Saloperie de froid ! Je commençais sérieusement en avoir marre de cette saison foireuse, mais celle qui se préparait allait me gonfler encore plus. J’étais repartie de Muria bien rapidement, laissant entendre à mes sœurs amazones que j’allais visiter le continent Jinmen. Repartie en toute hâte en prenant à peine de quoi me couvrir pour le mauvais temps, Niredia m’avait rapidement rattrapée pour me confier son écharpe, en me demandant d’être très prudente. Officiellement j’étais repartie pour aller me documenter sur la culture Jinmen, officieusement j’y allais pour négocier quelques cadavres aux frais de l’empereur.
Une fois n’est pas coutume, je repartais en même temps que quelques amazones qui se dirigeaient vers les villes. Je suivis une camarade jusqu’au village le plus proche, nos chemins se séparaient ici et je continuais ma route en direction de Tamawa. Par chance, je trouvais la couverture idéale pour passer inaperçu -ou presque- : Une caravane marchande. Ça devait faire maintenant cinq ou six jours que je m’étais éclatée comme une petite folle avec Ocarenna, depuis je n’avais pas vraiment repensé à tuer quelqu’un, pas même un petit passant innocent. Je commençais à ressentir ce manque de sang. Mais pour le moment, c’était ce vent qui me pourrissait l’existence. Tandis que mes cheveux oscillaient au vent, mes joues étaient en proies au désagrément de la saison. D’ordinaire j’aurais aisément tué tout le monde autour de moi et fait cramer les corps pour ramener un peu de chaleur dans la zone, mais finalement j’avais des méthodes bien plus discrètes pour le faire. Il me suffisait de concentrer mon pouvoir le long de ma peau pour ressentir cette sensation de chaleur apaisante. Seul mon visage restait partiellement sous le coup du vent glacé. L’écharpe que Niredia m’avait confiée avait bien protégé mon cou et une partie de ma bouche mais le nez, les joues et tout ce qui se trouvait plus haut était désagréablement incompatible avec ma température corporelle habituelle. Mais bon, je n’avais pas trop le choix, alors j’avançais, plus vite je serais arrivée en ville plus vite j’aurai le temps de m’atteler à ce que je prévoyais de faire. Machinalement je sortais mon petit carnet pour le lire un moment, j’avais retranscrit tout ce vécu avec Ocarenna dedans, sa façon d’être, ce que nous avions fait, partagé, nos découvertes, entre autre celle de ma capacité à faire brûler mon propre sang. J’avais sorti mon carnet, parce que j’étais entourée de Cydiens et d’Elfes et que je rédigeais tout en Astorg, trop peu probable que l’un d’entre eux puisse le lire ou même qu’il comprenne mes métaphores à l’intérieur. Quand bien même il serait apte à le lire, le temps qu’il le comprenne il aurait déjà la gorge tranchée.

Encore une fois, j’attirais les regards, parce que ma chevelure rouge était voyante, ma tenue l’était aussi, le tout laissait présager bien des choses, certains devaient avoir peur de moi, d’autres devaient être interrogateurs. Mais j’avais l’impression d’être observée, je ne savais pourquoi cette désagréable sensation était passablement oppressante. Très vite j’étais interpellée par celui qui visiblement était à l’origine de cette sensation, un jeune homme, vraiment jeune en effet, cheveux bruns, un regard bleu fuyant et un faux air de vaurien qui lui donnait un certain charme. Il m’invitait à monter sur son chariot, pourquoi ? Je n’en savais rien, mais puisqu’il se montrait sympathique, pourquoi pas. Je le regardais un moment, cherchant son regard et finalement je lui adressais ces paroles.

« - On aimerait tous avoir quelque chose en échange d’un service rendu… »

L’air neutre et ce petit sourire moqueur que j’avais n’était pas méchant, mais je ne savais pas comment il le prendrait et très franchement, j’en avais absolument rien à carrer. Pour une fois que je ne massacrais pas des gens, si on venait me reprocher mon humour, c’est bien que le problème ne venait pas de moi. De toute façon, il ne venait pas de moi.

Spoiler:

Il semblait ne pas l’avoir mal pris et pourtant il demeurait énigmatique. La flatterie maintenant ? Bah voyons, et j’imagine que si je continuais à refuser il m’offrirait une fleur pour que le change d’avis ? Crétin, tu ferais mieux de passer ton chemin. J’avais certes froid mais je m’en foutais maintenant que j’étais déjà bien asticotée par le vent, il ne fallait plus grand-chose pour que le convoi finisse en mare de sang géante. Ceci dit, j’étais curieuse car malgré son air sincère je me méfiais de lui, inutile d’avoir l’esprit pour deviner qu’il me cachait quelque chose, les hommes étaient tous comme ça, menteurs habiles et fourbes, une véritable plaie sur la face du monde. Il était seul et son chariot semblait bien solitaire. Il voulait que je lui sois redevable, pourquoi ? Le dernier marchand qui m’avait acceptée sur son chariot avait tenté de me violer, il en était mort à présent. Ce garçon prenait des risques en m’invitant à ses côtés pour le voyage, pour une raison ou pour une autre il avait quelque chose à cacher et je n’allais pas tarder à savoir ce que c’était.

