Azthia

Ô, petite flamme qui guide chaque cité d'Azthia, surtout ne vacille pas. Car les temps sont bien embrumés et un vent d'inquiétude souffle... Laissez vous tenter par un univers poétique et fantastique, créez un personnage haut en couleurs...
 
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 [DH - 155] Pour le meilleur et pour le pire... Surtout le pire. (Pv' Katsuya)

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[DH - 155] Pour le meilleur et pour le pire... Surtout le pire. (Pv' Katsuya)
   [DH - 155] Pour le meilleur et pour le pire... Surtout le pire. (Pv' Katsuya) EmptyVen 10 Mai - 20:07

L’hiver, les premiers jours, les premiers instants. Il faisait un peu plus froid et pourtant, plus Arano était proche, plus le climat tendait vers l’aride. Le trajet était long pourtant j’étais heureuse de me dire que tout ce temps passé à voyager me permettrait d’être avec l’homme que j’aime. Cela faisait déjà un peu plus d’une semaine que Katsuya était loin de moi et je me sentais assez mal de ne pas l’avoir à mes côtés. Pleine de joie à l’idée de pouvoir le revoir si vite pour le temps qui m’était imparti, j’avais de mon côté tant de choses à lui raconter, comme lui expliquer comment j’avais rencontré Eiri, lui apporter des nouvelles de Kazuo, les potins du côté de Koubaï. De son côté lui aussi devait avoir plein de choses à raconter, je lui faisais confiance mais je n’avais aucune confiance envers les autres femmes, étrangement ce côté un peu jaloux ne me correspondait pas vraiment et pourtant, j’avais du l’hériter de ma mère ou le développer en présence de Katsuni.
Décidément, je lui en devrais des défauts à celle là. Pourtant je ne sais pas si la jalousie pouvait être considérée uniquement comme un défaut, quelque part c’était l’expression maladroite de la peur que l’on pouvait ressentir en imaginant que l’être aimé puisse être attiré par d’autres. De la peur qui se métamorphosait en colère envers les potentielles tentatrices, c’était surement pour ça que c’était si mal vu en réalité. La peur était un sentiment tout à fait naturel, comme l’amour, bien que ce dernier, j’avais mis bien du temps à réaliser à quel point il pouvait être fort et même terriblement cruel. Toujours accompagnée de ma fidèle partenaire de route, le félin débordait constamment d’énergie et parfois je me demandais même d’où les animaux pouvaient tirer cette force endurante.
Arano n’était plus très loin, je savais que demain je pourrais enfin retrouver Katsuya, je n’attendais plus que ce moment, bien que cela me chagrine de devoir me séparer d’Eiri, ne pouvant pénétrer en ville sans risquer d’être abattue par la garde sans autre forme de procès. La nuit passait bien vite à mes yeux, accélérée par l’impatience de pouvoir retrouver mon aimé. Debout aux aurores, je prenais à peine le temps de déjeuner rapidement et de faire ma toilette que j’étais déjà repartie sur les chapeaux de roues. Je voyais au loin les bordures de la ville, il devait rester à peine une heure de voyage et pourtant, Eiri semblait comme décontenancée, l’animal avait le regard fixé dans une direction. Ne voyant rien, je m’avançais un peu plus, suivant l’animal qui était parti à vive allure dans cette direction. Je commençais à sentir une odeur de brûlé assez étrange, ce n’était pas du feu de bois, j’en étais persuadée. On aurait dit de la chair, cautérisée, une odeur assez forte qui me donnerait presque la nausée. Quelques mètres plus loin je retrouvais l’animal près d’une espèce de campement ou de caravane marchande en piteux état. C’était horrible, le chariot était brûlé, les deux artisans étaient morts, l’un visiblement égorgé et l’autre la nuque brisée et les jambes calcinées. Prenant le temps d’examiner les corps, j’ai alors l’impression que ce ne sont pas de simples bandits qui étaient la cause de tout ceci, la coupure à la gorge était nette et terriblement précise, les brûlures étaient probablement un résultat du feu allumé dans la charrette par la suite et pourtant, la nuque brisée et la position du corps de la femme laissaient penser qu’elle avait tenté de fuir avant d’être attrapée et exécutée. Seulement le vent avait plus ou moins effacé les traces, impossible de savoir si elle avait été traînée, si elle avait rampé ou même si elle était tombée dans le sable avant de mourir. La scène était déjà assez ignoble et je pouvais simplement prier que leurs âmes reposent en paix parmi les esprits. Eiri attirait de nouveau mon attention, en effet quelques mètres derrière la charrette gisaient trois corps, deux presque l’un à côté de l’autre, un autre plus loin encore trop loin pour que je puisse comprendre l’horreur qui m’attendais.

