[DA-flashback] We are toy soldier (pv Saoirse)

Je devais bientôt rentrer à Muria, la cité des neiges ne serait bientôt plus qu'un lointain souvenir, un mauvais souvenir qui se réveillait encore et toujours et qui n'annonçait rien de bon. IL était revenu une énième fois et il était évident que je ne pouvais pas avoir confiance en lui, contrairement à ce qu'il prétendait être. Comme si le pouvoir ne l'intéressait plus. Allez, à d'autres gros blaireau, je suis au courant que tu as voulu tuer ma petite sœur pour t'offrir la vie éternelle. A peu de choses près. Qu'est-ce-qui pouvait me garantir qu'IL ne recommencerait pas ? Son amour pour la petite Prêtresse ? N'était-ce pas par amour justement qu'il avait voulu ôter la vie de ma sœur ? Les cartes étaient les mêmes mais distribuées autrement, ça je voulais bien le lui accorder. Il était évident que jamais la gamine ne lui pardonnerait de lever la main sur sa meilleure amie, sa seule amie d'ailleurs à bien regarder son entourage mais pour autant, est-ce-que c'était censée me rassurer ? C'était mal barré dans ce cas.

J'avais l'impression que plus les jours avançaient, plus les solutions me fuyaient. Jelenna était en danger, mon cœur ne cessait de me hurler cette évidence et je ne comptais pas laisser ce fou voler la vie de ma précieuse princesse une nouvelle fois. J'avais fait la sourde oreille cinq ans auparavant, j'avais mis à feu et à sang le monde entier juste pour elle. J'aurais brûlé Muria pierre par pierre pour peu qu'on me la rende en vie. Cette folie passagère n'avait trouvé de repos que lorsqu'on me l'avait rendue. De tous mes frère et sœurs, Jelenna était celle que j'avais le plus chéri, que je chérirais sans doutes égoïstement plus que les autres jusqu'à la fin de mes jours. Nous avions passé près de huit ans seules sans autres frère et sœurs, notre relation n'en était que plus particulière. Liées par l'Esprit, nous ne pouvions pas vivre l'une sans l'autre. C'était ainsi que je le ressentais. Qu'on ai voulu me l'enlever m'avait plongée dans un monde noir et sans âme monde d'où Feanaro avait voulu me sortir. En vain, il avait donné sa vie pour les notre. Il était hors de question de reproduire les mêmes erreurs. Cependant, j'avais beau me creuser la tête, je me rendais compte que tout ceci était hors de ma portée. C'était évident que je ne pouvais rien faire contre un dieu. Tuer ses cavaliers à la con n'avait pas permis de le tuer lui. Il était revenu, moins puissant mais cela ne saurait tarder qu'il recouvre ses pouvoirs d'antan, mais toujours aussi taré. Qu'il ne veuille que le bien de sa Silmaria, j'en doutais déjà même si ça avait l'air vrai aux yeux de la petite Elfe, mais qu'il promette de ne pas toucher à Ankha, cette Clé qui lui permettrait de retrouver l'ensemble de son pouvoir, alors ça, c'était autre chose. Pourtant, Jel' semblait prête à le croire, elle voulait d'ailleurs en discuter avec notre père – encore un truc que je ne comprenais pas – dès notre retour. Pour cela, elle avait insisté pour passer par Tamawa et y rester quelques jours …

Plus les jours étaient passés dans cette cité du froid, plus je m'étais rendue compte que la situation ne m'appartenait pas. Je n'étais qu'un pion sur un échiquier que je ne pouvais pas contrôler, que je ne devais pas contrôler. Les clés étaient entre les mains d'autres, entre celles d'enfants et de dieux si bien que je ne pouvais que craindre en silence et me préparer au pire. Mon arme, mes pouvoirs, tout cela me serait utile le jour où l'autre taré se rappellerait qui il était et qui il pouvait être. Le pouvoir finirait par le bouffer, amour ou pas. J'étais la mieux placée pour le savoir. N'était-ce pas ma propre folie qui avait volé sa vie au père de ma fille ? N'était-ce pas ma mère qui, pour obtenir le pouvoir, avait poignardé son propre amour ? Je pouvais donner des exemples à la pelle. Je n'étais pas un dieu d'accord, je ne connaissais rien de l'éternité d'accord mais je savais une chose : le pouvoir se rappelle toujours à nous. Toute cette situation me faisait flipper, je me disais que quoi que je fasse, rien ne pourrait m'aider. Pour l'heure, j'étais simplement spectatrice et il allait me falloir m'y faire. Mais si jamais, je serais là. Toujours. Immanquablement, je serais l'épée contre la folie de ce monde, je serais la mort jusqu'à ce que la mienne se décide à me prendre mais personne ne la toucherait tant que je pourrais respirer.

