Depuis la nuit des temps, depuis que la belle Silmaria avait décidé d'offrir son âme au service de son cher peuple, elle se réincarnait dans une enfant au cœur pur. La Grande Prêtresse était ainsi choisie et il revenait à l'ancienne de rêvait de la nouvelle pour la protéger à son tour. Jamais le cercle n'avait été brisé, Nalween ayant protégé, au péril de sa vie, la frêle naissance de la petite Eloween. Viendrait un jour où l'enfant rêverait de sa successeur à son tour. Et si ce jour arrivait plus tôt que prévu ? Ayaween avait rêvé de la petite Nalween environ quinze ans avant son trépas, quant à la jeune Nalween, elle avait pris connaissance de l'enfant aux cinq ans de la petite. Ce n'était guère une science, guère un signe non plus de malchance pour celle qui devrait laisser sa place aussi la petite fille ne s'inquiéta pas plus que ça d'avoir reçu ce rêve. Elle demeura silencieuse cependant au réveil. Le jour suivant également, ainsi que le jour d'après mais, persuadée que le visage de ce nourrisson ne lui était pas venu en songe par hasard, la jeune Grande Prêtresse décida de se confier à sa Tutrice le matin du quatrième jour.

Arwen ne pouvait ignorer le signe, si l'enfant se trompait, ce n'était pas bien grave mais si elle avait interprété avec justesse son songe, alors le nourrisson qui dormait dans les collines brumeuses, dans une petite chaumière où crépitait un doux feu dans l'âtre, il fallait envoyer quelqu'un pour le ramener dans la cité Elfique afin de veiller sur lui et de l'élever. La jeune femme se voyait déjà avec deux enfants « en bas âge » à charge … La petite fille ne semblait pas partager son envie de ramener l'enfant à l'Autel, elle prétextait qu'il était cruel de le priver de sa famille, d'autant qu'elle pouvait très bien se tromper !

« Depuis la première réincarnation, les Grandes Prêtresses sont élevées ici, à l'autel de Silmaria. » rétorqua calmement Arwen.« Et cela les a-t-elles rendues heureuses pour autant ? » répliqua l'enfant avec véhémence, n'en démordant pas.

Le ton montait bien que la Tutrice tente de garder son plus grand calme mais il était évident, même aux yeux extérieurs comme les tiens, qu'elle perdait patience. Elle semblait partager plus ou moins l'avis de la petite mais ne pouvait pas se l'avouer totalement.

« Eloween, il en est ainsi, tu ne peux pas revenir sur les traditions. »
« Laisse moi choisir qui ira dans ce cas. »

L'enfant n'avait pas voulu en démordre et plutôt que de continuer à s'opposer à elle, Arwen avait comprit qu'il valait mieux céder à cette faveur. Ainsi, la gamine, quasi-satisfaite, avait décidé de te désigner à la seconde même où elle avait donné son accord. Et voilà pourquoi, aujourd'hui, tu te retrouvais devant la porte de la maisonnée indiquée, dans les alentours de Silmarie avec cette dernière phrase de la petite Prêtresse en tête « Ne les sépare pas, ramène les, la mère et l'enfant, s'il te plaît ».

La porte s'ouvrit sur un adolescent d'environ quinze ans aux yeux noisettes qui te fixa instantanément. C'était maintenant que tout se jouait pour toi, le jeune homme, Aldaron, prévenu de la visite par la petite Eloween, s'était montré très gentil et t'avait invité à l'intérieur en voyant les quelques lignes sur la lettre que t'avait confié la Grande Prêtresse. Il ignorait la raison de ta présence mais te mena, confiant, à sa jeune mère, une femme d'environ trente ans. La peau pâle, vêtue de bleu pâle, elle berçait un nourrisson près du feu.

« Maman ? » demanda le garçon en Elfique et la dame tourna son visage serein vers toi.

Il allait falloir lui dire la vérité désormais, la raison de ta venue ou du moins, la lui faire comprendre.