Le premier garde avait lui aussi la gorge tranchée, un objet fort coupant et de petite taille, surement un couteau. Le deuxième avait des symptômes très inquiétants, aucune blessure, le cou intact, mais une trace de sang en forme de main ou presque sur le visage. Je refusais d’y croire, il me semblait impossible que ça soit le résultat d’un sort de maho, cette sorcellerie infâme et interdite sur nos terres depuis des décennies. Les deux gardes étaient morts également, à mon grand regret d’être arrivée trop tard pour avoir pu lutter à leurs côtés, je me dirige alors vers la troisième personne gisant plus loin, près d’un genre de marque au sol, comme un cercle décrit par du sable brûlé et presque fondu.

Arrivée à hauteur de l’homme allongé, je me pétrifie subitement, j’ai alors l’impression que mon cœur éclate et machinalement je me mets à trembler puis sangloter. A mes pieds se trouve Katsuya, horriblement mutilé et inerte ou presque au sol. La scène est terrible pour moi, j’ai du mal à réaliser que l’home que j’aime est alors presque mort, par chance, j’arrive à sentir son pouls faible mais ténu, bien qu’il semble dans un état qui m’arrache silencieusement un terrible sentiment d’effroi.


« - Non… Ce n’est pas possible… Katsuya, répond moi, Katsuya ! Je t'en supplie... »

Je suis forcée de le réaliser, en voyant son corps affreusement marqué par le combat qu’il avait mené, des brûlures si sévères que j’avais alors l’impression qu’un dragon en personne lui avait infligé ces blessures, des coupures bien légères si j’oublie celle qu’il a à la main mais surtout, ce qui ne manque pas d’attirer mon attention, tout ce sang sur son torse et son visage, alors qu’il n’a aucune plaie sur ces parties du corps. Je suis obligée de l’admettre, c’était bien de la maho. J’étais complètement déboussolée, consciente que si je perdais du temps son état empirerait encore, je ne savais même pas depuis combien de temps il était là, seul et meurtri. Mon premier réflexe, vu la chaleur et surtout ses brûlures fut de lui passer de l’eau délicatement sur le visage, effaçant le sang qu’il avait sur le visage et lui donnant un peu à boire, si tenté qu’il arrivait avec difficultés à l’ingérer.
Je ne sais pas si c’était mes larmes tombant sur son visage, ma voix tremblante qui l’appelait ou le fait qu’il soit encore un minimum conscient, il tente d’articuler quelque chose que je ne comprends pas, il était trop faible pour parler, beaucoup trop pour se déplacer et pourtant, j’allais devoir l’aider à atteindre la ville.


« - Je suis là, Katsuya. Je suis là… Reste avec moi… Écoute-moi, mon amour, reste avec moi, je vais t’emmener en ville, bats toi pour rester à mes côtés. »

Je suis contrainte de le faire bouger, j’imagine que ses blessures font lui faire souffrir le martyr au moindre mouvement. Je prends le temps de panser ses coupures et de protéger. Sa jambe est dans un état horrible, pire que son bras, le tissu ayant visiblement collé à la plaie, l’infection semble presque inévitable si ça traine trop. Par chance, si on pouvait l’appeler ainsi, le fait qu’il s’agisse de brûlures rendait déjà plus lent l’infection, mais si elles arrivaient elles seraient bien pires que tout. Il fallait que je trouve un moyen de protéger ses plaies du pelage d’Eiri, le poil animal était passablement désagréable avec ses blessures, n’ayant pas la force de le porter moi-même, le félin ferait office de brancard sur une petite distance. Je n’avais pas assez de bandages pour protéger ses brûlures intégralement, mais je savais que de l’eau atténuerait l’effet de la douleur de ces dernières. J’imbibais les bandelettes de tissu d’eau pour entourer son bras et le haut de sa jambe, parties qui auraient le plus de chance d’être en contact avec le pelage de la tigresse. Avant de le soulever, je prends le temps de regarder s’il est toujours conscient ou non, de lui parler, tenter de le rassurer et surtout de me rassurer moi-même sauf que dans mon cas, c’était voué à l’échec.

