Le jeu avait pris fin avec la mort de l'Impératrice.
Enfants, à peine adolescentes, elle les avait envoyées dans ces terres encore quasi-inconnues de leur peuple grâce à l'étrange pouvoir de la fillette, leur promettant un jeu palpitant et pleins de rebondissements avec pour seul règle de ne jamais rentrer à la maison avant qu'elle ne le leur autorise. Bêtement mais peut-être aussi par fierté de « gagner » ce qu'elles pensaient n'être qu'un jeu, les petites héritières du trône Jinmen avaient obéi, délaissant le palais à grand regret mais souhaitant plus que tout faire plaisir à leur mère. Les années étaient passées et bien que sans nouvelle de la Dame, les deux petites demoiselles avaient grandi en Azthia, ne se demandant pas une seule seconde si la règle du jeu pouvait avoir changé. Certes espéraient-elles chaque jour que leur mère leur autorise leur retour mais en attendant, elles étaient bien décidées à réaliser leurs désirs infantiles de ce côté du monde, là où traditions et honneur n'existaient que peu dans l'esprit des gens.

Le temps les avait bien vite rattrapées et leur idylle au sein de la prestigieuse Troupe de saltimbanques allait prendre un tout autre tournant désormais. Il y avait fort à parier que le destin se moquait d'elles ou en tout cas, se jouait volontiers de leur sort car après tout, les chances de tomber sur leur précepteur au beau milieu d'Azthia, dans les plaines arides bordant la Lumineuse, étaient sans doutes aussi minces et improbables que d'y rencontrer un dragon. L'homme était presque mourant lorsqu'elles l'avaient aidé et ce qu'il leur annonça ce jour-là modifia cruellement leur destin. Mère était désormais vers des cieux qui leur étaient interdits et plus encore que de se sentir seules et trahies, les deux demoiselles se sentaient surtout totalement démunies. Le jeu était à présent bel et bien terminé et elles avaient bien vite compris qu'il était temps d'entrer dans la danse, de reprendre ce qu'elles n'avaient que trop longtemps délaissées.
Mère s'était sacrifiée pour leur protection, pour leur permettre prospérité mais surtout pour être sure et certaine que personne n'attenterait à leur vie. Azthia était trop loin, personne n'oserait s'y aventurer pour les traquer mais surtout, personne n'oserait penser qu'elles y étaient cachées. Dans la mort, l'Impératrice avait emporter un bien cruel secret qu'elle n'avait partagé avec personne de son vivant. Le sang de son sang était sauf et Maya était bien décidé non seulement à venger sa mort, mais également à reprendre sa place. Mère était morte pour leur offrir cette opportunité, pour les protéger mais également pour protéger son peuple de l'influence néfaste de celles ou ceux qui voulaient leur place pour le pouvoir. Miki comme elle même ne s'intéressaient pas du tout au pouvoir, elles ne répondraient qu'à leur devoir et leur honneur. En ce sens, elles étaient allées quémander de l'aide auprès de la grande Kriisten et si cette dernière n'avait pas semblé prête à les aider de prime abord, elle avait finalement consenti à le faire en entendant leur triste histoire.

L'alliance en poche, les deux jeunes sœurs avaient quitté à regret Sun Liang qui était reparti vers leurs contrées natales. Si Maya n'en avait que de vagues souvenirs liés aux dernières bribes de son enfance qu'elle avait encore en tête, sa jumelle regrettait amèrement de ne pas pouvoir le suivre. Mais elles avaient une autre mission de leur côté : rassembler les arguments qui permettraient d’asseoir leur position une fois rentrées. Certes Père les accueilleraient-il à bras ouverts, à n'en point douter, cependant, elles ne souhaitaient pas revenir les mains vides et plus encore, elles avaient besoin d'appui pour mettre fin aux agissements de ceux qui se croyaient tout permis, y compris d'assassiner leur propre mère.
De retour dans les roulottes de la Troupe, après avoir disparu quelques jours, ce qui n'était pas pour changer leurs habitudes depuis quatre ans, les deux demoiselles se posèrent de nombreuses questions jusqu'à finalement se décider. Il était peut-être temps d'avouer la vérité, ne serait-ce que pour avoir un allié, et qui de mieux dans cette Troupe pouvait les écouter et peut-être les aider que celle qui les avaient accueillies presque quatre ans auparavant ? Jillian leur avait ouvert les bras alors qu'elles débarquaient à peine sur cette fichue terre d'Azthia aussi les deux pensèrent-elles qu'elle serait la plus à même de les écouter. Elles n'attendaient pas de l'aide, si, quelque part, elles n'étaient encore que des enfants ayant perdu leur mère certes, mais elles voulaient surtout un soutien, quelqu'un qui serait là pour elles, une sœur en quelque sorte. Une alliée si le destin en décidé ainsi.