Je continuais à marcher sans m’arrêter, en l’écoutant parler de Salomé, la gérante d’une taverne, hin hin, c’était donc ça le poteau rose ? En réalité il aurait voulu que je sois sa messagère, qui c’était cette Salomé ? Sa petite copine ? Non, peu probable, sinon il n’aurait pas besoin d’un intermédiaire, il se contenterait de rentrer dans la taverne et de la culbuter joyeusement dans la réserve de l’établissement. En réalité je ne savais même pas pourquoi j’essayais de deviner, j’en avais rien à carrer.
Il avait tenté de me flatter pour que je lui serve d’intermédiaire ? C’était stupide et dangereux pour lui, je le trouvais bien volage d’ailleurs, mais après tout, je ne pouvais trouver plus d’excuses à sa faiblesse d’esprit : C’était un homme.

« - La flatterie ne vous mènera nulle part jeune homme, il est bien cavalier de flatter une dame pour lui demander de vous servir d’intermédiaire. »

Le refus n’était pas direct mais compréhensible, si je passais une minute de plus en sa compagnie, je le réduisais en tas de cendre dans la fraction de seconde. Il avait compris ce que je disais et passait finalement son chemin en soupirant. Son égo en avait peut être pris un coup, se prendre un râteau sur une route de campagne, ce n’était tout de même pas commun. Assez ironique de ma part, je venais de jeter un froid, littéralement.

Mais au moins j’étais tranquille pour le reste du voyage a Tamawa, personne ne venait plus m’enquiquiner et marcher faisait s’activer les muscles, participant au réchauffement corporel, quelque part. De toute façon je n’avais que le visage de réellement gêné par le froid, sans cela j’étais en pleine forme alors peu m’importais de marcher plus longtemps pour finalement être tranquille une fois en ville, ma destination principale c’était la ville de Koubaï, pas l’auberge de je-ne-sais-pas-qui et les histoires à la con du type qui m’avait accostée.

Débarrassée du jeune homme, j’arrivais tranquillement à Tamawa, malheureusement la foule était dense, pour une raison que j’ignorais. Je mets un peu de temps à réaliser qu’un autre jeune homme m’avait subtilisé ma bourse. Ah, les enfants.
Pas très compliqué de suivre le rouquin dans tout ce foutoir et lorsque je le coince finalement dans une impasse, il me relance une bourse avant de s’éclipser par une entrée dérobée, dommage qu’il n’ait pas pensé à réellement intervertir le contenu des deux bourses, je pouvais toujours tracer la mienne avec la maho, puisque j’avais pris la fâcheuse habitude de marquer mes affaires sensibles avec mon propre sang j’avais dés lors compris qu’i lavait simplement tenté de me divertir avec un leurre débile. M’enfin bon, je le suivais tout de même par l’entrée, je ne m’attendais simplement pas à rencontrer trois balourds armés d’épées de l’autre côté. Effectivement, le problème était là, ils étaient peut être un peu nombreux. Mettre le foutoir en ville n’était pas préférable pour le moment, mais par précaution je m’étais quand même méchamment griffé le dessus du bras, laissant saigner très légèrement la peau, les trois hommes me regardaient, le voleur n’était pas là. Devais-je en déduire qu’ils étaient de mèche ? Pas nécessairement, ils devaient être un genre de vigie pour l’auberge après tout. Je prenais un air rassuré devant eux, comme si je trouvais en eux une aide importante.

« - Excusez moi messieux, mais je cherche un jeune homme à peu près grand comme cela avec une tignasse rousse et qui semblait courir un peu vite, il est en possession d’une somme d’argent moyennement conséquente et comme vous pouvez le constater, il est relativement violent également… Il se pourrait qu’il blesse d’autres personnes dans le bâtiment, pourriez vous m’aider ? »

J’avais pris soin d’exposer doucement ma blessure aux trois hommes pour corroborer avec ma version des faits, avec un air gêné dans la voix. Cependant, toujours à l’affut même si cela ne se voyait pas vraiment, j’étais de toute manière prête à sortir mon arme et faire usage de la maho, pour une raison que j’ignorais encore, j’avais l’impression d’être vide de ma magie flamboyante. Étrange sensation, probablement liées à quelque chose dans le bâtiment. En réalité il n’y avait pas quarante options qui pouvaient m’empêcher d’utiliser mes capacités, ceci dit, il me semblait étrange d’avoir la sensation d’utiliser la magie du sang à ma guise. De toute manière j’aurai l’effet de surprise si jamais ça tournait mal et bien qu’ils soient trois, je préférais discuter avant, pour les mettre en confiance et en cas de problème pouvoir être la première à réagir.