« - Katsuya… Je… ça va surement… Faire mal mais… Je suis obligée… Désolée. »

Ce n’est pas seulement ma voix qui tremble, mon corps entier refuse de faire souffrir une seule seconde Katsuya mais il le fallait, pour son bien futur, il devait voir un médecin et rapidement. Je le prenais contre moi avec douceur, essayant de ne pas attiser la douleur mais c’était impossible, je le posais sur le dos de l’animal, prenant garde que ses plaies non couvertes évitent un contact avec Eiri. La tigresse est robuste, elle m’aiderait beaucoup à le conduire au plus près de la ville. J’ai beau être indemne, je ressens une douleur fulgurante au plus profond de mon âme et une terreur que je n’avais encore jamais ressentie. J’avais maintenant une vague impression de déjà vu, mais dans un contexte totalement différent. C’était il n’y a pas si longtemps que ça, peut être un mois maintenant mais pas plus. C’était lui qui avait vécu un passage terrible tandis que je me mourrais à petit feu sur son dos. Par chance les kamis étaient de nos côtés à ce moment là, je me demandais s’ils le seraient cette fois encore ?
Je ne pouvais dégager cette atrocité de mon esprit, envisager qu’il puisse me quitter, comme ça, dans mes bras, alors que sa survit ne dépend que d’une poignée de mètres que nous étions tant bien que mal en train de parcourir. Je ne sais pas comment je pourrais encaisser cette brutale séparation, tout comme je ne sais pas comment la funeste nouvelle serait accueillie au sein de sa famille. Avoir un être cher qui nous est retiré, j’étais au courant mieux que n’importe qui de la douleur et du vide qui morcelait notre esprit pendant un temps si long qu’il nous semble pire que la mort elle-même. Je continuais à lui parler en priant qu’il m’entende, qu’il combatte, n’hésitant pas à faire de mini-pauses pour hydrater son corps torturé. Je ne sais pas réellement s’il m’entendait mais quelque part, j’étais persuadée que ma voix n’était pas vaine bien que j’ai toutes les peines du monde à parler de manière intelligible. Je lui interdisais de mourir ici, il avait encore trop de choses à voir en ce monde pour le quitter maintenant, j’étais égoïste de penser qu’il n’avait pas le droit de m’abandonner maintenant, ni d’abandonner Akemi ou ses parents, tous ne supporteraient pas ce choc soudain, tout comme moi et même toute la cité ne pourrait supporter de savoir Katsuya décédé à cause d’un sorcier du sang. En parlant de sang je me rendais compte que je ne pouvais me débarrasser de celui qu’il avait sur le torse, j’espérais simplement qu’il ne conduise pas un enchantement qui nuisait directement à sa santé. Cette magie était monstrueuse mais heureusement, dans le cas présent elle ne semblait pu faire effet ou bien n’avait pas d’impact direct sur sa capacité à survivre, c’était dans l’immédiat tout ce qui importait. La ville n’était pas loin mais toute cette distance avec l’impression qu’une lame me cisaille le cœur est insupportable, j’ai l’impression de mourir également à ma manière. Plus je m’approche de la cité plus je sais aussi qu’Eiri ne pourra pas me suivre la fin du trajet serait encore douloureuse autant pour lui que pour moi.
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Autant de souffrance physique, autant de chagrin et autant de minutes qui passent, m’entraînant vers la mort. Je me pensais mort. Déjà incapable de voir, n’entendant que le vent annonçant l’arrivée de l’hiver, aucune sensibilité sur mes membres brûlés... encore quelques instants et j’aurais pu partir. Laisser toute ma vie derrière moi : mes parents, ma sœur, mes amis, mon aimée... J’étais préparé à ça. En tant que Samouraï, j’ai côtoyé la fin de ma vie bien plus souvent que n’importe quel autre soldat et, pourtant, je suis angoissé au moment où je m’imagine partir. Je revois dans ma tête débordée d’émotions tous les moments agréables de ma vie, me moquant de ma propre nostalgie. Personne ne me trouvera ici, du moins pas vivant. Je me demande ce qui se passera une fois la fugitive retrouvée. D’autres mourront, sans doute, elle était vraiment entraînée et douée au combat. Je prie une dernière fois pour qu’on la retrouve et qu’elle soit jugée comme elle le mérite puis je retourne dans mon abri de ténèbres, complètement vide de tout.