Miki était derrière elle lorsqu'elle sortit de la roulotte. Il pleuvait dru au dehors mais peu importait, c'était déterminée que Maya traversa les roulottes fermées à cause du temps, sous le regard de quelques saltimbanques curieux qui ne s'étaient pas encore mis à l'abri, sa jumelle sur ses pas. Vêtue d'un haut sans manche couvrant seulement sa poitrine, elle avait quelque peu froid mais ne s'en soucia guère. Son pantalon quelque peu bouffant permettait de la réchauffer suffisamment pour ne pas penser au reste. Avec une dernière seconde d'hésitation, elle frappa à la porte de la roulotte de la Meneuse. Sans même attendre de réponse, elle lança relativement fort pour couvrir le son de la pluie :

« C'est Miki et Maya ! »

[ Miki postera après Jillian ^^ ]

« Si cette pluie de merde s'arrête pas dès demain, je m'en fous, je me barre dans le désert ! Ca suffit maintenant ! Ca fait des jours qu'on se tape ce temps pourri ! Et Siam qui arrête pas de me dire qu'il faut attendre avant de partir. J'en ai ras-le-bol d'attendre moi ! Tu m'entends ?! RAS-LE-BOL ! »

Sam gronda. C'était pas bientôt fini ce raffut ? Elle en avait pas marre celle-là de s'agiter dans tous les sens et de râler en répétant en boucle les mêmes choses ? Qu'elle est chiante ! Chiante comme la pluie !

« Oh toi aussi tu commences à me faire chier ! Je vais te foutre dehors ça va te calmer ! »

Cette fois-ci, Sam cracha. Sil elle ne comprenait pas les propos de Jillian, le ton de la Meneuse était assez agressif pour qu'elle se sente menacée. La saltimbanque ignora la réaction de la tigresse et se laissa tomber dans un des fauteuils près du feu. La colère céda peu à peu la place à la lassitude. Au manque.

Rester là, inactive, la rendait littéralement folle. Il fallait qu'elle agisse, qu'elle voyage, qu'elle soit là où on a besoin d'elle et même là où justement on ne la veut pas. Ce bal à Storghein l'avait divertie certes, mais ces montagnes enneigées l'appelaient et surtout tous les mystères qu'elles avaient jalousement gardé depuis une éternité. Jillian avait soif de connaissance, d'aventure, de rencontres, de partages.

Mais pas que. Mais ça, elle refusait de l'admettre.

Car sa vie avait pris un tournant depuis quelques mois. Et elle n'avait pas encore le recul nécessaire pour admirer le nouveau panorama que lui offrait ce changement. Elle avait seulement connaissance de ce qu'elle avait laissé derrière elle, avant ce virage. De qui elle avait laissé derrière elle.

Les coups frappés à la porte la firent sursauter. Etait-ce donc possible ? Cela se pouvait-il... ?

Alors que son coeur battait la chamade au souvenir de cette froide nuit d'hiver où Elly avait frappé à sa porte pour se volatiser ensuite dans les profondeurs de la nuit, une voix assurée s'éleva derrière le battant. Mettant fin à tous ses espoirs. Encore sous le choc, Jillian se leva avec difficulté, les jambes tremblantes, et alla en personne ouvrir aux jumelles. Un mauvais pressentiment lui nouait le ventre. Maya ne s'exprimait que rarement à voix haute. Peut-être que cela n'avait aucun rapport avec le motif de leur visite. C'est néanmoins les traits tendus et avec une boule dans la gorge qu'elle reçut les jeunes saltimbanques.