Dans mes pensées, j'avais décidé pour ce dernier jour d'arpenter la ville, me disant que je passerais bien par la petite bourgade de North pour le voir un peu. Cela faisait sans doutes une heure que je errais en ville, sans savoir vraiment pourquoi et sans parvenir à répondre à mes questions. Une heure avant que je ne percute une gamine en pleine rue, mais c'était presque un miracle non ? J'allais tourner dans une des rues ramenant au palais lorsque je la percutais. Prise au dépourvue, je manquais de lui gueuler dessus en lui rappelant que les bonnes manières exigeaient sans doutes de s'excuser avant de me rappeler que j'étais toute aussi fautive et donc, d'éviter de faire un esclandre pour rien. En plus, vu mon niveau d'Astorg, il valait mieux m'abstenir de parler méchamment … Je lui tendais donc la main en lui proposant dans un Astorg approximatif :

« Rien de cassé ? »

C'était le karma ça de se prendre une gamine en pleine face. Encore plus en pleine réflexion ... à croire que je ne trouverais jamais de solutions. A croire que je serais toujours un vulgaire pion sur ce putain d'échiquier que les dieux s'amusaient à tisser entre nous. J'avais en horreur cette situation mais je ne parvenais à rien de toute façon, mieux valait donc que j'arrête de me creuser la tête et que j'attende pas vrai ? Comme un bon soldat attend la prochaine guerre, je devrais attendre qu'IL décide de s'en prendre à elle pour la défendre. Génial, j'avais hâte ...

Ah oui, la petite. Je posais mon regard sur la gamine que j'avais percuté. Rousse, les yeux bleus, elle n'avait rien de extra ordinaire ici, une Astorg en somme. Pour ma part, je commençais à me rappeler que j'étais Cydienne avant d'être Amazone, physiquement parlant bien entendu. Mes longs cheveux noirs étaient rangés soigneusement ou presque sous mon bonnet blanc et je portais simplement un manteau légèrement fourré de couleur sombre. Pas de quoi attirer l’œil.

Il ne faisait pas spécialement froid aujourd'hui, voire même il faisait presque « bon » et la demoiselle appréciait finalement de sortir un peu. Elle était en effet fatiguée par ses leçons du jour et avait besoin de changer d'air. L'histoire de la religion de la cité Astorg était intéressante mais la jeune fille n'en pouvait plus de l'étudier. Les dieux étaient plutôt complexes, liés les uns aux autres et étudier leur apparition sur Azthia et les différents mouvements de croyances, sans parler des guerres et de l'histoire qui tournait autour d'eux avait fatigué l'esprit de la jeune apprentie. Sa mère lui avait demandé de se rendre chez le forgeron pour aller chercher l'épée de son frère aîné qu'il avait du faire réparer après avoir bataillé contre une bestiole ou quelque chose du genre. Aymeric ne s'était pas vanté mais à voir comment sa femme se moquait de lui, l'histoire devait être drôle. Quoi qu'il en soit, Sao était la seule à pouvoir y aller vu que les autres étaient tous occupés à leur tâche. D'habitude, la demoiselle aurait certainement bougonné mais en l'occurrence, elle était ravie de pouvoir sortir et échapper à ses cahiers !

« Bien sur, je mets un manteau et j'y vais ! » répondit-elle à sa mère avec un sourire, délaissant avec plaisir son crayon et son encrier.