J’ai l’impression de rêver alors que je me laisser aller vers l’autre monde mais je sens bien le contact d’une main tremblante sur mon cou. Mes sens restants s’éveillent à nouveau, comme un soudain regain d’énergie. J’entends un souffle court, des sanglots et perçois de l’eau sur mon visage et dans ma bouche. La voix qui raisonne en moi me serre le cœur ; Karaleth m’a trouvé et elle va me voir mourir... C’était probablement le pire des scénarios à imaginer, celui que je souhaitais le moins. Je tente de lui dire de s’en aller, de me laisser ici mais ma gorge est encombrée du sang que j’ai craché plus tôt, meurtrie par les blessures internes que cette folle m’a infligées et aucun son n’en sort. Elle me parle, me demande de rester avec elle mais j’ai abandonné cette idée quelques minutes plus tôt. Ses mots me font mal, bien plus que les blessures. Si je sors vivant de cette affaire, oserai-je encore la regarder en face ? Je n’ai su protéger personne de la mahoiste et, bientôt, elle reviendra leur faire du mal parce que j’ai donné mon nom.

Karaleth me déplace ; ses gestes sont précautionneux, terriblement doux et sensible, comme elle. Mourir dans ses bras serait un cadeau bien réconfortant pour moi mais elle en garderait des séquelles toute sa vie et je ne veux pas être égoïste, même à la fin. Je ne peux m’empêcher d’avoir tellement mal à en gémir bruyamment, chaque contact avec mes blessures ravivant les souvenirs du feu liquide dévorant mon corps. Je sais qu’elle essayera de me sauver, comme j’ai essayé de le faire quelques temps auparavant. J’avais eu tellement peur et maintenant c’était à son tour... les kamis peuvent être bien cruels, parfois. L’étreinte qu’elle me donne me réconforte et je la laisse me poser sur quelque chose de gros et poilu... un animal ? Pourtant trop près du sol pour être un cheval et trop robuste pour être un chien. Je sens que la bête est aussi délicate, elle marche vite mais fais attention à chaque mouvement de mon corps, s’arrêtant lorsque je glisse un peu trop. Karaleth me donne encore à boire sur le trajet, passant de l’eau partout ailleurs sur le reste de mon corps, continuant de me parler et cela suffit à me garder éveillé malgré mon état critique. Puis, l’animal finit vraiment par s’arrêter. Sans perdre de temps, mon aimée fait tout son possible pour me hisser sur son propre dos et j’imagine à peine la torture que nous allons subir. Mes jambes se plient et ma peau se tend, la douleur est insoutenable malgré les bandages humides mais cela me donne une poussée de force qui me permet de m’accrocher à Karaleth avec mon bras valide. Elle a une peine inouïe à me trainer jusqu’au médecin, par chance situé à l’entrée de la ville. J’entends raisonner dans ma tête les voix de gens choqués et effrayés par le spectacle qui s’offre à eux.

Tout se précipite lorsque nous arrivons à l’intérieur du bâtiment. Je souffre mais le Médecin est rapide ; il me porte plus facilement que Karaleth sur un lit, j’imagine. Ma tête tourne et je manque de m’évanouir à plusieurs reprises mais la voit de ma chère Samouraï me tient éveillé et je saisis quelques bribes de leur conversation. Malheureusement, je sens mes forces me quitter peu à peu, après que le Médecin ait examiné du bout des doigts mes blessures et le sang sur mon torse. Sans savoir comment, j’arrive à saisir la main de mon aimée et à enfin dire quelques mots, sans qu’on puisse cependant parler de réels sons.


