[FH] Notre nom est notre force (terminé)

Le temps par la fenêtre me semblait relativement clément tandis que l'hiver toucherait bientôt à sa fin. J'avais l'impression que la neige, tombant à petits flocons, était capable de soigner toutes les blessures, d'effacer tous les mauvais souvenirs, comme si, par sa seule présence, elle permettait au monde de renaître. Ce n'était pas tant le printemps que j'aimais mais bien l'hiver. Le froid, la neige, le gel, tout semblait dire « chut, repose toi, demain sera un autre jour ». Sous l'épaisse couche de poudreuse qui envahissait alors les paysages, le monde s'endormait. L'hiver était la renaissance du monde, assurément. Je ne sais pas depuis combien de temps je me perdais dans cette contemplation lorsque mon jeune frère vint frapper à la porte. L'entraînement Zélote avait du être écourter par une séance au Sénat aussi, j'étais rentrée plus tôt que prévu. Sans attendre, j'avais préparé un repas pour Elios et papa lorsqu'ils rentreraient. Justement, le petit Cydien venait de revenir de l'école Elémentaire et m'appelait timidement derrière le lourd linteau de bois. Avec un soupir, j'abandonnais ma contemplation et refermait le livre que je n'avais même pas pris la peine de lire depuis mon retour. Papa serait certainement furieux lorsqu'il l'apprendrait mais peu importait, maman n'était pas là alors à quoi bon lire ce foutu livre en Elfique dont je ne comprenais pas la moitié des mots ? Et encore, la moitié, c'était bien gentil. Je savais que c'était important de continuer à apprendre les langues mais je ne voyais pas l'intérêt de le faire sans maman. De toute façon, papa n'était jamais là pour m'aider et ça m'agaçait plus qu'autre chose ! Quoi qu'il en soit, je refermais le livre et filais vers la porte. Elios était derrière, les yeux rougis par des larmes qu'il avait séché à la hâte. Il me semblait qu'il était un peu trop poussiéreux pour que ce soit une coïncidence.

- Qu'est ce qui s'est passé ?

Le ton quelque peu cassant le surpris un peu et je le vis esquisser un mouvement de recul. Je n'étais pas vraiment des plus patientes et pas dans mes bons jours en prime si vous voyez ce que je veux dire mais pour autant, je ne devais pas m'accorder le droit de reporter ma frustration et ma colère passagères sur lui. Je lui passais la main dans les cheveux et l'entraîner vers l'étage inférieur en direction de la cuisine. Sans le brusquer, car il n'était visiblement pas prêt à me répondre, je le faisais s’asseoir et lui servait un verre de lait qu'il but goulûment. La scène ne manquait pas de charme et de tendresse pourtant je sentais comme une tension entre nous. Lorsqu'il eut finit son verre, je réitérais ma question avec douceur. Il me regarda quelques secondes avant que les larmes ne lui piquent les yeux.

- Ils ont dit que j'étais un bâtard.
- Pardon ?
- Lex et Myriam, ils ont dit que je n'étais qu'un bâtard et que je ne pourrais jamais devenir un bon Zélote.

Tu ne seras jamais Zélote, voilà ce que j'aurais aimé lui répondre mais je m'abstenais. Elios était encore à un âge où ce métier le faisait rêver et, épargnés par tout le monde du fait de notre situation, je savais que ce rêve lui tenait à cœur. Je savais aussi que tant que Liam en serait à la tête, il n'était pas question qu'il touche à mon petit frère. Fort heureusement, comme la politique l'intéressait aussi, je tentais toujours de l'encourager dans cette voie. Il était intelligent, brillant même sous certains égards et mieux valait que son intelligence serve pour la cité plutôt que pour ces brutes sans cervelles. Je passais ma main dans ses cheveux et ajoutais avec un sourire :

- Ce ne sont que deux vantards, sais-tu que Lex n'a même pas réussi à allumer un feu alors qu'il se targue de pouvoir brûler une forêt toute entière ?
- Non ?
- Si. Je t'assure ! Et Myriam n'est pas mieux, elle a arrosé son maître qui faisait une démonstration à ses élèves ! Tu n'as pas à t'inquiéter de ces deux vantards.
- Et …
- Tu n'es pas un bâtard, va dire cela à papa et il te fera toute une leçon sur notre fière généalogie. Tu es un Clari, point final.