Saoirse enfila rapidement son manteau et son écharpe puis sortit de la chambre qu'elle partageait avec son frère aîné, Friedrick, pour chercher ses chaussures. C'était sans compter sur Sanna et Anders, bien décidés à s'allier dans les bêtises. Les deux cousins avaient décidé que les chaussures devaient être cachées et ils avaient pris soin de bien les planquer. Sao dut élever le ton pour que la petite fille se décide enfin à lui dire où étaient ses bottes. Lorsqu'elle les eut récupérer, elle les enfila et prit la bourse tendue par sa mère. Le forgeron était à peine à deux rues de chez elle, il ne lui fallut pas plus de cinq minutes pour s'y rendre mais l'air frais et le seul changement d'atmosphère suffisaient à la ravir ! La commande fut vite expédiée et Sao récupéra l'épée de son frère aîné sans problème, échangeant le métal contre la monnaie. Le mois de salaire de son frère avait sûrement du passer dans la réparation ou pas loin. L'arme était lourde mais l'Astorg n'eut pas trop de mal à la caler dans son dos grâce à l'attache. Elle se sentait un peu bizarre tout de même avec une arme sur elle mais peu importait, elle aurait tôt fait de rentrer chez elle !

Elle allait tourner dans une des rues lorsqu'elle fut percutée par une jeune femme. Sur les fesses et sous le choc, elle se demanda d'abord si l'épée n'avait rien de peur de décevoir son frère mais fut soulagée de voir qu'elle était toujours solidement attachée et bien en place entre ses épaules. La jeune apprentie releva ensuite la tête prête à se faire gronder ou encore, à rabrouer l'idiot qui avait osé la bousculer, quoi que ce n'était pas trop son caractère ça en fait même si elle avait l'habitude de devoir s'imposer avec ses cousins voire ses frères. Une main était tendue devant elle et sans réfléchir, la petite adolescente la saisit pour se relever.

« Je n'ai rien merci » répondit-elle en Astorg, prenant cependant conscience que la jeune femme parlait avec une certaine difficulté.

Sa colère d'avoir été bousculée était toujours présente mais quelque chose d'autre frappa la gamine avant qu'elle ne puisse se laisser aller. De longs cheveux noirs qui dépassaient de son bonnet, un Astorg plutôt approximatif, la jeune femme semblait plutôt Cydienne qu'autre chose mais Saoirse n'osait pas faire la réflexion. Pourtant, elle était curieuse de savoir qui était la jeune femme et ce qu'elle pouvait bien faire dans la cité, parce qu'une chose était sure, elle n'était pas originaire de Storghein ! Parler Cydien était plutôt mal vu et si elle se trompait, l'inconnue pourrait mal le prendre et Sao pourrait avoir des ennuis … elle fouilla donc sa mémoire et préféra entamer la discussion en Elfique. C'était une langue commune dans la cité et elle ne risquait pas de vexer la jeune femme en la parlant.

« Je suis désolée, je ne faisais pas attention, j'espère ne pas vous avoir fait mal ! » commença-t-elle avant de continuer, « Accepteriez-vous que je me fasse pardonner en vous invitant à boire une chocolat chaud ? »

Elle ne savait pas trop pourquoi elle posait la question mais au fond, Sao avait envie de parler un peu, de sortir de ses parchemins avec toutes ces lignes sur les dieux, l'histoire de la cité, des tribus qui vivaient là il y avait de cela fort longtemps. La jeune érudit en avait marre de toutes ces histoires et pour cinq minutes encore, elle avait trop envie de parler et de discuter. Le hasard devait bien faire les choses puisqu'elle avait percuté la jeune femme !

« Ah, je m'appelle Saoirse au fait ! »