- Kara, je t’aime... pardon...

Les larmes prennent le dessus et finissent de m’achever, me vidant complètement de mon énergie. Je ne pense alors plus à rien.

***
- Il s’est évanoui, nous devons faire vite ! dit le Médecin à Karaleth. Ses blessures sont trop graves pour qu’un seul soigneur s’en occupe, je vais aller chercher de l’aide. Il a été victime de la Maho, il faut également que j’appelle une Ritualiste pour être certain qu’il n’est pas victime d’une malédiction. Attendez-moi ici, je reviens dans une dizaine de minutes.

Le temps est long pour une âme en peine mais tant que Katsuya respire encore, l’espoir existe. Le Médecin revient plus vite que prévu, accompagné de trois autres personnes, toutes plus jeunes que lui. La première, une femme aux allures de noble, pose sa main sur la tête de Katsuya et fait bien vite le rapprochement.

- La magie du sang l’a rendu aveugle et l’a fait cracher du sang.

Elle se précipite près d’un seau d’eau, en saisis quelque peu dans sa main et, tapant du pied sur le sol tout en murmurant des choses étranges, elle arrive progressivement à retirer le sang sur le torse du Samouraï. Il ne se réveille pas pour autant et la jeune femme comprend bien vite qu’il ne tardera pas à partir si les soigneurs n’interviennent pas rapidement. Elle se place près de la tête du jeune homme, lui insère un bâton de cannelle entre les dents et maintient ses épaules. Face à l’air décontenancé de Karaleth, le Médecin lui explique rapidement mais calmement ce qu’ils s’apprêtent à faire.

- Nous ne pourrons pas le soigner si du sable se trouve encore dans les plaies. Il va falloir que nous nous assurions que l’infection est écartée sinon, malgré nos soins, la moindre faiblesse pourrait le tuer. Il va souffrir pendant plusieurs minutes mais, s’il résiste à cela, tout danger sera écarté et nous pourrons le soigner efficacement.

Il tente de rassurer la jeune femme avec une main sur son épaule mais rien n’y fait. Les deux autres hommes aux vêtements moins travaillés s’approchent chacun d’un membre calciné, tous deux équipés d’un bol rempli d’un mélange étrange, pâteux et à la couleur peu appétissante. Tous dans la pièce prennent une grande inspiration avant de passer à l’action : le médecin, lui, reste à l’écart pour le moment. Dès que la pâte est appliquée, Katsuya ouvre les yeux, tentant de se débattre, commençant à hurler lorsque les deux hommes frottent frénétiquement les plaies pour les « purifier ». Le spectacle est affreux, il est même impossible de parler au jeune homme tellement il souffre. Il implore plusieurs fois ces gens d’arrêter mais ils n’arrêtent pas. Karaleth peut voir qu’ils font leur maximum pour faire vite mais bien... il est dur de se convaincre que le bien de Katsuya tient dans ce soin particulier. La torture s’arrête enfin et le Samouraï s’évanouit encore. Les plaies sont maintenant complètement à vif, saignant même par endroit. La Ritualiste retire le bâton et demande d’un geste de la tête au Médecin la permission de se retirer... elle a apparemment été affectée par la scène, malgré son air sûr d’elle.

- Bien, les plaies sont propres, maintenant. Je vais commencer le soin et mes compères prendront le relais une fois mes forces épuisées. Les soins vont continuer sur plusieurs jours après ça pour réduire un maximum les cicatrices et les séquelles internes... je ne pense pas qu’il se réveillera de sitôt mais le déplacer est trop dangereux pour le moment. Si vous souhaitez rester ici, nous pouvons vous préparer un endroit confortable.

