Comme beaucoup de Silmariens, Ruinn est assez grand : environ un mètre quatre-vingt-huit. Seulement il ne se tient pas très droit au naturel ce qui donne l'impression qu'il n'est pas si grand que cela. Et comme si ça ne suffisait pas, l'étroitesse de sa silhouette ne renforce que plus cet air chétif et petit. Une fois son arc en main, c'est toute une autre histoire. Malgré son allure nonchalante affreusement agaçante, il est un minimum élégant et si le jeune homme faisait un effort, il pourrait même avoir l'air gracieux. Ruinn a une démarche qui n'attire pas l'attention, un peu comme son physique. Quoique, le problème n'est pas qu'il est moche, juste qu'il ne fait rien pour se faire remarquer. Monsieur tout le monde dans la foule. Et puis, les femmes aiment les hommes avec des biscotos ! Ce qui n'est vraiment pas son cas. Le blond est maigre, certes, mais il a de l'épaisseur. Oui, il a une musculature très peu dessinée, mais bien présente et ça se ressent.

Ce jeune homme est blond. Le genre de blond qui, au soleil, donne presque le sentiment que ses cheveux sont blanc-crème. Coupés courts, mais pas trop. Souvent décoiffés, mais toujours soignés. Les traits de son visage sont fins et froids, c'est un étrange mélange de chaleur et de froideur. Disons que tout dépend du moment où vous le croiser ou simplement qu'il est changeant comme le temps. Il a des lèvres plutôt minces, mais très dessinées, un peu comme celles d'une femme, mais en moins pulpeuses. De petite taille, sa bouche ne s'étire que rarement en un vrai sourire complet. Cela ne l'empêche pas de faire des demi-sourires tout autant appréciables. Son nez est assez droit et délicat, pas très long cependant. Le tout est surplombé d'un regard proche de brun-caramel, voire peut-être même de l'or fondu suivant la luminosité. La flamme qui danse au fond de ses prunelles à une nuance qui varie entre la moquerie et la tendresse. Parfois un mélange des deux. Puis en accord avec son regard ambré, il a une voix assez chaude, elle a un timbre particulièrement "cassée", ce qui ne la rend pas moins agréable à entendre.

L'Elfe porte un nombre incalculable de bracelets, souvent en bois ou simples élastiques. Il en a beaucoup certes, mais pas suffisamment pour que cela fasse du bruit quand il se déplace. Il a aussi plusieurs boucles d'oreilles. Ruinn ne quitte jamais son collier : une simple pierre piégée dans un fil d'argent suspendue à une chaîne discrète.

L'Archer fait partie de ces personnes toujours positives et pleines de vie. Ou presque. Non, il est assez calme, peut-être pas énormément plus que les autres jeunes de son âge, mais tout de même. Il est assez patient dans son genre, capable d'attendre longtemps dans des lieux pas toujours commodes pour la chasse, il le fait depuis qu'il est jeune et semble s'y être habitué. Très passionné par ce qu'il fait, Ruinn peut aisément passer plusieurs heures tirer sans s'en lasser. De loin, il ressemblerait presque à une créature sauvage, solitaire et calculatrice, mais une fois qu'on approche et qu'on y regarde d'un peu plus près, Ruinn est un jeune homme plutôt bavard, social et qui adore partager avec les autres. Niveau blabla inutile, il est presque aussi doué qu'une femme, presque. C'est sans doute un ami très loyal une fois qu'il connait un peu mieux son vis-à-vis. Le blondinet donne plus que ce qu'on lui donne. Vous savez, cette personne qui est toujours là pour vous écouter et vous redonner du courage, mais qui ne demande jamais rien ? Eh bien c'est lui. Très franc, l'Elfe ne vous mentira que rarement, pour lui, il vaut mieux une vérité blessante qu'un mensonge pesant. Il est assez protecteur, un peu comme un loup avec les siens, mais il n'a rien d'étouffant. Il sera là si vous avez besoin de lui, c'est tout.