« Entrez mes jolies, lança-t-elle sans parvenir à masquer l'inquiétude dans sa voix. Je veux pas être responsable si vous vous chopez une pneumonie ! »

Maya ne portait en effet qu'un haut sans manche et un pantalon ample en toile. La nuisette de soie orange de Jillian ne la couvrait certes pas plus que la Jinmen, mais à l'intérieur de la roulotte, avec le feu de cheminée, l'air était bon.

« Prenez un fauteuil, ajouta-t-elle en désignant le petit salon au coin du feu. Je vais vous filer des couvertures. »

Le lieu aurait pu être accueillant et chaleureux, avec les tentures de soie colorées pendues un peu partout, les bibelots plus insolites les uns que les autres venant des quatre coins d'Azthia, la cheminée crépitante... La roulotte de la Meneuse était longue faute de pouvoir être large, et son lit à baldaquin était invisible depuis le salon, caché derrière un immense paravent en moucharabieh. En revanche, la pile de tissus à moitié cousus (ou décousus, tout dépend du point de vue) qui recouvrait la table de travail de Jillian ne passa pas inaperçue, rendant finalement à l'ensemble un aspect un peu bordélique mais confortable et accueillant. C'était sans compter Sam qui boudait dans un coin et qui grondait à intervalles réguliers pour rappeler qu'elle n'était pas contente. Et Jillian, qui dissimulait mal son appréhension. Après avoir mis une couverture sur les épaules de chacune, finit par lâcher :

« Qu'est-ce qui vous amène les filles ? »

Elle était certainement paranoïaque. Oui, elle s'inquiétait pour rien.

« Hein ?! »

Voilà tout ce que Jillian trouva à répondre face à la révélation de Miki. Oh ce n’est pas parce qu’elle avait du mal à comprendre ce que la Saltimbanque voulait dire, parmi les formules tendancieuses qui rendaient son discours parfois confus et déroutant. Si sa manière de s’exprimer avait d’abord fait rire la Meneuse au moment de leur rencontre, puis avait eu tendance à l’énerver avec le temps, elle finissait par ne plus prêter attention à ce qu’on pourrait appeler défaut d’élocution.

Non, ce n’est pas tant la forme qui déstabilisait Jillian, mais bel et bien le contenu !

« Votre mère… Impératrice Jinmen… Ce qui fait de vous… Les héritières ?! »

Décidément, la Meneuse n’était pas très vive… Ses yeux verts allaient d’une jumelle à l’autre, cherchant dans leur attitude un détail qui aurait pu les trahir. Car ça ne pouvait être qu’une plaisanterie ! Miki et Maya… princesses ? Rien que ça ! Quelle imagination débordante !

« Vous vous foutez de ma gueule ? »

Les sourcils froncés, Jillian s’apprêtait à les envoyer balader, elles et leurs histoires à dormir debout, lorsqu’elle se souvint l’étrange pressentiment qui lui avait noué le ventre en ouvrant la porte à Maya. La tension dans sa voix, et maintenant leur air déterminé. Pas de trace de malice ni même d’hésitation dans leur regard. A y regarder de plus près, la Meneuse se fit soudain la réflexion qu’elles semblaient plus mûres. Qu’elles avaient grandi. Vieilli. C’est souvent l’effet qu’ont les décès sur les jeunes, et même sur les moins jeunes…

« Je… Vous… Laissez-moi une seconde… »

Elle se leva et se dirigea vers un petit bar dans lequel elle gardait quelques bouteilles d’eau de vie. Elle ne faisait pas réellement attention à ce qu’elle faisait et c’est distraitement qu’elle sortit une bouteille au liquide bleuté avant de s’en servir un verre. Concentrée sur cette révélation, elle sentit à peine passer l’alcool, qui lui entama pourtant la gorge. Elle remplit son verre à nouveau avant de revenir près des jumelles. L’air soucieux, Jillian regardait les filles d’un œil nouveau. Ce qu’on aurait pu croire être un début de colère s’était envolé pour laisser place à l’inquiétude et même une certaine forme de compassion.

Elle se mordit la lèvre, avala son deuxième verre et reprit place dans son fauteuil. Plus sérieuse que jamais.