Il n’attend pas de réponse et commence, plaçant d’abord ses mains sur la jambe du jeune homme. L’un des deux autres soigne le bras, la zone la moins abîmée. On peut facilement déduire qu’un autre soigneur viendra s’occuper des blessures internes, puisque le troisième est sensé prendre le relais. Les soins commencent et tous souffrent le martyr mais, bientôt, Karaleth peut voir les plaies se refermer petit à petit. Un jour suffit pour soigner le bras, enveloppé dans un grand bandage pour éviter que la peau rénovée ne s’infecte après coup. Le lendemain, la jambe est elle aussi enveloppée : la peau est devenue bien rose et lisse. Quant aux blessures internes, elles prennent deux jours supplémentaires à être traitées, les soigneurs étant passablement épuisés par tout le reste. Juste avant que Katsuya ne soit complètement guéri, ses parents viennent lui rendre visite. Sa mère pleure, son père n’en est pas loin mais ils sont rapidement rassurés par le Médecin et Karaleth leur assurant qu’elle restera à ses côtés jusqu’à ce qu’il se réveille. Aoi prend la jeune femme dans ses bras, lui apportant tout le soutien d’une mère, la suppliant du regard de ramener le Samouraï à la maison.

Les soins se terminent en moins d’une semaine mais Katsuya n’ouvre toujours pas les yeux. Le Médecin passe plusieurs fois par jour pour lui donner à boire et à manger sous forme liquide ; le jeune homme déglutit, ne s’étouffe jamais mais ne fait que se rendormir par la suite sans jamais dire un seul mot.


- Il s’agit probablement de sa façon de gérer le traumatisme... certains réagissent mais deviennent extrêmement violents. D’autres, comme Katsuya-sama, dorment jusqu’à rassembler suffisamment de forces pour affronter leurs démons à leur réveil. Vous êtes courageuse de rester à ses côtés. Je suis sûr qu’il sera ravi de pouvoir contempler votre visage lorsqu’il ouvrira les yeux.

Quatre autres jours passent ainsi comme cela, sans que rien ne change. Puis, alors que Karaleth est endormie sur son ventre, assise sur une chaise à côté du lit, Katsuya ouvre les yeux.

***
La lumière du jour me fait un bien fou. Quelques minutes me sont nécessaires pour voir totalement net mais je suis tellement heureux de pouvoir contempler ce qui se trouve autour de moi que j’en oublie les détails. Je n’ai plus mal et, même si je me rappelle des vives douleurs de la veille, je suis soulagé de voir mes membres soignés. Rapidement, je remarque que Karaleth est là, endormie, des traces de larmes sur les joues et sur le drap. Étonné de pouvoir bouger mon bras précédemment calciné, je passe mes doigts dans ses cheveux, délicatement. Elle se réveille en sursaut mais réalise que j’ouvre enfin mes yeux et semble d’abord surprise, ensuite tellement heureuse. Mais son visage si aimant perd un peu d’éclat lorsque je me mets à pleurer. D’une voix encore rauque et abîmée, je me décide quand même à lui parler, prenant ses mains dans les miennes, restant encore couché de découragement.

- Kara, je... je suis tellement désolé de t’avoir imposé tout ça... J’ai honte d’avoir perdu, de l’avoir laissé filer alors qu’elle tue sans vergogne des innocents. La Maho n’est que l’une de ses nombreuses capacités... bientôt elle tuera encore, simplement parce que j’ai été incapable de me contrôler. Je me suis laissé piéger comme un débutant, convaincu qu’elle t’avait fait du mal...

Je cache mon visage, continuant de sangloter.

- Elle a tué Cyriel, elle l’a torturé et je n’ai rien fait, je n’ai rien pu faire. Je ne suis qu’un faible... Je ne méritais sûrement pas que tu me sauves... je t’ai fait voir des choses horribles, tu as souffert encore une fois à cause de moi. Tout ce que j’ai fait... tout ce que je n’ai pas fait... c’est impardonnable...

Quelques secondes passent puis, sans savoir comment, j’arrive à m’assoir et à la prendre dans mes bras.

- Je suis pourtant tellement heureux de savoir que tu vas bien... mais ai-je encore le droit d’être heureux après avoir laissé filer ce monstre ?

Je la serre un peu plus fort, étonné de la force dont je fais preuve malgré tout ce qui vient de se passer. Je ne me rappelle pas de grand-chose... mais je sais que quelque chose s’est brisé en moi après cet affrontement. Et peut-être ne suis-je pas prêt à l’affronter maintenant.
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