En tout bon jeune homme qui se respecte, Ruinn est un véritable idiot quand il est avec ses amis. C'est assez nocif pour le peu de neurones présent dans leurs boites crâniennes, mais les amis sont là pour ça aussi. Toujours là quand il s'agit de faire la fête ou simplement de faire des petites plaisanteries. Malgré tout ce qui est écrit plus haut, il est très difficile de savoir ce qu'il se passe réellement dans sa tête. Il est toujours ( ou plus ou moins ) de bonne humeur parce qu'il n'aime qu'on lui demande si tout va bien en permanence. Il n'a pas le temps de se plaindre. Ruinn n'aime pas s'attacher aux autres, c'est la seule raison qui le pousse à mettre une certaine distance entre lui et ses camarades. Simplement parce qu'une fois que les autres sont trop proches de lui, il finit par les blesser pour les éloigner. Les tenir à distance. Son amitié est un lien étrange, qui pourrait se briser à n'importe quel moment. Faire comme si tout allait bien alors que tout semble voler en éclats au fond de lui. Il est bien entouré, mais personne ne le connait vraiment et c'est bien mieux ainsi.

« Ruinn ?! Ruinn ! Allez mon grand ! Réveille-toi ! Reviens ! »

Le garçonnet reste pour le moment inerte sur le sol. Le monde a tourné et vacillé avant qu'il ne se retrouve au sol. Etrange sensation de froid parcourt encore son frêle corps alors que les engrenages lents de son coeur ne se remettent en route. Comme une montre que l'on remonte, les battements se font entendre à nouveau dans le corps du gamin blottit dans les bras de son père. Ses frères sont postés debout autour de leur adorable benjamin qui ouvre les yeux au ralenti. Le père de famille leur fait signe de se reculer pour lui laisse de l'air. Ruinn sourit avec faiblesse alors que le contour de la tête de son géniteur se dessine sur le fond grisé du ciel de la région elfique. Oh ? Il avait encore perdu connaissance ? Mince, c'était la deuxième fois en moins de vingt-quatre heures. Il devait vraiment avoir un problème pour que cela survienne autant de fois dans laps de temps aussi court. Sa petite main vient toucher la barbe de plusieurs jours de celui qui semble être son protecteur de fortune. La langue du petit Elfe passe sur ses lèvres sèches.

« Ça va, j'aurais dû dormir un peu plus cette nuit... »

Dit-il de sa petite voix d'enfant. Personne n'était dupe du réel problème du petit dernier. Neuf ans. Simplement. Juste neuf ans, et son coeur semblait déjà lui jouer des tours. Le silence s'était fait pendant un moment avant qu'il ne se remette debout et pour ensuite retourner à son travail. Peut-être que les champs n'étaient pas le meilleur lieu pour cet enfant-là. Mais quand on a sept enfants, pour la plupart des garçons, on les emploie aux travaux de la ferme avec leur père. Mais le petit blond finira par mourir à la tâche si rien ne l'arrête. Son père continue de le regarder de loin. Sans doute lui dira-t-il de rester avec ses soeurs. Il ne veut pas prendre le risque de perdre l'un de ses biens-aimés gamins. En effet, le jeune Elfe finit par se retrouver au milieu de ses trois aînées, les jeunes filles étant nées avant les quatre garçons. Bien sûr, les frères n'ont pas attendu bien longtemps avant de se moquer de celui qui a obligation de rester à la maison. Au début, Ruinn a joué la sourde oreille, mais avec son jeune âge, les agressions à répétition ont eu l'effet d'une bombe. Il a littéralement explosé dans un sanglot à fendre le coeur de quiconque en possède un. Les trois filles se sont mises à chercher une solution pour aider leur petit frère. Faire quelque chose que les autres ne peuvent pas faire sans que cela ne nuise à sa santé. Puis l'idée du tri à l'arc est venue de la plus jeune du trio en le regardant utiliser un lance-pierre dans le jardin. Et toutes ont décidé de se cotiser pour lui acheter un arc et quelques flèches.