Pfff, pourquoi j'étais encore dans cette cité ? En fait, je me demandais pourquoi j'étais si loin de chez moi à longueur de temps. Muria n'était pas ma cité natale certes, j'étais une Cydienne pur sang mais elle était celle qui m'avait protégée toute mon enfance durant et plus encore, qui m'avait vu grandir. Je me sentais tellement seule loin de ses murailles, loin de ses fières guerrières et si ma présence dans la cité nordique était nécessaire pour la survie de ma chère Muria, je ne comprenais pas pourquoi ma mère s'était obstinée à me donner un rôle qui m'éloignait autant de chez nous … sans parler de Jelenna. Nous n'étions presque jamais chez nous. Je ne voyais que rarement ma cité et mes filles ne grandissaient soit pas avec les femmes libres soit loin de moi. Mais Philéa estimait que je devais apprendre la sagesse et la prudence et pour cela, je devais apprendre la politique et l'art de me faire des amis de tous ceux qui m'entouraient. Du moins en apparence. Bref, c'était une horreur sans nom. Et en prime, je me coltinais une gamine que je venais de bousculer pfff. Non, j'étais sévère envers la demoiselle, après tout, elle n'avait rien fait d'autre que se trouver sur mon chemin. Et je venais en prime de la renverser, ce n'était vraiment pas sa faute et je ne devais pas passer mes nerfs sur elle … Après tout, ce n'était pas sa faute si j'étais dans la cité des neiges au lieu de me trouver chez moi. Je la regardais pour vérifier rapidement si elle avait quelque chose de cassé ou autre mais visiblement, elle semblait bien aller. La jeune fille aux longs cheveux de feu prit ma main pour se relever avec un sourire timide et me parla. Il me fallut quelque secondes pour comprendre qu'elle avait dit merci, le reste, je ne l'avais pas compris, mon Astorg était trop approximatif et j'étais de toute façon trop fatiguée pour le comprendre et faire l'effort même d'y penser. Bon allez si, il fallait bien que je fasse l'effort, pas que ça m'intéressait mais quand même. Elle m'avait répondu qu'elle n'avait rien voilà, c'était ça. Bien.

La jeune fille reprit la parole et là, je savais d'instinct qu'elle ne parlait pas Astorg. J'avais beau me concentrer, je ne comprenais pas un traître mot de ce qu'elle racontait. Ce n'était pas non plus du Cydien évidemment, dans cette cité de tarés, mieux valait éviter de montrer qu'on était Cydien, à moins d'avoir une épée ou d'avoir un sauf conduit signé de la reine en personne. J'avais les deux, ça tombait plutôt bien. Ce devait être de l'elfique, en toute logique, même si je ne comprenais rien, Storghein était généralement le bastion des Elfes. En gros, quand les Amazones apprenaient l'Astorg et le Cydien, les nordistes se contentaient en général de l'Astorg tout court voire éventuellement de l'Elfique. Enfin, si mes souvenirs étaient bons en la matière et là, je n'en aurait pas mis ma main au feu. Quoi qu'il en soit, je ne comprenais pas un mot sauf un. « Saoirse », ça sonnait comme un prénom. C'était certainement son prénom. Une fois qu'elle eut terminé son discours, je m'empressais de réfléchir et de répondre en Astorg :

« Saoirse c'est ça ? »

Je n'étais pas sure d'avoir tout compris de son discours, en fait pour ainsi dire j'étais sure de n'avoir rien compris mais une chose était sure, c'était que ce truc était un prénom. Ca sonnait trop nordique pour être de l'Elfique de toute façon. Cherchant mes mots, regrettant que ma petite sœur ne soit pas là pour parler à ma place, je continuais :

« Je n'ai rien compris, je ne sais pas quelle langue tu parles mais je comprends rien. Je pige pas grand chose à l'Astorg mais encore moins à ton charabia. »

Je tentais de reprendre mes esprits et de lui parler de façon plus sympathique. J'étais un peu agacée de ne pas avoir compris ce qu'elle disait et pour le coup, je me forçais à rester calme. Je maudissais soudainement et pour la première fois mon inconstance et la farouche volonté que j'avais eu et persisté à avoir pour ne pas apprendre les langues. Jelenna était bien plus maligne que moi pour le coup … Soupirant d'un air entendu, je reprenais d'un ton plus calme, plus amical mais toujours dans un Astorg laborieux.

« Elle a l'air plutôt belle ton épée, tu me la montres ? »

Je n'étais pas douée pour les relations humaines, comment ça ça se voyait ? Oui je préférais les épées aux gens … et alors ? Non blague à part, je me demandais juste pourquoi une adolescente d'environ quinze ans portait une épée deux fois trop grande pour elle et visiblement trop lourde également et en prime, dans l'enceinte même d'une cité. Dans mes souvenirs, ce genre de choses n'existaient pas, seulement dans les contes. Bref, l'image m'avait titillée si bien que je n'avais pas pu m'empêcher de poser la question.

« Moi c'est Eléa, alors, tu disais quoi déjà ? »

Finalement, cette jeune fille m'intriguait, c'était même plutôt drôle de se retrouver dans cette situation. Je trouvais la tournure des événements plutôt agréable et je me demandais ce que me réservais cette rencontre.

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