« Vous avez toujours été discrètes sur vos origines, c’est le moins qu’on puisse dire. J’ai toujours respecté ce choix, j’ai rarement insisté pour en savoir plus, mais j’aimerais ne pas avoir à le regretter. Pourquoi me mettre dans la confidence après avoir gardé ce lourd secret pendant des années ? »

En réalité ce n’était pas ça, sa question. La réponse elle s’en doutait, c’était justement l’assassinat de leur mère qui les avait fait réagir. Ce qu’elle voulait savoir, c’était les idées qu’elles avaient derrière la tête…

Voilà quelle fut la première réaction de Jillian Torrez, celle qui avait recueilli les deux sœurs il y a des années, qui les avait vues grandir, et qu’elle appréciait avec beaucoup de tendresse. Pas de « je suis désolée pour votre mère » ou encore de « cette nouvelle a dû vous bouleverser ». Pas de geste d’attention, d’affection. Non, Jillian était tout simplement sous le choc, et son esprit rationnel avait estimé que l’urgence était de connaître leur changement d’attitude.

La Meneuse de la célèbre Troupe, dont elles faisaient pourtant partie depuis leur arrivée sur Azthia, des années auparavant désormais, l'avait toujours impressionnée. Certes elle ne le lui avouerait jamais mais Jillian Torrez avait une aura qui faisait que la plupart des gens, dont Maya faisait partie, la respectaient et allaient même jusqu'à la craindre. La jeune Jinmen avait tendance à ne jamais parler d'ordinaire, plongée dans ses souvenirs, dans ceux qui lui manquaient et qu'elle puisait chez sa jumelle mais aussi dans ceux que la mort de sa mère avaient réveillés. Depuis longtemps enfouis, ceux-là avaient repris vie après la visite de Sun Liang mais plus encore après la terrible nouvelle de la disparition de l'Impératrice. Dame sa mère avait toujours été la plus importante aux yeux de Maya. Si Miki était une part d'elle même, sa mère était le prolongement de leurs âmes et le cœur même de leurs esprits. Sa disparition l'avait choquée, plus encore parce qu'elle l'avait obligée à grandir d'un coup d'un seul. Ce jeu n'en avait jamais été un et de cela, les deux demoiselles en avaient toujours été plus ou moins conscientes mais le sourire et l'assurance de leur mère les avaient convaincues de la fictivité des choses et elles y avaient pris goût sans se poser de questions, sans même se demander quand prendrait fin l'aventure.

Le jeu avait pris fin et le cœur brisé, les deux sœurs s'étaient retrouvées sans leur mère. Avec sa disparition prenait fin quatre ans ou presque de leurs vies et plus encore, l'innocence qu'elles avaient conservé bec et ongle sur les terres d'Azthia. Le rideau était tombé, le spectacle était terminé et désormais, c'était vengeance que les deux jeunes héritières réclamaient. Non la vengeance sénile et pure mais la vengeance saine, celle qui apporterait la paix à la conscience de leur défunte mère et la justice à sa mort trouble. Leur précepteur s'était montré catégorique, elle n'était pas morte seule, quelqu'un s'était employé à la tuer et à faire en sorte de taire ses secrets à jamais. Ce quelqu'un devait certainement avoir une bonne raison et Maya pour sa part n'en voyait qu'une : prendre la place qu'elles avaient laissé en quittant le palais. Pourquoi leur mère aurait-elle voulu les protéger si ce n'était du mal qui l'avait envoyée dans la tombe ? Leur mère les avaient envoyées sur Azthia pour les protéger, les éloigner du danger mais aussi pour leur offrir toutes les possibilités dont elles auraient besoin le jour venu. Le jour où elles devraient monter sur le trône pour diriger leur peuple et le mener à l'opulence et la paix.