* * *

« Oh ! OH ! C'est pour moi ?! Ouaaaah ! Oh ! Trop merci ! »

L'enfant file dans le jardin, arc en main. Rien n'est facile, mais il ne lâche pas l'affaire. Combien d'heure a-t-il passé à tenter de toucher ce foutu fruit posé sur ce tabouret ? Bonne question. Il ne sait pas lui-même, il n'a qu'un seul objectif, le toucher, rien de plus. Il n'a pas envie d'être un fardeau pour sa famille. Il n'a pas envie de ne servir à rien parce qu'il est malade. Il doit et il y arrivera. Mais plus il grandit, plus il a l'impression d'être envahit par des émotions qui ne sont pas les siennes... Il ressent la peur de ses parents quand il entre dans la pièce où ils se trouvent. La peur de perdre un être cher à cause de sa santé fragile. Peur de le voir s'effacer. Bizarrement, au lieu de l'abattre il est devenu plus attentif. Rassurant au mieux ses parents. Avec son sourire d'ange. Pour le moment, il ne sert à rien, mais bientôt les choses changeront. Il ressent aussi la pitié de ses frères et soeurs à son égard. Ruinn n'a nullement besoin de la pitié de qui que ce soit. Non. Il a besoin d'être traité comme tous les autres gamins de son âge. Percevoir ce qui ne vous appartient pas vous donne des maux de tête. Et les siens enflent vu le nombre de personnes présentes dans le cocon familial. Le jeune garçon de dix ans s'isole dans les bois brumeux. Armé de son arc pour seul compagnon. Loin de toutes émotions étrangères aux siennes.

Brume silmarienne... L'humidité de la forêt et le simple son des branches qui se balancent au gré du vent doux. Seul. Enfin seul avec lui-même. Aujourd'hui, il va essayer de ramener quelque chose à manger à la maison. Il sait qu'il doit faire un minimum de bruit... Mais comment pourrait-il devenir plus que silencieux sans savoir réellement comment faire. Evidemment, il s'est amélioré avec le temps, mais tout de même, ce n'est vraiment pas encore ça. Pendant un bref instant, il a souhaité devenir un renard. Chose idiote quand on y pense, mais il s'est dit que les renards se déplacent silencieusement et qu'ils ont un odorat plutôt sympathique. Mais il aurait pu penser à un chien ou à un loup, me direz-vous... Mais il aime que trop cette fourrure rousse qui semble si douce... Il fait bon, il ne pleut pas et il y a une quantité d'effluves de plus ou moins grosses bestioles dans le coin. Quelques pistes sont encore fraîches et ... La créature de taille moyenne redresse la tête, toute étonnée. Le renard tourne sur lui-même, pour être sûr qu'il n'est pas dans un rêve. Incroyable..! Il a une queue rousse..! Avec le bout blanc. Ruinn s'amusa un moment avant de se rendre compte que de changer de forme le laisse gambader à sa guise. C'est épuisant aussi... Mais d'une autre sorte de fatigue que celle qu'il ressent d'habitude. Ce qui a été le plus drôle, c'est la tête qu'a fait sa famille en le voyant rentrer avec deux lapins. Finement tués d'une flèche chacun. Les deux autres ont pu s'échapper, il a manqué deux cibles sur quatre...

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Disons que les choses ont réellement changé lorsqu'il a fêté ses onze ans et que son père décide de vendre une partie de la chasse de son fils. La plupart du temps des rongeurs ou des oiseaux dodus, dans de très rares cas, du gibier un peu plus gros comme une biche. L'adolescent n'aime pas tellement se rendre en ville. Trop de sentiments différents l'assiégeaient et il avait la sensation que son crâne allait imploser. Mais c'est ce qui lui permit de se faire remarquer par un groupe de Templiers visiblement de passage dans la Citadelle. Le blondinet vu tout surpris de voir qu'il n'était pas forcément le seul à connaitre les désagréments de vivre tout ce que les autres vivent. Douleurs, peines, joies, colères, euphories... Il y a de quoi vous rendre fou. Ses parents ont hésité, mais en voyant l'excitation de leur fils, ils ont fini par le laisser partir pour Tamawa.