[ Désolée du retard, j'espère que je vais parvenir à me souvenir de tout. XD ]

La Grande Prêtresse craignait de faire subir à ce petit être encore innocent la souffrance d'une séparation. Que pouvait-il arriver de pire à un enfant que d'être séparé de ceux qui veillaient sur lui et l'aimaient de toute leur âme ? La jeune Elfe n'avait que peu connu ses parents biologiques et les rares souvenirs qu'elle avait de ses frères étaient parfois flous mais elle se rappelait de leur amour, de ce lien indéfectible qui les unissaient tous les cinq. Eloween ne voulait pas que l'enfant qu'elle avait vu en songe soit privé de ce qui un jour lui manquerait plus que sa propre vie. Elle souhaitait en ce sens que la mère et le nourrisson lui soient amenés. Arwen serait nécessairement contre car la tradition voulait que la future Prêtresse soit élevée par le Tuteur au sein du temple de Silmaria mais peu lui importait, à ses yeux, seul le bien-être de ce petit être comptait. Dame Nalween avait tant souffert de l'absence de ses parents, de la froideur d'Erendar malgré son côté paternaliste avec elle. Rien ne remplaçait les liens du sang. La Tutrice en voudrait à l'enfant, c'était évident, mais le moment venu, elle ne pourrait pas pour autant rejeter la mère de la petite fille, c'était là dessus qu'Eloween comptait jouer.

Aldaron était un enfant intelligent, plutôt mignon de surcroît, il était assurément quelqu'un de doux et de bienveillant envers sa mère. La petite fille que cette dernière tenait dans ses bras était sa seule et unique sœur et il y tenait déjà comme à la prunelle de ses yeux. Leur père s'en était allé lorsqu'il avait appris la grossesse, nul ne savait exactement pourquoi. Depuis, l'adolescent avait veillé sur sa mère et sur l'enfant lorsqu'elle était née.
Malawë ne savait pas lire, elle n'avait jamais eu l'occasion d'apprendre et avait quitté l'école trop tôt pour s'en souvenir, en revanche, son fils avait eu la chance de suivre les enseignements et il traduisit à sa mère la lettre. Le regard de la jeune femme passa rapidement du nourrisson à l'adolescent puis à toi. Elle avait peur, cela se sentait et transpirait dans chacun de ses gestes. Pourtant, elle semblait également perplexe, comme si l'espoir d'un avenir meilleur pour sa fille était là, entre ses mains.

« Vous voulez emmener Aleen ? » demanda le grand frère sur un ton de reproche.

Il s'était placé instinctivement entre sa mère et toi comme pour les protéger d'un quelconque danger. Pour lui, la lettre n'était qu'un morceau de papier, rien de plus.

« Elle l'emmènera quoi qu'il arrive Alda » répondit la mère.

La jeune femme était au courant, elle connaissait les histoires sur les prêtresses et sur leur avenir, également sur le fait que les parents ne pouvaient pas les garder, qu'elles étaient promis à un avenir qui les dépassaient et qu'ils n'étaient plus invités à entrer en contact avec elles. La jeune mère ne pouvait pas s'y résoudre, pas comme ça.

« Pourquoi vouloir qu'on vous accompagne ? » demanda-t-elle avant de comprendre que tu ne saurais pas répondre, qu'il te fallait du papier pour cela, « Alda chéri, va chercher de quoi écrire »

Le gamin s'exécuta mais de mauvaise grâce, délaissant sa mère et sa jeune sœur tout au plus quelques secondes tant il redoutait une attaque ou tout autre chose du même genre. Il avait visiblement peur qu'on lui vole la petite maintenant qu'il avait pris conscience du contenu de l'étrange lettre.

« Si je vous suis, mon fils pourra-t-il venir ? Aurais-je le droit d'élever ma fille comme je le souhaites ou sera-t-elle aux mains de votre Prêtresse ? » poursuivit-elle d'un ton méfiant, « Comment pouvez-vous être sure qu'Aleen est la prochaine Grande Prêtresse, je pensais qu'on ne pouvait le savoir qu'à la mort ou presque de sa prédécesseur … Eloween serait-elle ... »

Comme toute bonne Elfe, elle n'osa pas terminer sa phrase. La perspective que la Grande Prêtresse soit morte semblait la terroriser encore plus que celle de donner son bébé. Elle tenait l'enfant fermement et semblait prête à en découdre malgré son état de fatigue si jamais il le fallait.