Mère ne les avaient pas conduites ici par hasard, elle ne les avait pas envoyé là par plaisir. Ce jeu était celui qui leur offrirait justice et pérennité. Au jeu des trônes, elles se devaient de gagner pour leur mère, pour leur peuple et pour la prospérité du royaume qui était leur. La jeune Kakita n'avait qu'une envie, trouver la faille dans ses souvenirs, trouver celui ou celle qui avait suffisamment d'ambition pour s'en prendre à elles et, par la suite, à l'Impératrice en personne. Visiblement, cette dernière n'avait jamais confié le secret de leur disparition puisque Sun Liang l’ignorait lui même, quelque chose signifiait donc qu'elle n'avait pas confiance en ceux qui l'entouraient, sans doutes parce qu'elle savait que le traître s'y trouvait. Mais plus la demoiselle réfléchissait moins elle ne parvenait à mettre un nom sur l'assassin de sa chère mère. L'apostrophe de Jillian la fit sortir de ses pensées à contrecœur, comme si elle était sur le point de mettre le doigt sur quelque chose et que la Meneuse venait de le faire voler en éclat. Il était visiblement temps pour l'aînée des jumelles de prendre la parole, Miki ayant déblatérer ses horreurs pour changer.

« Nous sommes Miki et Maya Kakita, les princesses disparues du royaume d'Orient, héritières de l'empire Jinmen mais il y a bien longtemps que personne ne nous as appelé par ce titre. »

La demoiselle marqua une pause, consciente que le flot de pensées qui la traversait comme les révélations qu'elles débitaient ne devaient en rien aider à la compréhension générale des choses. Elle laissa le temps à la Meneuse de faire le point et intima le silence à sa jumelle. Miki avait toujours eu tendance à se montrer peu patiente, ne supportant pas que les gens ne comprennent pas tout de suite ce qu'elle voulait dire et réagissent en conséquence mais ici, dans cette roulotte, les règles n'étaient pas les leurs, elles devaient se plier à celles imposées par la Meneuse pour ne pas faire d'impair et s'assurer qu'elle les aideraient.

« Mère nous a envoyé sur Azthia afin de nous protéger, pour cela, elle m'a demandé de peindre un tableau pour traverser la frontière. J'ignorais totalement pourquoi et comment faire mais elle a insisté sur l'importance de ce tableau. Tout cela n'était qu'un jeu selon elle et nous avions envie d'y croire. J'ai dessiné ce tableau et la suite … tu la connais. », Maya marqua une pause, n'ayant pas l'habitude de parler aussi longtemps et de s'exprimer ainsi, « Notre Mère est morte, c'est un fait qui restera inchangé cependant, il ne peut demeurer impuni. Nous devons retrouver le coupable et accomplir ce pourquoi elle s'est sacrifiée. Nous ne pouvons garder le silence car seules, nous sommes démunies. » à nouveau, elle chercha ses mots avant de finalement se décider à tout avouer.

** Maya ! **
** Nous devons dire la vérité, sans quoi … **
** Elle ne nous aidera pas. **

« Nous avons demandé l'aide de la reine du nord, Kriisten Friden, et elle nous a accordé sa protection. Cependant … » elle réfléchit aux termes à employer avant de reprendre, « Cela faisait partie des règles, nous n'avions pas le droit de dévoiler nos origines car Mère l'avait imposé. Tant qu'elle ne nous demandais pas de revenir, nous ne pouvions pas retrouver nos places respectives. Aujourd'hui, Mère est morte en emportant ce lourd secret avec elle et nous ignorons de quoi elle voulait nous protéger. Tu nous a recueilli sans te poser de questions, c'est pour cela que nous venons te voir ce soir, pour quérir ton aide. Pour la justice mais aussi pour comprendre ce qui s'est passé. »

[ Désolée, j'ai du faire ça entre deux révisions ... ]

Maya n'aimait pas parler, pour ainsi dire, elle estimait que la parole était ce qui liait le plus les êtres vivants entre eux et depuis son « accident », elle avait décidait que plus jamais elle ne pourrait se lier à quelqu'un, de peur de l'oublier ensuite le lendemain. Pour se protéger comme pour protéger les autres de son influence qu'elle jugeait en conséquence néfaste, la jeune Jinmen se refusait à parler plus que nécessaire et se contentait d'ordinaire de parler par l'Esprit. Miki était la seule exception à sa règle, sa sœur jumelle partageant de toute façon tout avec elle. Il était vrai que cela contrastait énormément avec son caractère habituel et ceux qui l'avaient connu auparavant devaient certainement s'en étonner mais, à bien y réfléchir et aussi cynique la réflexion fut-elle, soit ces derniers étaient morts, soit ils la croyaient morte … La jeune femme ne fut pas étonnée de sentir l'étonnement perler dans son Esprit lorsqu'elle prit la parole, sans doutes la Meneuse s'attendait-elle à ce qu'elle laisse Miki parler. Cette dernière était leur voix à toutes les deux mais « l'accident » ne l'avait pas épargnée pour autant et ses propos s'en retrouvaient désordonnés et … agaçants ? Quoi qu'il en soit, Maya avait préférer prendre le relais, consciente que ce qui se jouait dans cette tente était trop important pour s'arrêter à des problèmes de locution.