Le sourire de mon petit frère était tout ce qu'il y avait de plus précieux pour moi. Lorsqu'il m'expliqua que Lex et Myriam l'avait poussé dans une flaque de neige boueuse, ce qui expliquait son état négligé en rentrant, je gardais un sourire aux lèvres pour le rassurer, l'embrassait et lui demandait gentiment de monter dans sa chambre finir ses devoirs. Elios était quelqu'un de doux et gentil, il s'exécuta, rassuré. Une fois sure et certaine qu'il était dans sa chambre, j'enfilais un manteau et sortais en trombe. Il ne me fallut pas longtemps pour trouver les deux imbéciles qui croyaient à tord que martyriser mon petit frère allait devenir leur nouvelle passion dans la vie. Ils riaient tellement fort de leur bêtise que cela eut le don de me mettre encore plus en colère. Je ne prenais même pas la peine de me cacher lorsque je les hélais.

- Ne touchez plus jamais à mon petit frère.
- T'as vu ça ? La frangine débarque pour protéger le bâtard, s'exclama Lex
- T'es vraiment une honte pour cette cité sale métisse, enchaîna Myriam d'un ton mauvais

Ah les joies de la jeunesse, de l'enfance et de l'adolescence. Ils étaient décidément bien bêtes. Il ne fallait jamais m'énerver, surtout quand j'étais dans une mauvaise période comme celle-la. Maman ne serait pas là pour me dire que ce que je m'apprêtais à faire était mal et papa ne dirait rien, comme toujours. D'un bond agile, je me retrouvais à leur portée. Ils n'eurent pas le temps de réagir que j'envoyais déjà mon pied entre leur deux têtes et qu'une flamme en sortait, vive, chaude et bien droite. Je reposais le pied à terre et les regardaient. Je me trouvais désormais devant eux, prête à agir. Ils faisaient moins les malins hein ? Myriam réagit plus vite que Lex, elle tira son épée de son fourreau mais je n'eus aucun mal à dévier la lame en lui attrapant le poignet d'un mouvement rapide. Ils n'étaient que des apprentis Zélotes depuis un mois, autant dire qu'ils ne savaient rien. Je n'étais pas autant avancée sur la voie que mon père mais j'avais déjà des bases solides et ça, ils le savaient. Lex ne bougea pas, Myriam jeta la lame à terre sous l'effet de la torsion du poignet que j'exerçais. La peur se lisait dans leurs yeux.

- Ne touchez plus à mon frère, compris ?

Ils déguerpirent pour toute réponse une fois que j'eus lâché Myriam. J'avais de la chance qu'ils ne soient que deux gamins écervelés et sans entraînement sinon, je ne m'en serais jamais sortie aussi facilement mais au moins, ils avaient retenus la leçon et je pouvais être certaine qu'ils n'embêteraient plus Elios. Pour sur, je pouvais être certaine aussi que Liam me tomberait dessus vu que ce cher Lex était son récent apprenti mais je m'en foutais. Qu'il apprenne à voir en moi une ennemie car c'était ce que j'étais. D'un pas décidé, je rentrais à la maison. Elios attendait au coin de la rue, ayant assisté à toute la scène. Il n'était pas en colère, n'avait pas peur, juste semblait étonné et émerveillé tout à la fois.

- Ils vont venir m'embêter demain tu sais.
- Ils ne viendront pas.
- C'est vrai qu'ils ont eu peur. Tu es tellement forte !
- Je ne le suis pas plus qu'un autre apprenti au même niveau.
- Je serais comme toi un jour ?
- Sans doutes. Je pense qu'ils ne t'embêteront plus. On rentre ?
- Pourquoi tu as fait ça Erys ?
- Parce que nous sommes des Clari.
- Et ?
- Un Clari protègent leur famille parce que c'est là notre force.

Sur ces mots, il glissa sa main dans la mienne et nous rentrâmes.

[Désengagée]

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