss. Comment affronter un adversaire dont les pouvoirs vous étaient inconnus, se demanda Reyan en déposant quelques talents dans la main d’un marchand. Il tenta de glisser ses achats dans sa besace, mais l’opération était rendue plus difficile par le gros volume que le fils d’Amazone s’obstinait à porter entre ses bras. Tenter de marcher pendant la réalisation de cet exploit sportif se révéla illusoire : tout concentré qu’il était à enfoncer une gourde pleine d’eau et quelques pommes au milieu de ses vêtements, Reyan ne regarda plus devant lui, et finit par rencontrer un obstacle inattendu. Si le jeune Cydien resta campé sur ses deux jambes, il fit en revanche tomber son recueil, et tous les parchemins non reliés qu’il contenait se répandirent sur le sol de l’Agora.
« Oh… Pardon, toutes mes excuses » dit un Reyan quelque peu gêné à l’adresse de celle qu’il venait de bousculer.
Sur les parchemins étaient rédigés divers poèmes magiques que le lanceur de sort avait pris soin de préparer en prévision de son départ. S’agenouillant sur le sol, il entreprit de les réunir un à un le plus hâtivement possible : il risquait fort de se faire remarquer, mais pas question de gâcher ainsi des heures de travail !
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