Le cœur de la princesse battait violemment sans pour autant battre plus vite que d'habitude. Elle le sentait, prêt à défoncer sa cage thoracique et à sortir de son être pour voir le grand jour mais la jeune Jinmen tentait de l'oublier. Maintenant qu'elles avaient pris leur décision et que la vérité avait été révélée au grand jour, elles se devaient d'agir et de prendre les bonnes décisions. Il leur fallait en premier lieu rentrer à Hoshizora pour voir leur père mais également pas n'importe comment. En s'alliant avec la reine des glaces, les deux filles avaient espéré ainsi obtenir une alliance forte pour inciter ceux ou celles qui leur voulaient du mal à se taire à jamais. De plus, elles avaient choisi cette alliée par nécessité, pour sa force et sa vivacité d'esprit certes mais aussi parce que Storghein était la première cité au sortir des montagnes et qu'elles espéraient ainsi donner une alliance solide à leur père en guise « d'excuse » pour leurs années d'absence.

Le cœur de la jeune Kakita marqua un temps d'arrêt lorsque la Saltimbanque reprit la parole mais fort heureusement pour elles, ce fut dans le bon sens. Elle les croyait, c'était déjà une bonne chose, un premier pas vers la suite de l'histoire. Un soupir se fit entendre et Maya regarda sa sœur d'un air entendu.
La suite allait se montrer toute aussi ardue qu'avec la reine du Nord. Les deux sœurs ne s'étaient pas attendues à être cru aussi rapidement mais elles savaient qu'il leur faudrait donner plus d'explications pour arriver à quelque chose de satisfaisant. Le ton employait par Jillian ne les fit même pas tiquer, elles avaient l'habitude et de toute façon, la Cydienne restait leur « supérieur » ou du moins, leur Meneuse qu'elles avaient toujours et continueraient de respecter. Un silence s'en suivit quant à la première question, devaient-elles réellement tout raconter ? Après tout, il n'y avait pas de mal à cela …

« Notre précepteur » lâcha Miki pour toute réponse avant de dire quelque chose de travers.

« Lors de notre escale à Erathia, nous nous sommes absentées, tu t'en souviens certainement, tu n'avais pas apprécié notre absence et nous avons retardé tout le monde. Nous étions en train de soigner … »la mémoire lui fit soudain défaut, elle puisa dans celle de sa jumelle pour reprendre avec difficulté, agacée par sa déficience, « Sun Liang, notre précepteur ».

Et pourtant, elle avait relu cette histoire le matin même … Quelle plaie !

« Il avait été blessé et il nous as appris que Mère avait été tuée. Notre peuple ne partage pas sa tristesse ... » fut la seule réponse qu'elle fut en mesure d'apporter, « La mort de Mère remonte à plusieurs mois, je ne m'en souviens plus exactement mais notre précepteur nous a appris qu'il cherchait son assassin. »

A la question suivante, les deux filles échangèrent quelques mots par l'Esprit. Elles avaient beaucoup réfléchi à l'avenir et se demandaient si Jillian accepterait ce qu'elles allaient lui proposer mais elles étaient décidé à mettre toutes leurs chances de leur côté et ne pouvaient pas se passer de la Troupe …

« Nous voulons ... »
« … Rentrer chez nous » conclut Miki comme si la fin de la phrase coulait de source.

« Nous devons revoir notre Père mais nous craignons d'attirer l'attention, nous avons donc besoin de la Troupe. Nous savons que tu veux aller dans nos contrées et tu auras besoin de nous pour connaître les chemins surs et parler notre langue. Nous avons besoin de vous pour passer inaperçue et nous rendre au palais. », elle marqua une pause pour laisser le temps à la Meneuse d'encaisser ses paroles avant de reprendre, « Nous avons disparu pendant longtemps, nous ne pouvions pas revenir sans nous déshonorer, nous offrons donc l'alliance avec Storghein à notre Père. Et puis, une telle alliance obligera nos chers frères et sœurs à rester à leurs places. » là encore, elle laissa sa phrase en suspens.

Miki et Maya n'avaient jamais considéré leurs frères et sœurs comme des ennemis potentiels mais visiblement, d'autres avaient largement eu le temps de le faire en leur absence. Dans la course au trône qui leur revenait de droit, elles se devaient de garder une longueur d'avance.

« Nous pensons que Mère ne nous as pas envoyé ici par hasard. Pour nous protéger, d'accord, mais aussi pour nous offrir la chance de revenir fières et fortes. Nous venons te demander ton aide parce que tu es la seule en qui nous avons confiance. »

Maya était fatiguée de parler, elle qui ne parlait jamais ou presque se sentait quelque peu vidée de ses forces même si elle faisait bonne figure.

« Je vous aiderai. »

La réponse avait fusé presque aussitôt. Hypnotisée par le feu ondoyant de la cheminée, Jillian n’accorda plus un regard aux jumelles. Il était d’ailleurs difficile de savoir si elle s’adressait aux deux sœurs ou à elle-même.

« On va partir pour Oyashima dès demain. Vous resterez planquées dans les roulottes, je veux pas voir vos gueules de princesses s’approcher des fenêtres de tout le voyage ! On va à Hoshizora. »

La Meneuse ne faisait que reformuler le plan de Maya. Cette manière qu’elle avait de récapituler montrait en réalité qu’elle approuvait.

« On traversera les terres jinmens en fanfare, comme on sait faire. La Troupe de Saltimbanques azthiens est fière de vous rencontrer ! entonna-t-elle. Elle va vous éblouir par ses talents et sa joie de vivre ! Venez qu’on vous conte les légendes de chez nous, qu’on vous montre notre culture ! »

Elle mimait un héraut sur une place publique. Si elle n’avait pas perdu son éloquence et sa fougue habituelles, son attitude était un peu étrange. Les Saltimbanques comprirent ce qui clochait lorsque leur Meneuse s’enfila un nouveau verre d’eau de vie. Elle se leva dans la foulée et continua son numéro :

« On fera suffisamment de bruit pour attirer tous les regards jinmens sur nous. Quoi de mieux pour passer inaperçu pas vrai ? En pendant ce temps vous nous guiderez. Je vais avoir besoin d’une mise à niveau sur vos coutumes et tout ça. Attirer l’attention ouais, provoquer pourquoi pas, mais se faire arrêter hors de question. »

Son enthousiasme ne déchantait pas. Pour ça, on peut dire que les sœurs Kakita avaient su être convaincantes. Et ce n’était pas seulement pour venir en aide à la veuve et l’orphelin que Jillian acceptait de si bon cœur. Elle appréciait très sincèrement les jumelles et si elle considérait la Troupe comme sa famille d’adoption, ces deux-là étaient particulièrement proches d’elle.

« Je vous laisse le choix de mettre ou non le reste de la Troupe dans la confidence. J’aime pas l’idée de leur cacher le but véritable de notre voyage, si je suis pas honnête envers eux, je vois pas pourquoi ils le seraient envers moi. J’ai une confiance absolue en chacun de ses membres. Votre secret sera en sécurité. Enfin, c’est à vous de décider. Je comprends que vous préférez éviter que tout ça s’ébruite. »

Son entrain et son ton enjoué s’évanouirent soudain. Ses traits se durcirent et c’est un regard grave qu’elle posa sur Miki et Maya.

« Je suis désolée pour votre mère, les filles. Ce jeu que vous avez fait avec elle se termine trop brutalement. Mais je suis épatée de voir comment vous avez su rebondir. Je suis fière de vous. Et je suis sûre qu’elle l’aurait été aussi. »

Un sourire triste étira ses lèvres. Sans plus prendre garde aux usages ou à la réserve des jeunes filles, elle s’avança vers elles et passa un bras protecteur sur les épaules de chacune. Réconfortant.

[Vous pouvez conclure et nous désengager ?]